Torah écrite, Torah (m)orale – Le cas de l’esclavage
Ce billet cherche à expliquer la morale qui se cache derrière l’immoralité flagrante de certains passages de la Torah. Un ouvrage serait nécessaire pour défendre ma thèse comme il se doit, je me contente ici d’un maigre exemple (peut être suivi d’autres billets, selon la réaction des lecteurs et lectrices). Ma thèse se base avant tout sur une lecture historique de la Bible, sans pour autant remettre en question le coté divin du texte. Je recommande vivement à tous les lecteurs d’approfondir les notes et les références de bas de page.
La Torah : une morale absolue ?
Le Pentateuque, socle de la Torah écrite, est parsemé de lois qui troublent notre conception de la morale. Nous pouvons surtout citer l’esclavage, la répudiation, le mariage forcé de la fille mineure, l’anéantissement des peuples qui vivaient en Canaan, la polygamie…
Arrive un jour ou tout juif religieux doit se confronter avec ces textes. Dans le monde athée, ces versets seront réutilisés pour prouver que la Torah est immorale et dépassée. Dans le monde religieux, certains affirmeront que tout ce qui est écrit dans la Bible est forcément moral1.
Ces deux prises de positions, pourtant radicalement différentes, ont un même point commun : si la Bible est porteuse du message divin, elle se doit d’incarner une perfection morale.
Je voudrais proposer une troisième approche :
Je propose tout d’abord l’axiome suivant : le but de la Torah est d’œuvrer pour l’amélioration de l’humanité. Ou formulée différemment, le but de la Torah est d’aider les hommes à établir une société juste et morale.
Comment créer une société morale ? Certainement, diriez vous, en lui donnant un « guide moral » parfait. Erreur.
Un code moral parfait transmit dans un contexte inapproprié, ne donnerait aucun fruit. Une des plus grande preuve se trouve d’ailleurs dans la Torah elle même. Le Pentateuque et tous les prophètes reviendront sans cesse sur l’interdiction de l’idolâtrie. Pourtant, ni Moshé, ni Jérémie ou Isaïe n’arriveront à éradiquer ces pratiques du sein du peuple juif, tant elle étaient ancrées dans leur culture.
Idolâtrie, esclavage, infériorité de la femme, mariage forcée, massacres… telle était la norme des peuples de l’antiquité, y compris les plus « éclairés », comme la Grèce ou Rome. Ces peuples nous ont laissé de nombreuses traces écrites qui ont de quoi choquer profondément un esprit contemporain.
Comprenons maintenant que c’est dans ce contexte que le peuple juif reçoit la Torah. Certes, les hébreux ne sont pas un peuple comme les autres. Les fondateurs de leurs tribus se sont distingués par leurs qualités morales. Mais malgré tout, les hébreux vivent entourés de peuples aux pratiques encore plus perverses que les grecs et les romains et subissent inévitablement l’influence de ces barbares2.
Changer radicalement toutes leurs pratiques ne conduiraient à rien, si ce n’est à un retentissant échec. Par conséquent, la Torah tolère une bonne partie de ces conduites, mais vient les légiférer et limiter leur portée. C’est la raison pour laquelle la Torah écrite contient des lois qui peuvent nous choquer. Ces lois, ne représente en rien l’idéal juif, elles sont uniquement une limitation de pratiques déjà courantes.
Les lois «amorales » de la Torah ne représentent pas un idéal, mais uniquement un seuil de tolérance.
Vu sous cette angle, la Torah devient (et de loin) le livre le plus morale de l’antiquité. Mais le religieux demeure troublé : pourquoi continuer à pratiquer les lois d’une Torah « dépassée » ?
Avouons le franchement, le texte du Pentateuque lu tel quel est bien moins morale que « le contrat social » de Rousseau.
C’est là qu’intervient la Torah orale.
Le judaïsme traditionnel considère que la Torah écrite fut donnée avec la Torah orale. La Torah orale est avant tout le droit qu’ont obtenu les sages de créer de nouvelles lois et de nouveaux interdits. Cela se fait selon des règles bien précises, qui seraient bien trop longues à exposer ici, mais toujours est-il que cela se fait. Une fois que la Torah orale s’est prononcée, c’est elle qui fait force de loi, même si son interprétation contredit le texte de la Torah écrite3.
La loi orale, à la différence du texte, n’est pas figée. Elle évolue avec son époque. Ainsi, chaque fois que le peuple juif franchit un « niveau morale », la loi orale institue de nouvelles règles, interdisant tout retour en arrière.
Le cas de l’esclavage
Pour étayer cette thèse, je propose de s’intéresser au cas de l’esclavage dans la Bible et le droit hébraïque.
Que nous dit la Bible à propos de l’esclave non-juif4 ?
Ton esclave ou ta servante, que tu veux avoir en propre, doit provenir des peuples qui vous entourent; à ceux-là vous pouvez acheter esclaves et servantes. Vous pourrez en acheter encore parmi les enfants des étrangers qui viennent s’établir chez vous, et parmi leurs familles qui sont avec vous, qu’ils ont engendrées dans votre pays: ils pourront devenir votre propriété. Vous pourrez les léguer à vos enfants pour qu’ils en prennent possession après vous, et les traiter perpétuellement en esclaves; mais sur vos frères les enfants d’Israël un frère sur un autre! Tu n’exerceras point sur eux une domination rigoureuse.5
Si un homme blesse l’œil de son esclave ou de sa servante de manière à lui en ôter l’usage, il le renverra libre à cause de son œil .Et s’il fait tomber une dent à son esclave ou à sa servante, il lui rendra la liberté à cause de sa dent.6
Le premier texte établit l’esclavage comme un fait. Selon le sens littéral des versets, il n’existe pas de commandement « d’asservir les peuples », cela est tout simplement présenté comme un droit7.
À mon sens, ce texte présente déjà une certaine avancée morale en rejetant l’esclavage comme nature profonde de certains hommes. À titre de comparaison,Aristoteécrit qu’il est évident qu’il y a par nature des gens qui sont libres et d’autres qui sont esclaves, et que pour ceux-ci la condition servile est à la fois avantageuse et juste8.
