Torah, sciences et rationalisme : Questions, réponses
Un internaute m’a récemment contacté avec une série de questions, traitant pour la plupart de la confrontation entre la Torah d’un coté, et l’approche scientifique/rationnelle de l’autre. Ci-dessous, les questions de l’internaute et mes réponses.
1) Comment comprendre l’affirmation du Talmud1 selon laquelle les poux naissent sans fécondation (génération spontanée) ?
Il existe trois approches rabbiniques en ce qui concerne les erreurs scientifiques présentes dans le Talmud. Pour les deux premières approches, les sages ne peuvent s’être trompés, par conséquent :
a) ou il existait bel et bien une espèce de poux capable de naître de façon spontanée, espèce qui aurait de toute évidence disparue.2
b) ou les sages savaient pertinemment que les poux pondaient des œufs, et leur affirmation n’est qu’une façon de dire « cette fécondation étant invisible à l’œil nu, elle est considérée comme nulle ».3
c) Une troisième approche, rationaliste, accepte le fait que même les sages du Talmud ne possédaient pas plus de connaissances scientifiques que les grands scientifiques de leurs époques. Or, la génération spontanée était une croyance scientifiquement acceptée jusqu’au 19e siècle ! Rien d’étonnant à ce que le Talmud, rédigé au 4e siècle, y croit également4.
Personnellement, seule la troisième option me paraît convaincante.
2) Le Talmud5 affirme que le soleil passe à l’ouest du firmament, comment comprendre cela ?
Ici aussi, il y aura deux approches rabbiniques :
a) Certains verront une métaphore dans cette affirmation, qu’ils réinterpréteront en conséquence.
b) D’autres classeront cela dans la liste des probables erreurs scientifiques du Talmud, qu’ils expliqueront à la manière de Maimonide :
« Il ne faut pas exiger que tout ce qu’ils [les rabbins] ont dit au sujet de l’astronomie soit en accord avec la réalité ! Car les sciences mathématiques étaient imparfaites dans ces temps-là, et lorsqu’ils parlaient de ces choses, ce n’est pas qu’ils aient reçu là-dessus une tradition venant des prophètes, mais plutôt parce qu’eux même possédaient les connaissances scientifiques de leurs époques, ou parce qu’ils les avaient entendu des savantsde ces époques. »6
3) Pourquoi le monde ultra-orthodoxe ne suit pas l’approche rationaliste, pourtant partagée par le grand Maimonide ?
Comme je l’ai expliqué plus haut, l’approche de Maimonide n’est pas l’unique approche juive. Certains préfèrent des approches plus mystiques et cela est on ne peut plus légitime.
En général, plus une personne possédera une vaste culture profane, plus elle penchera en faveur de l’approche rationaliste, qui concile à la fois ses valeurs juives et ses connaissances profanes. Ce n’est pas un hasard si tous les grands penseurs juifs rationalistes possédaient de très hautes connaissances profanes.
4) Comment comprendre le fait que certains Rishonim croyaient que Dieu avait un corps7 ?
Je vous renvoie la question : où est-il écrit que Dieu n’a pas de corps ? À l’inverse, la Torah regorge de termes ambivalents, où il est question de « mains », « bras » et « jambes » divins, ainsi que d’un Dieu qui « voit », qui « descend »… l’homme n’est-il pas créé à l’image de Dieu ?
Nous avons l’habitude d’interpréter métaphoriquement ces expressions, en nous basant sur l’avis de Maimonide, mais d’autres Rishonim possédaient un avis différent. D’ailleurs, rien dans le Talmud ne traite de la (non) corporalité de Dieu.
S’il en est ainsi, pourquoi Maimonide a t-il fait de la non-corporalité divine l’un des treize fondements de la foi juive8 ? Tout simplement parce que selon sa conception philosophique de Dieu, ce dernier ne peut avoir de corps (Un corps est limité, or Dieu est illimité, donc Dieu n’a pas de corps). C’est d’ailleurs pour cette raison logique que la totalité du monde juif contemporain adhère à la vision maïmonidienne d’un Dieu totalement spirituel.
5) Les sages considéraient que pi correspondait à 39. Comment une t-elle erreur peut être possible ?
Là encore, je vous renvoie aux propos du Rambam en ce qui concerne les connaissances mathématiques des sages du Talmud (Guide des égarés 3:14, cité plus haut).
Cependant, il est peu probableque les sages pensaient vraiment que pi correspondait à 3, pour la simple et bonne raison que leurs voisins égyptiens et assyriens possédaient de bien meilleur approximation, bien avant l’époque talmudique.
C’est pourquoi, il me paraît probable que ce que disent les sages n’est qu’une approximation simple, destinée à calculer grossièrement les mesures, sans rentrer dans les détails. À vrai dire, il semble que les sages étaient très proches du « bon » pi. Je recommande la lecture de cet article, pour plus de détails :http://u.cs.biu.ac.il/~tsaban/Pdf/latexpi.pdf
6) La Torah croit-elle vraiment aux démons, mauvais œil, sorcières, etc…. ? Si oui, cela ne fait-il pas également de nous des idolâtres ?
Tout d’abord, croire en ces choses n’a rien à voir avec l’idolâtrie. L’idolâtrie a des règles précises, et croire aux démons ne signifie pas leur attribuer un statut divin.
Pour ce qui est de ces croyances, chacune demanderait un développement à part. Contentons nous encore une fois de préciser qu’il existe deux approches juives. Une rationaliste, qui rejette ce genre de choses, et une mystique, qui en accepte une partie.
À propos du « mauvais œil », je vous renvoie à l’article de Yona Ghertman, publié sur ce blog, qui explique cette expression en se basant sur l’approche maimonidienne.
Je vous renvoie également à mon article « le judaïsme est-il une religion rationnelle? » qui traite d’autres croyances mystiques.
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Au sujet des étranges remèdes recommandés par les sages dans le Talmud, Rav Hai Gaon écrit : « Nos sages n’étaient pas des médecins et leurs dires [a propos de la médecine] étaient basés sur leur propre expérience des maladies de leur époque. C’est pourquoi il n’existe aucun commandement nous obligeant A écouter les sages [en ce qui concerne la médecine] car ils ne parlaient que selon leurs opinions personnelles, basées sur ce qu’ils voyaient en leur temps. (Teshuvot Ha-Geonim – Harkaby, no. 394) »
Il est à noter que Rav Ovadia Yossef hésite entre les différents avis, cf. Yalkout Yossef, hilchot shabbat 2.
Un des plus célèbres Rishon à défendre la corporalité de Dieu fut le Rav Moshé Takou, un tossafiste, qui a rédigé un livre qui traite du sujet, le Ktav Tamim.
Le Riaz, petit-fils du Rid, précise que ces Rishonim ne croyaient pas que Dieu soit fait de chair et de sang, mais d’une matière plus éthérée. Sanhedrei Gedola, volume 5, section 2, p. 118.
(Une partie des références sont tirées de l’article du Rav N. Slifkin : http://www.zootorah.com/controversy/Vol7Slifkinwithletter.pdf)
9T.B Souca 7b
Dans ma petite ville de province, une des autorités religieuses est un loubavitch. Évidemment comme j’ai un niveau de limoud faible par rapport à lui, les discussions tournent vite court car il a
plusieurs citations d’avance.
Mais en lisant votre blog, cela m’inspire deux questions/remarques:
-rambam est une référence absolue pour les rationalistes (même s’il y a encore plus rationaliste que lui!) et il est une référence absolue pour « le rabbi » qui était avouons le un Talmid hakham. Je
trouve ça épatant que rationalistes et loubavitch n’aient que lui a la bouche pour justifier des choses TRÈS contradictoires…
-corollaire pour E.Bloch que je lui recopierai en bas de son article comme question : maimonide cité par les « antiracisme » et par les adeptes du tanya pour justifier les 5 ordres naturels:
minéral/végétal/animal/humain/juif…
-un phénomène juif irrationaliste que tu ne traites pas je crois sauf erreur: les histoires miraculeuses des rabbanim…guérisons et autres folies de « cabale appliquée » et de brakhot à effet
direct…quand on les met en doute ou qu’on dit su’on a pas besoin de ca pour croire, ou qu’on ose penser que des juifs sérieux peuvent les mettre en doute, on se fait presque traiter
d’apikouros…enfin, « presque » est en trop! (il parait qu’un proverbe hassidique dit que celui qui croit à toutes les histoires du besht est un « simplet » et celui qui n’en croit aucune est un
apikouros…au début j’ai cru que c’était de l’humour…)
Il semble que même des gens sérieux acceptent ces histoires de rabbins qui provoquent des miracles… (et quand je fais mon sceptique on me renvoie à…maimonide!).
Bref que penser de ces phénomène (je veux dire y a t il des textes la dessus?)
