Science et Torah, un mariage est-il possible ?

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crédit photo : FlyingSinger

Ce billet est le deuxième volet d’une longue réflexion sur la question de l’Age de l’Univers dans la Torah ; certaines parties plus techniques (la fin de la partie A et la courte partie B) sont provisoirement laissées de côté à ce stade, mais l’article au complet sera publié sur le Blog dans environ 2 semaines.

C. Science et Torah s’accordent parfaitement.

Notre troisième approche diffère des deux précédentes sur un point fondamental : le conflit entre Science et Torah est perçu ici comme illusoire. Les tenants de cette approche cherchent à lire le texte de Bereichit dans une tentative de transcender la littéralité de ses premiers horizons herméneutiques. Pour ceux qui savent dépasser les limites apparentes du texte, la réconciliation entre les deux rivales (Torah et Science) semble loin d’être impossible.

Notre troisième approche se décline en un certain nombre de variantes que nous allons maintenant examiner. Ces variantes divergent sur un certain nombre de points non négligeables, mais elles s’accordent toutes sur la nécessite d’une réinterprétation créative du début de la Genèse. Ici aussi, chaque approche a ses avantages et ses inconvénients.

Variante 1 : un monde vieux – pour faire semblant.

Un argument parfois soutenu est que l’Univers a été créé par Dieu il y a un peu moins de 6’000 ans avec les apparences d’être beaucoup plus ancien. En d’autres termes, Dieu aurait créé un Univers « adulte » : la parole divine aurait fait surgir le monde entier à un moment donné du temps, mais lui aurait conféré, en trompe-l’œil seulement, l’apparence d’un Univers vieux de plusieurs milliards d’années.

L’idée d’un jeune Univers qui n’aurait que les apparences d’être ancien est parfois citée avec approbation par certains auteurs juifs orthodoxes. Mais son origine est à trouver chez un auteur chrétien, le pasteur protestant Phillip Henry Gosse, qui publia en 1857 un livre intitulé « Omphalos » (note 1). Le titre du livre provient du mot grec signifiant « nombril », car un débat, dans les cercles chrétiens du 19eme siècle, portait sur la question de savoir si les deux premiers êtres humains, Adam et Eve, disposaient ou non de cette partie de l’anatomie : en effet, ils avaient été créés complètement adultes, comme le reste du monde autour d’eux, et ne portaient donc pas forcément la marque d’une naissance qu’ils n’avaient jamais vécue.

La proposition de Gosse a pour elle de permettre de maintenir une lecture « naturelle » des versets de la Torah, tout en acceptant comme absolument vraies les nombreuses découvertes de la Science ; la recherche scientifique n’est pas futile ni ses méthodes erronées, car l’Univers est à un stade de développement qui reflète effectivement l’effet des lois de la nature. De plus, un texte talmudique semble aller dans le même sens :

כל מעשה בראשית בקומתן נבראו (ראש השנה דף יא עמוד א, חולין דף ס עמוד א).

Tout l’Univers a été créé dans sa forme finale (Bavli, Roch HaChana 11a, ‘Houlin 60a).

Toutefois les problèmes soulevés par cette explication sont très nombreux. En premier lieu, l’explication peut en théorie justifier n’importe quel âge pour l’Univers ; même une religion qui affirmerait, par exemple, que le monde a été créé il y a 10 minutes pourrait s’en servir ! Cet « excès de force » est en réalité une faiblesse : à force de pouvoir tout expliquer, l’approche perd de sa pertinence.

Deuxièmement, l’idée d’un Univers ancien en trompe-l’œil ne peut être réconciliée avec certains thèmes classiques de la pensée juive à travers les âges ; par exemple, l’idée que la marque de Dieu est la Vérité (note 2) s’oppose à toute suggestion d’une divinité qui tromperait ses Creatures, d’une manière ou d’une autre. Et les autorités rabbiniques ont d’ailleurs très souvent insisté sur le fait que la contemplation du monde qui nous entoure est une manière de prendre conscience de l’existence d’une volonté transcendante et de s’y relier spirituellement (note 3). Or, la Nature ne peut prétendre être un chemin vers Dieu si elle n’est finalement qu’une illusion.

