L’idée du printemps est celle de Pessah, un peuple invisible au sein de la grande Égypte, un peuple refoulé aux frontières des villes, auquel nul ne prête attention, ce peuple devient soudain la fleur du pays. La minorité silencieuse et opprimée fait entendre sa voix, elle pousse et fleurit soudainement.
Printemps en Galilée (Israël) crédit : chany14/flickr
Les célébrations de Pessah’ sont introduites dans la Torah par un verset surprenant :
שמור, את-חודש האביב, ועשית פסח, לה’ אלוהיך: כי בחודש האביב, הוציאך יהוה אלוהיך ממצריים–לילה.
Garde le mois du Printemps, et tu ferras Pessah’, pour Hashem ton Dieu. Car c’est durant le mois du printemps que Hashem ton Dieu te fit sortir d’Egypte – la nuit. (Deut. 16:1)
De ce verset découle notre calendrier hébraïque aux années embolismiques, dont le but est justement de s’assurer que la fête de Pessah corresponde toujours au printemps. Cette précision nous conduit à rechercher le lien qui unirait Pessah et le printemps.
Dans la liturgie juive, Pessah est définit comme זמן חירותנו, le temps de notre liberté. Mais Pessah est-elle vraiment la fête de la liberté ? Si le peuple hébreu se libère bien du joug égyptien, son destin n’est toujours pas entre ses mains. Libérés d’Egypte, les hébreux n’ont d’autres choix que d’avancer dans le désert sans même réellement savoir où Dieu les guidera. A aucun moment Moïse ne consulte ses ouailles ou se soucie de la volonté du peuple. Comment peut-on être libre quand on ne nous propose aucune alternative sérieuse ? Souffrir en Egypte ou errer dans le désert – deux non-choix qui conduisent d’ailleurs les enfants d’Israël à se plaindre plus d’une fois de leur condition, et à juste titre (1).
Il me semble que c’est grâce au philosophe Thomas Hobbes que nous pouvons répondre à cette question. Pessah symbolise en effet la liberté première, la plus simple, celle qui se résume à l’absence de tout obstacle extérieur et de tout agent contraignant (2). Ainsi, plutôt que de qualifier Pessah comme la fête de la liberté, nous pouvons la qualifier de « fête de fin de l’oppression« . A bien des égards, Pessah ne proclame pas une liberté active mais appelle à mettre fin à toute forme d’esclavagisme. Cette symbolique se retrouve d’ailleurs dans d’innombrables versets touchant tous à un certain niveau d’oppression sociale :
• וְגֵר לֹא תִלְחָץ וְאַתֶּם יְדַעְתֶּם אֶת נֶפֶשׁ הַגֵּר כִּי גֵרִים הֱיִיתֶם בְּאֶרֶץ מִצְרָיִם N’opprimes pas l’étranger installé chez toi, car vous savez bien ce qu’ils peuvent éprouver, puisque vous avez été vous-mêmes des étrangers en Égypte. (Ex. 23:9)
• ששת ימים תעבד ועשית כל מלאכתך, ויום השביעי שבת לה’ אלהיך, לא תעשה כל מלאכה אתה ובנך ובתך ועבדך ואמתך ושורך וחמרך וכל בהמתך וגרך אשר בשעריך למען ינוח עבדך ואמתך כמוך. וזכרת כי עבד היית בארץ מצרים, ויצאך ה’ אלהיך משם ביד חזקה ובזרע נטויה. Six jours tu travailleras, mais le septième jour sera jour de repos pour ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni aucune de tes bêtes, ni l’étranger qui se trouve dans tes villes, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi. Et tu te souviendras qu’au pays d’Egypte tu étais esclave, et que ton Dieu t’a fait sortir de là d’une main forte et le bras étendu ; c’est pourquoi ton Dieu t’a ordonné de pratiquer le jour du shabbat. (Deut. 5:12)