Le deuxième texte va plus loin en interdisant au maître de blesser gravement son esclave, sous peine de libérer automatiquement ce dernier. Ce qui peut sembler évident pour un esprit moderne ne l’était pas du tout à l’époque. Par exemple, les droits romain et grec considéraient l’esclave comme l’objet du maître, qui possédait un droit de vie ou de mort sur ce dernier. Varron parlait de instrementum genus vocale, c’est à dire d’ « outil doté de parole ». Dans le même ordre d’idée, la loi dominica potestasdonne au maître le plein pouvoir sur son esclave. Le « Code Noir », qui légiférait l’esclavage dans les colonies françaises et anglaises au 17e siècle, estime lui aussi que « les esclaves sont meubles » (article 44) ! Dans la même optique, il autorise les châtiments corporels et légitime parfois les mutilations (article 38).
Mais la Torah va plus loin et statue :
Si un homme frappe du bâton son esclave mâle ou femelle et que l’esclave meure sous sa main, il sera vengé (= il sera tué).9
Un maître tuant son esclave devient lui même condamnable à mort ! A ma connaissance, aucune civilisation n’a condamné avec une telle fermeté le maître assassin10, évidement pas les cultures antiques.
La Bible est la première à accorder à l’esclave un statut d’être humain et à donner une valeur intrinsèque à sa vie, et non simplement financière. Dans une même optique, la Torah déjà interdit tout rapport sexuel avec les esclaves,interdisant de se fait l’esclavage sexuel, l’une des formes les plus avilissantes de la servitude11.
L’enjeu est surmontable pour le peuple hébreu. Quelques centaines d’années plus tard, il est prêt à se soumettre à de nouvelles règles contraignantes.
La Torah orale rentre en jeu en élargissant largement l’interdit de blesser son esclave12. Le moindre coup sérieux libère alors l’esclave de sa servitude.
Consciente du terrible traitement réservé aux esclaves des pays voisins, la loi orale statue que tout esclave vendu à un non-juif retrouvera automatiquement sa liberté13. Elle conseille aux propriétaires de traiter avec égard leurs esclaves en partageant avec eux leur nourriture14. Et pour finir, elle tranche qu’un esclave qui fuit vers la terre d’Israël et regrette ses pratiques idolâtres devient un juif libre15.
Autant de décisions révolutionnaires pour l’époque (comparez avec le statut de l’esclave à Rome, à la même période) qui redonne déjà toute son humanité à l’esclave ainsi qu’une large protection et de nombreux moyens pour regagner sa liberté.
Au moyen-âge, alors que l’esclavage sévit encore largement, Maïmonide augmente encore les devoirs du maître envers l’esclave. Il écrit :
« Il est permis de faire travailler durement un esclave cananéen. Et bien que cela soit la loi, c’est une pieuse mesure et la voie de la sagesse qu’un homme soit miséricordieux et recherche la justice; qu’il ne l’oppresse pas et ne le fasse pas souffrir; qu’il le nourrisse et l’abreuve de ce que lui même mange et boit. Les premiers sages partageaient leur nourriture avec leurs serviteurs et nourrissaient leurs esclaves et leurs animaux avant de se nourrir eux même. N’est-il pas écrit : « de même que les yeux des esclaves sont tournés vers la main de leur maître, de même que les yeux de la servante se dirigent vers la main de sa maîtresse »16
Pareillement, il ne doit pas le mépriser, ni par les gestes, ni par la parole. La Torah nous permet de les faire travailler, pas de les mépriser. Il ne doit pas trop lui crier ou s’emporter contre lui, mais lui parler avec calme et écouter ses plaintes. Comme il est explicitement écrit dans le bon livre de Job : « Ai-je fait fi du droit de mon esclave et de ma servante, dans leurs contestations avec moi? […]Celui qui m’a formé dans les entrailles maternelles ne l’a-t-il pas formé aussi? N’est-ce pas le même auteur qui nous a organisés dans la matrice?17 »18
Maïmonide limite de façon drastique le pouvoir du maître sur son esclave, allant jusqu’à statuer que l’esclave à également le droit de se plaindre et doit être écouté. Rappelons qu’à cette époque, même les travailleurs salariés n’avaient pas forcément le droit de protester, ne parlons pas des serfs des pays européens, qui étaient exploité sans vergogne par des maîtres cruels.
À l’époque moderne, l’esclavage disparaît dans le monde civilisé et au sein du monde juif. Pour le monde rabbinique, il ne fait aucun doute que l’esclavage a bel et bien disparu pour toujours. A l’inverse de la lecture fondamentaliste chrétienne que nous évoquions plus haut, aucun rabbin des deux derniers siècles n’a jamais plaidé en faveur du rétablissement de l’esclavage – comme idéal moral biblique ! La plupart des commentateurs du Choulkhan Aroukh des derniers siècles ont tout simplement « sauté » les chapitres qui traitaient de l’esclavage19. En effet, pourquoi mentionner des lois qui n’existeront plus jamais dans un livre d’halakha pratique ?
Le Rav Epstein (19e siècle), auteur du Aroukh Hashoulkan introduit ainsi son chapitre sur l’esclavage : « Lois des esclaves des temps passés, car aujourd’hui l’esclavage n’a plus cours et il n’existe plus d’esclaves chez nous »20.
Personnellement, je veux croire que la Bible, en humanisant l’esclave et inculquant des prémices de morales chez les peuples antiques, joua un rôle considérable dans l’abolition de l’esclavage.
Je suis intimement convaincu que c’est dans la même optique qu’il faut comprendre les autres lois « amorales » de la Torah, notamment celles qui traitent du statut des femmes.
L’ennemi du judaïsme, et du bon sens, est sans aucun doute la lecture fondamentaliste du texte. Lecture qui est, selon moi, en contradiction avec la tradition juive qui refuse de séparer Torah écrite et Torah orale. Le problème n’est donc pas tant dans la Torah que dans la grille de lecture qu’on y place !
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À lire :
Je conseille quelques ouvrages courts et disponibles en ligne.
Tout d’abord, le « Code Noir » que je citais à plusieurs reprises dans l’article. Il s’agit d’un texte du 17e siècle, qui nous rappelle que l’esclave n’est pas si loin de nous et que des pratiques totalement amorales sévissaient encore en pleine Renaissance.
Je conseille également la thèse de doctorat du Grand Rabbin Zadoc Kahn, surl’esclavage dans la Bible et le Talmud. Si tout le monde connait le Grand Rabbin français traducteur de la Bible, cet essai est bien moins connu. À vrai dire, je l’ai trouvé par hasard sur Hebrewbooks. L’essai est écrit dans une hébreu simple et agréable à lire.