Troisièmement, un examen consciencieux du texte talmudique cité ci-dessus révèle qu’il ne saurait en aucun cas être utilisé comme preuve. Pour le comprendre, il nous faut mentalement distinguer ici entre deux concepts distincts, que nous nommerons « l’Univers Adulte » et « l’Univers Ancien ». La première expression veut designer le cas de figure d’un monde dans lequel tous ses éléments auraient été créés directement par Dieu dans leur état final – des arbres, des animaux, des hommes « adultes », prêts à porter des fruits ou à se reproduire ; à l’opposé, la deuxième expression fait référence au cas hypothétique d’un monde qui aurait été créé avec les traces d’un passé qui n’a jamais vraiment existé.

Dans un Univers Adulte, on trouve Adam et Eve, les animaux et les plantes, etc., dans leur forme finale, mais sans les marques des processus qui auraient permis de les former ; dans un Univers Ancien, en revanche, ces traces sont présentes. Autrement dit, dans un Univers Adulte, Adam et Eve ont commencé leurs existence dans un monde vierge ; dans un Univers Adulte, les premiers hommes furent créés avec une histoire.

Très prosaïquement : Adam, au matin de sa création, devait-il laver la vaisselle du repas de la veille (qu’il n’avait jamais pris) ? Devait-il jeter les poubelles, s’occuper de ses enfants en bas âge ou de ses parents âgés ? A-t-il été créé avec les souvenirs d’une enfance qu’il n’avait jamais vécue ? Et ainsi de suite. La réponse, dans le cas d’un Univers Adulte, est négative, alors qu’elle est positive dans le cas d’un Univers Ancien.

Or, il est assez aisé de démontrer que les textes talmudiques peuvent prêter appui à l’idée d’un Univers Adulte, mais certainement pas à celle d’un Univers Ancien. En effet, le problème immédiat des Sages était de justifier l’expression « פרי עץ » (arbre fruitier) utilisé dans la Genèse, et donc d’expliquer comment un arbre nouvellement formé était capable de porter des fruits ; leur réponse fut d’affirmer que les arbres furent créés adultes (note 4). Or, dans un Univers Ancien, certains des arbres sont aussi créés à l’état immature, en tant qu’arbrisseaux ; d’autres sont créés vieux, pourris, malades, ou déjà morts et en putréfaction, car ces états font tous partie de la nature. Ce n’est clairement pas le cas de figure envisagé par le Talmud.

L’Univers Adulte est une théorie insuffisante pour résoudre le problème qui nous occupe ici ; en effet, la Science a découvert de très nombreuses traces du passé, comme par exemple des fossiles d’espèces animales disparues depuis des millions d’années (dinosaures, …) ; nous percevons dans nos télescopes la lumière émise par des étoiles depuis longtemps disparues, parfois de manière brutale (supernovæ, …) ; et, comme le relevait l’astrophysicien Hubert Reeves, nous sommes tous les enfants des étoiles, car la vie s’est construite sur la base des atomes complexes nés dans le cœur en fusion des premières générations d’Etoiles, éteintes depuis des milliards d’années (note 5).

Toutes ces manifestations naturelles que la Science constate, et d’autres encore, sont inexplicables dans une optique d’Univers Adulte, la seule défendable sur la base de nos textes traditionnels ; il faut invoquer un Univers Ancien pour en rendre compte, mais le Talmud ne fournit à une telle théorie aucun soutien textuel.

En conclusion, cette première variante doit être rejetée, du fait des complexités et des incohérences qu’elle soulève.

Variante 2 : les mondes engloutis (note 6).

Cette approche suggère qu’existaient, avant les processus décrits dans le récit de la Genèse, d’autres mondes entretemps détruits par Dieu, et dont la Science ne fait en réalité que percevoir les traces résiduelles.

C’est la thèse défendue au 19eme siècle, par exemple, par le rav Yisrael Lifshitz (surnommé le « Tifferet Israel »), dans un essai où il rend compte de la découverte de fossiles enfouis dans des couches géologiques différentes (note 7). Pour le rav Lifshitz, les découvertes scientifiques modernes, apparemment contraires à la Torah, pointent du doigt les restes de mondes antérieurs, détruits par Dieu pour des raisons qui nous dépassent.

