Orthodoxie et tolérance II : des sources racistes ? par Emmanuel Bloch
Originaire de Colmar en Alsace, Emmanuel Bloch a fait des études de droit et d’économie en Suisse, où il a travaillé, par la suite, en tant qu’avocat. Il a étudié à la yechiva de Ohr Somayach, aux Etats-Unis, puis au kollel de Genève. Il suit aujourd’hui un programme de Masters en philosophie juive (Machshevet Israel) à l’Université Hébraïque, et prévoit de se spécialiser en philosophie de la Halakha.(source : cheela.org)
Repondeur sur le site de questions/réponses juives cheela.org, Emmanuel est aussi un lecteur et un contributeur régulier du blog. Ses anciens posts sont disponibles dans la catégorie « les Billets d’Emmanuel Bloch« .
Dans un précédent billet, nous avons entamé une réflexion sur la question de la compatibilité entre le Judaïsme orthodoxe et ses croyances, d’une part, et l’idéal de tolérancede l’autre.
Ce premier volet avait essentiellement pour but de présenter une argumentation favorable à l’idée de tolérance religieuse, et de baser cette dernière sur des sources et concepts consacrés par la tradition juive orthodoxe. Mais nous avons d’emblée signalé l’existence de cette vérité particulièrement dérangeante : les textes canoniques juifs contiennent aussi un nombre important d’idées et de lois intolérantes, pour ne pas dire franchement racistes ; dans les normes halakhiques, le non-Juif a parfois un statut inférieur à celui du Juif, et dans les textes extra-légaux il est dépeint sous une lumière défavorable.
En tant que juif Modern Orthodox, complètement respectueux de la Torah et des mitsvot mais néanmoins sincèrement attaché aux idéaux d’égalité et de tolérance, quelle est l’attitude à adopter face au racisme anti-goy rencontré dans certains textes? C’est à cette difficile question que nous voulons consacrer notre deuxième billet.
Mais de quoi parlons-nous exactement ? Pour le comprendre, prenons un exemple concret.
L’antigoyisme : un exemple révélateur.
Pour avoir une vraie idée du traitement réservé au goy dans la Torah, il faudrait faire une synthèse générale de l’ensemble des halakhot ayant trait aux non-Juifs, puis effectuer le même travail pour les textes aggadiques ; mais le temps et la place nous manquent ici pour un travail d’une telle envergure1. Aussi, nous allons nous limiter à un aspect particulièrement symbolique de ce vaste champ d’investigation, et poser la question suivante : la Torah voit-elle le non-Juif comme l’égal du Juif, ou comme son inférieur ?
A cet égard, un texte talmudique a particulièrement attiré l’attention:
תניא וכן היה ר’ שמעון בר יוחאי אומר, קברי עובדי כוכבים אינן מטמאין באהל, שנאמר: « ואתן צאני צאן מרעיתי אדם אתם » (יחזקל לד, לא) – אתם קרויין אדם, ואין העובדי כוכבים קרויין אדם2.
Il a été enseigné: « Rabbi Chimon bar Yochai disait – les tombes des idolâtres n’entraînent pas l’impureté de la tente, ainsi qu’il est dit « Et vous, mes brebis, mes brebis que je fais paître, vous êtes des hommes» (Ezechiel 34:31) : vous êtes appelés « hommes », mais les nations du monde ne sont pas appelées « hommes » » (traduction libre).
Pris dans un sens littéral, ce texte talmudique semble affirmer que seuls les Juifs méritent le titre d’êtres humains, au contraire des non-Juifs. Mais est-ce bien ainsi que les commentateurs ont compris cet enseignement ?
La réponse est bien souvent positive. Un grand nombre d’autorités rabbiniques ont affirmé, au fil des siècles, la supériorité intrinsèque, inaltérable, ontologique, du Juif par rapport au non-Juif. L’exemple le plus célèbre est certainement celui du poète et philosophe Rabbi Yehouda HaLevi (1086-1145), pour qui les Juifs représentaient une catégorie distincte et supérieure par rapport au reste du genre humain3.
Mais il ne fut de loin pas le seul. Ainsi, au 16eme siècle, le Maharal de Prague reprit notre même texte talmudique cité ci-dessus afin d’affirmer, dans plusieurs de ses ouvrages, la supériorité de la race juive4.
Il est important de noter que cette position fut pratiquement unanime parmi les auteurs influencés par la kabbale. Ainsi, à en croire le Zohar (13eme – 14eme siècle), l’idée selon laquelle l’homme a été créé à l’image de Dieu (Bereichit 1:27) ne s’applique qu’au seul « homme » selon la définition talmudique vue précédemment – le juif. Le non-Juif, quant à lui, n’a pas été créé à l’image de Dieu5.
Le Arizal, en développant un autre thème provenant du Zohar, affirmait une différence cosmique entre l’âme du Juif qui provient des forces de la Kedoucha (sainteté), et celle du non-Juif qui provient des Klipot (« écorces » ou forces de l’impureté)6.
Les auteurs mystiques postérieurs au Arizal reprirent généralement cette thèse de la source impure de l’âme des non-Juifs. Je ne citerai ici que deux exemples, celui du Michnat ‘Hassidim, un ouvrage du kabbaliste italien Imanouel ‘Hay Rikki (18eme siècle), dont l’influence sur la kabbale des mitnagdim fut immense7 ; et celui du Sefer ha-Tanya, l’ouvrage fondateur de la ‘hassidout ‘habad, et l’un des plus populaires ouvrages de ‘hassidout en général8.
Finalement, il faut remarquer que cette opinion trouve un écho certain dans les écrits de rabbins contemporains prestigieux; voici par exemple ce qu’écrivit il y a quelques années un décisionnaire important du mouvement sioniste religieux :
אנועם סגולה לא בגלל שקבלנו את התורה, אלא קבלנו את התורה מפני שאנו עם סגולה. כי התורה מתאימה כל כך לטבענו הפנימי. לאומה יש טבע מיוחד, אופי, פסיכולוגיה ציבורית, אופי אלוקי מיוחד,וריבונו של עולם הוא זה שיצר אומה מיוחדת זו – « עם זו יצרתי לי תהילתי יספרו ». יש הטוענים נגדנו שאנו « גזעניים », והתשובה היא (…) אם גזענות פירושה שאנו שונים ועליונים מעמים אחרים, ומתוך כך מביאים ברכה לעמים אחרים – אזי, מודים אנו ששונים אנו מכל עם, לא מצד צבע העור,
אלא מצד הטבע הנשמתי שלנו, והתורה היא תיאור התוכן הפנימי שלנו.9
Nous ne sommes pas le peuple élu parce que nous avons reçu la Torah, nous avons reçu la Torah parce que nous sommes le peuple élu. En effet, la Torah correspond complètement à notre nature profonde. La nation juive a une nature spéciale, des caractéristiques particulières, une psychologie collective, un côté divin spécifique ; et le Maître du Monde est Celui qui a créé cette nation spéciale. Certains nous accusent d’être racistes, et notre réponse est la suivante (…) si le racisme implique de croire que nous sommes différents et supérieurs par rapport aux autres peuples, et qu’ainsi nous amenons la bénédiction aux autres peuples – en ce cas, nous admettons être différents des autres peuples, non de par la couleur de notre peau, mais de par notre nature spirituelle, et la Torah est une description de notre contenu intérieur.(Traduction libre)
Différentes stratégies possibles.
Revenons maintenant à notre question initiale, et essayons d’établir une carte des différentes réactions qu’un juif MO pourra être amené à adopter pour résoudre le dilemme moral résultant de son double engagement, envers sa tradition ancestrale et envers les grands idéaux modernes, lorsqu’il se trouve confronté à des textes antigoys.
a)Passer sous silence.
Il est toujours possible de faire comme si de rien n’était et de passer sous silence les sources problématiques. Les textes que nous venons de mentionner ne sont pas accessibles au fidèle moyen, et les plus érudits peuvent comprendre d’eux-mêmes, ou par voie de socialisation, que toute vérité n’est pas forcément bonne à dire en public. L’éventuelle voix isolée, qui irait à l’encontre du consensus général, serait dénoncée comme un esprit chagrin et aigri, voire un antisémite. Dans les faits, cette approche est très couramment employée.
b) Mettre l’accent sur les textes non-racistes.
Tout le monde n’est pas d’accord avec l’idée de la supériorité ontologique du Juif sur le non-Juif, loin s’en faut. Il ne faut pas chercher plus loin que le début du Tanakh pour apprendre que l’ensemblede l’humanité a pour ancêtres communs le premier couple, Adam et Eve, créés à l’image de Dieu. Des textes talmudiques vont dans le même sens (Michna Avot 3,17 ; Michna Sanhedrin 4,5 ; …). Au Moyen-Age, le Rambam affirme dans ses écrits l’égalité spirituelle entre Juifs et non-Juifs10 ; c’est d’ailleurs généralement la position adoptée par les rabbins influencés par la philosophie grecque11. A l’époque moderne, on pensera par exemple aux écrits d‘ Emmanuel Levinas, Eliyahou Benamozegh, etc.
c) Limiter la portée des textes problématiques.
Dans cette stratégie, l’existence de textes racistes n’est pas occultée, mais leur champ d’application est sévèrement limité. Ceci peut être accompli de différentes manières. On peut ainsi estimer que ces textes doivent être replacés dans leur contexte, celui d’époques où les Juifs eux-mêmes subissaient des discriminations nombreuses et variées ; en d’autres termes, il ne s’agirait pas d’une expression de la « vérité de la Torah », mais d’une réaction face à une triste réalité sociale, très différente de la nôtre. Alternativement, on peut soutenir que l’esprit raciste de ces sources reste pure théorie et ne se traduit jamais dans les normes juridiques, et que les rabbins ne prétendirent jamais qu’un Juif aurait en pratique plus de droits qu’un non-Juif12.
d) Dénoncer.
Finalement, la dernière option revient à admettre franchement l’existence des sources antigoyes et à les critiquer ouvertement pour leur racisme et leur intolérance. Sans trop de surprise, cette approche est la moins employée par les juifs orthodoxes, car elle fait preuve d’un irrespect indéniable par rapport aux textes consacrés et aux rabbins vénérés qui en sont les auteurs.
Pourtant, dans mon futur troisième et dernier billet de cette série, j’argumenterai que les circonstances propres à notre époque rendent incontournable une utilisation accrue de cette dernière voie, et que l’un des challenges actuels de l’orthodoxie juive se joue précisément dans sa capacité à condamner, sans équivoque possible, les éléments racistes qui menacent de plus en plus de s’exprimer.
Ces quatre approches ne sont évidemment pas exclusives. Par exemple, on peut facilement combiner (a) et (b) entre elles, en tenant un discours du type « il n’y pas de racisme dans le Judaïsme ! Et voici ce que pensait d’ailleurs Maimonide … » ; (b) et (c) peuvent également être intégrées : « les textes racistes ne sont pas représentatifs ! Et voici ce que pensait d’ailleurs Maimonide … ».Quant à l’attitude critique (d), elle doit nécessairementêtre couplée à une prise en compte du contexte historique (c), sans quoi elle tombe dans l’accusation grossière et dépourvue de nuances.
L’orthodoxie moderne mieux outillée ?
Pour conclure, je voudrais mentionner encore deux idées qui me semblent importantes. La première provient des études juives universitaires et relève de la stratégie (c); la seconde nous est enseignée par l’anthropologie et l’ethnologie, et relève de la stratégie (d). En principe, aucune de ces deux idées ne devrait provoquer de levée de boucliers au sein de l’orthodoxie moderne, cette dernière étant plus flexible que d’autres courants orthodoxes sur la possibilité d’accepter des vérités provenant de l’extérieur de la Tradition; ainsi, du fait de son ouverture, la Modern Orthodoxy est mieux outillée pour faire face au challenge de l’intolérance juive.
Première idée : que voulait vraiment dire Rabbi Chimon bar Yo’hay ? Une approche moderne.
Yehezkel Cohen13s’est penché sur l’enseignement talmudique cité ci-dessus « vous êtes appelés hommes, mais les nations du monde ne sont pas appelées hommes », dans le but de déterminer son sens précis, aux yeux de son auteur, le Tanna Rabbi Chimon bar Yo’hay (« Rachbi »). Est-ce que la volonté originelle était de souligner le profond fossé séparant les Juifs des non-Juifs, comme les commentateurs ultérieurs le comprirent ? Ou bien cette phrase devait-elle plutôt être comprise dans le cadre restreint des lois de l’impureté rituelle, c’est-à-dire le sujet immédiat du passage talmudique?
Le raisonnement de Cohen est systématique et intertextuel : sur la base d’une analyse serrée de nombreux textes talmudiques, et notamment de tousles enseignements de Rachbi ayant trait aux non-Juifs, il démontre notamment trois points : a) que Rachbi ne portait pas les non-Juifs en grande estime et n’hésitait pas à les peindre sous une lumière très négative, mais que pour autant il n’a jamais, dans aucun enseignement, nié leur humanité ; b) que d’ailleurs certains des enseignements de Rachbi utilisaient le mot « homme » (אדם) pour parler des non-Juifs, leur reconnaissant ainsi ce titre ; et c) que, de manière générale, dans toute la littérature tannaïtique, aucun Sage n’a jamais assimilé les non-Juifs aux animaux.
C’est sur la base de cette vision d’ensemblede la perception du non-Juif par Rachbi que Cohen détermine la signification exacte du dicton « vous êtes appelés hommes, mais les nations du monde ne sont pas appelées hommes » : il ne s’agissait pas d’opposer l’essence du Juif à celle du non-Juif afin de constater la supériorité juive, car une telle conclusion serait contraire aux idées de Rachbi et des autres Tannaim. Non – le but de Rachbi était simplement de limiter la portée des lois de l’impureté.
Comment cela fonctionne-t-il ? Un verset la Torah14fixe qu’un cadavre humain (אדם) transmet une impureté rituelle à toute personne se trouvant dans le même espace clos. Or, cette loi soulève un problème d’interprétation : s’applique-t-elle au seul cadavre du Juif, ou bien un corps de non-Juif est-il également vecteur d’impureté ? Les deux lectures sont possibles, tout dépendant du sens du mot « homme ».
Rachbi choisit donc l’interprétation la plus restrictive. Sa raison nous est inconnue, mais il est permis de spéculer quelque peu : Rachbi, un Tanna de la quatrième génération, fut surtout actif après la Destruction du Deuxième Temple, à un moment où il était devenu beaucoup plus difficile de se purifier rituellement, d’une part, et où l’importance des lois de l’impureté était grandement diminuée (faute d’endroit où amener les sacrifices), d’autre part. Par ailleurs, la Terre d’Israël était sous domination romaine, et les contacts avec l’occupant non-Juif étaient devenus monnaie courante. Dès lors, il est fort possible que Rachbi ait trouvé utile d’exclure le cadavre d’un non-Juif du champ d’application de cette halakha.
Replacer l’enseignement talmudique dans son contexte de l’époque permet ainsi d’en dégager le sens originel, lequel était purement technique / halakhique, et pas ontologique / aggadique.
Deuxième idée : Que les vrais hommes lèvent la main !
Quel est le point commun entre les noms des tribus indiennes Navajo, Apache ou bien encore Hopi15 ?
La réponse est que tous ces mots signifient littéralement, chacun dans son propre idiome, « homme » ; ceci n’est en rien une coïncidence : s’auto-désigner comme « homme » revient à affirmer que l’on définit soi-même la normalité. L’autre, l’étranger, est anormal, différent, et a priori inférieur. Il n’est pas vraiment humain.
Il en va de même des Inuits (Esquimaux), dont le nom signifie aussi « homme » ; les Egyptiens considéraient également que les étrangers n’étaient pas humains ; et les Chinois qualifièrent pendant des millénaires les autres peuples de « démons étrangers » ; quant aux Grecs, ils appelaient les étrangers des « barbares », un mot onomatopéique faisant allusion aux borborygmes des non-Grecs (« bar-bar-bar… »), perçus comme incapables de parler la langue des humains civilisés, c’est-à-dire le Grec.
Les cartes géographiques fonctionnent selon le même principe : les Chinois étaient « l’Empire du Milieu » ; les Sumériens plaçaient leur empire en plein centre de leurs cartes ; et les atlas imprimés aux Etats-Unis font encore aujourd’hui figurer l’Amérique du Nord en plein centre du monde, alors même qu’une telle disposition coupe en deux l’Eurasie.
L’histoire de l’astronomie nous fournit encore un exemple du même phénomène : le modèle ptoléméen plaçait la Terre au centre de l’Univers ; et, s’agissant cette fois des sciences de la vie, je ne peux m’empêcher d’être parfois quelque peu dubitatif quant à l’objectivité de la décision de nommer notre propre espèce homo sapiens (homme savant)…
Il n’y a ainsi rien d’exceptionnel à ce qu’un groupe s’estime être, géographiquement ou culturellement, au centre du monde; c’est même un phénomène très répandu. Peut-être faut-il y discerner une étape initiale, empreinte d’immaturité, de la réflexion identitaire. Pour l’humain primitif, le « même » se limiterait à sa famille, à sa tribu, à sa peuplade ; l’inclusion de populations plus vastes, et au final de l’ensemble du genre humain, au sein de la perception de la normalité, prendrait des générations…
Une saine prise de conscience de cette réalité permet de contextualiser certains de nos préjugés, de relativiser nos aprioris identitaires et d’opérer une mini-révolution copernicienne. Se croire supérieur, rien de plus banal ! Rien de plus primitif, aussi. Voulons-nous vraiment construire l’identité collective du peuple juif sur la base d’un biais cognitif ?
Concluons cette réflexion en citant ici un personnage de fiction dépourvu, a priori, de tout rapport avec le Judaïsme :
« Miroir, miroir … dis-moi qui est la plus belle ? »
Tels sont les fameux mots de la Reine maléfique dans l’histoire de Blanche-Neige, par les frères Grimm.
Je ne sais pas pour vous, mais je n’ai jamais vraiment trouvéle personnage très sympathique.
Et vous ?
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Notes :
8 ליקוטי אמרים פ’ א-ב
9 ר’ שלמה אבינר, בחירת עם ישראל, ע’ 174, תשנ »ט.
10 A titre d’exemple, voir : משנה תורה, הלכות שמיטה ויובל יג:יג.
11 Ainsi, le Ralbag avait une conception entièrement naturaliste du concept d’élection d’Israël, laquelle était perçue par lui comme le résultat de circonstances historiques et non comme l’expression d’une différence intrinsèque (voir ce qu’écrit à ce sujet Charles Touati : La pensée philosophie et théologique de Gersonide, Paris 1992, pp. 445 ss). Toutefois, comme déjà indiqué, un philosophe au moins était d’un autre avis – Rabbi Yehouda haLevi.