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Notes :
Un exemple caricatural de cette approche avait défrayé la chronique lorsqu’une présentatrice américaine avait qualifié l’homosexualité de perversion, en se basant sur la Bible. Un internaute lui avait alors écrit une lettre satirique, disponible ici : http://www.philo5.com/Rire/BibleRevisitee.htm
Ce qui est intéressant dans cet échange est qu’il s’agit d’un débat entre deux lecteurs fondamentalistes de la Bible. La présentatrice qualifie l’homosexualité de « perversion » en se basant sur une compréhension littérale du verset (compréhension qui n’est pas celle du Talmud). Son correspondant partage une vision tout autant fondamentaliste, bien qu’athée, en estimant que des commandements tels que l’esclavage représentent l’idéal moral prôné par la Bible.
La Torah nous dit (Lev. 20:2) : Quiconque, parmi les Israélites ou les étrangers séjournant en Israël, livrerait quelqu’un de sa postérité à Molokh, doit être mis à mort: le peuple du pays le tuera à coups de pierres. Moi-même je dirigerai mon regard sur cet homme, et je le retrancherai du milieu de son peuple, parce qu’il a donné de sa postérité à Molokh, souillant ainsi mon sanctuaire et avilissant mon nom sacré. Et si le peuple du pays ose fermer les yeux sur la conduite de cet homme, qui aurait donné de sa postérité à Molokh, et qu’on ne le fasse point mourir, 5 ce sera moi alors qui appliquerai mon regard sur cet homme et sur son engeance, et je retrancherai avec lui, du milieu de leur peuple, tous ceux qui, entraînés par lui, se seraient abandonnés au culte de Molokh.
Notons bien qu’en plus de l’interdit, le verset précise que si le peuple du pays ose fermer les yeux sur la conduite de cet homme... apparemment, la pratique était tellement courante qu’il est tout a fait imaginable qu’un tel acte ne suscite aucune réaction de la part du peuple !
D’ailleurs, dès siècles plus tard, Jérémie témoignera que : Ils ont édifié les hauts-lieux de Baal, ceux de la vallée de Hinnom, ils ont fait passer [par le feu] leurs fils et leurs filles en l’honneur de Moloch, acte abominable que je ne leur ai point prescrit et que ma pensée n’a jamais conçu, et ainsi Juda a été entraîné au mal . (Jer. 32:35).
Quoi qu’il en soit, rappelons encore une fois qu’à l’époque du texte biblique, une telle législation n’existait nul part ailleurs.
20Aroukh Hashoulhan, Y.D 267
Bonjour,
Je suis content de voir qu’un juif orthodoxe s’intéresse à ce sujet.
Je viens d’une famille juive orthodoxe et j’ai fait quatre ans de yechiva après le Bac; il y a à peu près cinq ans j’ai totalement remis en question mon judaïsme à cause de questions identiques à
celles dont vous parlez (esclavage, génocide des 7 peuples, etc…).
J’ai depuis étudié toutes les religions dans l’espoir de découvrir La vérité. Cependant, certaines preuves quant à l’origine divine de la Torah m’enpêchent de m’en détourner complètement. Je
voudrais préciser que le Talmud n’adoucit pas toujours les lois de la Bible. Ainsi les lois de condamnation à mort, la mitsva de tuer Amalek ou les lois de la guerre ne sont pas d’actualité
uniquement pour des raisons « techniques ». De plus le Talmud rajoute la mitsva de chercher à « éliminer » un Apikoros (moi, par ex.) et de ne pas sauver un idolâtre en danger (hindou ou chinois, par
ex.); loi reprise dans le Rambam et le Choulhan Aroukh.
Ok, mais alors cela signifie que la torah et même la loi orale sont essentiellement contextuelles,si la loi orale devait réellement permettre de faire évoluer la loi écrite en fonction de l
‘évolution de la société, on devrait donc dire clairement que l ‘esclavage est interdit, de même la polygamie, et remettre en cause un ensemble de règles relative aux relation homme-femme qui
s’expliquaient par un contexte qui a radicalement changé dans lequel la femme ne travaillait pas et était dépendante économiquement. Finalement le statut de la femme dans le judaïsme même tel qu il
ressort de la loi orale est bien supérieure à celui qu ‘elle avait à dans les sociétés environnante à l ‘époque du Talmud mais bien inférieur à celui qu elle a dans le monde moderne. On a donc le
sentiment que la loi orale a cessé d’évoluer, n’est pas là le point central du problème?
à lire dans le même ordre d’idée (je conseille de sauter la question initiale qui s’étend en longueur) :
http://www.cheela.org/popread.php?id=49564
Merci pour l’article de très bonne qualité Gabriel et merci pour le lien Yona car cela s’inscrit tout à fait dans la continuité de cet article. C’est toute la dialectique entre Torah absolue et
Torah relative qui nous donne à réfléchir ici, je pense. Si la Torah est d’origine absolue car divine, elle ne peut/dois toutefois qu’être appréhendée de façon relative par les hommes… Chavoua
tov lecoulam!
L’original en français de la thèse du Grand rabbin Zadok Kahn:
http://books.google.co.il/books?id=CrcFAAAAYAAJ&pg=PA63&hl=iw&source=gbs_toc_r&cad=3#v=onepage&q&f=false.
Chalom,
L’article evoque une des strategies hermeneutiques employees par les commentateurs pour contourner et quasiment annuler les propos de la Torah qui s’opposent aux conceptions du temps. Les Sages
l’ont employee et apres eux des centaines, voir des milliers d’autres rabbins.
Cependant,la question de la pertinence du texte biblique mais egalement du texte talmudique, pose probleme: Pourquoi alors que la realite a change – et que tout le monde l’accepte – faut-il
continuer de conserver ces textes comme des textes premiers? Plusieurs reponses ont ete proposees a ces questions cependant la plus coherente, et donc la plus audacieuse est celle que propose le
rav Eliyahou Benamozegh de Livourne dans ses ecrits. Il developpe une these passionante dans son commentaire sur la Torah (Em lamikra) et dans une serie d’articles (mavo lekhol sifre Torah Chebeal
Pe). En substance, il considere que la Torah ecrite n’est qu’une partie ‘partielle’ de la Torah orale, qui elle est bien anterieure et posterieure. La Torah ecrite repond a certaines contingences
liees a l’histoire du peuple, a l’environnement culturel de l’epoque, aux courants de pensee etc.