Il faut noter ici que certaines traditions mystiques prêtent appui à cette idée de mondes antérieurs. Par exemple, on trouve, dans un livre comme le Sefer haTemouna (note 8), dans les écrits de Abraham bar ‘Hiya ou ceux du Ramban (note 9), l’idée d’une « Chemita » et d’un « Yovel » divins, qui dureraient respectivement 7’000 ans et 50’000 ans, avant la destruction du monde par Dieu et le recommencement d’un nouveau cycle. Un autre kabbaliste, R. Yitzhak ben Chmouel de Acre (note 10), partant de cette idée mystique de la Chemita céleste et rappelant qu’un jour divin représente, selon le midrash rabbinique, l’équivalent de 1’000 années humaines, proposait au 14eme siècle déjà ( !) un âge de l’Univers légèrement supérieur à 15.34 milliards d’années – soit dans le même ordre de grandeur que les estimations scientifiques actuelles.

Variante 3 : six jours ou six périodes ?

La réconciliation entre Science et Torah se fait ici, non en postulant l’existence de mondes antérieurs, mais en confluant les 6 premiers jours de la Création avec les milliards d’années de la Science.

Un auteur récent supposait que les processus de développement du monde ont été miraculeusement accélérés pendant les 6 jours de la Création, à telle enseigne que 6 jours auraient suffi pour que s’accomplissent des changements qui auraient normalement dû prendre plusieurs milliards d’années (note 11).

Une autre suggestion couramment avancée consiste à soutenir que le mot « jour », dans le récit de la Création, doit être compris comme signifiant une «ère », et non une durée de 24 heures stricto sensu. La logique du texte biblique irait dans ce sens (car le Soleil n’est créé, selon le récit de la Torah, que le 4eme « jour » de Maasseh Bereichit ; or, sans soleil, pas d’alternance de jour et de nuit telle que nous la connaissons aujourd’hui) ; et comme déjà rappelé, des midrashim précisent en outre qu’un jour de Dieu équivaut à 1’000 années humaines (note 12).

Variante 4 : Au Commencement… était l’harmonisation.

Nous mentionnons séparément, du fait de son importance, ce qui est en fait une sophistication de l’approche précédente. Le prof. Nathan Aviezer, dans deux remarquables ouvrages (note 13), affirme que les messages de la Torah et de la Science sont parfaitement identiques.

Il est donc possible et même recommandé, selon Aviezer, d’utiliser les dernières découvertes scientifiques afin de réinterpréter le récit de la Création du monde que l’on trouve au début de la Torah. En cela, il suit la voie tracée au Moyen-Age par Gershonide (le Ralbag), lequel chercha à harmoniser la Torah avec sa vision médiévale de la Science (note 14).

Pour ne donner que quelques exemples parmi les plus significatifs parmi les propositions d’Aviezer : au premier jour de la Création, l’ordre divin « Que la lumière soit ! » (Yehi Ohr) ferait référence au phénomène physique connu sous le nom du « découplement », c’est-à-dire au moment où la lumière s’affranchit pour la première fois du plasma primordial résultant du Big Bang, ou en d’autres termes encore à l’instant où la première lumière apparut dans le jeune Univers, 380’000 ans environ après le Big Bang ; autre exemple: au 5eme jour de la Création, la formation des animaux est identifiée comme étant l’âge terrestre appelé le « Cambrien », une période décrite par la Science comme ayant été le théâtre d’une véritable explosion de nouvelles formes de vie ; plus loin, la création des premiers êtres humains, Adam et Eve, au 6eme jour, est mise en regard des formidables avancées de l’humanité après la révolution agricole, il y a environ 10’000 ans de cela, et qui scandent, selon l’archéologie, l’apparition de l’homme moderne (métallurgie, premier langage écrit, invention de la roue, …). Et ainsi de suite pour l’ensemble du récit biblique.

Signalons aussi ici ce qui est probablement le meilleur ouvrage en français sur notre thème : Jacques Goldberg, Science et Tradition d’Israel, Albin Michel 2001, lequel adopte, dans la grande majorité des cas, une approche harmonisatrice assez comparable avec les thèses proposées par Aviezer.

A noter toutefois que Aviezer rejette complètement la théorie de l’évolution néo-darwinienne, alors que Goldberg est plus avancé sur ce point et l’admet comme exacte, tout en la réconciliant derechef avec le narratif religieux.