12 Personnellement, je pense que ce dernier point est faux, mais je laisse la question de côté à ce stade.
13 Op. cit. note 1, pp. 79 – 90.
14 במדבר יט:יד
15 Une grande partie des exemples cités dans les prochains paragraphes sont tirés de: Elizabeth Wayland Barber and Paul T. Barber, When They Severed Earth From Sky – How the Human Mind Shapes Myth, Princeton University Press, 2004, p. 94.
Merci encore de ce bel article bien argumenté. Cependant je suis un peu choquée par le titre de votre article , bien que le fond et le contenu conduisent bien évidemment à s’opposer à ce titre. Il
me semble que lorsque l on écrit, même dans un site juif, nos propos doivent être « entendable » par tous. Or votre question qui certes est juste une manière de poser le problème et de pousser à l
extrême certain propos ou certaines tendances pour pouvoir les dénoncer , est en elle même inacceptable. Imaginez vous un site de musulman ou de chrétiens qui poserait comme question: un juif est
-il un homme? Toutes les explications qui suivraient pour nous expliquer qu il faut lutter contre ce racisme et cette intolérance ne nous apaiseraient pas. La question en elle même ne doit pas être
posée me semble t-il. Votre titre a certes une vertu journalistique d’accroche, mais ce n ‘est pas très adapté à la diffusion par internet
Je comptais aller me coucher et … bien non. J’ai lu ce billet.
Ce billet est très argumenté et bien mené.
Emmanuel, est-ce que tu penses que la modern-orthodoxy se tournera de plus en plus vers l’hypothèse d) c’est-à-dire dénoncer ces textes ? Si je me souviens bien, Gabriel a écrit un article sur la
critique biblique qui est utilisée de le mouvement MO. Si le mouvement en venait à une plus grande utilisation/acceptation de la critique biblique est-ce que ça mettrait la MO sur le plan respect
strict de l’orthodoxie en danger ?
Toutes les sources que tu cites sont en hébreu, il va donc vraiment falloir que je m’y mette :-).
Bonjour Janick,
Merci de me faire part franchement de ce qui vous dérange.
Votre message me laisse quelque peu perplexe. Il est bien évident que le titre que je choisis pour un billet se veut accrocheur, et que choquer *légèrement* ne me pose pas de problème, tant qu’il
s’agit d’entamer ainsi une réflexion sur le fond et de remettre en question des idées reçues. Mais votre feedback suggère maintenant que je suis allé peut-être un peu trop loin.
Mettons les choses ainsi: lorsque je vais sur un site chrétien (pour reprendre votre exemple) et que j’y lis une analyse de la perception du Juif au fil des siècles au sein de l’Eglise, j’espère
lire une analyse honnête et franche, et pas de doux euphémismes. La vérité n’est pas toujours agréable a contempler, mais sans cette franchise, l’exercice d’introspection et de critique a-t-il
vraiment un sens?
C’est a cette aune que je veux m’attaquer ici au problème de l’antigoyisme: sans me voiler la face ni jeter un voile pudique sur ce qui dérange. Les sources que je cite démontrent qu’un courant non
négligeable, et peut-être majoritaire, dans la pensée juive, considère le non-Juif comme un être inférieur – quand il n’est pas carrément présenté comme un représentant des forces maléfiques.
Le titre que j’ai choisi est un simple résumé de cette problématique centrale de mon billet. Et ce problème existe d’ailleurs indépendamment du regard qu’un non-Juif viendrait poser sur notre
Tradition.
Mais je serais très heureux d’avoir d’autres réactions d’internautes. Si votre sentiment était largement partagé, il vaudrait sans doute mieux changer ce titre.
@ Lucie Esther,
Merci de ton message. Je ne suis pas prophète et ne sais pas ce qui se passera, mais mon prochain billet essaiera de montrer pourquoi l’approche d) est plus nécessaire maintenant que dans le
passé.
La critique biblique pose des questions passionnantes, mais les deux thèmes ne sont pas directement liés. Peut-être y consacrerai-je un autre billet a l’occasion? Dans cette attente, je te renvoie
a ma réponse sur Cheela: http://www.cheela.org/popread.php?id=51751
Apprendre l’hébreu, quelle bonne idée! 🙂
Bravo pour l’article,
Disons X les nations et Y le peuple juif je propose mes hypothèses
soit X et Y sont tous les deux nés avec un handicap (ou de bons gènes) mais ni l’un ni l’autre ne fait d’effort particulier (et donc le sentiment de supériorité n’a pas lieu d’etre)
soit X est handicapé et Y est né avec de bons gènes (et donc le sentiment de supériorité est méprisable)
soit X et Y sont tous les deux nés avec un handicap (ou de bons gènes) mais Y se surpasse (et donc le sentiment de supériorité est tolérable)
soit X est né avec de bons gènes et Y avec un handicap mais Y se surpasse et dépasse X qui se laisse aller (et donc le sentiment de supériorité est acceptable)
ou alors le sentiment de supériorité n’est jamais acceptable peu importe les situations (mais que fait on de la notion de mérite?)
En deux mots je pense que ce sentiment est lié à la notion de mérite et puisque l’humilité c’est connaitre sa place alors pourquoi pas;
seulement en a -t-on vraiment un?
car si dans leur essence ils ne pouvaient pas l’accepter pourquoi leur avoir proposé la torah?
ou plus simplement que sous entend le fait d’avoir fait une difference entre X et Y ?
@ Benjo la Banane
Merci de ce commentaire. Je ne suis pas sur de tout suivre sur les histoires de gênes et de handicap, mais pour autant que je comprenne bien le sens de votre intervention, vous m’interrogez sur le
concept de l’élection d’Israël.
L’idée que les juifs sont « spéciaux » fait partie de notre héritage spirituel. En faire abstraction serait totalement impossible, il faut donc se poser la question de savoir comment nous vivons
avec. A mon sens, nous pouvons et devons être différents, mais pas nous sentir supérieurs. Il y a un juste équilibre a trouver entre deux extrêmes, le premier ou l’humanité entière se fondrait dans
une espèce d’informe monoculture planétaire, mangerait des Happy Meals, boirait du Coca et écouterait chanter Rihanna a longueur de journée, et le deuxième ou chacun contemplerait avec
attendrissement son propre nombril. Dans ce billet, j’attaque surtout la deuxième alternative telle qu’elle se présente dans certains de nos textes les plus dérangeants, mais la première ne me
convient pas du tout non plus. Donc, dans ma vision des choses, l’idée de « peuple élu » a certainement toujours sa place de nos jours, tant qu’il s’agit de mettre en avant des attentes morales ou
une particularité culturelle. Mais pas une supériorité intrinsèque, non.
N’hésitez pas a me relancer si je vous ai mal compris!
Félicitations pour la publication de ce billet que j’attendais avec impatience, et félicitations pour la justesse de ton propos.
Voici quelques questions/remarques :
1)
À propos de « l’exemple révélateur de l’antigoyisme » que tu mentionnes : « vous êtes appelés « hommes », mais les nations du monde ne sont pas appelées « hommes » ».
Michée 5:6 semble désigner les non-juifs (ceux qui ne sont pas les survivants de Jacob) par « אִישׁ » puis par « בְנֵי אָדָם ».
Penses-tu que cela permette d’élargir le sens du mot « אָדָם » pour la Bible, avec une possible critique de ce qu’entend Rachbi par celui-ci, même vis-à-vis de l’exemple particulier dont il est
question ? Mais peut-être n’est-il pas sérieux d’assimiler « אָדָם » et « בְנֵי אָדָם ».
« בֶּן-אָדָם » est tout de même l’appellation par laquelle Ezechiel introduit la prophétie (34:2) s’achevant par le verset incriminée (34:31).
2)
Tu t’en es tenu à cet exemple, révélateur j’imagine en ce qu’il est à la fois « aggadique » (où l’on suppose un statut particulier pour « Adam »…) et aux répercussions « halakhiques » (lois
d’impureté).
Connaîtrais-tu un autre exemple talmudique de ce type ? Si la thèse de Michael Ben Admon a été traduite, pourrais-tu éventuellement m’en faire part ?
3)
Le rav Chlomo Aviner, dont tu cites un passage en tant qu’écho contemporain du racisme juif que tu dénonces, figure en « une » de cheela.org, en tant que votre « approbateur ».
Comme tu me l’avais dit, je sais que différentes sensibilités sont représentées au sein de votre équipe, mais tout cela me laisse quelque peu songeur. Voici qu’un tel rav – aux antipodes donc du
pari que tu expliques et défends – te recommande ! 🙂
4)
« l’un des challenges actuels de l’orthodoxie juive se joue précisément dans sa capacité à condamner, sans équivoque possible, les éléments racistes qui menacent de plus en plus de s’exprimer. »
Comment discuter avec des gens tenant pour « infiniment supérieures à tout un chacun » des personnes tels le AriZal, l’Admour Hazaken… etc. ? des personnes dont ils posent que « chacun des propos »
recèle de significations échappant au commun des mortels (dont nous sommes) ?
Comment discute-t-on avec des « hypostases » ?
Il me semble que la voie que tu traces suppose une rupture bien plus forte que la transition (le glissement) suggérée dans cette phrase, où tu t’exprimes à titre personnel.
5)
« Quant à l’attitude critique (d), elle doit nécessairement être couplée à une prise en compte du contexte historique (c), sans quoi elle tombe dans l’accusation grossière et dépourvue de
nuances. »
Supposons que l’on puisse déceler, au sein de certains versets du Tanakh (pour peu que l’on n’en aurait encore distendu le sens premier), un racisme ordinaire, primitif, du type de celui que tu
décri(e)s (*). En te suivant, la lecture de la Bible devrait alors être nécessairement couplée à une prise en compte de son contexte historique, soit à une prise en compte de ce qu’il est convenu
d’appeler la « critique biblique ». Or, tu m’avais indiqué que celle-ci te dérangeait. Est-ce à dire que tu la considères comme bien nécessaire, mais dans une sorte de « triste nécessité » ?
(*) car pas très loin de Shemot 22:21 figure Vayikra 26:44… etc.
6)
À propos du travail de Yehezkel Cohen, penses-tu que certaines sources juives traditionnelles ont été capables d’en faire autant ?
Aussi, dans la façon dont tu l’exposes :
« a) Rachbi ne portait pas les non-Juifs en grande estime et n’hésitait pas à les peindre sous une lumière très négative, mais que pour autant il n’a jamais, dans aucun enseignement, nié leur
humanité »
et
« il ne s’agissait pas d’opposer l’essence du Juif à celle du non-Juif afin de constater la supériorité juive, car une telle conclusion serait contraire aux idées de Rachbi et des autres
Tannaim »
ne sont-ils pas contradictoires ? ne pas dépeindre les non-Juifs sous un jour aussi positif que les Juifs, n’est-ce pas les penser moins « valables » que ces derniers ?
7)
À propos de la belle mise en perspective que tu nous offres, sur le caractère très « humainement répandu » de l’attitude consistant à prendre son groupe pour « humain » par excellence…
– Les « démons étrangers » ont donné lieu à un très beau retournement ! (http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=2451632)
« D’insulte, gweilo est devenu un qualificatif affectueux présentant les Européens pour ce qu’ils sont dans ce territoire : des étrangers dont le pouvoir a grandement diminué. »
– Il semblerait que « barbaros » (βάρβαρος) ne soit pas à l’origine péjoratif, exprimant simplement un état de fait : « non locuteur de grec » (ce document débute ainsi :
http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/25827/1/La%20langue%20comme%20facteur%20d.doc).
Sinon, à propos de la Grèce antique et en lien avec notre sujet, une figure mémorable de la mythologie grecque, Narcisse…
« À sa naissance, le devin Tirésias, à qui l’on demande si l’enfant atteindrait une longue vieillesse, répond : « Il l’atteindra s’il ne se connaît pas. » Il se révèle être, en grandissant, d’une
beauté exceptionnelle mais d’un caractère très fier : il repousse de nombreux prétendants et prétendantes, amoureux de lui, dont la nymphe Écho, qui lui jette une malédiction : un jour qu’il
s’abreuve à une source, il voit son reflet dans l’eau et en tombe amoureux. Il reste alors de longs jours à se contempler et à désespérer de ne jamais pouvoir rattraper sa propre image. Il finit
par dépérir puis mourir d’une passion qu’il ne peut assouvir, et est pleuré par ses sœurs les naïades. À l’endroit où l’on retire son corps, on découvre des fleurs blanches : ce sont les fleurs qui
aujourd’hui portent le nom de narcisses. »
(http://fr.wikipedia.org/wiki/Narcisse_(mythologie)#Mythe)
– À propos de homo sapiens, tu admireras déjà l’audace de ce progrès (http://fr.wikipedia.org/wiki/Homo_sapiens_sapiens). 🙂 Bon, ceci dit, il me paraît probable que les humains soient doués de
capacités d’abstraction supérieures à celles des ‘autres animaux’, et qu’à ce titre, une telle appellation peut finir par se justifier.
8)
Enfin, tu cites de manière très précise des références kabbalistiques (Zohar, AriZal).
S’agit-il de textes que tu étudies ? je pensais que tu te tenais pour le moment éloigné de ce tout ce qui était du ressort des textes ésotériques, dans la mesure où tu m’avais dit ne pas être un
très grand connaisseur des textes ‘hassidiques (qui, souvent, y donnent accès).
Merci
Salut Michael,
Tres heureux que ce billet t’aie plu.
1. Jolie culture dans le Nakh! Je ne suis pas complètement sur que le verset doive être lu ainsi; on pourrait aussi le comprendre, plus généralement, comme affirmant que les juifs exiles n’auront
plus d’espoir de quelque ordre que ce soit, sans trop entrer dans les détails.
Mais si ta lecture est correcte, alors il semble effectivement que la Torah écrite appelle les non-Juifs des hommes. Bonne nouvelle. Ce n’est pas tant un problème pour Rachbi (cf. les explications
de Y. Cohen), mais ça l’est pour une bonne partie des autres sources que je cite. J’ignore comment il est possible de résoudre cette contradiction dans cette lecture.
2. J’ai pris l’exemple qui me semblait le plus frappant, oui. Mais on pourrait sûrement trouver d’autres questions plus ou moins proches et dans lesquelles la philosophie joue sur la halakha. Par
exemple, quelle est la valeur de la vie d’un non-Juif, et peut-on transgresser Chabbat pour lui sauver la vie ?
C’est un exemple très actuel si tu as suivi les dernières déclarations du r. Ovadia Yossef.
Pour le doctorat de Mickaël, je ne sais pas, le plus simple serait de lui poser directement la question.
3. Je compte sur toi pour ne rien lui dire 🙂
Plus sérieusement, je n’ai pas publie ce billet sur Cheela mais sur le blog de Gabriel, et le fait que r. Aviner ait donne une haskama au site Cheela, des annees avant que j’entre dans l’equipe des
repondeurs, ne signifie pas que je renonce aujourd’hui a mon droit d’etre parfois en desaccord avec lui.
4. Les deux tendances existent a la base au sein de la tradition. Il faut arriver a renforcer la voie de l’ouverture et de la tolerance. Effectivement, cela implique de renoncer a certains idees du
Arizal, du Zohar et des autres, mais je ne crois pas que cela implique une rupture aussi radicale que ce que tu decris.
5. Je m’excuse, mais comme deja indique a Esther, je ne peux pas traiter ici de la critique biblique. Cette question merite un billet a part entiere. De toute maniere, sur la question specifique
traitee par ce billet (la perception des non-Juifs par les Juifs), je ne connais pas de verset impliquant que les non-Juifs ne sont pas des hommes. Je ne crois pas qu’il y en ait, ce serait plutot
l’inverse, comme tu me le montres dans ton point 1. Pour les autres problemes – une autre fois, pardon! 🙂
6. Toutes les techniques utilisees par l’etude universitaire du Talmud ont deja utilisees par des rabbins traditionnels au fil des siecles. C’est le cas, pour prendre un exemple parmi bien
d’autres, de l’etude des manuscrits pour determiner la version exacte du texte.
Certains rabbins avaient certainement une approche systematique du texte talmudique, comme par exemple r’ Meir Dan Plotsky, l’auteur du Kli ‘Hemdah. De nos jours, ce serait plutot rare. La methode
d’analyse lithuanienne (Brisker) ferait plutot l’inverse.
Tu connais bien sur la blague des deux Brisker qui etudient Baba Kamma?
7. Merci de ces remarques.
8. Je ne suis pas un specialiste de l’etude de la kabbale, mais j’essaie de lire quand meme les livres les plus importants.
Salut Emmanuel,
Ta solution d) consiste-t-elle à dénoncer les rabbins un peu trop zélés qui se pavanent sur you-tube (auquel cas je partage ton avis), ou bien à dénoncer directement les textes de ‘Hazal ( auquel
cas le terme « dénoncer » me paraît à la fois irrespectueux et hautain ; il serait plus juste d’écrire « replacer dans leur contexte », ce qui revient à la solution préconisée au final = c + d)
Par ailleurs, dans ta note 11, il serait appréciable pour les lecteurs qui préfèrent voir les textes à la source plutôt que rapportés dans des ouvrages universitaires (;-), d’avoir les références
exactes des passages du Ralbag.
à bientôt
Merci beaucoup pour ta réponse !
« 2. J’ai pris l’exemple qui me semblait le plus frappant, oui. Mais on pourrait sûrement trouver d’autres questions plus ou moins proches et dans lesquelles la philosophie joue sur la halakha. Par
exemple, quelle est la valeur de la vie d’un non-Juif, et peut-on transgresser Chabbat pour lui sauver la vie ?
C’est un exemple très actuel si tu as suivi les dernières déclarations du r. Ovadia Yossef. »
Je n’ai pas suivi ses dernières déclarations ; que disent-elles ?
« 5. Je m’excuse, mais comme deja indique a Esther, je ne peux pas traiter ici de la critique biblique. Cette question merite un billet a part entiere. De toute maniere, sur la question specifique
traitee par ce billet (la perception des non-Juifs par les Juifs), je ne connais pas de verset impliquant que les non-Juifs ne sont pas des hommes. Je ne crois pas qu’il y en ait, ce serait plutot
l’inverse, comme tu me le montres dans ton point 1. Pour les autres problemes – une autre fois, pardon! 🙂 »
Sans parler de la critique biblique en tant que telle (ce dont je ne serais pas capable (toujours pas lu le livre de Kugel !)), je voulais simplement te faire remarquer que ce que tu fais
allègrement pour le Talmud, le Zohar, le AriZal, me semble à faire pour la Bible elle-même. Mais je ne t’apprends rien, puisque tu m’avais permis de découvrir que certains rabbins l’avaient osé.
Depuis, j’ai appris qu’il s’agissait d’un « acquis » du mouvement Massorti, et à propos, un billet sur ce qui distingue la moderne orthodoxie de ce mouvement pourrait être superbement intéressant !