PS: par ailleurs, bien que gêné par certaines de leurs idées (tsadiqisme, mysticisme, et autres ismes) je n’ai rien contre les loulous, très accueillants et qui pratiquent un kirouv dont feraient
bien de s’inspirer les orthodoxes trop fermés sur leurs frères.
Merci pour l’esprit de cette note, que j’aime beaucoup.
Je voudrais faire part d’une reflexion que j’ai eu aujourd’hui, je la livre en l’état telle quel.
Je me disais que beaucoup de questionnements reviennent à des problèmes de double-bind. D’un côté des données d’origine scientifiques, ou rationelles, voire philosophiques modernes, de l’autre le
désir d’être fidèle à la parole des hachamim, en particulier pour les implications halachiques, c’est à dire un souci de fidélité à la Thora.
Et je me disais aussi que ça pose un problème: car autant il est juste que la pensée soit attentive aux questions, fasse preuve de lenteur et de capacité à débusquer les questions là où elles ne
sautent pas aux yeux, qu’elle sache faire preuve d’humilité c’est à dire en fait qu’elle ne se hâte pas de conclure dans un sens ou un autre pour la seule satisfaction, même cachée, de l’ego –
autant aussi elle ne gagne rien à s’exercer seulement pour débrouiller des conflits entre vieil énoncé et interrogation présente.
Nos maitres, qu’ils soient ceux du midrash ou Maimonide, ont en commun un mélange extraordinaire d’audace et de rigueur intellectuelle – ils nous enseignent, il me semble, à ne pas être
pusillanimes ou à couper les cheveux en quatre. Leurs façons de s’exprimer diffèrent radicalement, précisément parce que leur pensée est précise et puissante, mais il me semble qu’ils ont en commun
ceci: considerer que la Tora ( écrite et orale ) est une école pour la pensée ( et pour la vie ), mais certainement pas un substitut à la pensée.
Par analogie au questionnement scientifique; la pensée scientifique n’a pas pour objectif de faire rentrer les données mystérieuses de l’observation dans des cadres théoriques déjà établis, mais de
comprendre, d’adapter voire renouveller ( hidouch ) ces cadres pour leur permettre de rendre compte des données observées.
Et ce n’est pas là une question de respect ou pas des anciens: quand Einstein découvre la Relativité, il ne manque pas pour autant de respect à Newton ! Par contre il n’aurait jamais découvert la
Relativité si son principal souci avait été de faire comme Newton.
Ce qui est vrai pour la science, à plus forte raison pour divrei-Tora !
Pour le dire autrement, la Tora n’est pas un code de la route, qui aurait seulement la particularité d’être infiniment subtil. Non, mais comme l’enseignent de nombreuses fois les rabbins, nous
sommes partenaires de ha kadosh barouch hou, nous sommes responsable pour ainsi dire de la réalisation du UN de son Nom, la tora est sur terre et non aux cieux, nous marchons DEVANT lui, etc etc.
Toutes ces affirmations sont comme pour nous rappeler que nous sommes créés…. libres et que la Tora n’a pas pour intention de nous ôter cette liberté.
Voilà en gros ce que je pensais aujourd’hui et que je propose à l’état un peu brut, certainement criticable.
Puisqu’il est question ici du « corps » et que c’est un sujet qui me tient à coeur, je le prends à titre d’exemple illustratif ou d’exercice pour ce que je veux dire:
Rambam a le souci philosophique d’éliminer de la représentation de Dieu toute corporalité, pour les raisons que résume Gabriel. Ces raisons sont plus que solides et la cause parait alors entendue:
affirmer que dieu a un corps serait purement de l’hérésie.
Pourtant la notion de « corps » elle-même est pensable en tout autres termes que ceux hérités de la philosophie grecque.
Le corps humain, en tant que minuscule organisme occupant une partie de l’espace, ce n’est pas effectivement en ce sens que nous serions dmout et tselem, et il parait effectivement indigne et
inconcevable selon cette représentation que Dieu soit nanti d’une sorte de « super-corps ».
Mais qu’en est-il par exemple des paroles que nous prononçons ? Font-elles ou pas partie de notre corps ? Qu’en est-il de ce que nous entendons, que ce soit au loin sur une plage ou à côté dans une
conversation ? Cela fait-il ou pas partie de notre corps ?
Les réponses que nous pouvons apporter à ce genre de questions n’ont rien d’évident. Nous savons bien maintenant de nos jours grâce aux progrès apportés par les neuro-sciences, la psychiatrie, la
psychanalyse, mais aussi par les meilleures connaissances que nous avons des diverses techniques « chamaniques » dans le monde, qu’il n’y a rien de plus fragile que la conscience de la limitation de
l’envelloppe humaine – que presque n’importe quelle « trouble » psychologique, pathologique ou controlé, suffit à la remettre en question.
Ce sont là juste des petites idées trop hativement jettées ici, mais qui posent tout de même, il me semble, des questions.
Quand la Tora écrite parle des membres, des émotions, etc, de Dieu, est-ce qu’elle ne vient pas là aussi nous enseigner quelque chose sur la notion même de corps ? Rambam dit: il s’agit
d’homonymes. C’est une approche géniale, mais contrairement à son intention ( si telle est bien celle de Rambam )de resséparer radicalement le divin de l’humain, il se pourrait que l’homonymie
n’implique pas du tout cela, mais au contraire un mode de relation tout à fait proche et original non seulement entre l’homme et son créateur mais aussi entre l’homme et son prochain !
@ Yossef
Oui, c’est très juste. Le Rambam est récupéré par tout le monde. Parmi les juifs anglophones, cela a même donne un jeu de mots: il y a « My »-Monides (Maimonides), « Your »-Monides, « His »-Monides,
etc.
Et ce phenomene n’est pas limite au Rambam, mais d’autres grands penseurs sont reclames par des factions tres diverses. Nous avons eu recemment l’occasion de discuter, sur Cheela et sur le blog, du
cas de r. Chimchon Raphael Hirsch.
Maintenant, le Rambam ne fixe nulle part qu’il existe 5 regnes (mineral, vegetal, animal, humain et juif). Cela, c’est la position de R. Yehouda HaLevi. Le Rambam s’en tient strictement a la
position aristotelienne, et ne fait aucune distinction entre Juif et non-Juif.
Apres, on peut toujours le reinterpreter, mais c’est une autre histoire…
Un article très complet : Hazak !
Je me suis fait la même remarque que Yossef à plusieurs reprises. Je ne pense pas que la réponse « guide des égarés / Michné Torah » soit suffisante. Il y a des passages rationalistes , voir
« anti-mystiques » dans le Yad également, à plusieurs reprises. Sans même parler de la hakdama à la Michna qui n’est pas mise de côté comme le Moré.
La réponse du « révisionnisme » ne me paraît pas suffisante non plus. Pourquoi choisir précisément un auteur rationaliste pour le faire ? Je pense qu’il faut creuser davantage la question.
Les ‘Habad vont plus loin que de citer le Rambam, il est le Richon de référence chez eux. Cf. l’étude régulière du Michné-Torah.
J’étais invité ce soir à parler pour un kinouss Torah au Beth-Habad, et j’en ai profité pour poser la question au Rav (un ami). Il m’a répondu tout d’abord que le rationalisme n’est pas dérangeant,
puisque ça rentre dans le « ‘Hokhma » du « ‘HBD ». Puis, la réponse classique du Moré/le Yad. Puis encore la réponse classique selon laquelle une étude poussée montre que le Rambam était un grand
mékoubal.
Je lui ai demandé s’il n’aurait pas été plus simple de se fonder sur un autre Richon, un peu plus mystique, plutôt que d’aller jusqu’à ces explications, mais sa réponse ne m’a pas trop
convaincue.
En revanche, il m’a raconté une histoire ‘hassidique très amusante sur le Rambam :
Un jour l’auteur de plusieurs peroushim sur le Rambam monte au ciel. Lorsqu’il arrive en haut, on lui demande ce qu’il a fait de sa vie, et il répond qu’il écrivait sur les ouvrages du Rambam.On
lui dit alors : « mais tu es sûr que ce que tu a écrit est juste ? ». Il répondit : « allez demander au Rambam lui-même, il vous le dira ».
Lorsque le Rambam arriva, on lui présenta un premier ‘hidoush, il dit que ce n’était pas du tout sa kavana. Pareil pour un second, puis un troisième, etc..
AU biout d’un moment l’auteur des commentaires lui demande : « mais alors quels étaient les ‘hidoushim ? »
Et le Rambam de répondre :
« Je n’ai fait aucun ‘hidoush, j’ai juste donné le pchat »
(hamévin yavin)
Content d’avoir fait réagir Emmanuel, Yona et Gabriel dont je suis toujours avec intérêt les écrits!