 

Variante 5 : Tout est relatif !

Cette dernière voie d’harmonisation est également une variation de ce qui précède. Selon le Dr. Gerald Schroeder, la clef ultime permettant de réconcilier parfaitement la Science et la Religion est à trouver dans la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein (note 15).

Sans entrer dans les détails techniques de ces théories complexes, la relativité générale affirme que l’écoulement du temps n’est pas purement linéaire comme on le croyait jusqu’alors, mais qu’il varie en fonction de différents paramètres comme la gravité (le temps s’écoule moins vite sur certains objets célestes très denses que sur la Terre) ou la vitesse (le temps s’écoule moins vite sur les objets voyageant à une fraction significative de la vitesse de la lumière). Dès lors, rien ne s’oppose à ce que 15 milliards de nos années terrestres, c’est-à-dire grosso modo l’âge mesurable de l’Univers, soient équivalentes à 6 jours de 24 heures dans un autre référentiel.

Selon Schroeder, c’est bien ce qui s’est passé. Dans cette optique, les 6 jours bibliques de la Création correspondent très précisément aux 13.7 milliards d’années de la Science. Les conditions d’existence de l’Univers primordial, quelques instants après le Big Bang, étaient si extrêmes que le temps s’y écoulait beaucoup plus doucement (Schroeder mentionne, sur la base d’études scientifiques, un rapport de 1012 entre l’écoulement du temps actuellement et celui du début de l’Univers). En conséquence, Schroeder résout la question de l’Age de l’Univers par un changement de référentiels – lorsque l’on regarde le passé « dans le rétroviseur », comme nous le faisons à l’aide de nos instruments scientifiques, plusieurs milliards d’années se sont écoulées depuis le Big Bang ; en revanche, lorsque l’on regarde le futur « vers l’avant », comme le fait la Torah dans son récit de la Création du monde, seuls 6 jours s’écoulent.

Evaluation des variantes 2-5.

Ces différentes variantes de l’approche harmonisatrice remportent en apparence tous les succès : la réconciliation de la Torah et de la Science permet le maintien d’une lecture traditionnelle des versets de la Genèse, tout en la couplant avec une attitude positive face aux acquis et méthodes de la Science, qui ne sont pas perçus comme trompeurs ou illusoires – a priori, c’est « le beurre et l’argent du beurre ». De plus, les deux dernières variantes (Aviezer – Goldberg / Schroeder) frappent par la sophistication de leurs raisonnements.

Toutefois, en creusant quelque peu, certains problèmes ne manquent pas de surgir. Nous les examinerons successivement, par ordre décroissant de gravité.

En premier lieu, le problème le plus sérieux de cette approche (à notre avis un problème fatal !) est sans aucun doute que la réconciliation n’est que très superficielle. Comme souvent, le diable se cache dans les détails. Et un examen plus attentif du récit de la Torah révèle que les événements des 6 premiers jours ne sauraient en aucun cas correspondre à l’image scientifique de l’évolution de l’Univers.

Cette critique peut être formulée plus précisément de deux manières différentes ; en premier lieu, certains des événements décrits par la Torah n’ont aucun correspondant dans la vision scientifique, et vice-versa. On peut prendre ici, à titre d’exemple, la séparation entre les Eaux du Haut et les Eaux du Bas, au 2eme jour de la Création, à laquelle la Science ne connaît pas de parallèle.

En second lieu, la chronologie est complètement fausse. Selon que l’on prenne la séquence de la Torah ou celle de la Science, les événements n’arrivent pas du tout dans le même ordre. Par exemple, selon la Torah, le Soleil, la Lune et les étoiles ont été créés au 4eme jour, soit un jour après les plantes ; selon la Science, ils précédèrent les premières plantes de plusieurs milliards d’années. Ou encore, selon la Torah, les oiseaux furent créés avant les animaux terrestres (5eme jour vs 6eme jour), alors que la datation des fossiles démontre que les oiseaux n’apparurent que bien après les premiers animaux terrestres. Et ainsi de suite.

Le tableau suivant (note 16) résume les principales disparités existant entre les deux séquences :

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Aviezer tente de résoudre certaines des divergences les plus évidentes, mais son raisonnement est ici extrêmement peu convaincant.