🙂
« Tu connais bien sur la blague des deux Brisker qui etudient Baba Kamma? »
Pas encore. 🙂
C’est justement tout le paradoxe pour moi. Si le fait « qu’être spécial fait partie de notre héritage spirituel » mais que cette spécificité n’engendre pas « une supériorité intrinsèque » peut être
est-ce cette spécificité qu’il faudrait définir pour que l’on n’en vienne pas à de fausses conclusions.
Cette spécificité me semble se répercuter à autant de niveaux qu’un patrimoine culturel peut influencer. À mon sens, à peu près tous ; pour reprendre un dualisme traditionnel, de l’usage que nous
faisons de notre esprit, à celui que nous faisons de notre corps, en passant par ce pour quoi nous le faisons.
Une gmara dans Kreitot (6b) est assez explicite quant a l’importance tres limitee du principe אתם קרויים אדם וכו’, puisqu’elle le considere d’emblee comme purement technique, et apporte meme une
explication alternative dans la conclusion !
Quant au fond de ton article, je le trouve comme d’habitude delicieusement subversif, mais un peu trop quand meme. C’est s’approcher peut-etre un peu trop des limites de l’orthodoxie (meme si c’est
sans les franchir).
En revanche, je ne comprends pas ton besoin de « denoncer » les sources racistes au sein de la tradition. Pourquoi ne pas admettre leur existence (voire leur validite dans l’absolu, sans
consideration de modernite), et tout simplement les rejeter הלכה למעשה (ce qui est evidemment un abus de langage en matiere de השקפה), au profit des avis plus « mekilim » ?
J’emploie volontairement un langage convenant plus au domaine de la halacha. La cohabitation d’avis si divergents ne me semble absurde qu’au niveau de la maniere de penser personnelle des gens. Au
niveau du « monde des idees », elles pourraient s’unir (au sens de la התאחדות ההפכים du Rav Kook). Et ce meme au risque de tomber dans un pluralisme peut-etre mal employe.
Personnellement, je n’ai pas de probleme a accepter la validite de sources racistes, tout comme je n’ai pas de probleme a lire des sources permettant d’allumer la lumiere yom tov…
L’article est intéressant, mais je ne comprend pas pourquoi historiciser le propos? La notion même de racisme est une notion moderne dont l’histoire a largement été faite et n’a rien à voir avec le
judaïsme. De plus tu n’amènes pas sur cet aspect historique de preuves mais une simple possibilité. Pour ‘son auteur’ (Rabbi Chimone puisque tu prévilégie un point de vue interne)ce propos n’était
pas historique. Il faut aussi noter que le texte affirme bien qu’il s’agit d »idolâtres’, par contre un autre texte affirme que ‘celui qui étudie ses lois est comme Israël’ (on a envie de dire et
réciproquement) ce qui se traduit par le fait que leurs tombes sont sources d’impureté. Plutôt que de mener un combat contre l’intolérance (ce qui ne convaincra que les convaincus)ne vaudrait-il
pas mieux se battre contre l’ignorance? Et pour revenir à la question de la dimension historique, précisément ceux que tu vises ne l’entendent pas.
Je repasse quelques heures plus tard, et je lis toute une flopée de commentaires supplémentaires, tous très pertinents! Merci a tous pour cette discussion passionnante.
@ Yona
1. Ma solution d) revient bel et bien a critiquer les textes directement, et pas seulement les rabbins que tu mentionnes (je pense savoir de qui tu parles, et partage d’ailleurs ton avis).
Maintenant, encore une fois, je ne parle certainement pas d’utiliser la méthode d) indépendamment, et de ne faire *que* critiquer; dans mon idée, il faut aussi systématiquement rappeler le contexte
historique de ces textes – méthode c). Les deux methodes ensemble.
Je comprends complètement ton malaise par rapport a l’idée de « dénoncer » un texte de la Guemara ou d’un Richon. Lorsqu’il s’agit d’affirmer qu’un texte est faux scientifiquement, on a des sources
sur lesquelles se baser, ainsi que j’ai encore eu l’occasion de le rappeler récemment sur Cheela. Mais affirmer qu’un texte est moralement problématique semble un exercice bien plus
contestable!
Il serait judicieux d’avoir a ce point une discussion sur le rapport entre la morale et la Torah; mais, comme pour la critique biblique, c’est un thème en soi, et je ne peux le traiter en quelques
lignes dans un commentaire. Maintenant que je te lis, je suis assez tente de le faire dans un prochain billet sur le blog.
Aussi, dans l’attente d’une réponse plus complète sur le rapport entre la morale et la Torah, je vais te donner une réponse basée exclusivement sur des considérations empiriques.
Le problème de l’intolérance juive ne se limite pas aux quelques prédicateurs que tu vois sur Youtube. Ceux-la ne sont que le symptôme du mal, ou si tu préfères sa concrétisation. L’origine du
problème, a mon sens, se trouve bien dans les textes qui nourrissent la conscience religieuse des juifs orthodoxes. Ces textes sont comme certains gênes, ils sont véhiculés par l’organisme, et
lorsque les conditions sont favorables, ils finissent par s’exprimer.
Alors, s’attaquer aux symptômes (les discours intolérants de certains), c’est certainement bien. Mais c’est parfois insuffisant, et il faut avoir le courage de s’en prendre a la racine du mal.
J’espere avoir l’occasion de developper tout cela plus pleinement dans le 3eme billet sur l’intolerance… il faut bien garder un peu de suspense! 🙂
2. Ta deuxieme remarque ressemble a celles qui m’ont ete faites apres mon premier billet sur le theme de l’intolerance. Encore une fois: je n’écris pas ici un article universitaire et ne me
considère pas lié, sur ce blog, par les standards de publication de la Revue des Etudes Juives ou autre. J’ai quand meme indiqué toutes les references aux sources juives directement citees dans le
corps de l’article. Si tu es interesse a lire le livre de Touati ou celui des Barber, envoie-moi un mail, je me ferai un plaisir de te scanner les pages correspondantes et de te les envoyer.
@ Michael
2. http://www.ynet.co.il/articles/0,7340,L-4229407,00.html
Rien de vraiment nouveau, c’est juste tout recent.
5. Effectivement.
Et la blague:
Deux Brisker decident d’etudier ensemble Baba Kamma. Le premier commence a lire la premiere Michna, et s’interrompt apres deux mots pour reflechir:
« Arbaa Avot, soit quatre patriarches… mais le peuple juif n’a que trois Avot: Abraham, Yitzhak et Yaakov! Pourquoi alors 4? »
« Mais non », retorque le deuxieme, « tu oublies Yossef ».
« Yossef n’etait pas un Patriarche, il ne fut jamais l’ancetre des 12 tribus d’Israel! »
« Mais il fut l’ancetre de deux tribus, Ephraim et Menache! »
Et ainsi de suite, argument apres argument, preuve apres preuve, jusqu’a ce qu’un tiers et dise « mais lisez donc le troisieme mot de la Michna – Arbaa Avot Nezikin -, il y a 4 types principaux de
dommages.
« Ah non », s’offusquerent nos deux Brisker, « chez nous a Brisk, quand on fait du iyoun c’est du serieux ! »
A mediter 🙂
@ Benjo la Banane,
De telles definitions du concept de peuple elu, ou de la specificite juive, existent deja. Voyez par exemple les ecrits de Emmanuel Levinas, ou alors (plus facilement) cliquez sur les liens
suivants (parmi pas mal d’autres):
http://www.cheela.org/popread.php?id=53703
http://www.cheela.org/popread.php?id=61486
L’exercice est certainement important, mais a mon sens pas suffisant.
@ שמואל
Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu le plaisir de te lire, j’espere que tout va bien pour toi!
Personnellement, je pense que les limites sont faites pour etre explorees … et parfois aussi un peu repoussees. L’orthodoxie est un concept social, elle n’existe que la ou le concessus social la
voit. Ses contours sont necessairement quelque peu flous et fluctuants, en tout cas a la marge. Et certains comportements inacceptables il y a 50 ans le sont parfaitement aujourd’hui, et
vice-versa.
Le but de mon troisieme billet sera d’expliquer pourquoi il est important, a mes yeux du moins, de denoncer les tendances racistes existant au sein du Judaisme. Effectivement, ce billet ne sera pas
tres kookiste dans son approche. Malgre mes tentatives, j’ai beaucoup de mal a saisir parfois ce que veut dire le rav Kook, notamment lorsqu’il affirme l’union des contraires. Trop de paradoxes
dans l’homme et dans sa pensee pour que je me sente a l’aise.
Je m’interroge. Y a-t-il quelque chose qui te semblerait a ce point affreux pour que tu te sentes oblige de le rejeter, meme en theorie? Par exemple, si tu te trouvais face a un texte du Coran
pronant l’egorgement de tous les enfants Juifs dans leur sommeil, tu utiliserais l’union des contraires et irait dormir tranquillement?
A force de sophistication philosophico – mystico – religieuse, ne risquons-nous pas de perdre un certain sens de la morale la plus elementaire?
@ Frank B
Puis-je vous demander de preciser quelque peu? Je ne suis pas sur de tout comprendre, notamment lorsque vous parlez d’historicisation.
Mon public cible n’est pas celui que vous croyez. Je ne cherche pas a faire changer r. Aviner d’avis, j’essaie d’eviter que d’autres se mettent a penser comme lui, en tout ou en partie.
Bonjour Emmanuel,
Comme toujours je te félicite pour ce billet courageux et pertinent. Je viens à peine de lire ce texte et me suis fait une remarque qui n’est pas repris dans les commentaires précédent (preuve sans
doute que c’est un non-problème)mais tout de même: le Rashbi parle de ‘Ovdéi Kokh’avim, d’idolâtres.
1/Pourquoi d’une part dans ta traduction les assimiler aux Nations au sens large (et plus seulement dans une projection spirituelle) ?
2/Pourquoi ne pas envisager que dans une perspective juive, c’est à dire révélatrice universelle du monothéisme, il n’y a aucun problème moral à considérer l’idolâtrie comme une perversion qui
détache son auteur du rang de l’Humanité ? [Aucun problème moral comme il n’y en a pas aujourd’hui aux USA par exemple à exécuter des meurtriers – pas de débat ici, c’est juste pour fixer les
idées: voilà bien une construction morale de la justice qui valide l’exclusion de l’Humanité après un acte jugé « inhumain »]
Je ne suis pas hébraïsant (et c’est une mauvaise idée, je sais ;-)) mais n’y a t il pas erreur sur la personne (goyim vs idolâtres) ?
Je trouve la remarque de 33 très juste.
(comme quoi ne pas connaître l’hébreu n’empêche pas de poser des bonnes questions. Il faudrait transposer la logique exprimée ici aux chroniques politiques de « mise en trentaine », ça monterait le
niveau 😉
Emmanuel, tu cites un Ralbag qui considère que le particularisme des bné-Israël est dû à des circonstances historiques. Je demande juste la référence, et je suis sûr que d’autres lecteurs
aimeraient aussi l’avoir.
Gut Chabbess
@ Trente-trois
Merci des compliments, venant de toi j’y suis sensible! J’ai lu ton dernier billet sur ton blog que j’ai beaucoup apprécié (j’ai laisse un commentaire d’ailleurs).
Ta suggestion ne marche malheureusement pas. Pour le comprendre, il faut separer un instant entre ce que dit Rachbi et ce que disent les commentaires ulterieurs que je cite, de R. Yehouda HaLevi
jusqu’a r. Aviner.
1. Commentaires ulterieurs: si tu lis les sources, tu constateras qu’elles ne font pas du tout la difference entre non-Juifs et idolatres.
Voici ce qu’ecrit r. Yehouda HaLevi (reference dans l’article):
קג. אָמַר הֶחָבֵר: וַהֲלא הָיָה יותֵר טוב שֶׁיִּהְיוּ הַחַיִּים כֻּלָּם מְדַבְּרִים. אִם כֵּן כְּבָר שָׁכַחְתָּ מַה שֶּׁקָּדַם בְּהֶמְשֵׁךְ זֶרַע אָדָם, וְהֵיאַךְ חָל הָעִנְיָן הָאֱלהִי בָּאִישׁ,
שֶׁהָיָה לֵב הָאַחִים וּסְגֻלַּת הָאָב, מְקַבֵּל לָאור הַהוּא, וזוּלָתו כַקְּלִפָּה אֵינֶנּוּ מְקַבֵּל אותו. עַד שֶׁבָּאוּ בְנֵי יַעֲקב כֻּלָּם סְגֻלָּה וָלֵב, נִבְדָּלִים מִבְּנֵי אָדָם
בְּעִנְיָנִים מְיֻחָדִים אֱלהִיִּים, שָׂמִים אותָם כְּאִלּוּ הֵם מִין אַחֵר מַלְאֲכוּתִי, מְבַקְשִׁים כֻּלָּם מַעֲלַת הַנְּבוּאָה וְרֻבָּם מַגִּיעִים אֵלֶיהָ. וּמִי שֶׁלּא יַגִּיעַ אֵלֶיהָ, קָרוב
לָהּ בַּמַּעֲשִׂים הַנִּרְצִים וְהַקְּדֻשָּׁה וְהַטָּהֳרָה וּפְגִיעַת הַנְּבִיאִים.
Les descendants de Yaakov sont presentes comme un « Min A’her », une autre espece par rapport au reste de l’humanite.
Idem pour le Maharal, ici dans son commentaire sur les Pirkei Avot:
« ואף שאמר ‘חביב האדם [שנברא בצלם]’, אין זה כולל כל מין האדם, כי כבר אמרו ז »ל: כי ‘אתם קרוים אדם ואין האומות קרוים אדם’, כאילו שלמות הבריאה שהוא לאדם בפרט, הוא לישראל ולא לאומות… »
Qui est l’homme cher aux yeux de Dieu (Avot 3:17) ? Israel, pas les « nations du monde ».
Et ainsi de suite pour toutes les autres sources que je cite, jusqu’au rav Aviner que j’ai traduit en francais dans le coeur de l’article.
Lorsque j’avais etudie le Michnat Hassidim, je trouvais cela particulierement frappant. L’ame de Adam haRichon, dans son explication, est un conglomerat de l’ensemble des ames juives; les ames des
non-juifs proviennent du sitra a’hra. Choquant…
Au passage, si Chmouel est encore dans le coin: vois ce qu’ecrit le rav Kook dans Orot Israel :
http://www.yeshiva.org.il/midrash/shiur.asp?id=11270
Le r. ‘Harlap s’exprime de la meme maniere dans son commentaire sur la Michna des Pirkei Avot deja discutee, cf. Mei Marom al hamakom. Comme quoi, r. Aviner a de qui tenir parmi ses maitres
directs…
Bref, impossible de faire ici la distinction suggeree.
2. Dans le Talmud (Rachbi). Comme tu l’auras remarque, j’adopte ici la these de Y. Cohen, selon laquelle Rachbi ne souhaitait PAS constater la superiorite juive mais plutot limiter le champ
d’application des lois de toumah. Dans cette optique, ce n’est donc pas le texte talmudique qui pose probleme, mais son interpretation au fil des siecles.
Mais je dois rajouter ici encore deux elements de reponse. Le premier, c’est qu’il n’est pas du tout evident que le texte talmudique ait parle au depart des « idolatres » (עובדי כוכבים). D’autres
girsaot (versions du texte) parlent de « nations du monde » (אומות העולם), plus generalement. C’est le cas du Maharal cite ci-dessus, dont la version du Talmud parlait de tous les non-Juifs,
idolatres ou pas.
Pour savoir quel est le texte authentique, il faut verifier les manuscrits du Talmud; ouvrir un Chass Vilna ne suffit pas. Je n’ai pas fait ce travail, mais a priori, je pense que la version du
Maharal est la bonne. C’est cette version qui semble la plus coherente dans la logique du texte; et aussi, on sait que la censure chretienne passait sur tous ces textes en supprimant ou changeant
les elements qui les derangeaient. Un texte qui tapait sur les « nations » se voyait ainsi souvent corrige pour ne plus viser que les « idolatres », et sortir ainsi les chretiens, qui se voient comme
des monotheistes, du champ de visee du texte.
(C’est bien pour cela, notamment, que le Vilna ne suffit pas)
Le deuxieme element de reponse, c’est qu’a l’epoque talmudique, les non-Juifs etaient tous idolatres. Au temps de Rachbi, le christianisme n’existait pas, l’islam non plus. Les non Juifs que Rachbi
croisaient etaient Romains ou Grecs. Il n’y avait pas ainsi pas vraiment de raison a operer la distinction que tu suggeres.
Par contre, le Meiri au 14eme siecle utilisas ton idee a plusieurs endroits de son Beit HaBekhirah, afin d’adopter une approche plus ouverte face au christianisme.
@ Yona
Touati mentionne un grand nombre de references aux differents ecrits du Ralbag. Le probleme, c’est que ces references me semblent parfois difficiles a retrouver. Par exemple, lorsqu’il cite le
Perouch sur la Torah, le texte qu’il utilise est celui d’une edition publiee a Venise en 1547, dont il donne les numeros de page et de colonne. Par exemple, il cite plus particulierement les pages
27c, 31b et 34d. Touati avait probablement de bonnes raisons de choisir cette edition, mais ne pas avoir de reference aux psoukim de la Torah rend la correspondance un peu difficile. Il faudrait
retrouver l’edition qu’il a utilisee, peut-etre est-elle sur Hebrewbooks?
D’autres references semblent plus faciles a retrouver: commentaire sur Michlei IV, 3. Commentaire sur Melakhim 2, 2eme lecon tout a la fin du livre.
Il mentionne aussi plusieurs fois le Sefer Milhamot Hashem, dans l’edition publiee a Leipzig en 1866, notamment pp. 173 et 463.
Tout cela est reellement bien peu pratique, et Touati n’est plus de ce monde, impossible de lui demander pourquoi il a procede ainsi. Je suis desole.
Encore une fois, si tu es interesse, je te scanne les pages de son bouquin et je te les envoie. Avec plaisir.
Emmanuel,
Je ne suis pas d’accord avec toi. La distinction de 33 est tout à fait pertinente, et le fait qu’il ne soit pas fait mention spécifiquement des ovdé kokhavim n’y change rien. Ceci pour la raison
suivante, qui me semble évidente : à l’époque de ‘Hazal, il y a une ‘hazaka que les oumot ha’olam sont des idolâtres.
Tu peux faire ce diouk des mots sur le Khouzari ou les autres Richonim -à la limite et en prenant en compte leur perception des notsrim- mais sur ‘Hazal ça ne marche pas.
Sorry, je viens de voir que j’avais lu en diagonale ton commentaire :p
Cependant sur le fond, le dernier élément que tu apportes confirme en fait ce que dit 33 : ‘Hazal ne parlaient -de facto- que des ovdéi kokhavim.