Pour préciser mon propos et participer très modestement:
1. les chapitres 3 et 4 du premier tome du yad sont souvent cités comme étant de la pure mystique par les mystiques et une légitimation de tout cela (évidemment en écrivant un chapitre de
philosophie médiévale, en l’appelant « maassé merkava » et en le méttant dans un lvre de halakhot, les risques étaient grands…)
2. J’ai donc entendu mon Louba préféré me dire que Maïmonide dit qu’il s’agit d’un commandement de « connaître D ieu » et que cela correspond à une sorte d’obligation d’étudier la cabale pour Le
connaître…
3. Je suis d’accord que RamBam ne fixe pas 5 regnes, mais par exemple le baal hatanya semble vraiment tenir qu’il y a une différence « essentielle » entre juifs et non juifs, et le mouvement
loubavitch lit beaucoup rambam et trouve aussi de quoi s’appuyer la dedans…un comble?… (quelles références du rambam peut on « sortir » pour montrer que le juif et le goy sont « égaux? » (je sais
qu’on est pas sur chééla, mais tant que j’y suis…)
3bis: sur la distinction Yad/Moré, un jour, un loubavitch m’a fait tout un truc sur le fait qu’il était déconseillé voire interdit d’étudier, de trop se pencher, d’admirer la khkhma « goy »…au
point qu’il serait même interdit de lire une traduction de bible par exemple écrite par un goy(!)…Trop facile de lui dire « et rambam qui fait les éloges d’aristote alors?… » Et on m’a répondu
que c’est une part de l’enseignement sur laquelle Rambam avait regretté voire…s’était excusé! Je pense que Rambam n’est pourtant pas trop du genre à s’excuser…mais c’est ça quand on a pas assez
de connaissances, on reste « coi »
4. Quant aux histoires de miracles, je parle d’histoires de personnes reconnues par ailleurs pour leur niveau de limoud et de sérieux qui feraient ou auraient fait de la « cabbale appliquée ». Dans
le monde Hassidique il y en a légion, et y compris d’innombrables histoires avec le rabbi de loubavitch qui a « guéri » de nombreux cancers généralisés (on se croirait à Lourdes…), et on vous cite
des dates, des noms, des témoignages… Etant médecin (psychiatre mais médecin quand même) je me permets parfois d’être un peu incrédule face à ces histoires…
Et j’ai eu aussi une réponse du genre « avant de dire que tu n’y crois pas, lis donc le journal de Maïmonide » (il aurait eu une sorte de pouvoir de guérison spirituelle, une faculté de « sentir » quel
était le mal avant même que la personne ne parle, et autres joyeusetés…).
Quand j’ai dit qu’il y avait surement des gens sérieux qui n’y croiyaient peut être pas à ces « miracles du rabbi » (ou du besht ou du rambam ou d’autres rabbis hassidiques…), on m’a répondu « ce
sont des apikouros »…j’ai un peu de mal…
5.Pour info, des gnes ont essayés depuis longtemps de recenser les « miracles de lourdes » dans le monde médical. Il y aurait 67 miracles « reconnus »…je me demande si quelqu’un a fait e même travail
avec ceux du rabbi…
6. Enfin je connaissais une autre fin à la blague racontée par le Rav Ghertman: à la fin, l’auteur des commentaires s’agace et s’exclame: « depuis quand un séfarade comprend il quelque chose au
RamBam! » 😉 #autodérision
Merci pour cette réponse. J’ai le guide chez moi, hélas je ne l’ai pas lu intégralement, seulement des petits morceaux…peut être devrais je être plus méthodique au lieu de ne faire que « picorer
dans tous les livres.
Merci pour toutes ces réponses.
(Je dis juste comme ça(parce que c’est hors du sujet « direct ») que je n’ai pas lu tout le yad, très très loin de là, mais quand même les chapitres 3 et 4 sont embêtants. Ils sont présentés dans ce
livre qui se veut être des « halakhots », des lois, donc les « impératifs » de la thorah, et dans ces impératifs il y a des descriptions du monde éminemment fausses scientifiquement, et je sais que
c’est une question qui n’est pas nouvelle. Personnellement je m’en sors en me disant que si Maïmonide est « contestable » par certains (tout le monde n’est pas d’accord avec lui), alors peut être que
ces chapitres le sont…mais ça reste qqch de délicat. L’interprétation mystique semblait être aussi un moyen de s’arranger avec ça…mais rien ne nous dit par ailleurs que RamBam était intolérant
à TOUTE mystique…il y a aussi l’interprétation qui veuille que pour maïmonide l’étude de la philosophie soit une halakha…bref, aussi passionnant que complexe tout cela…étant un peu égaré, je
vais peut être me mettre au guide…)
Shavoua tov et encore merci.
De toute manière il y a une limite au rationalisme. Je pense que se qualifier de « rationaliste » (comme je le fais moi-même) signifie qu’on préfère cette voie, sans pour autant exclure les
autres.
Tout ne peut pas s’expliquer rationnellement, même le Ralbag, rationaliste s’il en est, explique la montée d’Elyahou haNavi au ciel sans tenter d’y voir un phénomène naturel comme il le fait par
ailleurs.
Le Moré est un ouvrage de Torah extraordinaire, mais certaines théories « rationalistes » n’ont pas tenu le coup face à l’Histoire. Cf. la théorie sur la casheroute / santé …
D’accord avec Yona pour dire qu’il y a une limite au rationalisme. Il serait impossible de nos jours de construire un Judaisme qui ferait completement abstraction de l’heritage mystique
multicentenaire (meme chez nous les affreux yekkes alsaciens 🙂 ). Notre tefilah, par exemple, ne ressemblerait a rien de reconnaissable.
Le Rambam a fait l’objet de reinterpretations mystiques tres creatives, notamment par Abraham Aboulafia au 13eme siecle (sur la base de calculs de gematriot a partir des mots du Moreh). Et, plus
generalement, on peut argumenter que le concept mystique classique de « Ein Sof », soit la partie cachee de Dieu, par opposition aux sefirot, correspond a la vision maimonidienne de Dieu : on ne peut
rien en dire, on ne peut le concevoir, etc.
Maimonide ne s’est bien evidemment pas converti a la mystique sur le tard (yossef, essayez de repondre la prochaine fois que le Baal HaTanya s’est repenti sur son lit de mort et a accepte la
rationalisme maimonidien extreme du Moreh, juste pour voir la reaction!); maintenant, lorsque l’on suit jusqu’au bout Maimonide dans sa critique du langage comme moyen de decrire Dieu, on arrive
tout au bout au resultat que le silence est la seule attitude acceptable. Aucun mot ne saurait decrire Dieu, donc autant se taire (לך דומיה תהילה). A partir de la, que faire selon le Rambam? Deux
lectures differentes sont possibles. La premiere revient a dire qu’il faut en revenir au monde des actions, et a abandonner la speculation metaphysique que nous mene necessairement a l’impasse. La
deuxieme, et elle se defend dans les mots du Moreh, consiste a dire qu’il est possible d’avoir un acces a Dieu par-dela le langage. Si cette deuxieme lecture est exacte, on n’est pas forcement tres
loin d’une certaine mystique…
Le fils de Maimonide, Abraham ben HaRambam, fut tres influence par la mystique soufie.
« …consiste a dire qu’il est possible d’avoir un acces a Dieu par-dela le langage ».
mais l’au-delà du langage ne nous est pas accessible… nous est encore du langage –
Wittgenstein ( le premier, du Tractatus, je connais beaucoup moins le suivant ), gloserait peut-être ( mais ce sont mes mots ): cela que nous avons reconnu comme étant au-delà des capacités du
langage à dévoiler de la vérité, et alors puisque ça ne peut pas être dit, il faut le taire, – c’est cela que nous appellons « dieu » ( évidement de façon également abusive ).
Je reviens sur cette question des « homonymes » ( elle me travaille depuis des années ), parce que là il y a vraiment quelque chose qui a à voir avec le silence – et donc ce que nous entendons (
peut-être à tord ) comme de la « mystique ».
Maimonide dit: le mot » souffrir » employé pour Dieu et pour l’homme n’ont rien de commun que d’être homonymes. L’idée est beaucoup plus originale que celle consistant à affirmer simplement que
« souffrir » en parlant de Dieu est seulement une image ou une métaphore. Ce n’est pas non plus, il me semble, une simple reprise des théologies apophatiques telle que l’on peut les retrouver dans le
christianisme ou dans certaines branches de l’hindouïsme. La reflexion de Maïmonide porte sur le langage. La suggestion que le fait que les mots soient formellement les même ( en terme moderne: le
signifiant ) n’implique pas que leur signification ( en terme moderne: signifié ) soit non seulement les même, mais plus encore soient connaissables, cela, pour le coup, est proprement
vertigineux.
Cela ne signifie pas que la parole ne communique rien, ne donne accès à aucunne vérité, mais cela signifie que nous n’avons pas moyen de savoir de quel ordre est cette vérité.