Ces versets ne sont que deux exemples d’un des thèmes les plus présents de la Torah. Bien au-delà de l’aspect romantique, la sortie d’Egypte a des implications sociales pratiques, notamment au niveau du rapport à l’étranger, à l’opprimé et à la terre. Ces commandements constituent l’essentiel du message de Pessah, comme le résume brillamment l’exégète R. S. D. Luzzato (Italie, 19e siecle, connu sous l’acronyme ShaDaL), l’effet principal du récit de Pessah dans l’imaginaire juif est que :
« [les juifs] ont intériorisé que Dieu déteste les gens méprisables et qu’il sauve les opprimés. Et ils ont intériorisé que si, lors de leur propre réussite, ils oppriment les autres, Dieu vengera [les opprimés] et les ferra échouer. C’est d’ailleurs l’avertissement que leur a transmis Moïse de nombreuses fois : qu’ils n’oublient pas qu’ils étaient esclaves et que Dieu les a sauvé. » (3)
Mais revenons au printemps. Pourquoi faire dépendre éternellement la fête de Pessah de sa saison historique ? Il me semble que nous pouvons désormais proposer une réponse. Contrairement aux pays européens, l’hiver au Moyen-Orient et le moment où la Nature est la plus verte, alors que l’Été symbolise la mort et l’asséchement. C’est le moment où la nature devenue verte semble stable, immuable et uniforme. Au printemps, la différence significative –que les israéliens vivent chaque année avec plaisir – est la floraison. Les champs d’herbes vertes de l’hiver se couvrent subitement de fleurs éparpillées que nul n’avait anticipées. Des bourgeons en fleurs apparaissent parmi les feuilles. Autrement dit, ces éléments minoritaires que sont les fleurs dans un champ d’herbe, cachées sous la terre pendant l’hiver, se font soudain voir.
L’idée du printemps est celle de Pessah, un peuple invisible au sein de la grande Égypte, un peuple refoulé aux frontières des villes, auquel nul ne prête attention, ce peuple devient soudain la fleur du pays. La minorité silencieuse et opprimée fait entendre sa voix, elle pousse et fleurit soudainement. Nous retrouvons d’ailleurs cette symbolique du peuple d’Israël en fleurs dans les mots du prophète Ezéchiel :
Au moment de ta naissance, personne n’a coupé ton cordon, on ne t’a pas plongée dans l’eau pour te laver, on ne t’a pas frottée avec du sel et on ne t’a pas emmaillotée dans des langes. Personne n’a eu un regard de pitié pour toi ni assez de compassion pour te prodiguer un seul de ces soins. Au contraire, on n’avait que du dégoût pour toi et tu as été jetée sur le sol nu à ta naissance. Je suis passé près de toi et j’ai vu que tu baignais dans le sang. Je t’ai dit de vivre malgré le sang dont tu étais couverte, j’ai insisté pour que tu vives. Je t’ai fait croître comme une plante des champs. Tu as grandi, tu t’es développée et tu es devenue la beauté des beauté : tes seins se sont formés et ta chevelure poussa. Mais tu étais complètement nue. De nouveau, je suis passé près de toi et j’ai vu que tu avais atteint l’âge de l’amour. Alors j’ai étendu mon manteau sur toi pour en couvrir ta nudité. Je t’ai promis fidélité et j’ai conclu une alliance avec toi. C’est ainsi que tu fus à moi, je l’affirme, moi, le Seigneur Dieu. (Ez. 17:2-8)
L’histoire du peuple d’Israël est symbolisée par celle d’une enfant abandonnée, que la société conformiste et bien-pensante rejette avec dégout. Mais voilà que Dieu la protège et cette enfant pousse, croît telle une plante des champs, avant d’éclore et de devenir une jeune femme. C’est, à mes yeux, le message le plus important de cette fête : même un enfant abandonné, l’opprimé des opprimés, peut devenir la fleur de l’Humanité.