Et ça rejoint mon message précédent : Comment « dénoncer » cela, alors que c’est un contexte complètement différent ? C’est provocateur sans raisons : Lorsque Rav Hirsch a voulu mettre en avant les
bienfaits apportés par le Christianisme, et les religions monothéistes de manière générale, il n’a pas eu besoin de « dénoncer » ‘Hazal.
Tu n’es pas obligé de manquer de respect aux uns pour montrer du respect aux autres. On peut respecter à la fois nos textes saints, et les non-juifs.
Yona,
En fin de compte nous sommes d’accord, non? La distinction de 33 ne nous aide malheureusement pas pour les Richonim / Aharonim, et pour Hazal il n’y en a pas vraiment besoin parce qu’ils parlaient
de Toumah / Taharah. Cf. mon precedent commentaire pour les details.
Oui, je sais que le mot « denoncer » te derange. Encore une fois, je voudrais pouvoir faire de ce point specifique un billet separe, lequel ne manquera pas, j’imagine, de susciter des commentaires et
des reactions. Je pense que nous sommes dans une situation differente de nos jours de celle de l’Allemagne de r. Hirsch, et que la situation actuelle demande des moyens plus radicaux.
Par historiciser je voulais faire suite à la partie où vous citez ‘Rachbi, un Tanna de la quatrième génération, fut surtout actif après la Destruction du Deuxième Temple, à un moment où il était
devenu beaucoup plus difficile de se purifier rituellement,’. C’est très hypothétique, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une takana. Plus précisément, à partir du moment où le Temple était détruit,
les notions de pureté et d’impureté n’ont plus court -légalement-, même si peut-être certains ascètes les maintenaient, l’opinion de Rachbi, est avant tout légale, voire théorique. Ce que je
voulais dire aussi c’est que la question du racisme est moderne, elle est le fruit d’un contexte scientifique particulier. Si, tu veux donner une approche historique -pourquoi telle Sage a -t-il
dit ça?-, on est obligé de tenir compte de notre dimension historique à nous, en particulier le racisme n’est pas un problème qui est uniquement chez les juifs, mais un fait social massif, lié à un
état du savoir. Et c’est là qu’il faut le travailler.La dimension historique est aussi une façon de relativiser, ce qui est aussi une stratégie d’évitement. Je t’ai proposé une autre solution: que
ne rend impur que celui qui est dans l’étude, c’est ainsi que l’on assume pleinement sa dimension humaine, et je ne crois pas que d’autres personnes qui auraient réfléchi à ‘qu’est-ce qu’un homme’
l’aurait définit comme cela?
@ Frank
Merci des precisions, je saisis mieux ta pensee maintenant.
1. Oui, le paragraphe ou je réfléchis aux motivations possibles de Rachbi est clairement spéculatif, c’est d’ailleurs clairement indiqué dans le texte du billet.
Mais ce qui n’est pas speculatif, c’est le travail fait par Y. Cohen, duquel il ressort, de maniere convaincante a mon sens, que l’enseignement de Rachbi est technique / halakhique, et qu’il s’agit
de limiter le champ d’application des hilkhot toumah ve-taharah.
Apres, takkana ou pas, Rachbi avait bien un motif derriere la tete pour dire ce qu’il a dit. J’aime bien mon explication, mais ne peux la prouver, et si elle ne te convainc pas, cela me va aussi.
C’est relativement secondaire dans la logique du billet.
2. Le racisme est un fait social de l’epoque et n’affectait pas que les Juifs, je suis d’accord aussi avec toi. Cela correspond, je crois, a ce que je decris en parlant de l’approche c) – limiter
la portee des textes, en prenant en compte leur contexte historique.
Mais le racisme n’est pas que historique, il existe aussi de nos jours dans l’orthodoxie juive actuelle, et de plus en plus. Les exemples abondent malheureusement. Certains ont deja ete cites ici,
mais je pourrais continuer encore longtemps. L’antigoyisme au Moyen Age ne m’empeche pas de dormir, mais au 21eme siecle, je trouve cela plus qu’inquietant.
3. Seul la tombe de l’erudit entrainerait l’impurete ? C’est cela? L’explication me parait tres forcee. Est-ce que l’auteur de l’autre phrase est egalement Rachbi ?
Je ne peux que saluer l’intervention d’Emmanuel Bloch, qui a le courage de s’attaquer sans langue de bois à l’un des problèmes les plus épineux du judaïsme orthodoxe. Que dis-je, c’est même à mon
avis LE problème. Comme je suis d’accord avec l’essentiel de son propos, et très proche des inquiétudes et réflexions de « Michaël », je m’en tiendrai à un point précis.
On discute ici de la pertinence du terme de « racisme » appliqué à la perception des Gentils dans certains textes de la tradition juive. Je plaiderai pour une distinction entre trois niveaux de
rejet de l’autre :
– celui qui procède d’un ethnocentrisme dont Emmanuel Bloch rappelle, avec Levi-Strauss p. ex., qu’il est presque universellement répandu. Après tout, voir midi à sa porte, et estimer que ses
valeurs, sa culture, ses croyances sont supérieures, est un fait anthropologique banal, presque « naturel » en un sens. C’est faire un gros effort sur soi-même que de renoncer à cette croyance, et
l’Occident est peut-être la seule civilisation à l’avoir fait, et encore de manière récente et partielle. Cet ethnocentrisme n’est pas du racisme proprement dit, mais il peut se manifester par de
la violence ou de l’intolérance. S’agissant de la Bible, et du judaïsme en général, il me semble qu’ils peuvent être dits « ethnocentriques » au sens où le peuple juif se perçoit comme dépositaire
unique ou privilégié de la parole divine (je rejoins ici l’analyse d’E. Bloch dans son autre article sur la question de la tolérance).
– certaines formes extrêmes de xénophobie, qui enseignent un mépris ou un rejet des cultures étrangères d’une telle violence qu’elles aboutissent à leur dénier de facto leur humanité. Elle revient
à estimer par exemple que les mœurs ou la religion de tels peuples sont si dépravés que cela autorise à les considérer sans ménagement comme non-humains et à les traiter en conséquence. On n’a pas
besoin encore à ce stade d’une théorie des « races ». Appliquée à la Bible, cette théorie me semble illustrée par l’épisode de la conquête de Canaan (les « sept peuples ») avec les conséquences
exterminatrices que l’on sait. Mais cet épisode n’est pas représentatif de toute la pensée juive à l’époque biblique, il est plutôt donné comme une exception historique. Il n’y a pas encore ici de
théorie des « races », même si certains anathèmes concernant les descendants de certains peuples en sont proches. Aujourd’hui, nous appliquons volontiers le terme de racisme à des anathèmes
collectifs, quand bien même ils ne relèveraient pas d’une « théorie des races », et cette extension de sens me semble le plus souvent défendable. Pour ne donner qu’un exemple, l’immense majorité
des antisémites aujourd’hui ne se réclament pas de la « race » au sens biologique du terme – et certains sont même tout prêts à reconnaître l’existence de quelques exceptions (les « bons juifs »),
ou à les accueillir pourvu qu’ils se convertissent politiquement ou religieusement ; ils n’en sont pas moins « antisémites » au sens où leur exécration est si globale, si généralisante, qu’elle
donne licence, implicitement ou explicitement, à toutes les violences réelles ou symboliques.
– enfin la décision d’exclure de jure tel groupe de l’humanité (ou de le rejeter au degré le plus bas de l’humanité), en fonction de critères non plus culturels mais ontologiques. C’est ce qui
s’appellerait le racisme au sens le plus étroit. On peut exclure le groupe au nom de la « race » au sens que les théoriciens du racisme ont donné à ce terme au 19e s. et qui a connu le
développement que l’on sait dans la tragédie nazie, mais il est bien évident qu’il y a d’autres modes d’exclusion ontologique de l’autre. Si l’on considère, avec Yehoudah Halévi, la quasi-totalité
des kabbalistes, le Maharal de Prague et bien d’autres maîtres du judaïsme, que les Juifs sont d’une essence supérieure, qu’ils sont seuls porteurs d’une âme divine, qu’il y a plus de différences
entre un juif et un goy qu’entre un goy et un animal, etc., on est raciste, profondément, et Emmanuel Bloch a raison de mettre les pieds dans le plat. Cela joue sur le plan des représentations
culturelles (et c’est déjà désastreux) mais cela peut très bien un jour avoir des conséquences pratiques ou politiques particulièrement odieuses (comme les considérations obscènes de certains
rabbins sur le fait que l’on ne doive pas de compassion à des non-juifs ou ces débats hallucinants sur le prix d’une vie non-juive, du meurtre d’un non-juif, sur le sauvetage d’une vie non-juive
lors du chabbat, etc.).
Je suis évidemment d’accord sur la nécessité de contextualiser, d’historiciser ces croyances. Il me semble par exemple intéressant de constater, comme il a été fait dans l’article d’E. Bloch, que,
si les textes bibliques manifestent parfois des formes exaspérées d’ethnocentrisme ou d’intolérance, cette tendance est partiellement contrebalancée par d’autres textes et par la force fondatrice
du mythe d’Adam et Eve qui postule une humanité unique. Et d’observer que les textes les plus choquants, au regard de valeurs universalistes, sont ultérieurs à la période de rédaction biblique :
quelques sources talmudiques, et surtout la tradition mystique. Autrement dit, il y a eu sur ce point (pour des raisons philosophiques et historiques qu’il faudrait analyser) et chez certains
maîtres une sorte de régression éthique de la pensée juive, comme si la conscience de l’unité humaine, qui anime si fort certains rédacteurs et prophètes bibliques, avait cédé le pas à un ghetto
spirituel dans le cadre duquel il s’agirait de radicaliser aussi loin qu’il est possible la différence entre le juif et les autres, contre l’inspiration première de la Bible, de
l’essentialiser.
Il n’en faut pas moins constater que cette contextualisation ne règle pas le problème du judaïsme orthodoxe, puisque, pour une grande partie des Juifs de stricte observance, les thèses racistes
véhiculées dans certains textes sont auréolées d’une autorité qui les rend soutenables, voire valides, et au moins respectables. C’est l’honneur d’E. Bloch et de ceux qui se réclament de
l’orthodoxie que de vouloir procéder à ce droit d’inventaire sur un héritage traditionnel que beaucoup révèrent « en bloc » (sans jeu de mots). J’espère que ce courant deviendra majoritaire au sein
de l’orthodoxie : c’est mon vœu pieux d’agnostique qui pense que l’honneur moral du judaïsme implique un tel travail critique, mais je ne suis pas sûr, pour être tout à fait honnête, que le monde
de l’orthodoxie prédispose à ce type de démarche et s’en laisse durablement imprégner.
Or, ce dont il est question ici (et là encore je rejoins certaines réflexions du forum), est bien de savoir à quelle communauté on s’identifie : quel sens cela a-t-il de se réclamer de la même foi
que des gens qui pensent non pas simplement qu’ils ont une mission dans le monde (ce qui est fort respectable) mais qu’ils sont d’une essence supérieure ? Pardon pour la comparaison qui choque mais
j’ai toujours en mémoire ce passage bouleversant de Si c’est un homme où Primo Lévi raconte son entretien « d’embauche » à l’usine de chimie d’Auschwitz auprès d’un officiel nazi : « Car son regard
ne fut pas celui d’un homme à un autre homme ; et si je pouvais expliquer à fond la nature de ce regard, échangé comme à travers la vitre d’un aquarium entre deux êtres appartenant à deux mondes
différents, j’aurais expliqué du même coup l’essence de la grande folie du Troisième Reich » (p.113). Croire que l’autre homme n’appartient pas à la même humanité que vous, qu’il est d’une autre
espèce, c’est avoir soi-même basculé dans l’inhumanité.
PS. A propos du titre : il y a tellement de gens stupides sur le net que le titre risque fort, comme le faisait remarquer une intervenante, de faire l’objet d’exploitations malveillantes. Peut-être
même le simple fait qu’il puisse apparaître comme tel dans les pages de résultats des moteurs de recherche risque de donner lieu à des raccourcis de la part de ceux qui ne prendront même pas la
peine de lire l’étude.
Les recentes declarations du rav Steinman, un des Gedolei Hador lithuaniens en Israel: les non Juifs sont des voleurs, des meurtriers, des idiots…
http://www.ynet.co.il/articles/0,7340,L-4231696,00.html
Bonjour,
A la lecture de ce billet quelques questions me sont venues à l’esprit:
La thora n’est elle pas immuable? peut-on se permettre de remettre en question des principes énoncés par nos sages simplement parce qu’ils ne correspondent pas à la vision aujourd’hui admise comme
correcte?
Peut être arrivera t il un jour, ou il nous semblera complètement inacceptable d’interdire le mariage d’un cohen avec une femme divorcée, pour autant modifierons nous les lois?
Si nous nous permettons aujourd’hui de faire un tri, que restera t il de la thora demain?
De plus, quelle légitimité avons nous pour remettre en question ce que nos sages ont écrit? Sommes nous plus sages? plus proches de D qu’eux? les années et les siècles qui s’écoulent nous éloignent
du mont Sinaï et du don de la thora.. ainsi, nous pouvons supposer que nos sages d’une autre époque étaient bien plus proches du message originel de D…
Ensuite, pourquoi est ce tellement dérangeant d’affirmer que le peuple juif a bien une spécificité? D a sorti le peuple juif d’Egypte, lui a donné la thora au mont sinai, nous avons 613 Mitsvoths à
respecter et les goyims seulement 7, nous avons été persécuté de tous temps et par miracle nous sommes encore là, pourquoi nier aujourd’hui que nous sommes différents?
Enfin, nier cette différence n’est ce pas finalement un pas supplémentaire vers l’assimilation? en effet, si le peuple juif refuse sa différence, qu’est ce qui le distinguera des autres nations du
monde?
Avec tout mon respect,
@Emmanuel
Je trouves ton article et les commentaires qui l’ont accompagné très pertinents et visant au plus juste, comme d’habitude.
Juste une petite parenthèse au débat: tu cites plusieurs fois « Touati » dans tes commentaires sans préciser qu’il était Grand-Rabbin (et mon grand-père au demeurant). Je me suis dit que si le rav
Aviner avait le droit a sa particule, le Gr.Rabbin Touati z »l aussi j’imagine… 🙂
Amicalement,
Michael
@ A tous
Le titre du billet a ete change pour tenir des comptes des remarques de Janick Dahan et de Zelie, que je remercie.
@ Batcheva
Questions fort legitimes ! Mais, en tout cas pour les premieres, il paraitrait qu’un nouveau billet de notre grand webmaster serait sur le point d’etre publie. Il traiterait precisement de notre
droit de reinterpreter la Torah en fonction des connaissances et valeurs modernes, de la possibilite d’accepter des verites provenant de l’exterieur, etc. Si, apres lecture, vous avez encore des
questions, Gabriel ou moi-meme (ou d’autres sur ce site) serons heureux de vous repondre.
Pour le dernier point, le peuple Juif peut etre different sans etre superieur. Different, mais egal. Voyez notamment les liens cites dans mon commentaire 17 ci-dessus.
@ Michael T
Merci de ce commentaire elogieux. Je suis sincerement desole pour le titre de ton grand-pere, le Grand-Rabbin Charles Touati. Ce n’etait absolument pas par manque de respect. Bien au contraire,
j’adore lire ses livres!
Il se trouve simplement, je crois, que dans le milieu academique on laisse souvent les titres de cote (« Y. Cohen » au lieu de « Dr. Y. Cohen »), alors que les usages du milieu religieux veulent qu’on
rajoute le titre de « rav » avant le nom. Je ferai plus attention a harmoniser tout cela la prochaine fois.
Il y a quelques annees, un specialiste du Kouzari m’a vante en termes tres elogieux les rares qualites de la traduction francaise effectuee par ton grand-pere…
J’interviens pour la premiere fois pour commenter ce remarquable blog. Je ne suis pas juif, mais je tiens en tres grande estime le judaïsme orthodoxe (plus que n’importe quelle autre religion)
depuis que j’ai lu par un curieux hasard un commentaire de Pirke Avot par Y.Leibowitz de mémoire bénie. En allant plus loin, j’ai decouvert une certaine mystique juive issue du Zohar qui, entre
autre « problemes » a mes yeux, a une vision ontologiquement negative (pour ne pas employer un autre terme) du non juif. Je vous remercie d’avoir abordé avec impartialité ce point et d’avoir mis en
avant la vision d’un judaisme plus rationaliste.
Maimonides disait que ce n’est pas la Genese qui nous apprenait que l’univers n’est pas eternel mais la raison, et que s’il etait etabli que l’univers par la science que l’univers est eternel, il
nous faudrait reinterpreter les textes, comme on interpretait les attributs divins antropomorphiques de maniere allegorique comme nous le dicte la raison.
Je dirais que si la raison pure, l’experience et la science nous apprennent qu’un non juif n’est absolument pas moins humain qu’un juif, alors une interpretation contraire des textes ne peut etre
qu’erronée suivant la meme raisonnement rambamiste.
@ Ben Noah,
Merci de ce remarquable commentaire. Je ne peux qu’etre d’accord, bien evidemment, avec vos remarques. N’hesitez pas a nous faire part de vos reflexions a l’avenir, et ainsi a enrichir les
discussions sur ce blog!
J’avoue ne pas bien comprendre l’intention de cette reflexion.
Il devrait aller en effet de soi, comme le note ben noah, que la « raison », que le travail de la vérité devrait primer sur toute autre considération.
La question est donc: est-ce qu’il est vrai qu’il y ait des différences « ontologiques » entre goys et juifs, et la réponse est non, sans qu’il y ait à s’appuyer ou pas sur les textes de la
tradition. Si la tradition juive était essentiellement raciste, alors il faudrait, tout simplement, la rejeter sans hésiter.
Tel n’est pas le cas – par contre qu’il y ait du racisme et des racistes chez les juifs – c’est une évidence ! par quel miracle en seraient-ils exempts ?
D’ailleurs cela prouve une fois de plus ( et c’est une bonne chose que le témoignage en soit gardé – parce que cela peut nous aider à ne pas « idolatrer » nos Sages – pas plus que les Patriarches ou
Moshé rabenou )qu’il arrive bien souvent que de grands hommes soient grands aussi, à l’occasion, dans la connerie ou dans l’erreur.
Je rappelle que l’immense Rambam, par exemple, est aussi le penseur qui parle de « l’abject sens du toucher ». Dire qu’il rate là quelque chose n’invalide en rien la profondeur de son oeuvre – pas
plus que le fait que nous savons aujourd’hui que ce qui fait bouger les planètes n’a rien à voir avec une « âme » – la relation entre la physique et la métaphysique ayant quelque peu évolué depuis
les paradigmes aristotéliciens.