Si un homme me dit: » j’ai mal », alors je ne peux pas savoir ce que cela signifie. Tout ce que je peux savoir, c’est que je ne peux pas savoir – si je crois savoir, je me trompe, et, appliqué à
Dieu cela signifie qu’il y a quelque chose dans ma façon de savoir qui tend à l’idolatrie.
Pourtant les mots sont nécessaires, indispensables – la parole est notre part « divine ». Oui, mais à condition de savoir aussi entendre ce qu’ils ne peuvent pas dire, ce qu’ils ne peuvent pas
communiquer – leur part de silence.
Bonjour m,
Vous n’etes pas le premier a vouloir faire le lien entre la critique maimonidienne du langage et la philosophie de Ludwig Wittgenstein, qu’il s’agisse du Tractatus ou des Investigations
Philosophiques d’ailleurs. L’idee est certainement interessante!
Maintenant, il ne faut pas non plus proceder a une nouvelle reinterpretation des idees du Rambam, cette fois a la lumiere d’un systeme de pensee qui lui est posterieur de plusieurs siecles.
Maimonide niait notre capacite de parler de Dieu. Pour lui, ecrire que « Dieu est Un », ou que « Dieu existe » est necessairement faux, notre langage etant fondamentalement incapable de s’appliquer a
la description de la divinite. Cette critique est certainement radicale, mais elle ne peut pas aisement etre etendue a d’autres fonctions du langage, notamment lorsqu’il s’agit de decrire des
realites humaines. A priori en tout cas, le langage reste un bon vecteur de communication dans toute autre circonstance que la description de Dieu.
Par opposition a d’autres penseurs comme Nachmanide, qui avaient une conception ontologique du langage, pour le Rambam le langage etait purement conventionnel. Mais, meme si le sens des mots n’est
que celui admis par le consensus des humains, cela n’implique en rien l’existence de zones d’incertitudes obligatoires dans la communication interpersonnelle. Une phrase claire comme « j’ai mal »,
prononcee par un homme a l’intention d’un autre homme, transmet bien une signification. C’est en tout cas ma comprehension personnelle de Maimonide.
Sinon, l’idee d’un au-dela du langage existe bel et bien au Moyen-Age, notamment chez certains scolastiques chretiens (qui lisaient le Guide des Egares dans sa traduction latine: le Dux
Perplexorum).
Bonjour Emmanuel
j’ai d’abord crû en lisant vite votre message que j’aurais dû dire simplement en gros je suis d’accord ( ce qui aurait été bien triste ! 🙂 ) mais non ! Mais je doute que ce soit possible d’en
discuter comme ça via forum interposé, je veux dire hors de face à face. Mon accord porte seulement sur le fait que j’ai déplacé la problématique du Rambam. Oui, j’en ai bien conscience… Mais
même cela je ne suis pas tout à fait d’accord non plus, parce que la problématique du Rambam ne tombe pas du ciel, qu’on la retrouve régulièrement dans l’Histoire de la pensée chez les grecs, au
moyen-âge et encore aujourd’hui, chaque fois sous des formes à la fois semblable et différentes. Cette problématique ( les rapports du langage et de la vérité ) se posant aujourd’hui, il est juste
de se demander comment les anciens y ont répondu. Surtout quand un des anciens en question se trouve être Moshe ben Maïmon !
Pour le reste, surtout en ce qui concerne le langage entre l’homme et l’homme, alors ma question ne portait pas tant sur la capacité du langage à communiquer un certain de nombre de choses, mais
sur la place ( j’ai presque envie de dire: makom ) de l’indcible en lui, et sur la nécessité de recconaitre et de désirer faire place à cet indicible, à cet inconnaissable en lui. En fait je crois
qu’il y a dans la conception du davar hébraïque quelque chose de très très différent du logos hérité des grecs par lequel il est plus ou moins consicement traduit. La notion de « communication » du
langage est héritière de « logos », mais je pense qu’elle se formule très différement en hébreu… les lignes de clivage entre sens et nons-sens, réalité, vérité, etc sont très très différentes dans
les deux systèmes de pensée, et il se pourrait qu’une des tâches que nous ayons à relever, nous juifs d’après shoah et d’après retour, ce soit de les repenser.
Je m’arrete là parce que c’est mieux pour ici et maintenant il me semble, pour ne pas risquer de survoler trop vite.
Mais est-ce que vous pourriez me dire dans quels textes je pourrais trouver des trucs sur ce que vous appelez la « conception ontologique » du langage par le Ramban ?
Bonjour m,
Oui, vous avez raison, nous poursuivrons cette interessante discussion a une autre occasion, et sans doute par email ou sur un autre forum. C’est legerement hors sujet par rapport au post de
Gabriel de toute maniere 🙂
Pour le Ramban, le meilleur point de depart reste encore son introduction a son commentaire sur le Houmash.
A Yossef
A lire les quelques commentaires concernants les » loulous », ils peuvent paraitre comme relativement » simplets » en Thora et tres » simplet » en croyances populaires, miracles…
Je n’ ai absolument rien contre les rationalistes, si ils arrivent a retomber sur leurs pattes ,mais juste deux trois remarques,
– ce ne sont pas que des bébés qui ameraient voir le Rambam dans leur » equipe » qui insistent sur le fait que celui ci ne soit pas forcement loin de la Kabbala, de nombreux auteurs en parlent et
pour n’ en citer qu’ un le Chomer Emounim Hakadmon du rav Yossef Ergas ( il n’ etait pas loulou mais un contemporain du Beth Yossef a Tsfat, vu les eleves qu’ il a eu, j’ aimerai qu’ on puisse
imaginer que de grands hommes comme celui ci puissent etre un tant soit peu » credible » sans remettre en cause ceux qui ne veulent pas penser ce pchat.
quant a la » rumeur » du Kabaliste qui rencontra le Rambam a la fin de sa vie, je n’ ai pas verrifié mais il me semble que ce n’ est qu’ Abravanel qui en parle dans igueret hatehia ou dans une
autre lettre, a verrifier.
-le miracle dans la Hassidout n’ est pas le » pain » du am aarets comme on voudrait le croire, mais un yessod de » itgalout elokout » le Tania ( qui est un livre de limoud) affirme meme que la Midat
harahamim que HAchem a » mélé » au monde qu’ il a fondé a travers le Din ( teva), n’ est autre que » les tsadikims, et les miracles ».
Cela voudrait dire qu’ a travers une nature rigoriste et rationaliste, Hachem aurai fait preuve de misericorde envers l’ homme , qui se devoilerai a travers les tsadikims, et par les miracles.
Peut etre, que quand on frequente un de ces tsadikkims, tout devient miracle, puisque celui ci a pour vocation de devoiler D.
Deplus , Dire que D fait un miracle n’ a aucun sens puisque pour lui tout est possible, c’ est juste du cote de l’ homme qui est limité par les regles de la nature que la notion de miracle existe
ou pas.
-les loubavitchs etudient le rambam, non pas pour un sujet kabalistique mais Halahique.
Le Baal hatania affirme qu’ il existe deux mitsvots liées a l’ etude de la Thora, : le limoud , et la yedia. ( tania , perek hé)
le Rambam explique dans sa hakdama du sefer hamitsvots qu’ un de ses buts a la redaction du michne thora est qu’ on puisse passé du Houmach directement au Yad ( …exit le Chass), et qu’ il a
rassemblé toute la Thora dans le Yad.
il en ressort qu’ en comprenant le Yad ( halahot halahot dans le lachon du Rambam dans la hakdama) , on comprend la Thora, chose que si on n’ etait pas someh sur le Rambam qui en temoigne dans la
hakdama , personne ne pourrait affirmer a travers une etude de Guemara ou Choulhan arouh…
-enfin, en repetant que je n’ ai absolument rien contre les rationalistes, je pense qu’ il faut peut etre un peu modeste avant de juger ceux ci ou cela, car quelqu’ un qui a un peu etudié prendra
un peu de recul en pensaant au Rogatchover ,au Tsla,au baal Haaflaa,au avne Nezer… qui croyaient croyaient aux miracle et meme pouvaient etre soupconnés du sacrilege d’ en faire en qualité de
hassidims et admourims , avant de juger un Rabbin de communaté Loubavitch …
Bonjour,
pour approfondir la question, Moshé Idel a écrit un beau livre, traduit en français, sur le sujet : « Maïmonide et la mystique juive » (éd. du Cerf).
Quleques remarques:
– Concernant la deuxième opinion, rapportée au nom du Rav Dessler, si mes souvenirs sont bons, le Rav Sh. Z. Auerbach va dans un sens similaire… je crois que c’était à propos des tola’im (vers)
dans Sh. Ar. Y.D. 84.
– Concernant l’avis du Rambam sur l’astronomie: cette même idée que tu as cité du Moreh revient plusieurs fois (2:9, 2:19, etc.), toutefois, il semblerait que dans hilh’ot kidoush hah’odesh, chap.