La Torah ecrite – Torat Moche – tend a etre reecrite a chaque generation au vue de la Torah orale, vivante, dynamique…La Torah ecriten’est donc pas le socle sur lequel se base l’edifice du
commentaire juif mais deja une de ses premieres emanations. (Je vous laisse quelques secondes de soupir pour vous frotter les yeux et commencer a formuler les premieres reactions: statut de la
revelation du Sinai, la Torah divine, probleme de reforme…).
Rappelons que le rav Benamozegh etait egalement kabbaliste, pour qui chaque lettre de la Torah a une importance et une portee quasi-cosmique. Ses theories lui ont values la colere des sages d’Alepp
et de certains de Jerusalem, mais il est incontestable qu’il presente, avec une erudition incroyable (av beth din, Roch beth hamidrach lerabbanim, rav Rachi de Livourne et aussi d’une connaissance
enorme dans tous les domaines des humanites…)une these qui propose une vision coherente du systeme hermeneutique juif.
Pour exposer sa these il faudrait bien sur bien plus qu’une note.
excusez moi mais je reviens encore sur ma question, tout dans la torah écrite ou orale nous montre que ce sont les hommes qui l ont écrite à un moment ou les femmes n’avaient pas de rôle à jouer
dans la société. Comme d’ailleurs je l ai lu dans votre site, c ‘est exclusivement des discussions masculines et des points de vue masculin que l on retrouve dans la loi orale , cela est tout à
fait normal vu le contexte de l époque. Mais depuis très peu temps à l’échelle du temps, les choses ont radicalement changé dans le monde , les femmes interviennent dans le fonctionnement de la
société, on a le sentiment que cet état de fait n ‘est pas pris en compte et que rien dans la loi orale ne permet de le prendre en compte. Bref le talmud est une affaire d hommes, comment faire en
sorte que ça devienne aussi une affaire de femme. PS il ne s agit pas ici de tomber dans les excès de notre modernité qui conduit à une confusion des sexes, mais simplement de faire en sorte que la
femme ait un accès autonome à l étude à la vie sociale et donc puisse contribuer à l humanité.
Merci à tous pour vos commentaires.
@ Moshé. Merci pour ce témoignage, j’aimerai discuter avec vous un peu plus en profondeur. Je vous avoue que votre message me surprend lorsque vous écrivez : « certaines preuves quant à
l’origine divine de la Torah m’enpêchent de m’en détourner complètement ». Quelles preuves ?
Je n’ai personnellement jamais trouvé de preuves formelles quant à l’origine divine de la Torah (celle de Maimonide, sur les 600 000 témoins, me paraît bien faible) et je serai heureux de connaître
les vôtres.
Pour la deuxième partie de votre message, je n’affirmais pas que le Talmud adoucissait toujours les sentences bibliques. Je défendais seulement l’idée que le Talmud permet une (re)lecture
non-littérale de la Torah, parfois en bien, parfois en mal. Mais il est évident que le Talmud doit également être remis dans son contexte ! Même aux yeux de la religion, il est production humaine.
Ainsi, toutes les sentences « anti-goy » ne peuvent être compris sans un regard historique sur la situation en Israël au début de l’ère chrétienne.
Puisque vous semblez toujours intéressé par l’étude, je me permet de vous demander si vous n’aviez jamais lu des oeuvres universitaires sur les textes religieux ? Personnellement, c’est oeuvres
m’ont apporté beaucoup. Je vous recommande notamment la lecture des quatre Tomes de « Chachamim » écrits par le Rav Dr. Benny Lau. Il s’agit de « biographies » des sages du
Talmud à partir des sources juives et historiques, qui permettent de bien mieux comprendre la structure du texte Talmud, dans une perspective historico-critique.
@ Janick. Vous avez parfaitement raison, le nœud du problème est la quasi-disparition de la loi orale. Cette disparition est due à des causes historiques et religieuses (exil, fin du Sanhédrin,
écriture de la Torah orale…). Le Rav Kook a beaucoup écrit à ce sujet, sa vision messianique du retour à Sion inclut également la résurrection de la Torah orale.
Prenons un exemple simple : le témoignage des femmes. Selon la loi juive, une femme ne peut pas témoigner. Au delà des explications apologétiques, il est évident que cette loi est profondément
sexiste et injuste. Le Sanhédrin, s’il existait, aurait le pouvoir de modifier cette loi. Précisons également qu’il est en théorie possible de rétablir le Sanhédrin. Mais encore faudrait-il d’abord
mettre fin aux querelles intestines qui minent le monde rabbinique…
Vous faites également allusion au très beau texte de Mme Elkouby (voix de femmes) qui dénonçait le monologue masculin de la loi orale. Cela aussi est un problème, mais à mon sens, il n’existe
qu’une seule solution : l’étude des femmes.
Un homme restera toujours un homme et quelque soit son empathie à l’égard de la gente féminine, il ne pourra jamais vraiment ressentir l’injustice faite aux femmes à la manière d’une femme. Les
femmes, en se plongeant dans le monde de l’étude, pourront développer une littérature halakhique féminine, pour le plus grand bien du judaïsme. Notons que certaines femmes orthodoxes s’y attellent
déjà (j’ai déjà parlé sur le blog de Hannah Kehat, il existe encore d’autres grandes érudites de la même stature qui militent en ce sens), mais elles sont encore trop peu nombreuses.
@ Mikhael. Merci pour ces références. Sais tu où peut-on se procurer les ouvrages du Rav Benamozegn (et surtout son piroush sur la Torah) ?
Je pense également que l’idée « d’inconscient collectif » est à développer. Par exemple, il est très probable que certaines mitsvot qui nous paraissent aujourd’hui dénuées de sens (ex:
chaatnez, tefilin, bal takif…) avaient un sens simple aux temps bibliques (nous séparer des cultes païens ?).
Les mêmes gestes répétés depuis des millénaires, nous aident à transmettre le message divin, génération après génération. Même si le sens n’est plus perçu, le geste influe encore sur l’inconscient
collectif. On peut développer la même idée à propos du texte de la Torah écrite.
Kol Touv
Merci de votre réponse et de votre site, je me considère comme faisant partie de ce courant orthodoxe moderne, mais autre question alors quelle est la différence entre l’ouverture que le mouvement
orthodoxe modern prône à travers la nécessaire interprétation de la loi en fonction de l évolution de la socièté et les mouvement massorti et libéraux. Est ce juste une affaire d étiquette?
Bonjour,
Bel article, bravo a Gabriel (comme toujours 🙂 ). Sur l’esclavage, l’Encyclopedia Mikrait a un long article (s.v. עבדות) comparant les lois de la Torah aux legislations du Moyen Orient Antique.