Nous avons passé un siècle où il me semble que la portée pratique de ce qui pouvait apparaitre à d’autres époques comme de simples « opinions » ( racistes ) éclairent celles-ci d’une lumière
particulièrement « convaincantes ».
Quant au fait que les tendances « mystiques » soient plus facilement racistes ( ou bien généralement « réactionnaires » ) que les textes de tendance rationaliste, c’est évidement choquant pour ceux qui
aiment cette littérature ou qui adhèrent à propositions , mais c’est en fait quasiment constant dans toutes les religions que les mystiques ne sont à priori des gens très « ouverts » ou enclins au
progressisme social. En fait, le tempérement « mystique » à d’autres chats à fouetter.
Le billet d’Emmanuel Bloch, que j’ai lu il y a quelques jours, est remarquable de clarté, d’intelligence, d’honnêteté et de courage. Il fait honneur au judaïsme orthodoxe dont il se réclame et, en
particulier, à l’exigence de vérité exprimée, par exemple, par Maimonide.
Je découvre ce soir la cascade de commentaires que ce texte a suscités, et qui prouvent, d’abord, sa pertinence.
Je constate que la très grande majorité de ces commentaires témoignent d’une conscience réelle des difficultés soulevées par l’auteur, d’un effort de réflexion incontestable et sans doute d’un
certain soulagement à voir les problèmes formulés.
Quelques uns des commentaires me frappent par la peur qu’ils expriment, peur de manquer de respect aux Sages, peur aussi de toucher à l’édifice de la Tradition et de risquer de provoquer ainsi son
effondrement.
La question du « racisme » ou de « l’intolérance » que l’on peut détecter dans certaines sources, comme la question du statut des femmes, a pour enjeu la légitimité de l’examen rationnel des textes et
de la possibilité de remettre en question certaines affirmations ou postulats des Sages. La discipline dans le champ de la halakha est une chose, l’adhésion aveugle préconisée par certains aux
opinions ou
aux assertions des rabbins du Talmud ou à celles des Sages ultérieurs en est une autre. C’est de la mauvaise foi ou de l’ignorance que de prétendre que les représentations et les conceptions de ces
derniers ne sont pas historiquement datées et donc questionnables.
Par exemple, dans un autre domaine, l’assertion talmudique bien connue » tav lemetav tan dou milemetav armelou », selon laquelle, pour schématiser, une femme préférerait être mariée même à un homme
peu recommandable plutôt que de vivre seule, est-elle recevable de nos jours ? Pire encore, faut-il la considérer comme un principe immuable qui gouvernerait à tout jamais les décisions halakhiques
touchant aux divorces ?
Autre exemple: je me souviens que Nahmanide, dans Iggeret haqodech, critique vertement Maimonide qui, à l’instar de son maître, Aristote, témoigne d’une conception négative de la sexualité.
Je plaide, quant à moi, pour le droit à l’intelligence et au questionnement, si présents dans nos textes et devenus parfois, de nos jours, source d’effroi pour certains.
Merci à ce blog d’exister, à Gabriel de l’avoir créé et de l’animer, et aux auteurs des textes de le faire vivre avec rigueur et exigence.
@ J46
Merci d’avoir pris le temps de poster ce commentaire elogieux. Vous ne serez probablement pas surpris de lire que je m’identifie completement aux valeurs defendues dans votre « plaidoyer »!
Bonsoir
je pourrais mettre ce lien en note pratiquement sous n’importe quel article du blog, je ne résiste pas !
Ca concerne les problèmes de discrimination et de racisme dans la halacha, les srtatégies que cela suscitent chez les rabbins, etc. C’est à propos de la notion de guer, et c’est franchement fort…
Les trois volets de la conférence sont passionants tous, mais celui ci me parait le plus dense et le plus courageux ( ils n’éludent vraiment rien ! )
http://www.akadem.org/sommaire/colloques/l-etranger-biblique-dans-la-tradition-juive/droit-hebraique-et-droits-de-l-homme-16-03-2012-30840_4401.php
J46:
« Quelques uns des commentaires me frappent par la peur qu’ils expriment, peur de manquer de respect aux Sages, peur aussi de toucher à l’édifice de la Tradition et de risquer de provoquer ainsi
son effondrement », mon commentaire n° 31 en fait surement partie.
J’aimerai être d’accord avec cette vision des choses, étant fille de guer, je suis doublement concernée par la vision apparemment négative des sages sur ces deux statuts.
Toutefois, vous dites que : « La question du « racisme ou de « l’intolérance » que l’on peut détecter dans certaines sources, comme la question du statut des femmes, a pour enjeu la légitimité de
l’examen rationnel des textes et de la possibilité de remettre en question certaines affirmations ou postulats des Sages ».
Je pense que l’enjeu à long terme est la possibilité de modifier la halacha et c’est là que mon problème se pose:
Les textes intolérants sont problématiques lorsque des halachots en découlent: telles que de ne pouvoir faire des mélachots pour pouvoir sauver un non juif pendant chabat ou la possibilité pour un
homme de garder sa femme prisonnière en ne lui accordant pas le guet (entre autres..)
Et c’est là qu’une question va se poser: est ce que les belles théories sur la possibilité d’interpréter la thora en fonction des valeurs modernes sont assez justifiées pour pouvoir modifier
concrètement la halacha? Est-ce que sur le fondement de sa théorie Rav Emmanuel Bloch estime avoir le droit de modifier la loi?
Salut Emmanuel,
Je reviens un peu sur l’option du « contexte » juste pour rappeler que c’est celle qu’a choisi le Rav Moshé Ravkash. Il précise au cas par cas dans tous les dinim « discriminatoires » que ceux-ci n’ont
plus cours pour les non-juifs de notre époque, mais uniquement pour les idolâtres du Talmud.
J’ai pas mal de références de ses déclarations de ce type sur plusieurs halakhot, elles sont dans mes papiers si tu veux je peux les rechercher et t’en renvoyer. J’en ai une sous la main d’un sujet
que j’étudie en ce moment : Beer HaGola ‘Hochen Michpat 348 à propos de « al tonou ».
Le Rav Ravkash a compris que plutôt que de se casser la tête pour rendre tout le Talmud « politiquement correct », de petites annotations suffisent 😉
@Batcheva,
Je viens de voir la question que vous m’adressez dans le dernier paragraphe de votre commentaire. Pour vous repondre: la halakha possede des outils lui permettant d’evoluer, du moins dans une
certaine mesure. Par exemple, comme le releve Yona dans le commentaire suivant, il est possible de preciser / changer le champ d’application d’une loi. D’autres possibilites existent, et si le
sujet vous interesse je serai enchante de vous donner quelques references de lecture. Le theme est tres vaste.
Dans ce billet, je cherchais plutot a me concentrer sur ce qui est en amont de la halakha – la vision du monde, les valeurs, etc., du monde religieux et des poskim; bref, ce qui influence la
halakha au moment ou elle est tranchee. Ce n’est pas tout d’avoir des outils interpretatifs, il faut encore avoir la volonte de les utiliser.
Vous pouvez aussi regarder le colloque sur Akadem, en particulier les interventions de Michael BenAdmon et Michael Wygoda, pour de tres pertinentes reflexions sur la situation halakhique et les
possibilites de la changer.
@ Yona
Nous rangerons donc l’auteur de Beer HaGola parmi ceux qui suivent la voie (c), il y sera en bonne compagnie ! 🙂
Je sais bien que c’est une possibilite ! Je dis simplement qu’a mon avis, qui vaut ce qu’il vaut, c’est insuffisant de nos jours.
Rhoooo! 🙂
Bon, j’essaie avec un machal. Voyons comment cela passe ainsi:
Il y a tres tres longtemps, dans un pays merveilleux mais legerement antisemite sur les bords, une loi ancestrale interdisait aux « chiens et aux juifs » d’etre heberge dans les hotels.
Quelques generations plus tard, un vent de tolerance soufflait sur le pays merveilleux. C’etait une epoque d’ouverture sur autrui, de nouvelles idees, d’amour reciproque et d’esperance.
Le College des Venerables, l’instance judiciaire supreme du Pays Merveilleux, decida de se pencher sur le statut des Juifs. La loi interdisant l’entree des hotels aux Juifs posait probleme,
evidemment. Mais les Venerables avaient enormement de respect pour les Sages qui avaient edictees les lois ancestrales, et ne souhaitaient pas les abroger. Que faire? Caressant leurs longues barbes
blanches en signe d’intense concentration, les Venerables trouverent une solution originale : une loi interdisant l’entree aux « chiens » etait de toute evidence motivee par des raisons d’hygiene;
apparemment, on pouvait en deduire que les Juifs de l’epoque ancestrale n’etait pas forcement tres propres, ce qui avait entraine leur exclusion de tous les hotels du Pays Merveilleux. Mais le mode
de vie des Juifs avait change, et desormais ils avaient adopte un mode vie sain et hygienique, correspondant aux moeurs sophistiquees des habitants du Pays Merveilleux. En consequence de quoi,
l’exclusion des Juifs n’avait plus de raison d’etre. On pouvait les admettre dans les hotels et se montrer tolerant a leur egard, tout en maintenant (formellement) la validite de la loi
ancestrale.
Soupirant de contentement, les Venerables se servirent un grand verre de schnaps.
Puis, quelques generations plus tard, les choses changerent a nouveau. Pour une raison completement imprevisible, les Juifs n’etaient desormais plus en odeur de saintete. De plus en plus de
Venerables pronaient le retour au sens simple de la loi ancestrale du Pays Merveilleux, et voulaient a nouveau interdire l’acces des hotels aux Juifs (propres ou pas). Les autres Venerables, un
groupe sur le declin mais disposant toujours d’une certaine influence, et encore marques d’un relatif esprit de tolerance, s’interrogeaient sur la bonne strategie a suivre. Fallait-il marteler,
encore et toujours, que la loi ancestrale ne visait que les Juifs au mode de vie peu hygienique, soit une realite sociale ayant depuis longtemps disparu? Ou bien la strategie devait-elle s’adapter
aux circonstances de l’epoque ?
* * * * *
J’imagine que le rapport du machal au nimchal est clair.
A mon sens, les Venerables de l’epoque intermediaire ont pris un risque en choisissant de ne pas abroger la loi ancestrale: celui que cette loi soit un jour re-instituee dans son sens simple. Ce
risque s’est concretise quelques generations plus tard. A ce moment-la, la situation demanda qu’une autre strategie soit implementee si l’on voulait eviter un retour a l’intolerance.
Alors, est-ce que l’approche du Meiri, du Beer HaGola et des autres est « faisable » ? Oui, bien sur, cela a ete fait pendant des siecles. Mais aujourd’hui le vent souffle dans la direction opposee.
Nous ne sommes plus une minorite de juifs vivant parmi une majorite de chretiens, obliges d’interagir avec eux et cherchant a normaliser notre situation a leurs yeux. En Israel, la societe est
majoritairement juive. Le Goy est pour certains une realite abstraite, inconnue; il est souvent l’ennemi, surtout lorsqu’il habite dans un pays voisin.
Dans ce climat, les textes racistes sont revisites par certains rabbins, pas tous bien sur mais de plus en plus, qui ne sont PAS interesses par l’approche « limitante ». J’argumente ici que la
strategie consistant a marteler, encore et toujours, que les textes racistes ne s’appliquent plus de nos jours, est vouée a l’echec. Il faut trouver autre chose.
Un texte raciste « neutralisé » selon l’approche (c) du Meiri ne disparait pas de la Tradition. Lorsque les conditions sont reunies, il peut a nouveau s’exprimer. Je crains que nous soyons temoins
d’un tel phenomene de nos jours.
Salut Emmanuel,
J’entends ce que tu dis. Cependant, la meilleure option consiste à imposer les textes du c) aux tenants d’une approche « raciste ». Vis-à-vis des froum une approche réformant les textes
problématiques ne sera pas accepté. Et vis-à-vis des juifs pluralistes ou des non-juifs on considérera que tu ne représenteras que toi ou quelques autres, mais pas le judaïsme du 21ème siècle.
Si tu veux fermer le clapet des prédicateurs , ramène-leur plutôt des sources devant lesquelles ils seront obligés de se taire mishoum « daat Torah ».
Cadeau :
תורה תמימה הערות ויקרא פרק כה הערה פג
פג) דבר פשוט הוא דאיירי בעובדי אלילים בימים הקדמונים שלא היו מאמינים ביחוד השם ומרוב פראותם נדמו לפריצי חיות והיו מזיקים לחברת האדם וקניניו ולישוב העולם וסדרו, וכמש »כ הרמב »ם בפיהמ »ש ב »ק פ »ד בהא
דשור של ישראל שנגח לשור של עובד כוכבים פטור וז »ל, ואל יקשה בעיניך דבר זה [דפטור] כמו שלא יקשה בעיניך שחיטת הבהמות ואף על פי שלא חטאו, יען כי מי שאין בו שלמות המדות האנושיות אינו בכלל האדם על על
האמת, ותכלית מציאותו לצורך האדם, עכ »ל. וכל הדברים האלה מורים על כלליות הענין שסובב והולך על העמים הפראים בימים הקדמונים שלא היו מן הישוב כלל, ואשר במדינותינו בזה »ז אינם נמצאים כלל, והרחבנו הדבור
בזה בפ’ משכטים בפסוק וכי יגח שור איש את שור רעהו, יעו »ש. וראויים הדברים להצטרף לכאן. ולפי »ז יהיה גם כונת הדרשה כאן לעמיתך אתה מחזיר וכו’, ר »ל לעמיתך שיש לו כמוך דינים ומשפטים ישרים בין אים לחבירו,
יצאו עובדי כוכבים כאלה שאין להם דינים ומשפטים ישרים, והם אלה העובדי אלילים הפראים שזכרנו, והענין מבואר. ובנוגע לאזהרה מרובה ותוכחה נמרצה מרבותינו באיסור אונאה והטעה לכל איש מכל אומה ולשון, עיין
בפיהמ »ש להרמב »ם פי »ז מ »ב דכלים איך קרא תגר על אלה האנשים החוטאים המרמים ומאנים לכל אדם ודבריו חוצבים להבות אש לכבוד ה’ והתורה וישראל, וסיים וז »ל, ואלו הרעות כולן השי »ת מתעב אותן ומתעב עושיהן, הרי
הוא אומר כי תועבת ה’ כל עושה עול, עכ »ל. וכמה מרבותינו האחרונים הוכיחו בקול עז ונמרץ על עול מגונה זה, ולי מה יקרים וחביבים דברי גדול אחד מן האחרונים בענין זה, והוא בס’ באר הגולה לחו »מ ריש סי’ שמ »ח
וז »ל, ואני כותב זאת לדורות שראיתי מי שגדלו והעשירו מן טעות שהטעו את הגוים ולא הצליחו וירדו נכסיהם לטמיון ולא הניחו אחריהם ברכה, ורבים אשר קדשו ה’ והחזירו טעות הגוים בדבר חשוב גדלו והעשירו והצליחו
והניחו יתרם לעולליהם, עכ »ל, ועל דברים נאמנים אלה נאמר שפתים ישק משיב דברים נכוחים. וביותר נכבדים דברים אלה להיודע קורות חיי הנאון בעל באה »ג וזמן כתיבת דבריו אלה, כי הוא וביתו ועירו ומדינתו היו מטרה
לקנאת הריקים סמוך לשנת ת »ח ובדרך פלא נצולו בחייהם וכפי שמעיד הוא עצמו « יצאו כולם בגולה מאין מאומה בידיהם זולת ספר עברונות [לוח השנה] לדעת סדרי הזמנים ויצאו באשר הלכו ותבקע הארץ לקול הגולים »
[מהקדמתו הראשונה לס’ באה »ג לאו »ח] ובא עד העיר אמשטרדם ושם כתב והדפיס ספרו זה ואמרי נועם אלה, ועם כל אלה הנה כה נאמנה רוחו וישרת לבו לכל הנברא בצלם:
Merci encore de ce bel article bien argumenté. Cependant je suis un peu choquée par le titre de votre article , bien que le fond et le contenu conduisent bien évidemment à s’opposer à ce titre. Il
me semble que lorsque l on écrit, même dans un site juif, nos propos doivent être « entendable » par tous. Or votre question qui certes est juste une manière de poser le problème et de pousser à l
extrême certain propos ou certaines tendances pour pouvoir les dénoncer , est en elle même inacceptable. Imaginez vous un site de musulman ou de chrétiens qui poserait comme question: un juif est
-il un homme? Toutes les explications qui suivraient pour nous expliquer qu il faut lutter contre ce racisme et cette intolérance ne nous apaiseraient pas. La question en elle même ne doit pas être
posée me semble t-il. Votre titre a certes une vertu journalistique d’accroche, mais ce n ‘est pas très adapté à la diffusion par internet
Je comptais aller me coucher et … bien non. J’ai lu ce billet.
Ce billet est très argumenté et bien mené.
Emmanuel, est-ce que tu penses que la modern-orthodoxy se tournera de plus en plus vers l’hypothèse d) c’est-à-dire dénoncer ces textes ? Si je me souviens bien, Gabriel a écrit un article sur la
critique biblique qui est utilisée de le mouvement MO. Si le mouvement en venait à une plus grande utilisation/acceptation de la critique biblique est-ce que ça mettrait la MO sur le plan respect
strict de l’orthodoxie en danger ?
Toutes les sources que tu cites sont en hébreu, il va donc vraiment falloir que je m’y mette :-).
Bonjour Janick,
Merci de me faire part franchement de ce qui vous dérange.
Votre message me laisse quelque peu perplexe. Il est bien évident que le titre que je choisis pour un billet se veut accrocheur, et que choquer *légèrement* ne me pose pas de problème, tant qu’il
s’agit d’entamer ainsi une réflexion sur le fond et de remettre en question des idées reçues. Mais votre feedback suggère maintenant que je suis allé peut-être un peu trop loin.
Mettons les choses ainsi: lorsque je vais sur un site chrétien (pour reprendre votre exemple) et que j’y lis une analyse de la perception du Juif au fil des siècles au sein de l’Eglise, j’espère
lire une analyse honnête et franche, et pas de doux euphémismes. La vérité n’est pas toujours agréable a contempler, mais sans cette franchise, l’exercice d’introspection et de critique a-t-il
vraiment un sens?
C’est a cette aune que je veux m’attaquer ici au problème de l’antigoyisme: sans me voiler la face ni jeter un voile pudique sur ce qui dérange. Les sources que je cite démontrent qu’un courant non
négligeable, et peut-être majoritaire, dans la pensée juive, considère le non-Juif comme un être inférieur – quand il n’est pas carrément présenté comme un représentant des forces maléfiques.
Le titre que j’ai choisi est un simple résumé de cette problématique centrale de mon billet. Et ce problème existe d’ailleurs indépendamment du regard qu’un non-Juif viendrait poser sur notre
Tradition.