Notons aussi ici que l’approche harmonisatrice ne s’intéresse jamais au deuxième récit de la Création (Genèse 2 :4 – 3 :23), mais exclusivement au premier récit (Genèse 1 :1 – 2 :3). Les deux récits se contredisent pourtant sur un nombre important de détails, ce que les commentateurs classiques n’ont pas manqué de relever. Pour ne donner qu’un seul exemple : le premier Récit indique que l’Homme a été créé après les animaux, alors que le deuxième Récit inverse cet ordre. Dès lors, réconcilier la Science avec le premier Récit, c’est se mettre en porte-à-faux avec le second Récit – et donc, nécessairement, avouer l’échec du grand projet harmonisateur.

Un autre problème grave existe. Force est de constater que les « réconciliateurs » sont très sélectifs dans leur choix des sources qu’ils présentent au nom de la Torah. Seules sont retenues les idées des commentateurs qui sont compatibles avec la vision scientifique moderne. Les autres, celles qui contredisent irrémédiablement la Science moderne, et qui sont bien plus nombreuses, sont discrètement brossées sous le tapis. Ainsi, les tenants de l’harmonisation citent typiquement le Ramban et sa présentation d’inspiration kabbalistique d’un Univers en expansion progressive à partir d’un point originel, et jamais le Rambam et sa vision aristotélicienne d’un Univers parfaitement stable (note 17).

Par ailleurs, toute approche qui interprète un « jour » biblique de manière non-littérale rencontre ipso facto une réelle difficulté à rendre compte de l’observance du Chabbat. En effet, le Chabbat que nous célébrons chaque semaine est traditionnellement compris comme un rappel du premier Chabbat de la Création (זכר מעשה בראשית) ; dès lors que notre Chabbat fait bien 24 heures, il en ressort que le premier Chabbat aussi devait compter 24 heures, tout comme les autres jours originels.

Finalement, admettre la voie de la concordance revient à affirmer que le sens des versets de la Genèse est resté obscur pendant des millénaires, jusqu’à ce que la Science, depuis une cinquantaine d’années environ, permette de le clarifier – ceci semble une curieuse manière de concevoir la nature d’un texte révélé…

En conclusion, l’approche harmonisatrice ne tient pas ses alléchantes promesses. Elle se révèle incapable de réellement rapprocher vision scientifique et récit de la Genèse. La réconciliation qu’elle avance n’est qu’un habile tour de passe-passe, ou un simple vernis extérieur ; sa superficialité cache bien mal une foule de contradictions au niveau des détails du texte. De ce fait, à notre sens, cette troisième approche doit être, à l’instar des deux précédentes, rejetée.

A ce stade, notre conclusion intermédiaire est que l’approche A est insatisfaisante du fait de son rejet injustifié de l’approche scientifique, que l’approche B est inacceptable à cause de son rejet du texte de la Torah, et que l’approche C échoue complètement à réaliser ses objectifs annoncés. Ceci posé, il sera temps pour nous d’aborder la 4eme et dernière approche (D) du conflit Torah – Science lors de notre prochain billet.

 
Notes :

(note 1) Sur l’auteur voir ici : http://en.wikipedia.org/wiki/Philip_Henry_Gosse.

Sur le livre, voir ici : http://en.wikipedia.org/wiki/Omphalos_%28book%29.

(note 2) Un exemple: “Le Sceau du Tout-Puissant est la Vérité” – Chabbat 55a.

(note 3) Rambam, Hilkhot Yessodei HaTorah Chapitre 2; Kouzari 1:67; ‘Hovot Halevavot, Chaar HaBekhinah, introduction.

(note 4) Voir le commentaire de Rachi sur Roch Hachana 11a, et celui de Tossafot sur ‘Houllin 60a, d’où il ressort clairement que le point de départ était celui des arbres fruitiers ; la réflexion a ensuite été généralisée au reste de la Création. Voir également le commentaire du Megaleh Amoukot, ofane 162, pour une autre explication basée sur des idées kabbalistiques.

(note 5) Voir à ce sujet son livre classique Poussières d’Etoiles, Collection Points Sciences, réédition de 2009.