C’est tres interessant a lire. Apparemment, une loi de la Torah pour laquelle l’on n’a retrouve aucun equivalent dans les autres Codes de l’Antiquite est l’interdiction de rendre un esclave echappe
a son maitre.
@ Mickael, je suis precisement en train de lire le livre (en francais, avis aux amateurs!) de Alessandro Guetta sur Elie Benamozegh. Mais s’il parle de ce que tu mentionnes, je n’y suis pas encore
arrive…
Pour un rabbin orthodoxe, il est tres courageux d’elaborer le genre de theories pronees par Benamozegh (et Berkovits dans la reponse citee sur Cheela). Il est beaucoup plus simple de restreindre,
ou d’annuler, la portee d’une loi derangeante, en la reinterpretant mais sans remettre en question sa legitime intrinseque et sans cadre theorique trop controverse. C’est par exemple ce que Hazal
ont fait aux lois du Ben Sorer ouMoreh, en rendant toute la paracha inapplicable, en y rajoutant des conditions impossibles a realiser.
Merci de cette réponse très précise, et continuez votre action nous en avons besoin
Merci pour cet article intéressant et pour les commentaires tout aussi intéressants. Pour prendre part au débat j’aimerai formuler quelques remarques.
1)L’auteur de l’article écrit dans son introduction : « Je propose tout d’abord l’axiome suivant : le but de la Torah est d’œuvrer pour l’amélioration de l’humanité. Ou formulée
différemment, le but de la Torah est d’aider les hommes à établir une société juste et morale ». Cette formule est très maladroite, car il n’y a rien de plus faux. Si c’est ça le but de
la Torah, je vous conseille de la remplacer par un texte comme la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Ce texte va beaucoup plus loin dans l’établissement d’une société juste et morale.
Le seul et unique but de la Torah est d’inviter les hommes à servir Dieu. Dans votre définition, vous avez remplacer Dieu par les « hommes ».
2) Il y a un grand effort pour tenter de montrer que malgré l’abomination que représente l’esclavage, les règles le concernant dans la Torah écrite étaient « révolutionnaires » pour le
temps. Ça me rappelle le débat sur la polygamie dans l’Islam qui est justifié de la même manière : Dieu dans sa grande sagesse à limiter à quatre le nombre de femmes permises alors qu’avant il
n’y avait pas de limites. Après le concordisme scientifique qui consiste pour les prédicateurs de tout bord à nous expliquer que leur livre saint renferme la vérité et que c’est scientifiquement
prouvé, on a le droit maintenant à une sorte de concordisme moral : les lois de ma religion étaient révolutionnaires, c’est la preuve que Dieu existe et que ma religion est la seule vraie.
Bref, il est prouvé que l’histoire du Déluge vient de Mésopotamie, dois-je arrêter de croire et de pratiquer la Torah ? Et si un jour, un historien trouve des textes plus anciens et plus
« morales » concernant l’esclavage, allez-vous abandonner la Torah ? Pour ceux qui doutent, je vous conseille de relire tous les passages de Y. Leibowitz (qui s’appuie sur une partie de
la Tradition) relatifs à la nature des textes saints : les textes ne sont pas saints par leur nature intrinsèque, ils sont saints car ils sont mis au service de Dieu. A partir de ça, peut
importe qu’Adam et Eve aient existé ou pas…
3) La présence dans la Torah écrite de lois violentes troublent certains des intervenants de ce fil de discussions. Mais, les Juifs n’ont jamais vécu, ne vivent pas et ne vivront pas selon la Torah
écrite, mais selon la halakha qui vient de la loi orale et qui évolue. La présence de ces lois posent des problèmes aux Caraïtes,mais pas à nous !
Avdone
Salut à tous !
Cela faisait assez longtemps que je n’avais pas visité le Blog et je suis agréablement surpris de son activité. Néanmoins je reste toujours sur ma vieille position qu’un juif n’est pas a mettre
dans une boite (orthodoxe modern libéral archi-modern ultra-orthodoxe…)
Je suis toujours curieux de savoir quelle définition donneriez-vous à l’orthodoxie moderne dans laquelle une orthodoxe régulier (je ne sais pas comment définir le non modern orthodoxe) ne pourra
trouver sa place.
Pour en venir à votre billet, quelques remarques à vous faire :
1. Sémantique.
Le terme « Avdout » n’a pas la connotation péjorative que contient le terme esclavage, c’est plutôt l’idée d’être au service d’un maître qu’il faut retenir. Au point que la Tora envisage qu’un «
Eved » demanderait à son maître de prolonger sa servitude jusqu’au « Yovel ». Pourquoi ? Parce qu’il aime son maître (c’est la une condition non-négociable de la prolongation de contrat.
2. je partage l’avis de avdone vis à vis de votre axiome « le but de la Torah est d’œuvrer pour l’amélioration de l’humanité. Ou formulée différemment, le but de la Torah est d’aider les hommes à
établir une société juste et morale » j’ai du mal à croire que ces lettres sorte de votre plume !! et je vous retournerai la question suivante : « Mais dans quel but la tora œuvre pour améloirer
l’humanité ?? Vous répondez à Avdone « Mon axiome a beaucoup d’appui dans les sources juives, notamment dans la pensée de rabbins comme Hirsch et Maimonide. Ce dernier, par exemple, consacre une
bonne partie de son Guide à expliquer que le but des mitsvot est avant tout éducatif. » pouvez-vous nous dire d’ou tirez vous l’idée de « avant tout » et comment définissez-vous le terme «
éducation » dans ce contexte ? Votre lecture du Guide banalise grossièrement la kédoucha qu’apporte l’accomplissement de la mitsva !
Je suis assez surpris que personne d’autre que avdone que nous ne connaissons pas vous ai repris ?? Seraient-ils (les rabbanims E.B. Y.G. M.B.) d’accord avec votre point de vue ? Ou peut-être vous
ai-je mal compris (dans ce cas excusez-moi !)
Pour finir je dois vous dire que j’ai absolument adoré votre définition du judaïsme conservatif envers la hala’ha, je cite pour un pure plaisir « Le monde massorti d’aujourd’hui ne me paraît plus
être en accord avec une quelconque lecture de la Halakha. Je le qualifierai plutôt de mouvement non-halakhiste avec une forte attache culturelle (et parfois historique) à la Halakha – tant que
celle-ci n’est pas trop contraignante »
Béatslakha,
Ilan Taïeb.