Mais je serais très heureux d’avoir d’autres réactions d’internautes. Si votre sentiment était largement partagé, il vaudrait sans doute mieux changer ce titre.
@ Lucie Esther,
Merci de ton message. Je ne suis pas prophète et ne sais pas ce qui se passera, mais mon prochain billet essaiera de montrer pourquoi l’approche d) est plus nécessaire maintenant que dans le
passé.
La critique biblique pose des questions passionnantes, mais les deux thèmes ne sont pas directement liés. Peut-être y consacrerai-je un autre billet a l’occasion? Dans cette attente, je te renvoie
a ma réponse sur Cheela: http://www.cheela.org/popread.php?id=51751
Apprendre l’hébreu, quelle bonne idée! 🙂
@ Benjo la Banane
Merci de ce commentaire. Je ne suis pas sur de tout suivre sur les histoires de gênes et de handicap, mais pour autant que je comprenne bien le sens de votre intervention, vous m’interrogez sur le
concept de l’élection d’Israël.
L’idée que les juifs sont « spéciaux » fait partie de notre héritage spirituel. En faire abstraction serait totalement impossible, il faut donc se poser la question de savoir comment nous vivons
avec. A mon sens, nous pouvons et devons être différents, mais pas nous sentir supérieurs. Il y a un juste équilibre a trouver entre deux extrêmes, le premier ou l’humanité entière se fondrait dans
une espèce d’informe monoculture planétaire, mangerait des Happy Meals, boirait du Coca et écouterait chanter Rihanna a longueur de journée, et le deuxième ou chacun contemplerait avec
attendrissement son propre nombril. Dans ce billet, j’attaque surtout la deuxième alternative telle qu’elle se présente dans certains de nos textes les plus dérangeants, mais la première ne me
convient pas du tout non plus. Donc, dans ma vision des choses, l’idée de « peuple élu » a certainement toujours sa place de nos jours, tant qu’il s’agit de mettre en avant des attentes morales ou
une particularité culturelle. Mais pas une supériorité intrinsèque, non.
N’hésitez pas a me relancer si je vous ai mal compris!
Félicitations pour la publication de ce billet que j’attendais avec impatience, et félicitations pour la justesse de ton propos.
Voici quelques questions/remarques :
1)
À propos de « l’exemple révélateur de l’antigoyisme » que tu mentionnes : « vous êtes appelés « hommes », mais les nations du monde ne sont pas appelées « hommes » ».
Michée 5:6 semble désigner les non-juifs (ceux qui ne sont pas les survivants de Jacob) par « אִישׁ » puis par « בְנֵי אָדָם ».
Penses-tu que cela permette d’élargir le sens du mot « אָדָם » pour la Bible, avec une possible critique de ce qu’entend Rachbi par celui-ci, même vis-à-vis de l’exemple particulier dont il est
question ? Mais peut-être n’est-il pas sérieux d’assimiler « אָדָם » et « בְנֵי אָדָם ».
« בֶּן-אָדָם » est tout de même l’appellation par laquelle Ezechiel introduit la prophétie (34:2) s’achevant par le verset incriminée (34:31).
2)
Tu t’en es tenu à cet exemple, révélateur j’imagine en ce qu’il est à la fois « aggadique » (où l’on suppose un statut particulier pour « Adam »…) et aux répercussions « halakhiques » (lois
d’impureté).
Connaîtrais-tu un autre exemple talmudique de ce type ? Si la thèse de Michael Ben Admon a été traduite, pourrais-tu éventuellement m’en faire part ?
3)
Le rav Chlomo Aviner, dont tu cites un passage en tant qu’écho contemporain du racisme juif que tu dénonces, figure en « une » de cheela.org, en tant que votre « approbateur ».
Comme tu me l’avais dit, je sais que différentes sensibilités sont représentées au sein de votre équipe, mais tout cela me laisse quelque peu songeur. Voici qu’un tel rav – aux antipodes donc du
pari que tu expliques et défends – te recommande ! 🙂
4)
« l’un des challenges actuels de l’orthodoxie juive se joue précisément dans sa capacité à condamner, sans équivoque possible, les éléments racistes qui menacent de plus en plus de s’exprimer. »
Comment discuter avec des gens tenant pour « infiniment supérieures à tout un chacun » des personnes tels le AriZal, l’Admour Hazaken… etc. ? des personnes dont ils posent que « chacun des propos »
recèle de significations échappant au commun des mortels (dont nous sommes) ?
Comment discute-t-on avec des « hypostases » ?
Il me semble que la voie que tu traces suppose une rupture bien plus forte que la transition (le glissement) suggérée dans cette phrase, où tu t’exprimes à titre personnel.
5)
« Quant à l’attitude critique (d), elle doit nécessairement être couplée à une prise en compte du contexte historique (c), sans quoi elle tombe dans l’accusation grossière et dépourvue de
nuances. »
Supposons que l’on puisse déceler, au sein de certains versets du Tanakh (pour peu que l’on n’en aurait encore distendu le sens premier), un racisme ordinaire, primitif, du type de celui que tu
décri(e)s (*). En te suivant, la lecture de la Bible devrait alors être nécessairement couplée à une prise en compte de son contexte historique, soit à une prise en compte de ce qu’il est convenu
d’appeler la « critique biblique ». Or, tu m’avais indiqué que celle-ci te dérangeait. Est-ce à dire que tu la considères comme bien nécessaire, mais dans une sorte de « triste nécessité » ?
(*) car pas très loin de Shemot 22:21 figure Vayikra 26:44… etc.
6)
À propos du travail de Yehezkel Cohen, penses-tu que certaines sources juives traditionnelles ont été capables d’en faire autant ?
Aussi, dans la façon dont tu l’exposes :
« a) Rachbi ne portait pas les non-Juifs en grande estime et n’hésitait pas à les peindre sous une lumière très négative, mais que pour autant il n’a jamais, dans aucun enseignement, nié leur
humanité »
et
« il ne s’agissait pas d’opposer l’essence du Juif à celle du non-Juif afin de constater la supériorité juive, car une telle conclusion serait contraire aux idées de Rachbi et des autres
Tannaim »
ne sont-ils pas contradictoires ? ne pas dépeindre les non-Juifs sous un jour aussi positif que les Juifs, n’est-ce pas les penser moins « valables » que ces derniers ?
7)
À propos de la belle mise en perspective que tu nous offres, sur le caractère très « humainement répandu » de l’attitude consistant à prendre son groupe pour « humain » par excellence…
– Les « démons étrangers » ont donné lieu à un très beau retournement ! (http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=2451632)
« D’insulte, gweilo est devenu un qualificatif affectueux présentant les Européens pour ce qu’ils sont dans ce territoire : des étrangers dont le pouvoir a grandement diminué. »
– Il semblerait que « barbaros » (βάρβαρος) ne soit pas à l’origine péjoratif, exprimant simplement un état de fait : « non locuteur de grec » (ce document débute ainsi :
http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/25827/1/La%20langue%20comme%20facteur%20d.doc).
Sinon, à propos de la Grèce antique et en lien avec notre sujet, une figure mémorable de la mythologie grecque, Narcisse…
« À sa naissance, le devin Tirésias, à qui l’on demande si l’enfant atteindrait une longue vieillesse, répond : « Il l’atteindra s’il ne se connaît pas. » Il se révèle être, en grandissant, d’une
beauté exceptionnelle mais d’un caractère très fier : il repousse de nombreux prétendants et prétendantes, amoureux de lui, dont la nymphe Écho, qui lui jette une malédiction : un jour qu’il
s’abreuve à une source, il voit son reflet dans l’eau et en tombe amoureux. Il reste alors de longs jours à se contempler et à désespérer de ne jamais pouvoir rattraper sa propre image. Il finit
par dépérir puis mourir d’une passion qu’il ne peut assouvir, et est pleuré par ses sœurs les naïades. À l’endroit où l’on retire son corps, on découvre des fleurs blanches : ce sont les fleurs qui
aujourd’hui portent le nom de narcisses. »
(http://fr.wikipedia.org/wiki/Narcisse_(mythologie)#Mythe)
– À propos de homo sapiens, tu admireras déjà l’audace de ce progrès (http://fr.wikipedia.org/wiki/Homo_sapiens_sapiens). 🙂 Bon, ceci dit, il me paraît probable que les humains soient doués de
capacités d’abstraction supérieures à celles des ‘autres animaux’, et qu’à ce titre, une telle appellation peut finir par se justifier.
8)
Enfin, tu cites de manière très précise des références kabbalistiques (Zohar, AriZal).
S’agit-il de textes que tu étudies ? je pensais que tu te tenais pour le moment éloigné de ce tout ce qui était du ressort des textes ésotériques, dans la mesure où tu m’avais dit ne pas être un
très grand connaisseur des textes ‘hassidiques (qui, souvent, y donnent accès).
Merci
Salut Michael,
Tres heureux que ce billet t’aie plu.
1. Jolie culture dans le Nakh! Je ne suis pas complètement sur que le verset doive être lu ainsi; on pourrait aussi le comprendre, plus généralement, comme affirmant que les juifs exiles n’auront
plus d’espoir de quelque ordre que ce soit, sans trop entrer dans les détails.
Mais si ta lecture est correcte, alors il semble effectivement que la Torah écrite appelle les non-Juifs des hommes. Bonne nouvelle. Ce n’est pas tant un problème pour Rachbi (cf. les explications
de Y. Cohen), mais ça l’est pour une bonne partie des autres sources que je cite. J’ignore comment il est possible de résoudre cette contradiction dans cette lecture.
2. J’ai pris l’exemple qui me semblait le plus frappant, oui. Mais on pourrait sûrement trouver d’autres questions plus ou moins proches et dans lesquelles la philosophie joue sur la halakha. Par
exemple, quelle est la valeur de la vie d’un non-Juif, et peut-on transgresser Chabbat pour lui sauver la vie ?
C’est un exemple très actuel si tu as suivi les dernières déclarations du r. Ovadia Yossef.
Pour le doctorat de Mickaël, je ne sais pas, le plus simple serait de lui poser directement la question.
3. Je compte sur toi pour ne rien lui dire 🙂
Plus sérieusement, je n’ai pas publie ce billet sur Cheela mais sur le blog de Gabriel, et le fait que r. Aviner ait donne une haskama au site Cheela, des annees avant que j’entre dans l’equipe des
repondeurs, ne signifie pas que je renonce aujourd’hui a mon droit d’etre parfois en desaccord avec lui.
4. Les deux tendances existent a la base au sein de la tradition. Il faut arriver a renforcer la voie de l’ouverture et de la tolerance. Effectivement, cela implique de renoncer a certains idees du
Arizal, du Zohar et des autres, mais je ne crois pas que cela implique une rupture aussi radicale que ce que tu decris.
5. Je m’excuse, mais comme deja indique a Esther, je ne peux pas traiter ici de la critique biblique. Cette question merite un billet a part entiere. De toute maniere, sur la question specifique
traitee par ce billet (la perception des non-Juifs par les Juifs), je ne connais pas de verset impliquant que les non-Juifs ne sont pas des hommes. Je ne crois pas qu’il y en ait, ce serait plutot
l’inverse, comme tu me le montres dans ton point 1. Pour les autres problemes – une autre fois, pardon! 🙂
6. Toutes les techniques utilisees par l’etude universitaire du Talmud ont deja utilisees par des rabbins traditionnels au fil des siecles. C’est le cas, pour prendre un exemple parmi bien
d’autres, de l’etude des manuscrits pour determiner la version exacte du texte.
Certains rabbins avaient certainement une approche systematique du texte talmudique, comme par exemple r’ Meir Dan Plotsky, l’auteur du Kli ‘Hemdah. De nos jours, ce serait plutot rare. La methode
d’analyse lithuanienne (Brisker) ferait plutot l’inverse.
Tu connais bien sur la blague des deux Brisker qui etudient Baba Kamma?
7. Merci de ces remarques.
8. Je ne suis pas un specialiste de l’etude de la kabbale, mais j’essaie de lire quand meme les livres les plus importants.
Salut Emmanuel,
Ta solution d) consiste-t-elle à dénoncer les rabbins un peu trop zélés qui se pavanent sur you-tube (auquel cas je partage ton avis), ou bien à dénoncer directement les textes de ‘Hazal ( auquel
cas le terme « dénoncer » me paraît à la fois irrespectueux et hautain ; il serait plus juste d’écrire « replacer dans leur contexte », ce qui revient à la solution préconisée au final = c + d)
Par ailleurs, dans ta note 11, il serait appréciable pour les lecteurs qui préfèrent voir les textes à la source plutôt que rapportés dans des ouvrages universitaires (;-), d’avoir les références
exactes des passages du Ralbag.
à bientôt
Merci beaucoup pour ta réponse !
« 2. J’ai pris l’exemple qui me semblait le plus frappant, oui. Mais on pourrait sûrement trouver d’autres questions plus ou moins proches et dans lesquelles la philosophie joue sur la halakha. Par
exemple, quelle est la valeur de la vie d’un non-Juif, et peut-on transgresser Chabbat pour lui sauver la vie ?
C’est un exemple très actuel si tu as suivi les dernières déclarations du r. Ovadia Yossef. »
Je n’ai pas suivi ses dernières déclarations ; que disent-elles ?
« 5. Je m’excuse, mais comme deja indique a Esther, je ne peux pas traiter ici de la critique biblique. Cette question merite un billet a part entiere. De toute maniere, sur la question specifique
traitee par ce billet (la perception des non-Juifs par les Juifs), je ne connais pas de verset impliquant que les non-Juifs ne sont pas des hommes. Je ne crois pas qu’il y en ait, ce serait plutot
l’inverse, comme tu me le montres dans ton point 1. Pour les autres problemes – une autre fois, pardon! 🙂 »
Sans parler de la critique biblique en tant que telle (ce dont je ne serais pas capable (toujours pas lu le livre de Kugel !)), je voulais simplement te faire remarquer que ce que tu fais
allègrement pour le Talmud, le Zohar, le AriZal, me semble à faire pour la Bible elle-même. Mais je ne t’apprends rien, puisque tu m’avais permis de découvrir que certains rabbins l’avaient osé.
Depuis, j’ai appris qu’il s’agissait d’un « acquis » du mouvement Massorti, et à propos, un billet sur ce qui distingue la moderne orthodoxie de ce mouvement pourrait être superbement intéressant !
🙂
« Tu connais bien sur la blague des deux Brisker qui etudient Baba Kamma? »
Pas encore. 🙂
Cette spécificité me semble se répercuter à autant de niveaux qu’un patrimoine culturel peut influencer. À mon sens, à peu près tous ; pour reprendre un dualisme traditionnel, de l’usage que nous
faisons de notre esprit, à celui que nous faisons de notre corps, en passant par ce pour quoi nous le faisons.
Une gmara dans Kreitot (6b) est assez explicite quant a l’importance tres limitee du principe אתם קרויים אדם וכו’, puisqu’elle le considere d’emblee comme purement technique, et apporte meme une
explication alternative dans la conclusion !
Quant au fond de ton article, je le trouve comme d’habitude delicieusement subversif, mais un peu trop quand meme. C’est s’approcher peut-etre un peu trop des limites de l’orthodoxie (meme si c’est
sans les franchir).
En revanche, je ne comprends pas ton besoin de « denoncer » les sources racistes au sein de la tradition. Pourquoi ne pas admettre leur existence (voire leur validite dans l’absolu, sans
consideration de modernite), et tout simplement les rejeter הלכה למעשה (ce qui est evidemment un abus de langage en matiere de השקפה), au profit des avis plus « mekilim » ?
J’emploie volontairement un langage convenant plus au domaine de la halacha. La cohabitation d’avis si divergents ne me semble absurde qu’au niveau de la maniere de penser personnelle des gens. Au
niveau du « monde des idees », elles pourraient s’unir (au sens de la התאחדות ההפכים du Rav Kook). Et ce meme au risque de tomber dans un pluralisme peut-etre mal employe.
Personnellement, je n’ai pas de probleme a accepter la validite de sources racistes, tout comme je n’ai pas de probleme a lire des sources permettant d’allumer la lumiere yom tov…
L’article est intéressant, mais je ne comprend pas pourquoi historiciser le propos? La notion même de racisme est une notion moderne dont l’histoire a largement été faite et n’a rien à voir avec le
judaïsme. De plus tu n’amènes pas sur cet aspect historique de preuves mais une simple possibilité. Pour ‘son auteur’ (Rabbi Chimone puisque tu prévilégie un point de vue interne)ce propos n’était
pas historique. Il faut aussi noter que le texte affirme bien qu’il s’agit d »idolâtres’, par contre un autre texte affirme que ‘celui qui étudie ses lois est comme Israël’ (on a envie de dire et
réciproquement) ce qui se traduit par le fait que leurs tombes sont sources d’impureté. Plutôt que de mener un combat contre l’intolérance (ce qui ne convaincra que les convaincus)ne vaudrait-il
pas mieux se battre contre l’ignorance? Et pour revenir à la question de la dimension historique, précisément ceux que tu vises ne l’entendent pas.
Je repasse quelques heures plus tard, et je lis toute une flopée de commentaires supplémentaires, tous très pertinents! Merci a tous pour cette discussion passionnante.
@ Yona
1. Ma solution d) revient bel et bien a critiquer les textes directement, et pas seulement les rabbins que tu mentionnes (je pense savoir de qui tu parles, et partage d’ailleurs ton avis).
Maintenant, encore une fois, je ne parle certainement pas d’utiliser la méthode d) indépendamment, et de ne faire *que* critiquer; dans mon idée, il faut aussi systématiquement rappeler le contexte
historique de ces textes – méthode c). Les deux methodes ensemble.
Je comprends complètement ton malaise par rapport a l’idée de « dénoncer » un texte de la Guemara ou d’un Richon. Lorsqu’il s’agit d’affirmer qu’un texte est faux scientifiquement, on a des sources
sur lesquelles se baser, ainsi que j’ai encore eu l’occasion de le rappeler récemment sur Cheela. Mais affirmer qu’un texte est moralement problématique semble un exercice bien plus
contestable!
Il serait judicieux d’avoir a ce point une discussion sur le rapport entre la morale et la Torah; mais, comme pour la critique biblique, c’est un thème en soi, et je ne peux le traiter en quelques
lignes dans un commentaire. Maintenant que je te lis, je suis assez tente de le faire dans un prochain billet sur le blog.
Aussi, dans l’attente d’une réponse plus complète sur le rapport entre la morale et la Torah, je vais te donner une réponse basée exclusivement sur des considérations empiriques.
Le problème de l’intolérance juive ne se limite pas aux quelques prédicateurs que tu vois sur Youtube. Ceux-la ne sont que le symptôme du mal, ou si tu préfères sa concrétisation. L’origine du
problème, a mon sens, se trouve bien dans les textes qui nourrissent la conscience religieuse des juifs orthodoxes. Ces textes sont comme certains gênes, ils sont véhiculés par l’organisme, et
lorsque les conditions sont favorables, ils finissent par s’exprimer.