29, hal. 11 (je cite toutes les sources de tête, donc il se peut que ce ne soit pas exact) le Rambam affirme, selon H’azal qu’il y avait une massoret juive concernant les étoiles – les Sages « Bnei
Issah’ar » avaient leur propre tradition. Ça n’est pas vraiment une contradiction frontale, puisqu’apparemment cette tradition a été oubliée, cependant, le Rambam semblerait donc limiter ses propos
à l’époque où cette tradition a été perdue.
– concernant la note 7: il y a trois « girsaot » dans le Ra’avad (une d’entre elles apparaissant dans le Sefer HaIkarim de Rav Yossef Elbo) – la version originale ne semble pas contenir le terme « et
meilleurs » (« vetovim »). Si tu as lu le livre de Rav Moshé Taku (publié dans Otzar Neh’mad IV, je crois, cela a été aussi publié comme ouvrage à part – c’est assez court), tu sais qu’il ne dit pas
que D’ est un corps, comme certains auraient pu le comprendre… Il dit que si D’ est Tout-Puissant, il peut s’établir dans un corps pour un moment donné, tout en restant Maître du Monde etc. et
ensuite redevenir difforme. Pour le Rambam, évidemment ceci, avant d’être de la avoda zara, n’est pas possible, puisque, comme il le définit dans le Moreh (3:8) la matière et la « tzoura »,
c’est-à-dire l’idée sont deux concepts distincts qui ne pourront jamais s’unir : « h’omer lovesh tzoura ve’poshet tzoura » – la matière se lie à un concept et se détache de celui-ci. (Je n’ai
intentionnellement pas choisi les termes aristotéliciens habituels en français, car je pense qu’ils peuvent porter à confusion).
– Concernant la discussion dans les commentaires sur le Rambam: il n’y a pas besoin d’aller chercher jusque dans les commentateurs qui voient des guematriot; la kabala parle du tzimtzoum et de
nombreux auteurs voient dans le Moreh 3:10 cette même idée, sans parler de Ma’aseh Merkava (3:1 – 3:7) où le Rambam promet de dévoiler des secrets qui ne sont pas compréhensibles à qui n’a pas
étudié; sans parler de la promesse qu’il y a dans l’introduction au Moreh: le Rambam fait jurer son disciple (lecteur?) de ne pas dévoiler les secrets qu’il dévoilera dans ce livre à qui que ce
soit…
Il y a eu deux auteurs qui ont dit que le Rambam était un grand kabaliste voilé: le Migdal Oz et le Baal Hatanya. Voilé, car il n’use pas du langage kabaliste (sefirot, etc.). Son approche
rationaliste lui aurait permis de manière intellectuelle d’expliquer ces secrets…
Le Rav H’ayim Vital, quant à lui, dans « Sha’ar Hagilgoulim », introduction 36, écrit que le Rambam était « du côté gauche et par conséquent n’a pas eu l’honneur de connaître la sagesse éclairée,
alors que le Ramban vient du côté droit et par conséquent y a eu droit, comme cela est connu ».
Le Rav A.I. Kook développe encore plus cette idée (Shemona Kvatzim 7, 84), avec une description très belle de deux auteurs et ce qui les distingue.
Une troisième approche consiste à dire qu’avec son esprit aiguisé le Rambam serait arrivé à la même conclusion que la pensée kabalistique « première » sur plusieurs points, mais qu’il n’y a dans sa
démarche rien de kabalistique.
Sam, j’adore tes commentaires très bien documentés qui mettent tout le monde d’accord à la fin 😉
Il est où ce Migdal Oz ?
Blog(fermaton.over-blog.com),No-14. THÉORÈME DE HIGGS. – Un dieu qui a le vertige ?
Dans ma petite ville de province, une des autorités religieuses est un loubavitch. Évidemment comme j’ai un niveau de limoud faible par rapport à lui, les discussions tournent vite court car il a
plusieurs citations d’avance.
Mais en lisant votre blog, cela m’inspire deux questions/remarques:
-rambam est une référence absolue pour les rationalistes (même s’il y a encore plus rationaliste que lui!) et il est une référence absolue pour « le rabbi » qui était avouons le un Talmid hakham. Je
trouve ça épatant que rationalistes et loubavitch n’aient que lui a la bouche pour justifier des choses TRÈS contradictoires…
-corollaire pour E.Bloch que je lui recopierai en bas de son article comme question : maimonide cité par les « antiracisme » et par les adeptes du tanya pour justifier les 5 ordres naturels:
minéral/végétal/animal/humain/juif…
-un phénomène juif irrationaliste que tu ne traites pas je crois sauf erreur: les histoires miraculeuses des rabbanim…guérisons et autres folies de « cabale appliquée » et de brakhot à effet
direct…quand on les met en doute ou qu’on dit su’on a pas besoin de ca pour croire, ou qu’on ose penser que des juifs sérieux peuvent les mettre en doute, on se fait presque traiter
d’apikouros…enfin, « presque » est en trop! (il parait qu’un proverbe hassidique dit que celui qui croit à toutes les histoires du besht est un « simplet » et celui qui n’en croit aucune est un
apikouros…au début j’ai cru que c’était de l’humour…)
Il semble que même des gens sérieux acceptent ces histoires de rabbins qui provoquent des miracles… (et quand je fais mon sceptique on me renvoie à…maimonide!).
Bref que penser de ces phénomène (je veux dire y a t il des textes la dessus?)
PS: par ailleurs, bien que gêné par certaines de leurs idées (tsadiqisme, mysticisme, et autres ismes) je n’ai rien contre les loulous, très accueillants et qui pratiquent un kirouv dont feraient
bien de s’inspirer les orthodoxes trop fermés sur leurs frères.
Merci pour l’esprit de cette note, que j’aime beaucoup.
Je voudrais faire part d’une reflexion que j’ai eu aujourd’hui, je la livre en l’état telle quel.
Je me disais que beaucoup de questionnements reviennent à des problèmes de double-bind. D’un côté des données d’origine scientifiques, ou rationelles, voire philosophiques modernes, de l’autre le
désir d’être fidèle à la parole des hachamim, en particulier pour les implications halachiques, c’est à dire un souci de fidélité à la Thora.
Et je me disais aussi que ça pose un problème: car autant il est juste que la pensée soit attentive aux questions, fasse preuve de lenteur et de capacité à débusquer les questions là où elles ne
sautent pas aux yeux, qu’elle sache faire preuve d’humilité c’est à dire en fait qu’elle ne se hâte pas de conclure dans un sens ou un autre pour la seule satisfaction, même cachée, de l’ego –
autant aussi elle ne gagne rien à s’exercer seulement pour débrouiller des conflits entre vieil énoncé et interrogation présente.
Nos maitres, qu’ils soient ceux du midrash ou Maimonide, ont en commun un mélange extraordinaire d’audace et de rigueur intellectuelle – ils nous enseignent, il me semble, à ne pas être
pusillanimes ou à couper les cheveux en quatre. Leurs façons de s’exprimer diffèrent radicalement, précisément parce que leur pensée est précise et puissante, mais il me semble qu’ils ont en commun
ceci: considerer que la Tora ( écrite et orale ) est une école pour la pensée ( et pour la vie ), mais certainement pas un substitut à la pensée.
Par analogie au questionnement scientifique; la pensée scientifique n’a pas pour objectif de faire rentrer les données mystérieuses de l’observation dans des cadres théoriques déjà établis, mais de
comprendre, d’adapter voire renouveller ( hidouch ) ces cadres pour leur permettre de rendre compte des données observées.
Et ce n’est pas là une question de respect ou pas des anciens: quand Einstein découvre la Relativité, il ne manque pas pour autant de respect à Newton ! Par contre il n’aurait jamais découvert la
Relativité si son principal souci avait été de faire comme Newton.
Ce qui est vrai pour la science, à plus forte raison pour divrei-Tora !
Pour le dire autrement, la Tora n’est pas un code de la route, qui aurait seulement la particularité d’être infiniment subtil. Non, mais comme l’enseignent de nombreuses fois les rabbins, nous
sommes partenaires de ha kadosh barouch hou, nous sommes responsable pour ainsi dire de la réalisation du UN de son Nom, la tora est sur terre et non aux cieux, nous marchons DEVANT lui, etc etc.
Toutes ces affirmations sont comme pour nous rappeler que nous sommes créés…. libres et que la Tora n’a pas pour intention de nous ôter cette liberté.
Voilà en gros ce que je pensais aujourd’hui et que je propose à l’état un peu brut, certainement criticable.
Puisqu’il est question ici du « corps » et que c’est un sujet qui me tient à coeur, je le prends à titre d’exemple illustratif ou d’exercice pour ce que je veux dire:
Rambam a le souci philosophique d’éliminer de la représentation de Dieu toute corporalité, pour les raisons que résume Gabriel. Ces raisons sont plus que solides et la cause parait alors entendue:
affirmer que dieu a un corps serait purement de l’hérésie.