Bonsoir,
Je me permets une tentative de conjonction entre ce que j’ai compris des positions de Avdone et de celles du Webmaster Gabriel :
« Le seul et unique but de la Torah est d’inviter les hommes à servir Dieu. »
Et si justement, le meilleur moyen d’accomplir une vraie Avodat HaShem, passait pour l’Homme d’oeuvrer à l’amélioration de l’humanité en cherchant à établir une société juste et morale, en accord
avec ce que nous enseigne la Torah ?
Vos deux positions me semblent plus complémentaires qu’en opposition, vous mettez juste en exergue une face différente de la même pièce…
Quant à la question de l’esclavage, je ne peux souscrire à une comparaison entre judaisme et islamisme. Le parallèle pourrait être fait si certains rabbins continuaient encore aujourd’hui à
autoriser l’esclavage (sous prétexte que c’est autorisé « dans l’absolu » par la Torah, tant qu’on respecte les limites fixées par elle), ce qui, à ma connaissance, n’est pas le cas…
Kol touv,
@ Ilan Taïeb : ce n’est pas parce que je ne reprends pas que je suis d’accord. Dans l’ensemble j’aime bien l’idée développée dans cet article, mais je suis d’accord avec vous et Avdone sur cette
affirmation assez subjective : « le but de la Torah est d’améliorer l’humanité ». Je ne sais pas quel est le but de la Torah, il y en a peut-être plusieurs, aussi importants les uns que les autres…
De manière générale je me méfie des formules toutes faites et prêtes à l’emploi (la Torah dit que… Le but de la Torah est… etc…).
Puisque je suis lancé dans le commentaire, il y a un second point qui me dérange : considérer que ce qui est moral pour un homme/femme du 21ème siècle représente la moralité absolue. Il me semble
que la « morale » est à la base un concept subjectif, même si des Philosophes ont voulu en donner une définition objective.
Y.G
Cher Gabriel,
Le Passouk de Micha (6 ; 8) n’a, à mon avis, aucun rapport avec notre discussion. D’ailleurs je suis étonné que vous n’ayez pas pensé au passouk de Dévarim (10 ; 12) « ma Hachem Elokécha Shoel… ki
im léyirha. « Maintenant, Israël, que demande de toi l’Éternel, ton Dieu, si ce n’est que tu craignes l’Éternel, ton Dieu, afin de marcher dans toutes ses voies, d’aimer et de servir l’Éternel, ton
Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme » qui selon votre « grille de lecture » est opposé à votre « axiome » !!
Le passouk de Micha est développé dans Makot 24a. Ce passage de guemara nécessite un développement en soit il serait fallacieux de tenter de le résumer en quelques ligne (ou marhé makom ani
lécha)
Aussi, vous n’avez pas répondu à la question : « Dans quel but la Tora aurait un tel but ? »
Ilan Taïeb
« aucun rabbin des deux derniers siècles n’a jamais plaidé en faveur du rétablissement de l’esclavage » –
On notera l’avis de certains rabbins – libéraux et heureusement assez isolés – qui durent prendre position en Amérique lors de la Guerre de Sécession et parfois s’appuyèrent sur la Torah pour
justifier l’esclavage…
Bonjour,
Je suis content de voir qu’un juif orthodoxe s’intéresse à ce sujet.
Je viens d’une famille juive orthodoxe et j’ai fait quatre ans de yechiva après le Bac; il y a à peu près cinq ans j’ai totalement remis en question mon judaïsme à cause de questions identiques à
celles dont vous parlez (esclavage, génocide des 7 peuples, etc…).
J’ai depuis étudié toutes les religions dans l’espoir de découvrir La vérité. Cependant, certaines preuves quant à l’origine divine de la Torah m’enpêchent de m’en détourner complètement. Je
voudrais préciser que le Talmud n’adoucit pas toujours les lois de la Bible. Ainsi les lois de condamnation à mort, la mitsva de tuer Amalek ou les lois de la guerre ne sont pas d’actualité
uniquement pour des raisons « techniques ». De plus le Talmud rajoute la mitsva de chercher à « éliminer » un Apikoros (moi, par ex.) et de ne pas sauver un idolâtre en danger (hindou ou chinois, par
ex.); loi reprise dans le Rambam et le Choulhan Aroukh.
Ok, mais alors cela signifie que la torah et même la loi orale sont essentiellement contextuelles,si la loi orale devait réellement permettre de faire évoluer la loi écrite en fonction de l
‘évolution de la société, on devrait donc dire clairement que l ‘esclavage est interdit, de même la polygamie, et remettre en cause un ensemble de règles relative aux relation homme-femme qui
s’expliquaient par un contexte qui a radicalement changé dans lequel la femme ne travaillait pas et était dépendante économiquement. Finalement le statut de la femme dans le judaïsme même tel qu il
ressort de la loi orale est bien supérieure à celui qu ‘elle avait à dans les sociétés environnante à l ‘époque du Talmud mais bien inférieur à celui qu elle a dans le monde moderne. On a donc le
sentiment que la loi orale a cessé d’évoluer, n’est pas là le point central du problème?
à lire dans le même ordre d’idée (je conseille de sauter la question initiale qui s’étend en longueur) :
http://www.cheela.org/popread.php?id=49564
Merci pour l’article de très bonne qualité Gabriel et merci pour le lien Yona car cela s’inscrit tout à fait dans la continuité de cet article. C’est toute la dialectique entre Torah absolue et
Torah relative qui nous donne à réfléchir ici, je pense. Si la Torah est d’origine absolue car divine, elle ne peut/dois toutefois qu’être appréhendée de façon relative par les hommes… Chavoua
tov lecoulam!
L’original en français de la thèse du Grand rabbin Zadok Kahn:
http://books.google.co.il/books?id=CrcFAAAAYAAJ&pg=PA63&hl=iw&source=gbs_toc_r&cad=3#v=onepage&q&f=false.
Chalom,
L’article evoque une des strategies hermeneutiques employees par les commentateurs pour contourner et quasiment annuler les propos de la Torah qui s’opposent aux conceptions du temps. Les Sages
l’ont employee et apres eux des centaines, voir des milliers d’autres rabbins.