Alors, s’attaquer aux symptômes (les discours intolérants de certains), c’est certainement bien. Mais c’est parfois insuffisant, et il faut avoir le courage de s’en prendre a la racine du mal.
J’espere avoir l’occasion de developper tout cela plus pleinement dans le 3eme billet sur l’intolerance… il faut bien garder un peu de suspense! 🙂
2. Ta deuxieme remarque ressemble a celles qui m’ont ete faites apres mon premier billet sur le theme de l’intolerance. Encore une fois: je n’écris pas ici un article universitaire et ne me
considère pas lié, sur ce blog, par les standards de publication de la Revue des Etudes Juives ou autre. J’ai quand meme indiqué toutes les references aux sources juives directement citees dans le
corps de l’article. Si tu es interesse a lire le livre de Touati ou celui des Barber, envoie-moi un mail, je me ferai un plaisir de te scanner les pages correspondantes et de te les envoyer.
@ Michael
2. http://www.ynet.co.il/articles/0,7340,L-4229407,00.html
Rien de vraiment nouveau, c’est juste tout recent.
5. Effectivement.
Et la blague:
Deux Brisker decident d’etudier ensemble Baba Kamma. Le premier commence a lire la premiere Michna, et s’interrompt apres deux mots pour reflechir:
« Arbaa Avot, soit quatre patriarches… mais le peuple juif n’a que trois Avot: Abraham, Yitzhak et Yaakov! Pourquoi alors 4? »
« Mais non », retorque le deuxieme, « tu oublies Yossef ».
« Yossef n’etait pas un Patriarche, il ne fut jamais l’ancetre des 12 tribus d’Israel! »
« Mais il fut l’ancetre de deux tribus, Ephraim et Menache! »
Et ainsi de suite, argument apres argument, preuve apres preuve, jusqu’a ce qu’un tiers et dise « mais lisez donc le troisieme mot de la Michna – Arbaa Avot Nezikin -, il y a 4 types principaux de
dommages.
« Ah non », s’offusquerent nos deux Brisker, « chez nous a Brisk, quand on fait du iyoun c’est du serieux ! »
A mediter 🙂
@ Benjo la Banane,
De telles definitions du concept de peuple elu, ou de la specificite juive, existent deja. Voyez par exemple les ecrits de Emmanuel Levinas, ou alors (plus facilement) cliquez sur les liens
suivants (parmi pas mal d’autres):
http://www.cheela.org/popread.php?id=53703
http://www.cheela.org/popread.php?id=61486
L’exercice est certainement important, mais a mon sens pas suffisant.
@ שמואל
Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu le plaisir de te lire, j’espere que tout va bien pour toi!
Personnellement, je pense que les limites sont faites pour etre explorees … et parfois aussi un peu repoussees. L’orthodoxie est un concept social, elle n’existe que la ou le concessus social la
voit. Ses contours sont necessairement quelque peu flous et fluctuants, en tout cas a la marge. Et certains comportements inacceptables il y a 50 ans le sont parfaitement aujourd’hui, et
vice-versa.
Le but de mon troisieme billet sera d’expliquer pourquoi il est important, a mes yeux du moins, de denoncer les tendances racistes existant au sein du Judaisme. Effectivement, ce billet ne sera pas
tres kookiste dans son approche. Malgre mes tentatives, j’ai beaucoup de mal a saisir parfois ce que veut dire le rav Kook, notamment lorsqu’il affirme l’union des contraires. Trop de paradoxes
dans l’homme et dans sa pensee pour que je me sente a l’aise.
Je m’interroge. Y a-t-il quelque chose qui te semblerait a ce point affreux pour que tu te sentes oblige de le rejeter, meme en theorie? Par exemple, si tu te trouvais face a un texte du Coran
pronant l’egorgement de tous les enfants Juifs dans leur sommeil, tu utiliserais l’union des contraires et irait dormir tranquillement?
A force de sophistication philosophico – mystico – religieuse, ne risquons-nous pas de perdre un certain sens de la morale la plus elementaire?
@ Frank B
Puis-je vous demander de preciser quelque peu? Je ne suis pas sur de tout comprendre, notamment lorsque vous parlez d’historicisation.
Mon public cible n’est pas celui que vous croyez. Je ne cherche pas a faire changer r. Aviner d’avis, j’essaie d’eviter que d’autres se mettent a penser comme lui, en tout ou en partie.
Je trouve la remarque de 33 très juste.
(comme quoi ne pas connaître l’hébreu n’empêche pas de poser des bonnes questions. Il faudrait transposer la logique exprimée ici aux chroniques politiques de « mise en trentaine », ça monterait le
niveau 😉
Emmanuel, tu cites un Ralbag qui considère que le particularisme des bné-Israël est dû à des circonstances historiques. Je demande juste la référence, et je suis sûr que d’autres lecteurs
aimeraient aussi l’avoir.
Gut Chabbess
@ Trente-trois
Merci des compliments, venant de toi j’y suis sensible! J’ai lu ton dernier billet sur ton blog que j’ai beaucoup apprécié (j’ai laisse un commentaire d’ailleurs).
Ta suggestion ne marche malheureusement pas. Pour le comprendre, il faut separer un instant entre ce que dit Rachbi et ce que disent les commentaires ulterieurs que je cite, de R. Yehouda HaLevi
jusqu’a r. Aviner.
1. Commentaires ulterieurs: si tu lis les sources, tu constateras qu’elles ne font pas du tout la difference entre non-Juifs et idolatres.
Voici ce qu’ecrit r. Yehouda HaLevi (reference dans l’article):
קג. אָמַר הֶחָבֵר: וַהֲלא הָיָה יותֵר טוב שֶׁיִּהְיוּ הַחַיִּים כֻּלָּם מְדַבְּרִים. אִם כֵּן כְּבָר שָׁכַחְתָּ מַה שֶּׁקָּדַם בְּהֶמְשֵׁךְ זֶרַע אָדָם, וְהֵיאַךְ חָל הָעִנְיָן הָאֱלהִי בָּאִישׁ,
שֶׁהָיָה לֵב הָאַחִים וּסְגֻלַּת הָאָב, מְקַבֵּל לָאור הַהוּא, וזוּלָתו כַקְּלִפָּה אֵינֶנּוּ מְקַבֵּל אותו. עַד שֶׁבָּאוּ בְנֵי יַעֲקב כֻּלָּם סְגֻלָּה וָלֵב, נִבְדָּלִים מִבְּנֵי אָדָם
בְּעִנְיָנִים מְיֻחָדִים אֱלהִיִּים, שָׂמִים אותָם כְּאִלּוּ הֵם מִין אַחֵר מַלְאֲכוּתִי, מְבַקְשִׁים כֻּלָּם מַעֲלַת הַנְּבוּאָה וְרֻבָּם מַגִּיעִים אֵלֶיהָ. וּמִי שֶׁלּא יַגִּיעַ אֵלֶיהָ, קָרוב
לָהּ בַּמַּעֲשִׂים הַנִּרְצִים וְהַקְּדֻשָּׁה וְהַטָּהֳרָה וּפְגִיעַת הַנְּבִיאִים.
Les descendants de Yaakov sont presentes comme un « Min A’her », une autre espece par rapport au reste de l’humanite.
Idem pour le Maharal, ici dans son commentaire sur les Pirkei Avot:
« ואף שאמר ‘חביב האדם [שנברא בצלם]’, אין זה כולל כל מין האדם, כי כבר אמרו ז »ל: כי ‘אתם קרוים אדם ואין האומות קרוים אדם’, כאילו שלמות הבריאה שהוא לאדם בפרט, הוא לישראל ולא לאומות… »
Qui est l’homme cher aux yeux de Dieu (Avot 3:17) ? Israel, pas les « nations du monde ».
Et ainsi de suite pour toutes les autres sources que je cite, jusqu’au rav Aviner que j’ai traduit en francais dans le coeur de l’article.
Lorsque j’avais etudie le Michnat Hassidim, je trouvais cela particulierement frappant. L’ame de Adam haRichon, dans son explication, est un conglomerat de l’ensemble des ames juives; les ames des
non-juifs proviennent du sitra a’hra. Choquant…
Au passage, si Chmouel est encore dans le coin: vois ce qu’ecrit le rav Kook dans Orot Israel :
http://www.yeshiva.org.il/midrash/shiur.asp?id=11270
Le r. ‘Harlap s’exprime de la meme maniere dans son commentaire sur la Michna des Pirkei Avot deja discutee, cf. Mei Marom al hamakom. Comme quoi, r. Aviner a de qui tenir parmi ses maitres
directs…
Bref, impossible de faire ici la distinction suggeree.
2. Dans le Talmud (Rachbi). Comme tu l’auras remarque, j’adopte ici la these de Y. Cohen, selon laquelle Rachbi ne souhaitait PAS constater la superiorite juive mais plutot limiter le champ
d’application des lois de toumah. Dans cette optique, ce n’est donc pas le texte talmudique qui pose probleme, mais son interpretation au fil des siecles.
Mais je dois rajouter ici encore deux elements de reponse. Le premier, c’est qu’il n’est pas du tout evident que le texte talmudique ait parle au depart des « idolatres » (עובדי כוכבים). D’autres
girsaot (versions du texte) parlent de « nations du monde » (אומות העולם), plus generalement. C’est le cas du Maharal cite ci-dessus, dont la version du Talmud parlait de tous les non-Juifs,
idolatres ou pas.
Pour savoir quel est le texte authentique, il faut verifier les manuscrits du Talmud; ouvrir un Chass Vilna ne suffit pas. Je n’ai pas fait ce travail, mais a priori, je pense que la version du
Maharal est la bonne. C’est cette version qui semble la plus coherente dans la logique du texte; et aussi, on sait que la censure chretienne passait sur tous ces textes en supprimant ou changeant
les elements qui les derangeaient. Un texte qui tapait sur les « nations » se voyait ainsi souvent corrige pour ne plus viser que les « idolatres », et sortir ainsi les chretiens, qui se voient comme
des monotheistes, du champ de visee du texte.
(C’est bien pour cela, notamment, que le Vilna ne suffit pas)
Le deuxieme element de reponse, c’est qu’a l’epoque talmudique, les non-Juifs etaient tous idolatres. Au temps de Rachbi, le christianisme n’existait pas, l’islam non plus. Les non Juifs que Rachbi
croisaient etaient Romains ou Grecs. Il n’y avait pas ainsi pas vraiment de raison a operer la distinction que tu suggeres.
Par contre, le Meiri au 14eme siecle utilisas ton idee a plusieurs endroits de son Beit HaBekhirah, afin d’adopter une approche plus ouverte face au christianisme.
@ Yona
Touati mentionne un grand nombre de references aux differents ecrits du Ralbag. Le probleme, c’est que ces references me semblent parfois difficiles a retrouver. Par exemple, lorsqu’il cite le
Perouch sur la Torah, le texte qu’il utilise est celui d’une edition publiee a Venise en 1547, dont il donne les numeros de page et de colonne. Par exemple, il cite plus particulierement les pages
27c, 31b et 34d. Touati avait probablement de bonnes raisons de choisir cette edition, mais ne pas avoir de reference aux psoukim de la Torah rend la correspondance un peu difficile. Il faudrait
retrouver l’edition qu’il a utilisee, peut-etre est-elle sur Hebrewbooks?
D’autres references semblent plus faciles a retrouver: commentaire sur Michlei IV, 3. Commentaire sur Melakhim 2, 2eme lecon tout a la fin du livre.
Il mentionne aussi plusieurs fois le Sefer Milhamot Hashem, dans l’edition publiee a Leipzig en 1866, notamment pp. 173 et 463.
Tout cela est reellement bien peu pratique, et Touati n’est plus de ce monde, impossible de lui demander pourquoi il a procede ainsi. Je suis desole.
Encore une fois, si tu es interesse, je te scanne les pages de son bouquin et je te les envoie. Avec plaisir.
Emmanuel,
Je ne suis pas d’accord avec toi. La distinction de 33 est tout à fait pertinente, et le fait qu’il ne soit pas fait mention spécifiquement des ovdé kokhavim n’y change rien. Ceci pour la raison
suivante, qui me semble évidente : à l’époque de ‘Hazal, il y a une ‘hazaka que les oumot ha’olam sont des idolâtres.
Tu peux faire ce diouk des mots sur le Khouzari ou les autres Richonim -à la limite et en prenant en compte leur perception des notsrim- mais sur ‘Hazal ça ne marche pas.
Sorry, je viens de voir que j’avais lu en diagonale ton commentaire :p
Cependant sur le fond, le dernier élément que tu apportes confirme en fait ce que dit 33 : ‘Hazal ne parlaient -de facto- que des ovdéi kokhavim.
Et ça rejoint mon message précédent : Comment « dénoncer » cela, alors que c’est un contexte complètement différent ? C’est provocateur sans raisons : Lorsque Rav Hirsch a voulu mettre en avant les
bienfaits apportés par le Christianisme, et les religions monothéistes de manière générale, il n’a pas eu besoin de « dénoncer » ‘Hazal.
Tu n’es pas obligé de manquer de respect aux uns pour montrer du respect aux autres. On peut respecter à la fois nos textes saints, et les non-juifs.
Yona,
En fin de compte nous sommes d’accord, non? La distinction de 33 ne nous aide malheureusement pas pour les Richonim / Aharonim, et pour Hazal il n’y en a pas vraiment besoin parce qu’ils parlaient
de Toumah / Taharah. Cf. mon precedent commentaire pour les details.
Oui, je sais que le mot « denoncer » te derange. Encore une fois, je voudrais pouvoir faire de ce point specifique un billet separe, lequel ne manquera pas, j’imagine, de susciter des commentaires et
des reactions. Je pense que nous sommes dans une situation differente de nos jours de celle de l’Allemagne de r. Hirsch, et que la situation actuelle demande des moyens plus radicaux.
Par historiciser je voulais faire suite à la partie où vous citez ‘Rachbi, un Tanna de la quatrième génération, fut surtout actif après la Destruction du Deuxième Temple, à un moment où il était
devenu beaucoup plus difficile de se purifier rituellement,’. C’est très hypothétique, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une takana. Plus précisément, à partir du moment où le Temple était détruit,
les notions de pureté et d’impureté n’ont plus court -légalement-, même si peut-être certains ascètes les maintenaient, l’opinion de Rachbi, est avant tout légale, voire théorique. Ce que je
voulais dire aussi c’est que la question du racisme est moderne, elle est le fruit d’un contexte scientifique particulier. Si, tu veux donner une approche historique -pourquoi telle Sage a -t-il
dit ça?-, on est obligé de tenir compte de notre dimension historique à nous, en particulier le racisme n’est pas un problème qui est uniquement chez les juifs, mais un fait social massif, lié à un
état du savoir. Et c’est là qu’il faut le travailler.La dimension historique est aussi une façon de relativiser, ce qui est aussi une stratégie d’évitement. Je t’ai proposé une autre solution: que
ne rend impur que celui qui est dans l’étude, c’est ainsi que l’on assume pleinement sa dimension humaine, et je ne crois pas que d’autres personnes qui auraient réfléchi à ‘qu’est-ce qu’un homme’
l’aurait définit comme cela?
@ Frank
Merci des precisions, je saisis mieux ta pensee maintenant.
1. Oui, le paragraphe ou je réfléchis aux motivations possibles de Rachbi est clairement spéculatif, c’est d’ailleurs clairement indiqué dans le texte du billet.
Mais ce qui n’est pas speculatif, c’est le travail fait par Y. Cohen, duquel il ressort, de maniere convaincante a mon sens, que l’enseignement de Rachbi est technique / halakhique, et qu’il s’agit
de limiter le champ d’application des hilkhot toumah ve-taharah.
Apres, takkana ou pas, Rachbi avait bien un motif derriere la tete pour dire ce qu’il a dit. J’aime bien mon explication, mais ne peux la prouver, et si elle ne te convainc pas, cela me va aussi.
C’est relativement secondaire dans la logique du billet.
2. Le racisme est un fait social de l’epoque et n’affectait pas que les Juifs, je suis d’accord aussi avec toi. Cela correspond, je crois, a ce que je decris en parlant de l’approche c) – limiter
la portee des textes, en prenant en compte leur contexte historique.
Mais le racisme n’est pas que historique, il existe aussi de nos jours dans l’orthodoxie juive actuelle, et de plus en plus. Les exemples abondent malheureusement. Certains ont deja ete cites ici,
mais je pourrais continuer encore longtemps. L’antigoyisme au Moyen Age ne m’empeche pas de dormir, mais au 21eme siecle, je trouve cela plus qu’inquietant.
3. Seul la tombe de l’erudit entrainerait l’impurete ? C’est cela? L’explication me parait tres forcee. Est-ce que l’auteur de l’autre phrase est egalement Rachbi ?
Je ne peux que saluer l’intervention d’Emmanuel Bloch, qui a le courage de s’attaquer sans langue de bois à l’un des problèmes les plus épineux du judaïsme orthodoxe. Que dis-je, c’est même à mon
avis LE problème. Comme je suis d’accord avec l’essentiel de son propos, et très proche des inquiétudes et réflexions de « Michaël », je m’en tiendrai à un point précis.
On discute ici de la pertinence du terme de « racisme » appliqué à la perception des Gentils dans certains textes de la tradition juive. Je plaiderai pour une distinction entre trois niveaux de
rejet de l’autre :
– celui qui procède d’un ethnocentrisme dont Emmanuel Bloch rappelle, avec Levi-Strauss p. ex., qu’il est presque universellement répandu. Après tout, voir midi à sa porte, et estimer que ses
valeurs, sa culture, ses croyances sont supérieures, est un fait anthropologique banal, presque « naturel » en un sens. C’est faire un gros effort sur soi-même que de renoncer à cette croyance, et
l’Occident est peut-être la seule civilisation à l’avoir fait, et encore de manière récente et partielle. Cet ethnocentrisme n’est pas du racisme proprement dit, mais il peut se manifester par de
la violence ou de l’intolérance. S’agissant de la Bible, et du judaïsme en général, il me semble qu’ils peuvent être dits « ethnocentriques » au sens où le peuple juif se perçoit comme dépositaire
unique ou privilégié de la parole divine (je rejoins ici l’analyse d’E. Bloch dans son autre article sur la question de la tolérance).