Pourtant la notion de « corps » elle-même est pensable en tout autres termes que ceux hérités de la philosophie grecque.
Le corps humain, en tant que minuscule organisme occupant une partie de l’espace, ce n’est pas effectivement en ce sens que nous serions dmout et tselem, et il parait effectivement indigne et
inconcevable selon cette représentation que Dieu soit nanti d’une sorte de « super-corps ».
Mais qu’en est-il par exemple des paroles que nous prononçons ? Font-elles ou pas partie de notre corps ? Qu’en est-il de ce que nous entendons, que ce soit au loin sur une plage ou à côté dans une
conversation ? Cela fait-il ou pas partie de notre corps ?
Les réponses que nous pouvons apporter à ce genre de questions n’ont rien d’évident. Nous savons bien maintenant de nos jours grâce aux progrès apportés par les neuro-sciences, la psychiatrie, la
psychanalyse, mais aussi par les meilleures connaissances que nous avons des diverses techniques « chamaniques » dans le monde, qu’il n’y a rien de plus fragile que la conscience de la limitation de
l’envelloppe humaine – que presque n’importe quelle « trouble » psychologique, pathologique ou controlé, suffit à la remettre en question.
Ce sont là juste des petites idées trop hativement jettées ici, mais qui posent tout de même, il me semble, des questions.
Quand la Tora écrite parle des membres, des émotions, etc, de Dieu, est-ce qu’elle ne vient pas là aussi nous enseigner quelque chose sur la notion même de corps ? Rambam dit: il s’agit
d’homonymes. C’est une approche géniale, mais contrairement à son intention ( si telle est bien celle de Rambam )de resséparer radicalement le divin de l’humain, il se pourrait que l’homonymie
n’implique pas du tout cela, mais au contraire un mode de relation tout à fait proche et original non seulement entre l’homme et son créateur mais aussi entre l’homme et son prochain !
@ Yossef
Oui, c’est très juste. Le Rambam est récupéré par tout le monde. Parmi les juifs anglophones, cela a même donne un jeu de mots: il y a « My »-Monides (Maimonides), « Your »-Monides, « His »-Monides,
etc.
Et ce phenomene n’est pas limite au Rambam, mais d’autres grands penseurs sont reclames par des factions tres diverses. Nous avons eu recemment l’occasion de discuter, sur Cheela et sur le blog, du
cas de r. Chimchon Raphael Hirsch.
Maintenant, le Rambam ne fixe nulle part qu’il existe 5 regnes (mineral, vegetal, animal, humain et juif). Cela, c’est la position de R. Yehouda HaLevi. Le Rambam s’en tient strictement a la
position aristotelienne, et ne fait aucune distinction entre Juif et non-Juif.
Apres, on peut toujours le reinterpreter, mais c’est une autre histoire…
Un article très complet : Hazak !
Je me suis fait la même remarque que Yossef à plusieurs reprises. Je ne pense pas que la réponse « guide des égarés / Michné Torah » soit suffisante. Il y a des passages rationalistes , voir
« anti-mystiques » dans le Yad également, à plusieurs reprises. Sans même parler de la hakdama à la Michna qui n’est pas mise de côté comme le Moré.
La réponse du « révisionnisme » ne me paraît pas suffisante non plus. Pourquoi choisir précisément un auteur rationaliste pour le faire ? Je pense qu’il faut creuser davantage la question.
Les ‘Habad vont plus loin que de citer le Rambam, il est le Richon de référence chez eux. Cf. l’étude régulière du Michné-Torah.
J’étais invité ce soir à parler pour un kinouss Torah au Beth-Habad, et j’en ai profité pour poser la question au Rav (un ami). Il m’a répondu tout d’abord que le rationalisme n’est pas dérangeant,
puisque ça rentre dans le « ‘Hokhma » du « ‘HBD ». Puis, la réponse classique du Moré/le Yad. Puis encore la réponse classique selon laquelle une étude poussée montre que le Rambam était un grand
mékoubal.
Je lui ai demandé s’il n’aurait pas été plus simple de se fonder sur un autre Richon, un peu plus mystique, plutôt que d’aller jusqu’à ces explications, mais sa réponse ne m’a pas trop
convaincue.
En revanche, il m’a raconté une histoire ‘hassidique très amusante sur le Rambam :
Un jour l’auteur de plusieurs peroushim sur le Rambam monte au ciel. Lorsqu’il arrive en haut, on lui demande ce qu’il a fait de sa vie, et il répond qu’il écrivait sur les ouvrages du Rambam.On
lui dit alors : « mais tu es sûr que ce que tu a écrit est juste ? ». Il répondit : « allez demander au Rambam lui-même, il vous le dira ».
Lorsque le Rambam arriva, on lui présenta un premier ‘hidoush, il dit que ce n’était pas du tout sa kavana. Pareil pour un second, puis un troisième, etc..
AU biout d’un moment l’auteur des commentaires lui demande : « mais alors quels étaient les ‘hidoushim ? »
Et le Rambam de répondre :
« Je n’ai fait aucun ‘hidoush, j’ai juste donné le pchat »
(hamévin yavin)
Content d’avoir fait réagir Emmanuel, Yona et Gabriel dont je suis toujours avec intérêt les écrits!
Pour préciser mon propos et participer très modestement:
1. les chapitres 3 et 4 du premier tome du yad sont souvent cités comme étant de la pure mystique par les mystiques et une légitimation de tout cela (évidemment en écrivant un chapitre de
philosophie médiévale, en l’appelant « maassé merkava » et en le méttant dans un lvre de halakhot, les risques étaient grands…)
2. J’ai donc entendu mon Louba préféré me dire que Maïmonide dit qu’il s’agit d’un commandement de « connaître D ieu » et que cela correspond à une sorte d’obligation d’étudier la cabale pour Le
connaître…
3. Je suis d’accord que RamBam ne fixe pas 5 regnes, mais par exemple le baal hatanya semble vraiment tenir qu’il y a une différence « essentielle » entre juifs et non juifs, et le mouvement
loubavitch lit beaucoup rambam et trouve aussi de quoi s’appuyer la dedans…un comble?… (quelles références du rambam peut on « sortir » pour montrer que le juif et le goy sont « égaux? » (je sais
qu’on est pas sur chééla, mais tant que j’y suis…)
3bis: sur la distinction Yad/Moré, un jour, un loubavitch m’a fait tout un truc sur le fait qu’il était déconseillé voire interdit d’étudier, de trop se pencher, d’admirer la khkhma « goy »…au
point qu’il serait même interdit de lire une traduction de bible par exemple écrite par un goy(!)…Trop facile de lui dire « et rambam qui fait les éloges d’aristote alors?… » Et on m’a répondu
que c’est une part de l’enseignement sur laquelle Rambam avait regretté voire…s’était excusé! Je pense que Rambam n’est pourtant pas trop du genre à s’excuser…mais c’est ça quand on a pas assez
de connaissances, on reste « coi »
4. Quant aux histoires de miracles, je parle d’histoires de personnes reconnues par ailleurs pour leur niveau de limoud et de sérieux qui feraient ou auraient fait de la « cabbale appliquée ». Dans
le monde Hassidique il y en a légion, et y compris d’innombrables histoires avec le rabbi de loubavitch qui a « guéri » de nombreux cancers généralisés (on se croirait à Lourdes…), et on vous cite
des dates, des noms, des témoignages… Etant médecin (psychiatre mais médecin quand même) je me permets parfois d’être un peu incrédule face à ces histoires…
Et j’ai eu aussi une réponse du genre « avant de dire que tu n’y crois pas, lis donc le journal de Maïmonide » (il aurait eu une sorte de pouvoir de guérison spirituelle, une faculté de « sentir » quel
était le mal avant même que la personne ne parle, et autres joyeusetés…).
Quand j’ai dit qu’il y avait surement des gens sérieux qui n’y croiyaient peut être pas à ces « miracles du rabbi » (ou du besht ou du rambam ou d’autres rabbis hassidiques…), on m’a répondu « ce
sont des apikouros »…j’ai un peu de mal…
5.Pour info, des gnes ont essayés depuis longtemps de recenser les « miracles de lourdes » dans le monde médical. Il y aurait 67 miracles « reconnus »…je me demande si quelqu’un a fait e même travail
avec ceux du rabbi…
6. Enfin je connaissais une autre fin à la blague racontée par le Rav Ghertman: à la fin, l’auteur des commentaires s’agace et s’exclame: « depuis quand un séfarade comprend il quelque chose au
RamBam! » 😉 #autodérision
Merci pour cette réponse. J’ai le guide chez moi, hélas je ne l’ai pas lu intégralement, seulement des petits morceaux…peut être devrais je être plus méthodique au lieu de ne faire que « picorer
dans tous les livres.
Merci pour toutes ces réponses.