Cependant,la question de la pertinence du texte biblique mais egalement du texte talmudique, pose probleme: Pourquoi alors que la realite a change – et que tout le monde l’accepte – faut-il
continuer de conserver ces textes comme des textes premiers? Plusieurs reponses ont ete proposees a ces questions cependant la plus coherente, et donc la plus audacieuse est celle que propose le
rav Eliyahou Benamozegh de Livourne dans ses ecrits. Il developpe une these passionante dans son commentaire sur la Torah (Em lamikra) et dans une serie d’articles (mavo lekhol sifre Torah Chebeal
Pe). En substance, il considere que la Torah ecrite n’est qu’une partie ‘partielle’ de la Torah orale, qui elle est bien anterieure et posterieure. La Torah ecrite repond a certaines contingences
liees a l’histoire du peuple, a l’environnement culturel de l’epoque, aux courants de pensee etc.
La Torah ecrite – Torat Moche – tend a etre reecrite a chaque generation au vue de la Torah orale, vivante, dynamique…La Torah ecriten’est donc pas le socle sur lequel se base l’edifice du
commentaire juif mais deja une de ses premieres emanations. (Je vous laisse quelques secondes de soupir pour vous frotter les yeux et commencer a formuler les premieres reactions: statut de la
revelation du Sinai, la Torah divine, probleme de reforme…).
Rappelons que le rav Benamozegh etait egalement kabbaliste, pour qui chaque lettre de la Torah a une importance et une portee quasi-cosmique. Ses theories lui ont values la colere des sages d’Alepp
et de certains de Jerusalem, mais il est incontestable qu’il presente, avec une erudition incroyable (av beth din, Roch beth hamidrach lerabbanim, rav Rachi de Livourne et aussi d’une connaissance
enorme dans tous les domaines des humanites…)une these qui propose une vision coherente du systeme hermeneutique juif.
Pour exposer sa these il faudrait bien sur bien plus qu’une note.
excusez moi mais je reviens encore sur ma question, tout dans la torah écrite ou orale nous montre que ce sont les hommes qui l ont écrite à un moment ou les femmes n’avaient pas de rôle à jouer
dans la société. Comme d’ailleurs je l ai lu dans votre site, c ‘est exclusivement des discussions masculines et des points de vue masculin que l on retrouve dans la loi orale , cela est tout à
fait normal vu le contexte de l époque. Mais depuis très peu temps à l’échelle du temps, les choses ont radicalement changé dans le monde , les femmes interviennent dans le fonctionnement de la
société, on a le sentiment que cet état de fait n ‘est pas pris en compte et que rien dans la loi orale ne permet de le prendre en compte. Bref le talmud est une affaire d hommes, comment faire en
sorte que ça devienne aussi une affaire de femme. PS il ne s agit pas ici de tomber dans les excès de notre modernité qui conduit à une confusion des sexes, mais simplement de faire en sorte que la
femme ait un accès autonome à l étude à la vie sociale et donc puisse contribuer à l humanité.
Merci de votre réponse et de votre site, je me considère comme faisant partie de ce courant orthodoxe moderne, mais autre question alors quelle est la différence entre l’ouverture que le mouvement
orthodoxe modern prône à travers la nécessaire interprétation de la loi en fonction de l évolution de la socièté et les mouvement massorti et libéraux. Est ce juste une affaire d étiquette?
Bonjour,
Bel article, bravo a Gabriel (comme toujours 🙂 ). Sur l’esclavage, l’Encyclopedia Mikrait a un long article (s.v. עבדות) comparant les lois de la Torah aux legislations du Moyen Orient Antique.
C’est tres interessant a lire. Apparemment, une loi de la Torah pour laquelle l’on n’a retrouve aucun equivalent dans les autres Codes de l’Antiquite est l’interdiction de rendre un esclave echappe
a son maitre.
@ Mickael, je suis precisement en train de lire le livre (en francais, avis aux amateurs!) de Alessandro Guetta sur Elie Benamozegh. Mais s’il parle de ce que tu mentionnes, je n’y suis pas encore
arrive…
Pour un rabbin orthodoxe, il est tres courageux d’elaborer le genre de theories pronees par Benamozegh (et Berkovits dans la reponse citee sur Cheela). Il est beaucoup plus simple de restreindre,
ou d’annuler, la portee d’une loi derangeante, en la reinterpretant mais sans remettre en question sa legitime intrinseque et sans cadre theorique trop controverse. C’est par exemple ce que Hazal
ont fait aux lois du Ben Sorer ouMoreh, en rendant toute la paracha inapplicable, en y rajoutant des conditions impossibles a realiser.
Merci de cette réponse très précise, et continuez votre action nous en avons besoin
Merci pour cet article intéressant et pour les commentaires tout aussi intéressants. Pour prendre part au débat j’aimerai formuler quelques remarques.
1)L’auteur de l’article écrit dans son introduction : « Je propose tout d’abord l’axiome suivant : le but de la Torah est d’œuvrer pour l’amélioration de l’humanité. Ou formulée
différemment, le but de la Torah est d’aider les hommes à établir une société juste et morale ». Cette formule est très maladroite, car il n’y a rien de plus faux. Si c’est ça le but de
la Torah, je vous conseille de la remplacer par un texte comme la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Ce texte va beaucoup plus loin dans l’établissement d’une société juste et morale.
Le seul et unique but de la Torah est d’inviter les hommes à servir Dieu. Dans votre définition, vous avez remplacer Dieu par les « hommes ».
2) Il y a un grand effort pour tenter de montrer que malgré l’abomination que représente l’esclavage, les règles le concernant dans la Torah écrite étaient « révolutionnaires » pour le
temps. Ça me rappelle le débat sur la polygamie dans l’Islam qui est justifié de la même manière : Dieu dans sa grande sagesse à limiter à quatre le nombre de femmes permises alors qu’avant il
n’y avait pas de limites. Après le concordisme scientifique qui consiste pour les prédicateurs de tout bord à nous expliquer que leur livre saint renferme la vérité et que c’est scientifiquement
prouvé, on a le droit maintenant à une sorte de concordisme moral : les lois de ma religion étaient révolutionnaires, c’est la preuve que Dieu existe et que ma religion est la seule vraie.