(note 6) Nous traitons ensemble les variantes 2-5 ci-dessous, car si les approches ne sont pas exactement les mêmes, elles soulèvent néanmoins des objections extrêmement similaires.

(note 7) Voir Drouch Ohr ha’Hayyim, dans son commentaire sur la Michna, Seder Nezikin, à la fin du traité Sanhedrin. Une autre source possible pour une idée proche peut être trouvée dans le commentaire de Rabbeinou Bahya, Bereichit 1 :3.

(note 8) 13eme-14eme siècle.

(note 9) Cf. son commentaire sur le Sefer Yetsira.

(note 10) Dans son livre Otzar ha’Hayyim. A notre connaissance, le premier auteur contemporain à relever cette source est le rav Aryeh Kaplan dans son livre Immortality, Resurrection and the Age of the Universe : A Kabbalistic View, p.9. Voir ici pour les détails du calcul:

http://books.google.com/books?id=cajobAjRh3IC&pg=PA6&lpg=PA6&dq=Sefer+Ha+Temunah+forms+of+Hebrew+letters&source=bl&ots=63uku8qBxt&sig=vrE3UQjPFp9dXtFsi_AdoVRKSOA&hl=en&ei=y8s5TJa6AYn4sAP52NxR&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=10&ved=0CEMQ6AEwCQ#v=onepage&q=Sefer%20Ha%20Temunah%20forms%20of%20Hebrew%20letters&f=false

Notons que le calcul du rav Kaplan a été contesté par d’autres chercheurs.

(note 11) Rabbi Simon Schwab, How Old is the Universe, apparu pour la première fois dans le journal Mitteilungen, New York Avril-Mai 1962; reproduit plus récemment dans un livre publié par la maison d’éditions Feldheim et l’Association of Orthodox Jewish Scientists, Challenge, Aryeh Carmell and Cyril Domb eds., 2nd revised edition (1976) pp. 164-174.

(note 12) Pesikta Rabbati, Hossafah 2:1.

(note 13) In the Beginning: Biblical Creation and Science, Ktav Publishing House, Hoboken 1990; Fossils and Faith, Ktav Publishing House, Hoboken 2001.

Le premier ouvrage a été traduit en français, par une maison d’édition chrétienne, sous le titre : Au Commencement, Editions MJR, Genève 1990.

(note 14) Voir à ce sujet l’excellent article de Gad Freudenthal, Cosmogonie et physique chez Gersonide, Revue des Etudes Juives, numéro 145 (1986), pp. 295-314.

(note 15) Voir Genesis and the Big Bang – the Discovery of Harmony between Science and the Bible, Bantam Book, 1990; ou encore: the Science of God – the Convergence of Scientific and Biblical Wisdom, First Broadway Books 1998. The Hidden Face of God, The Free Press 2001.

L’approche de Schroeder a été popularisée en français par une traduction de Éric Blum (disponible ici : http://www.lamed.fr/index.php?id=1&art=374) et surtout par les conférences du rav Ron Chaya, qui reprennent les thèses de Schroeder pratiquement à l’identique ; voir ici : http://www.leava.fr/cours-torah-judaisme/science/10_lage-du-monde-1-4.php et http://www.leava.fr/cours-torah-judaisme/science/11_lage-du-monde-2-4.php. Rav M. Bitton également suit cette même approche, mais en l’édulcorant quelque peu :(http://www.espacetorah.com/category/65/5075).

Signalons encore la parution d’un roman portugais par José Rodrigues dos Santos, vendu dans le monde à plus de 2’000’000 d’exemplaires et traduit en français sous le titre la Formule de Dieu (éditions Hervé Chopin, Paris 2012), et dont le nœud de l’intrigue tourne autour des thèses de Schroeder quant à l’utilisation de la théorie de la relativité aux fins de résoudre la grande contradiction entre Science et Bible.

Pour une critique détaillée des idées de Schroeder, voir ici : http://www.talkreason.org/articles/schroeder.cfm .

(note 16) Nous le reprenons de Slifkin, the Challenge of Creation, p. 189.

(note 17) Autre exemple de source classique sur la Création de l’Univers en opposition totale avec la vision scientifique et dès lors complètement ignorée par les réconciliateurs : les premiers chapitres des Pirkei de-Rabbi Eliezer.

 

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