(Je dis juste comme ça(parce que c’est hors du sujet « direct ») que je n’ai pas lu tout le yad, très très loin de là, mais quand même les chapitres 3 et 4 sont embêtants. Ils sont présentés dans ce
livre qui se veut être des « halakhots », des lois, donc les « impératifs » de la thorah, et dans ces impératifs il y a des descriptions du monde éminemment fausses scientifiquement, et je sais que
c’est une question qui n’est pas nouvelle. Personnellement je m’en sors en me disant que si Maïmonide est « contestable » par certains (tout le monde n’est pas d’accord avec lui), alors peut être que
ces chapitres le sont…mais ça reste qqch de délicat. L’interprétation mystique semblait être aussi un moyen de s’arranger avec ça…mais rien ne nous dit par ailleurs que RamBam était intolérant
à TOUTE mystique…il y a aussi l’interprétation qui veuille que pour maïmonide l’étude de la philosophie soit une halakha…bref, aussi passionnant que complexe tout cela…étant un peu égaré, je
vais peut être me mettre au guide…)
Shavoua tov et encore merci.
De toute manière il y a une limite au rationalisme. Je pense que se qualifier de « rationaliste » (comme je le fais moi-même) signifie qu’on préfère cette voie, sans pour autant exclure les
autres.
Tout ne peut pas s’expliquer rationnellement, même le Ralbag, rationaliste s’il en est, explique la montée d’Elyahou haNavi au ciel sans tenter d’y voir un phénomène naturel comme il le fait par
ailleurs.
Le Moré est un ouvrage de Torah extraordinaire, mais certaines théories « rationalistes » n’ont pas tenu le coup face à l’Histoire. Cf. la théorie sur la casheroute / santé …
D’accord avec Yona pour dire qu’il y a une limite au rationalisme. Il serait impossible de nos jours de construire un Judaisme qui ferait completement abstraction de l’heritage mystique
multicentenaire (meme chez nous les affreux yekkes alsaciens 🙂 ). Notre tefilah, par exemple, ne ressemblerait a rien de reconnaissable.
Le Rambam a fait l’objet de reinterpretations mystiques tres creatives, notamment par Abraham Aboulafia au 13eme siecle (sur la base de calculs de gematriot a partir des mots du Moreh). Et, plus
generalement, on peut argumenter que le concept mystique classique de « Ein Sof », soit la partie cachee de Dieu, par opposition aux sefirot, correspond a la vision maimonidienne de Dieu : on ne peut
rien en dire, on ne peut le concevoir, etc.
Maimonide ne s’est bien evidemment pas converti a la mystique sur le tard (yossef, essayez de repondre la prochaine fois que le Baal HaTanya s’est repenti sur son lit de mort et a accepte la
rationalisme maimonidien extreme du Moreh, juste pour voir la reaction!); maintenant, lorsque l’on suit jusqu’au bout Maimonide dans sa critique du langage comme moyen de decrire Dieu, on arrive
tout au bout au resultat que le silence est la seule attitude acceptable. Aucun mot ne saurait decrire Dieu, donc autant se taire (לך דומיה תהילה). A partir de la, que faire selon le Rambam? Deux
lectures differentes sont possibles. La premiere revient a dire qu’il faut en revenir au monde des actions, et a abandonner la speculation metaphysique que nous mene necessairement a l’impasse. La
deuxieme, et elle se defend dans les mots du Moreh, consiste a dire qu’il est possible d’avoir un acces a Dieu par-dela le langage. Si cette deuxieme lecture est exacte, on n’est pas forcement tres
loin d’une certaine mystique…
Le fils de Maimonide, Abraham ben HaRambam, fut tres influence par la mystique soufie.
« …consiste a dire qu’il est possible d’avoir un acces a Dieu par-dela le langage ».
mais l’au-delà du langage ne nous est pas accessible… nous est encore du langage –
Wittgenstein ( le premier, du Tractatus, je connais beaucoup moins le suivant ), gloserait peut-être ( mais ce sont mes mots ): cela que nous avons reconnu comme étant au-delà des capacités du
langage à dévoiler de la vérité, et alors puisque ça ne peut pas être dit, il faut le taire, – c’est cela que nous appellons « dieu » ( évidement de façon également abusive ).
Je reviens sur cette question des « homonymes » ( elle me travaille depuis des années ), parce que là il y a vraiment quelque chose qui a à voir avec le silence – et donc ce que nous entendons (
peut-être à tord ) comme de la « mystique ».
Maimonide dit: le mot » souffrir » employé pour Dieu et pour l’homme n’ont rien de commun que d’être homonymes. L’idée est beaucoup plus originale que celle consistant à affirmer simplement que
« souffrir » en parlant de Dieu est seulement une image ou une métaphore. Ce n’est pas non plus, il me semble, une simple reprise des théologies apophatiques telle que l’on peut les retrouver dans le
christianisme ou dans certaines branches de l’hindouïsme. La reflexion de Maïmonide porte sur le langage. La suggestion que le fait que les mots soient formellement les même ( en terme moderne: le
signifiant ) n’implique pas que leur signification ( en terme moderne: signifié ) soit non seulement les même, mais plus encore soient connaissables, cela, pour le coup, est proprement
vertigineux.
Cela ne signifie pas que la parole ne communique rien, ne donne accès à aucunne vérité, mais cela signifie que nous n’avons pas moyen de savoir de quel ordre est cette vérité.
Si un homme me dit: » j’ai mal », alors je ne peux pas savoir ce que cela signifie. Tout ce que je peux savoir, c’est que je ne peux pas savoir – si je crois savoir, je me trompe, et, appliqué à
Dieu cela signifie qu’il y a quelque chose dans ma façon de savoir qui tend à l’idolatrie.
Pourtant les mots sont nécessaires, indispensables – la parole est notre part « divine ». Oui, mais à condition de savoir aussi entendre ce qu’ils ne peuvent pas dire, ce qu’ils ne peuvent pas
communiquer – leur part de silence.
Bonjour m,
Vous n’etes pas le premier a vouloir faire le lien entre la critique maimonidienne du langage et la philosophie de Ludwig Wittgenstein, qu’il s’agisse du Tractatus ou des Investigations
Philosophiques d’ailleurs. L’idee est certainement interessante!
Maintenant, il ne faut pas non plus proceder a une nouvelle reinterpretation des idees du Rambam, cette fois a la lumiere d’un systeme de pensee qui lui est posterieur de plusieurs siecles.
Maimonide niait notre capacite de parler de Dieu. Pour lui, ecrire que « Dieu est Un », ou que « Dieu existe » est necessairement faux, notre langage etant fondamentalement incapable de s’appliquer a
la description de la divinite. Cette critique est certainement radicale, mais elle ne peut pas aisement etre etendue a d’autres fonctions du langage, notamment lorsqu’il s’agit de decrire des
realites humaines. A priori en tout cas, le langage reste un bon vecteur de communication dans toute autre circonstance que la description de Dieu.
Par opposition a d’autres penseurs comme Nachmanide, qui avaient une conception ontologique du langage, pour le Rambam le langage etait purement conventionnel. Mais, meme si le sens des mots n’est
que celui admis par le consensus des humains, cela n’implique en rien l’existence de zones d’incertitudes obligatoires dans la communication interpersonnelle. Une phrase claire comme « j’ai mal »,
prononcee par un homme a l’intention d’un autre homme, transmet bien une signification. C’est en tout cas ma comprehension personnelle de Maimonide.
Sinon, l’idee d’un au-dela du langage existe bel et bien au Moyen-Age, notamment chez certains scolastiques chretiens (qui lisaient le Guide des Egares dans sa traduction latine: le Dux
Perplexorum).
Bonjour Emmanuel
j’ai d’abord crû en lisant vite votre message que j’aurais dû dire simplement en gros je suis d’accord ( ce qui aurait été bien triste ! 🙂 ) mais non ! Mais je doute que ce soit possible d’en
discuter comme ça via forum interposé, je veux dire hors de face à face. Mon accord porte seulement sur le fait que j’ai déplacé la problématique du Rambam. Oui, j’en ai bien conscience… Mais
même cela je ne suis pas tout à fait d’accord non plus, parce que la problématique du Rambam ne tombe pas du ciel, qu’on la retrouve régulièrement dans l’Histoire de la pensée chez les grecs, au
moyen-âge et encore aujourd’hui, chaque fois sous des formes à la fois semblable et différentes. Cette problématique ( les rapports du langage et de la vérité ) se posant aujourd’hui, il est juste
de se demander comment les anciens y ont répondu. Surtout quand un des anciens en question se trouve être Moshe ben Maïmon !