Pessah est le printemps, le printemps est Pessah. Comme le formule poétiquement le Rav Kook « La sortie d’Egypte restera le printemps du monde entier » (4). Car depuis, Pessah a largement dépassé les frontières du peuple juif pour inspirer l’humanité entière de son vent de liberté qu’elle apporte au monde. C’est lors de la sortie d’Egypte que pour la première fois l’humanité a proclamé ce qui, des millénaires plus tard, sera gravé sur la cloche de la Liberté américaine, symbole des droits de l’Homme :
וּקְרָאתֶם דְּרוֹר בָּאָרֶץ לְכָל יֹשְׁבֶיהָ
Et vous proclamerez la liberté sur la terre, pour tous ses habitants (Lev. 25:10)
La cloche de la Liberté, exposée à Philadelphie. crédit : Lee Bennett / flickr
Notes :
(1) Notons d’ailleurs la plainte pleine de sens des hébreux pris au piège entre l’armée égyptienne et la mer rouge : » Ils dirent à Moïse : « L’Egypte manquait-elle de tombeaux que tu nous aies emmenés mourir au désert ? Que nous as-tu fait là, en nous faisant sortir d’Egypte ? » (Ex. 14:11).
(2) Voir Thomas Hobbes, Leviathan, chap. 21 : » signifient proprement l’absence d’opposition (par opposition, j’entends les obstacles extérieurs au mouvement)
(3) פירוש שד »ל על התורה, שמות פ »ג פסוק כב
(4) מגד ירחים, חודש ניסן
Une réflexion sur “ Pessah, printemps de l’Humanité ”
Cet article est magnifique. Pessac est la fête de la liberté. Toute les symboliques tournent autour d’un processus psychologique bien élaboré: – La recherche du hamets = recherche des croyances limitatives intérieures qui empêchent l’être humain de se libérer de son passé. Une avera est une action que l’on fait dans le présent qui prend essence dans le passé. (Le passé en hébreu se dit « avar » du langage de « avéra ». Pour ceux qui ne sont pas convaincu, prenez des exemples de avera et de mitsva. Vous verrez que la mitsva est une action présente qui prend effet dans le présent ou dans un « passé présent » et que la avéra est une action présente qui prend naissance dans un passé lointain. (Je n’ai vu aucun contre exemple à ce jour). – Le fait de brûler le hamets = se debarasser de ses croyances limitatives en les pulvérisant. – La sortie d’egypte : en hébreu Égypte (mitsraïm) sont les mêmes lettres que metsarim qui signifient les limites. Et lorsque l’être humain est libérer il dit » baroukh hamakom baroukh hou » Dieu prend le nom de Makom qui signifie endroit. Car lorsque l’être humain se libère il voit Dieu partout. D’ailleurs il est intéressant de noter que le tétragramme au carré (puissance 2) (pour ceux qui ont fait un peu de math) a la même valeur numérique que makom. Youd au carré = 100 Hé au carré= 25 Vav au carré = 36 Hé au carré = 25 Total=186 Et makom Mêm = 40 Kouf = 100 Vav = 6 Mêm = 40 Total=186 Merci Hachem, Merci Hachem, Merci Hachem. 🙂
Cet article est magnifique. Pessac est la fête de la liberté. Toute les symboliques tournent autour d’un processus psychologique bien élaboré:
– La recherche du hamets = recherche des croyances limitatives intérieures qui empêchent l’être humain de se libérer de son passé. Une avera est une action que l’on fait dans le présent qui prend essence dans le passé. (Le passé en hébreu se dit « avar » du langage de « avéra ».
Pour ceux qui ne sont pas convaincu, prenez des exemples de avera et de mitsva. Vous verrez que la mitsva est une action présente qui prend effet dans le présent ou dans un « passé présent » et que la avéra est une action présente qui prend naissance dans un passé lointain. (Je n’ai vu aucun contre exemple à ce jour).
– Le fait de brûler le hamets = se debarasser de ses croyances limitatives en les pulvérisant.
– La sortie d’egypte : en hébreu Égypte (mitsraïm) sont les mêmes lettres que metsarim qui signifient les limites.
Et lorsque l’être humain est libérer il dit » baroukh hamakom baroukh hou »
Dieu prend le nom de Makom qui signifie endroit. Car lorsque l’être humain se libère il voit Dieu partout. D’ailleurs il est intéressant de noter que le tétragramme au carré (puissance 2) (pour ceux qui ont fait un peu de math) a la même valeur numérique que makom.
Youd au carré = 100
Hé au carré= 25
Vav au carré = 36
Hé au carré = 25
Total=186
Et makom
Mêm = 40
Kouf = 100
Vav = 6
Mêm = 40
Total=186
Merci Hachem, Merci Hachem, Merci Hachem.
🙂