Dieu, où te trouverai-je ? Pensées de veille de Roch Hachana

J’aimerais parler de Rosh Hashana avait simplicité et clarté. Cependant, j’avoue que mes propres sentiments sont bien trop mitigés pour cela.

Rosh Hashana : l’effrayant jour du jugement ou le magnifique anniversaire de la création de l’Homme ? Ces deux approches existent dans la tradition juive, qui nous parle également du jour où Dieu est roi mais où, paradoxalement, Dieu est proche de sa création.

Cette tension, que chaque juif peut ressentir lors de ce mois intense en prières, a été parfaitement décrite par Rabbi Yéhouda Halevy (Espagne, 11e siècle), l’un des plus grand poète que le judaïsme ait connu. Dans son poème « Dieu, où te trouverai-je ? », vraisemblablement écrit en l’honneur de Rosh Hashana, c’est en vers que R. Halevy décrit cette tension bouleversante.

La distique qui l’ouvre semble étonnamment moderne :

 

יָהּ, אָנָה אֶמְצָאֲךָ? / מְקוֹמְךָ נַעֲלָה וְנֶעְלָם!

וְאָנָה לֹא אֶמְצָאֲךָ? / כְּבוֹדְךָ מָלֵא עוֹלָם!

Dieu, où te trouverai-je ? Ton lieu est élevé et caché !

Et où ne te trouverai-je pas ? Ta gloire emplit le monde.

 

Quelques mots simples qui décrivent la vie tragique du croyant solitaire décrit par Rav Soloveitchik. Ce religieux contemporain à la recherche perpétuelle d’un Dieu invisible et inatteignable mais pourtant si perceptible. Cet homme pour qui la religion n’est plus un havre de paix mais une source permanente de questionnements et d’inspiration, de doutes et d’apaisement.

À Rosh Hashana, cet étrange croyant se tient devient Dieu et ne peut s’empêcher de lire les prières suivant la sonnerie du Shoffar sous une forme interrogative : “Dieu a-t-il créé le monde aujourd’hui ? Est-ce aujourd’hui qu’il jugera les créatures de l’Univers ?”. Les mots restent les mêmes, seule l’intonation change…

Pourtant, à Yom Kippour, son cœur s’émeut lors des premières notes de la prière :

 

« Vers toi, mon Dieu, va mon désir ; à toi sont ma passion et mon amour.

Vers toi, s’élèvent mon cœur et mes entrailles ; mon inspiration et mon âme  […]

Vers toi mon souffle et ma force ; mon assurance et mon espoir […] » (Début de la liturgie séfarade)

 

Ses questions tantôt l’élèvent, tantôt le consument. Parfois, il jalouse ses coreligionnaires à la foi simple, sans question. Le problème, c’est qu’il n’a pas choisi de se poser ces questions, pas plus qu’il n’a choisi de naitre juif, ou de naitre tout court.

Ce croyant représente bon nombre de juifs contemporains. Ces intellectuels qui ont choisi le judaïsme. Parfois ils doutent, parfois ils sont certains, mais une chose est sûre : ce questionnement est une source permanente de création et paradoxalement, il est parfois source d’apaisement ; probablement car l’infinité de Dieu ne peut se trouver dans l’étroitesse d’une réponse… Comme le résume Rav Kook (Israël, 20e siècle) :

 

Celui dont l’âme ne s’étend pas au large, celui qui ne cherche pas la lumière de la Vérité et du Bien de tout son cœur, ne connait pas d’écrasement spirituel mais ne bâtit non plus ses propres édifices. Il se protège à l’ombre d’édifices naturels, comme les lièvres se protègent sous les rochers.

Mais l’Homme, celui à l’âme d’Adam, son âme ne peut se sentir protégée qu’à l’ombre des édifices qu’il construit par son propre labeur spirituel. (Orot Hakodesh, 2:314)

 

 

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