Pour le reste, surtout en ce qui concerne le langage entre l’homme et l’homme, alors ma question ne portait pas tant sur la capacité du langage à communiquer un certain de nombre de choses, mais
sur la place ( j’ai presque envie de dire: makom ) de l’indcible en lui, et sur la nécessité de recconaitre et de désirer faire place à cet indicible, à cet inconnaissable en lui. En fait je crois
qu’il y a dans la conception du davar hébraïque quelque chose de très très différent du logos hérité des grecs par lequel il est plus ou moins consicement traduit. La notion de « communication » du
langage est héritière de « logos », mais je pense qu’elle se formule très différement en hébreu… les lignes de clivage entre sens et nons-sens, réalité, vérité, etc sont très très différentes dans
les deux systèmes de pensée, et il se pourrait qu’une des tâches que nous ayons à relever, nous juifs d’après shoah et d’après retour, ce soit de les repenser.
Je m’arrete là parce que c’est mieux pour ici et maintenant il me semble, pour ne pas risquer de survoler trop vite.
Mais est-ce que vous pourriez me dire dans quels textes je pourrais trouver des trucs sur ce que vous appelez la « conception ontologique » du langage par le Ramban ?
Bonjour m,
Oui, vous avez raison, nous poursuivrons cette interessante discussion a une autre occasion, et sans doute par email ou sur un autre forum. C’est legerement hors sujet par rapport au post de
Gabriel de toute maniere 🙂
Pour le Ramban, le meilleur point de depart reste encore son introduction a son commentaire sur le Houmash.
A Yossef
A lire les quelques commentaires concernants les » loulous », ils peuvent paraitre comme relativement » simplets » en Thora et tres » simplet » en croyances populaires, miracles…
Je n’ ai absolument rien contre les rationalistes, si ils arrivent a retomber sur leurs pattes ,mais juste deux trois remarques,
– ce ne sont pas que des bébés qui ameraient voir le Rambam dans leur » equipe » qui insistent sur le fait que celui ci ne soit pas forcement loin de la Kabbala, de nombreux auteurs en parlent et
pour n’ en citer qu’ un le Chomer Emounim Hakadmon du rav Yossef Ergas ( il n’ etait pas loulou mais un contemporain du Beth Yossef a Tsfat, vu les eleves qu’ il a eu, j’ aimerai qu’ on puisse
imaginer que de grands hommes comme celui ci puissent etre un tant soit peu » credible » sans remettre en cause ceux qui ne veulent pas penser ce pchat.
quant a la » rumeur » du Kabaliste qui rencontra le Rambam a la fin de sa vie, je n’ ai pas verrifié mais il me semble que ce n’ est qu’ Abravanel qui en parle dans igueret hatehia ou dans une
autre lettre, a verrifier.
-le miracle dans la Hassidout n’ est pas le » pain » du am aarets comme on voudrait le croire, mais un yessod de » itgalout elokout » le Tania ( qui est un livre de limoud) affirme meme que la Midat
harahamim que HAchem a » mélé » au monde qu’ il a fondé a travers le Din ( teva), n’ est autre que » les tsadikims, et les miracles ».
Cela voudrait dire qu’ a travers une nature rigoriste et rationaliste, Hachem aurai fait preuve de misericorde envers l’ homme , qui se devoilerai a travers les tsadikims, et par les miracles.
Peut etre, que quand on frequente un de ces tsadikkims, tout devient miracle, puisque celui ci a pour vocation de devoiler D.
Deplus , Dire que D fait un miracle n’ a aucun sens puisque pour lui tout est possible, c’ est juste du cote de l’ homme qui est limité par les regles de la nature que la notion de miracle existe
ou pas.
-les loubavitchs etudient le rambam, non pas pour un sujet kabalistique mais Halahique.
Le Baal hatania affirme qu’ il existe deux mitsvots liées a l’ etude de la Thora, : le limoud , et la yedia. ( tania , perek hé)
le Rambam explique dans sa hakdama du sefer hamitsvots qu’ un de ses buts a la redaction du michne thora est qu’ on puisse passé du Houmach directement au Yad ( …exit le Chass), et qu’ il a
rassemblé toute la Thora dans le Yad.
il en ressort qu’ en comprenant le Yad ( halahot halahot dans le lachon du Rambam dans la hakdama) , on comprend la Thora, chose que si on n’ etait pas someh sur le Rambam qui en temoigne dans la
hakdama , personne ne pourrait affirmer a travers une etude de Guemara ou Choulhan arouh…
-enfin, en repetant que je n’ ai absolument rien contre les rationalistes, je pense qu’ il faut peut etre un peu modeste avant de juger ceux ci ou cela, car quelqu’ un qui a un peu etudié prendra
un peu de recul en pensaant au Rogatchover ,au Tsla,au baal Haaflaa,au avne Nezer… qui croyaient croyaient aux miracle et meme pouvaient etre soupconnés du sacrilege d’ en faire en qualité de
hassidims et admourims , avant de juger un Rabbin de communaté Loubavitch …
Bonjour,
pour approfondir la question, Moshé Idel a écrit un beau livre, traduit en français, sur le sujet : « Maïmonide et la mystique juive » (éd. du Cerf).
Quleques remarques:
– Concernant la deuxième opinion, rapportée au nom du Rav Dessler, si mes souvenirs sont bons, le Rav Sh. Z. Auerbach va dans un sens similaire… je crois que c’était à propos des tola’im (vers)
dans Sh. Ar. Y.D. 84.
– Concernant l’avis du Rambam sur l’astronomie: cette même idée que tu as cité du Moreh revient plusieurs fois (2:9, 2:19, etc.), toutefois, il semblerait que dans hilh’ot kidoush hah’odesh, chap.
29, hal. 11 (je cite toutes les sources de tête, donc il se peut que ce ne soit pas exact) le Rambam affirme, selon H’azal qu’il y avait une massoret juive concernant les étoiles – les Sages « Bnei
Issah’ar » avaient leur propre tradition. Ça n’est pas vraiment une contradiction frontale, puisqu’apparemment cette tradition a été oubliée, cependant, le Rambam semblerait donc limiter ses propos
à l’époque où cette tradition a été perdue.
– concernant la note 7: il y a trois « girsaot » dans le Ra’avad (une d’entre elles apparaissant dans le Sefer HaIkarim de Rav Yossef Elbo) – la version originale ne semble pas contenir le terme « et
meilleurs » (« vetovim »). Si tu as lu le livre de Rav Moshé Taku (publié dans Otzar Neh’mad IV, je crois, cela a été aussi publié comme ouvrage à part – c’est assez court), tu sais qu’il ne dit pas
que D’ est un corps, comme certains auraient pu le comprendre… Il dit que si D’ est Tout-Puissant, il peut s’établir dans un corps pour un moment donné, tout en restant Maître du Monde etc. et
ensuite redevenir difforme. Pour le Rambam, évidemment ceci, avant d’être de la avoda zara, n’est pas possible, puisque, comme il le définit dans le Moreh (3:8) la matière et la « tzoura »,
c’est-à-dire l’idée sont deux concepts distincts qui ne pourront jamais s’unir : « h’omer lovesh tzoura ve’poshet tzoura » – la matière se lie à un concept et se détache de celui-ci. (Je n’ai
intentionnellement pas choisi les termes aristotéliciens habituels en français, car je pense qu’ils peuvent porter à confusion).
– Concernant la discussion dans les commentaires sur le Rambam: il n’y a pas besoin d’aller chercher jusque dans les commentateurs qui voient des guematriot; la kabala parle du tzimtzoum et de
nombreux auteurs voient dans le Moreh 3:10 cette même idée, sans parler de Ma’aseh Merkava (3:1 – 3:7) où le Rambam promet de dévoiler des secrets qui ne sont pas compréhensibles à qui n’a pas
étudié; sans parler de la promesse qu’il y a dans l’introduction au Moreh: le Rambam fait jurer son disciple (lecteur?) de ne pas dévoiler les secrets qu’il dévoilera dans ce livre à qui que ce
soit…
Il y a eu deux auteurs qui ont dit que le Rambam était un grand kabaliste voilé: le Migdal Oz et le Baal Hatanya. Voilé, car il n’use pas du langage kabaliste (sefirot, etc.). Son approche
rationaliste lui aurait permis de manière intellectuelle d’expliquer ces secrets…
Le Rav H’ayim Vital, quant à lui, dans « Sha’ar Hagilgoulim », introduction 36, écrit que le Rambam était « du côté gauche et par conséquent n’a pas eu l’honneur de connaître la sagesse éclairée,
alors que le Ramban vient du côté droit et par conséquent y a eu droit, comme cela est connu ».
Le Rav A.I. Kook développe encore plus cette idée (Shemona Kvatzim 7, 84), avec une description très belle de deux auteurs et ce qui les distingue.
Une troisième approche consiste à dire qu’avec son esprit aiguisé le Rambam serait arrivé à la même conclusion que la pensée kabalistique « première » sur plusieurs points, mais qu’il n’y a dans sa
démarche rien de kabalistique.
Sam, j’adore tes commentaires très bien documentés qui mettent tout le monde d’accord à la fin 😉
Il est où ce Migdal Oz ?