Bref, il est prouvé que l’histoire du Déluge vient de Mésopotamie, dois-je arrêter de croire et de pratiquer la Torah ? Et si un jour, un historien trouve des textes plus anciens et plus
« morales » concernant l’esclavage, allez-vous abandonner la Torah ? Pour ceux qui doutent, je vous conseille de relire tous les passages de Y. Leibowitz (qui s’appuie sur une partie de
la Tradition) relatifs à la nature des textes saints : les textes ne sont pas saints par leur nature intrinsèque, ils sont saints car ils sont mis au service de Dieu. A partir de ça, peut
importe qu’Adam et Eve aient existé ou pas…
3) La présence dans la Torah écrite de lois violentes troublent certains des intervenants de ce fil de discussions. Mais, les Juifs n’ont jamais vécu, ne vivent pas et ne vivront pas selon la Torah
écrite, mais selon la halakha qui vient de la loi orale et qui évolue. La présence de ces lois posent des problèmes aux Caraïtes,mais pas à nous !
Avdone
Salut à tous !
Cela faisait assez longtemps que je n’avais pas visité le Blog et je suis agréablement surpris de son activité. Néanmoins je reste toujours sur ma vieille position qu’un juif n’est pas a mettre
dans une boite (orthodoxe modern libéral archi-modern ultra-orthodoxe…)
Je suis toujours curieux de savoir quelle définition donneriez-vous à l’orthodoxie moderne dans laquelle une orthodoxe régulier (je ne sais pas comment définir le non modern orthodoxe) ne pourra
trouver sa place.
Pour en venir à votre billet, quelques remarques à vous faire :
1. Sémantique.
Le terme « Avdout » n’a pas la connotation péjorative que contient le terme esclavage, c’est plutôt l’idée d’être au service d’un maître qu’il faut retenir. Au point que la Tora envisage qu’un «
Eved » demanderait à son maître de prolonger sa servitude jusqu’au « Yovel ». Pourquoi ? Parce qu’il aime son maître (c’est la une condition non-négociable de la prolongation de contrat.
2. je partage l’avis de avdone vis à vis de votre axiome « le but de la Torah est d’œuvrer pour l’amélioration de l’humanité. Ou formulée différemment, le but de la Torah est d’aider les hommes à
établir une société juste et morale » j’ai du mal à croire que ces lettres sorte de votre plume !! et je vous retournerai la question suivante : « Mais dans quel but la tora œuvre pour améloirer
l’humanité ?? Vous répondez à Avdone « Mon axiome a beaucoup d’appui dans les sources juives, notamment dans la pensée de rabbins comme Hirsch et Maimonide. Ce dernier, par exemple, consacre une
bonne partie de son Guide à expliquer que le but des mitsvot est avant tout éducatif. » pouvez-vous nous dire d’ou tirez vous l’idée de « avant tout » et comment définissez-vous le terme «
éducation » dans ce contexte ? Votre lecture du Guide banalise grossièrement la kédoucha qu’apporte l’accomplissement de la mitsva !
Je suis assez surpris que personne d’autre que avdone que nous ne connaissons pas vous ai repris ?? Seraient-ils (les rabbanims E.B. Y.G. M.B.) d’accord avec votre point de vue ? Ou peut-être vous
ai-je mal compris (dans ce cas excusez-moi !)
Pour finir je dois vous dire que j’ai absolument adoré votre définition du judaïsme conservatif envers la hala’ha, je cite pour un pure plaisir « Le monde massorti d’aujourd’hui ne me paraît plus
être en accord avec une quelconque lecture de la Halakha. Je le qualifierai plutôt de mouvement non-halakhiste avec une forte attache culturelle (et parfois historique) à la Halakha – tant que
celle-ci n’est pas trop contraignante »
Béatslakha,
Ilan Taïeb.
Bonsoir,
Je me permets une tentative de conjonction entre ce que j’ai compris des positions de Avdone et de celles du Webmaster Gabriel :
« Le seul et unique but de la Torah est d’inviter les hommes à servir Dieu. »
Et si justement, le meilleur moyen d’accomplir une vraie Avodat HaShem, passait pour l’Homme d’oeuvrer à l’amélioration de l’humanité en cherchant à établir une société juste et morale, en accord
avec ce que nous enseigne la Torah ?
Vos deux positions me semblent plus complémentaires qu’en opposition, vous mettez juste en exergue une face différente de la même pièce…
Quant à la question de l’esclavage, je ne peux souscrire à une comparaison entre judaisme et islamisme. Le parallèle pourrait être fait si certains rabbins continuaient encore aujourd’hui à
autoriser l’esclavage (sous prétexte que c’est autorisé « dans l’absolu » par la Torah, tant qu’on respecte les limites fixées par elle), ce qui, à ma connaissance, n’est pas le cas…
Kol touv,
@ Ilan Taïeb : ce n’est pas parce que je ne reprends pas que je suis d’accord. Dans l’ensemble j’aime bien l’idée développée dans cet article, mais je suis d’accord avec vous et Avdone sur cette
affirmation assez subjective : « le but de la Torah est d’améliorer l’humanité ». Je ne sais pas quel est le but de la Torah, il y en a peut-être plusieurs, aussi importants les uns que les autres…
De manière générale je me méfie des formules toutes faites et prêtes à l’emploi (la Torah dit que… Le but de la Torah est… etc…).
Puisque je suis lancé dans le commentaire, il y a un second point qui me dérange : considérer que ce qui est moral pour un homme/femme du 21ème siècle représente la moralité absolue. Il me semble
que la « morale » est à la base un concept subjectif, même si des Philosophes ont voulu en donner une définition objective.
Y.G
Cher Gabriel,
Le Passouk de Micha (6 ; 8) n’a, à mon avis, aucun rapport avec notre discussion. D’ailleurs je suis étonné que vous n’ayez pas pensé au passouk de Dévarim (10 ; 12) « ma Hachem Elokécha Shoel… ki
im léyirha. « Maintenant, Israël, que demande de toi l’Éternel, ton Dieu, si ce n’est que tu craignes l’Éternel, ton Dieu, afin de marcher dans toutes ses voies, d’aimer et de servir l’Éternel, ton
Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme » qui selon votre « grille de lecture » est opposé à votre « axiome » !!
Le passouk de Micha est développé dans Makot 24a. Ce passage de guemara nécessite un développement en soit il serait fallacieux de tenter de le résumer en quelques ligne (ou marhé makom ani
lécha)
Aussi, vous n’avez pas répondu à la question : « Dans quel but la Tora aurait un tel but ? »
Ilan Taïeb
« aucun rabbin des deux derniers siècles n’a jamais plaidé en faveur du rétablissement de l’esclavage » –
On notera l’avis de certains rabbins – libéraux et heureusement assez isolés – qui durent prendre position en Amérique lors de la Guerre de Sécession et parfois s’appuyèrent sur la Torah pour
justifier l’esclavage…