– certaines formes extrêmes de xénophobie, qui enseignent un mépris ou un rejet des cultures étrangères d’une telle violence qu’elles aboutissent à leur dénier de facto leur humanité. Elle revient
à estimer par exemple que les mœurs ou la religion de tels peuples sont si dépravés que cela autorise à les considérer sans ménagement comme non-humains et à les traiter en conséquence. On n’a pas
besoin encore à ce stade d’une théorie des « races ». Appliquée à la Bible, cette théorie me semble illustrée par l’épisode de la conquête de Canaan (les « sept peuples ») avec les conséquences
exterminatrices que l’on sait. Mais cet épisode n’est pas représentatif de toute la pensée juive à l’époque biblique, il est plutôt donné comme une exception historique. Il n’y a pas encore ici de
théorie des « races », même si certains anathèmes concernant les descendants de certains peuples en sont proches. Aujourd’hui, nous appliquons volontiers le terme de racisme à des anathèmes
collectifs, quand bien même ils ne relèveraient pas d’une « théorie des races », et cette extension de sens me semble le plus souvent défendable. Pour ne donner qu’un exemple, l’immense majorité
des antisémites aujourd’hui ne se réclament pas de la « race » au sens biologique du terme – et certains sont même tout prêts à reconnaître l’existence de quelques exceptions (les « bons juifs »),
ou à les accueillir pourvu qu’ils se convertissent politiquement ou religieusement ; ils n’en sont pas moins « antisémites » au sens où leur exécration est si globale, si généralisante, qu’elle
donne licence, implicitement ou explicitement, à toutes les violences réelles ou symboliques.
– enfin la décision d’exclure de jure tel groupe de l’humanité (ou de le rejeter au degré le plus bas de l’humanité), en fonction de critères non plus culturels mais ontologiques. C’est ce qui
s’appellerait le racisme au sens le plus étroit. On peut exclure le groupe au nom de la « race » au sens que les théoriciens du racisme ont donné à ce terme au 19e s. et qui a connu le
développement que l’on sait dans la tragédie nazie, mais il est bien évident qu’il y a d’autres modes d’exclusion ontologique de l’autre. Si l’on considère, avec Yehoudah Halévi, la quasi-totalité
des kabbalistes, le Maharal de Prague et bien d’autres maîtres du judaïsme, que les Juifs sont d’une essence supérieure, qu’ils sont seuls porteurs d’une âme divine, qu’il y a plus de différences
entre un juif et un goy qu’entre un goy et un animal, etc., on est raciste, profondément, et Emmanuel Bloch a raison de mettre les pieds dans le plat. Cela joue sur le plan des représentations
culturelles (et c’est déjà désastreux) mais cela peut très bien un jour avoir des conséquences pratiques ou politiques particulièrement odieuses (comme les considérations obscènes de certains
rabbins sur le fait que l’on ne doive pas de compassion à des non-juifs ou ces débats hallucinants sur le prix d’une vie non-juive, du meurtre d’un non-juif, sur le sauvetage d’une vie non-juive
lors du chabbat, etc.).
Je suis évidemment d’accord sur la nécessité de contextualiser, d’historiciser ces croyances. Il me semble par exemple intéressant de constater, comme il a été fait dans l’article d’E. Bloch, que,
si les textes bibliques manifestent parfois des formes exaspérées d’ethnocentrisme ou d’intolérance, cette tendance est partiellement contrebalancée par d’autres textes et par la force fondatrice
du mythe d’Adam et Eve qui postule une humanité unique. Et d’observer que les textes les plus choquants, au regard de valeurs universalistes, sont ultérieurs à la période de rédaction biblique :
quelques sources talmudiques, et surtout la tradition mystique. Autrement dit, il y a eu sur ce point (pour des raisons philosophiques et historiques qu’il faudrait analyser) et chez certains
maîtres une sorte de régression éthique de la pensée juive, comme si la conscience de l’unité humaine, qui anime si fort certains rédacteurs et prophètes bibliques, avait cédé le pas à un ghetto
spirituel dans le cadre duquel il s’agirait de radicaliser aussi loin qu’il est possible la différence entre le juif et les autres, contre l’inspiration première de la Bible, de
l’essentialiser.
Il n’en faut pas moins constater que cette contextualisation ne règle pas le problème du judaïsme orthodoxe, puisque, pour une grande partie des Juifs de stricte observance, les thèses racistes
véhiculées dans certains textes sont auréolées d’une autorité qui les rend soutenables, voire valides, et au moins respectables. C’est l’honneur d’E. Bloch et de ceux qui se réclament de
l’orthodoxie que de vouloir procéder à ce droit d’inventaire sur un héritage traditionnel que beaucoup révèrent « en bloc » (sans jeu de mots). J’espère que ce courant deviendra majoritaire au sein
de l’orthodoxie : c’est mon vœu pieux d’agnostique qui pense que l’honneur moral du judaïsme implique un tel travail critique, mais je ne suis pas sûr, pour être tout à fait honnête, que le monde
de l’orthodoxie prédispose à ce type de démarche et s’en laisse durablement imprégner.
Or, ce dont il est question ici (et là encore je rejoins certaines réflexions du forum), est bien de savoir à quelle communauté on s’identifie : quel sens cela a-t-il de se réclamer de la même foi
que des gens qui pensent non pas simplement qu’ils ont une mission dans le monde (ce qui est fort respectable) mais qu’ils sont d’une essence supérieure ? Pardon pour la comparaison qui choque mais
j’ai toujours en mémoire ce passage bouleversant de Si c’est un homme où Primo Lévi raconte son entretien « d’embauche » à l’usine de chimie d’Auschwitz auprès d’un officiel nazi : « Car son regard
ne fut pas celui d’un homme à un autre homme ; et si je pouvais expliquer à fond la nature de ce regard, échangé comme à travers la vitre d’un aquarium entre deux êtres appartenant à deux mondes
différents, j’aurais expliqué du même coup l’essence de la grande folie du Troisième Reich » (p.113). Croire que l’autre homme n’appartient pas à la même humanité que vous, qu’il est d’une autre
espèce, c’est avoir soi-même basculé dans l’inhumanité.
PS. A propos du titre : il y a tellement de gens stupides sur le net que le titre risque fort, comme le faisait remarquer une intervenante, de faire l’objet d’exploitations malveillantes. Peut-être
même le simple fait qu’il puisse apparaître comme tel dans les pages de résultats des moteurs de recherche risque de donner lieu à des raccourcis de la part de ceux qui ne prendront même pas la
peine de lire l’étude.
Les recentes declarations du rav Steinman, un des Gedolei Hador lithuaniens en Israel: les non Juifs sont des voleurs, des meurtriers, des idiots…
http://www.ynet.co.il/articles/0,7340,L-4231696,00.html
Bonjour,
A la lecture de ce billet quelques questions me sont venues à l’esprit:
La thora n’est elle pas immuable? peut-on se permettre de remettre en question des principes énoncés par nos sages simplement parce qu’ils ne correspondent pas à la vision aujourd’hui admise comme
correcte?
Peut être arrivera t il un jour, ou il nous semblera complètement inacceptable d’interdire le mariage d’un cohen avec une femme divorcée, pour autant modifierons nous les lois?
Si nous nous permettons aujourd’hui de faire un tri, que restera t il de la thora demain?
De plus, quelle légitimité avons nous pour remettre en question ce que nos sages ont écrit? Sommes nous plus sages? plus proches de D qu’eux? les années et les siècles qui s’écoulent nous éloignent
du mont Sinaï et du don de la thora.. ainsi, nous pouvons supposer que nos sages d’une autre époque étaient bien plus proches du message originel de D…
Ensuite, pourquoi est ce tellement dérangeant d’affirmer que le peuple juif a bien une spécificité? D a sorti le peuple juif d’Egypte, lui a donné la thora au mont sinai, nous avons 613 Mitsvoths à
respecter et les goyims seulement 7, nous avons été persécuté de tous temps et par miracle nous sommes encore là, pourquoi nier aujourd’hui que nous sommes différents?
Enfin, nier cette différence n’est ce pas finalement un pas supplémentaire vers l’assimilation? en effet, si le peuple juif refuse sa différence, qu’est ce qui le distinguera des autres nations du
monde?
Avec tout mon respect,
@Emmanuel
Je trouves ton article et les commentaires qui l’ont accompagné très pertinents et visant au plus juste, comme d’habitude.
Juste une petite parenthèse au débat: tu cites plusieurs fois « Touati » dans tes commentaires sans préciser qu’il était Grand-Rabbin (et mon grand-père au demeurant). Je me suis dit que si le rav
Aviner avait le droit a sa particule, le Gr.Rabbin Touati z »l aussi j’imagine… 🙂
Amicalement,
Michael
@ A tous
Le titre du billet a ete change pour tenir des comptes des remarques de Janick Dahan et de Zelie, que je remercie.
@ Batcheva
Questions fort legitimes ! Mais, en tout cas pour les premieres, il paraitrait qu’un nouveau billet de notre grand webmaster serait sur le point d’etre publie. Il traiterait precisement de notre
droit de reinterpreter la Torah en fonction des connaissances et valeurs modernes, de la possibilite d’accepter des verites provenant de l’exterieur, etc. Si, apres lecture, vous avez encore des
questions, Gabriel ou moi-meme (ou d’autres sur ce site) serons heureux de vous repondre.
Pour le dernier point, le peuple Juif peut etre different sans etre superieur. Different, mais egal. Voyez notamment les liens cites dans mon commentaire 17 ci-dessus.
@ Michael T
Merci de ce commentaire elogieux. Je suis sincerement desole pour le titre de ton grand-pere, le Grand-Rabbin Charles Touati. Ce n’etait absolument pas par manque de respect. Bien au contraire,
j’adore lire ses livres!
Il se trouve simplement, je crois, que dans le milieu academique on laisse souvent les titres de cote (« Y. Cohen » au lieu de « Dr. Y. Cohen »), alors que les usages du milieu religieux veulent qu’on
rajoute le titre de « rav » avant le nom. Je ferai plus attention a harmoniser tout cela la prochaine fois.
Il y a quelques annees, un specialiste du Kouzari m’a vante en termes tres elogieux les rares qualites de la traduction francaise effectuee par ton grand-pere…
J’interviens pour la premiere fois pour commenter ce remarquable blog. Je ne suis pas juif, mais je tiens en tres grande estime le judaïsme orthodoxe (plus que n’importe quelle autre religion)
depuis que j’ai lu par un curieux hasard un commentaire de Pirke Avot par Y.Leibowitz de mémoire bénie. En allant plus loin, j’ai decouvert une certaine mystique juive issue du Zohar qui, entre
autre « problemes » a mes yeux, a une vision ontologiquement negative (pour ne pas employer un autre terme) du non juif. Je vous remercie d’avoir abordé avec impartialité ce point et d’avoir mis en
avant la vision d’un judaisme plus rationaliste.
Maimonides disait que ce n’est pas la Genese qui nous apprenait que l’univers n’est pas eternel mais la raison, et que s’il etait etabli que l’univers par la science que l’univers est eternel, il
nous faudrait reinterpreter les textes, comme on interpretait les attributs divins antropomorphiques de maniere allegorique comme nous le dicte la raison.
Je dirais que si la raison pure, l’experience et la science nous apprennent qu’un non juif n’est absolument pas moins humain qu’un juif, alors une interpretation contraire des textes ne peut etre
qu’erronée suivant la meme raisonnement rambamiste.
@ Ben Noah,
Merci de ce remarquable commentaire. Je ne peux qu’etre d’accord, bien evidemment, avec vos remarques. N’hesitez pas a nous faire part de vos reflexions a l’avenir, et ainsi a enrichir les
discussions sur ce blog!
J’avoue ne pas bien comprendre l’intention de cette reflexion.
Il devrait aller en effet de soi, comme le note ben noah, que la « raison », que le travail de la vérité devrait primer sur toute autre considération.
La question est donc: est-ce qu’il est vrai qu’il y ait des différences « ontologiques » entre goys et juifs, et la réponse est non, sans qu’il y ait à s’appuyer ou pas sur les textes de la
tradition. Si la tradition juive était essentiellement raciste, alors il faudrait, tout simplement, la rejeter sans hésiter.
Tel n’est pas le cas – par contre qu’il y ait du racisme et des racistes chez les juifs – c’est une évidence ! par quel miracle en seraient-ils exempts ?
D’ailleurs cela prouve une fois de plus ( et c’est une bonne chose que le témoignage en soit gardé – parce que cela peut nous aider à ne pas « idolatrer » nos Sages – pas plus que les Patriarches ou
Moshé rabenou )qu’il arrive bien souvent que de grands hommes soient grands aussi, à l’occasion, dans la connerie ou dans l’erreur.
Je rappelle que l’immense Rambam, par exemple, est aussi le penseur qui parle de « l’abject sens du toucher ». Dire qu’il rate là quelque chose n’invalide en rien la profondeur de son oeuvre – pas
plus que le fait que nous savons aujourd’hui que ce qui fait bouger les planètes n’a rien à voir avec une « âme » – la relation entre la physique et la métaphysique ayant quelque peu évolué depuis
les paradigmes aristotéliciens.
Nous avons passé un siècle où il me semble que la portée pratique de ce qui pouvait apparaitre à d’autres époques comme de simples « opinions » ( racistes ) éclairent celles-ci d’une lumière
particulièrement « convaincantes ».
Quant au fait que les tendances « mystiques » soient plus facilement racistes ( ou bien généralement « réactionnaires » ) que les textes de tendance rationaliste, c’est évidement choquant pour ceux qui
aiment cette littérature ou qui adhèrent à propositions , mais c’est en fait quasiment constant dans toutes les religions que les mystiques ne sont à priori des gens très « ouverts » ou enclins au
progressisme social. En fait, le tempérement « mystique » à d’autres chats à fouetter.
Le billet d’Emmanuel Bloch, que j’ai lu il y a quelques jours, est remarquable de clarté, d’intelligence, d’honnêteté et de courage. Il fait honneur au judaïsme orthodoxe dont il se réclame et, en
particulier, à l’exigence de vérité exprimée, par exemple, par Maimonide.
Je découvre ce soir la cascade de commentaires que ce texte a suscités, et qui prouvent, d’abord, sa pertinence.
Je constate que la très grande majorité de ces commentaires témoignent d’une conscience réelle des difficultés soulevées par l’auteur, d’un effort de réflexion incontestable et sans doute d’un
certain soulagement à voir les problèmes formulés.
Quelques uns des commentaires me frappent par la peur qu’ils expriment, peur de manquer de respect aux Sages, peur aussi de toucher à l’édifice de la Tradition et de risquer de provoquer ainsi son
effondrement.
La question du « racisme » ou de « l’intolérance » que l’on peut détecter dans certaines sources, comme la question du statut des femmes, a pour enjeu la légitimité de l’examen rationnel des textes et
de la possibilité de remettre en question certaines affirmations ou postulats des Sages. La discipline dans le champ de la halakha est une chose, l’adhésion aveugle préconisée par certains aux
opinions ou
aux assertions des rabbins du Talmud ou à celles des Sages ultérieurs en est une autre. C’est de la mauvaise foi ou de l’ignorance que de prétendre que les représentations et les conceptions de ces
derniers ne sont pas historiquement datées et donc questionnables.
Par exemple, dans un autre domaine, l’assertion talmudique bien connue » tav lemetav tan dou milemetav armelou », selon laquelle, pour schématiser, une femme préférerait être mariée même à un homme
peu recommandable plutôt que de vivre seule, est-elle recevable de nos jours ? Pire encore, faut-il la considérer comme un principe immuable qui gouvernerait à tout jamais les décisions halakhiques
touchant aux divorces ?
Autre exemple: je me souviens que Nahmanide, dans Iggeret haqodech, critique vertement Maimonide qui, à l’instar de son maître, Aristote, témoigne d’une conception négative de la sexualité.
Je plaide, quant à moi, pour le droit à l’intelligence et au questionnement, si présents dans nos textes et devenus parfois, de nos jours, source d’effroi pour certains.
Merci à ce blog d’exister, à Gabriel de l’avoir créé et de l’animer, et aux auteurs des textes de le faire vivre avec rigueur et exigence.
@ J46
Merci d’avoir pris le temps de poster ce commentaire elogieux. Vous ne serez probablement pas surpris de lire que je m’identifie completement aux valeurs defendues dans votre « plaidoyer »!
Bonsoir
je pourrais mettre ce lien en note pratiquement sous n’importe quel article du blog, je ne résiste pas !
Ca concerne les problèmes de discrimination et de racisme dans la halacha, les srtatégies que cela suscitent chez les rabbins, etc. C’est à propos de la notion de guer, et c’est franchement fort…
Les trois volets de la conférence sont passionants tous, mais celui ci me parait le plus dense et le plus courageux ( ils n’éludent vraiment rien ! )
http://www.akadem.org/sommaire/colloques/l-etranger-biblique-dans-la-tradition-juive/droit-hebraique-et-droits-de-l-homme-16-03-2012-30840_4401.php
J46:
« Quelques uns des commentaires me frappent par la peur qu’ils expriment, peur de manquer de respect aux Sages, peur aussi de toucher à l’édifice de la Tradition et de risquer de provoquer ainsi
son effondrement », mon commentaire n° 31 en fait surement partie.
J’aimerai être d’accord avec cette vision des choses, étant fille de guer, je suis doublement concernée par la vision apparemment négative des sages sur ces deux statuts.
Toutefois, vous dites que : « La question du « racisme ou de « l’intolérance » que l’on peut détecter dans certaines sources, comme la question du statut des femmes, a pour enjeu la légitimité de
l’examen rationnel des textes et de la possibilité de remettre en question certaines affirmations ou postulats des Sages ».
Je pense que l’enjeu à long terme est la possibilité de modifier la halacha et c’est là que mon problème se pose:
Les textes intolérants sont problématiques lorsque des halachots en découlent: telles que de ne pouvoir faire des mélachots pour pouvoir sauver un non juif pendant chabat ou la possibilité pour un
homme de garder sa femme prisonnière en ne lui accordant pas le guet (entre autres..)
Et c’est là qu’une question va se poser: est ce que les belles théories sur la possibilité d’interpréter la thora en fonction des valeurs modernes sont assez justifiées pour pouvoir modifier
concrètement la halacha? Est-ce que sur le fondement de sa théorie Rav Emmanuel Bloch estime avoir le droit de modifier la loi?
Salut Emmanuel,
Je reviens un peu sur l’option du « contexte » juste pour rappeler que c’est celle qu’a choisi le Rav Moshé Ravkash. Il précise au cas par cas dans tous les dinim « discriminatoires » que ceux-ci n’ont
plus cours pour les non-juifs de notre époque, mais uniquement pour les idolâtres du Talmud.
J’ai pas mal de références de ses déclarations de ce type sur plusieurs halakhot, elles sont dans mes papiers si tu veux je peux les rechercher et t’en renvoyer. J’en ai une sous la main d’un sujet
que j’étudie en ce moment : Beer HaGola ‘Hochen Michpat 348 à propos de « al tonou ».
Le Rav Ravkash a compris que plutôt que de se casser la tête pour rendre tout le Talmud « politiquement correct », de petites annotations suffisent 😉
@Batcheva,
Je viens de voir la question que vous m’adressez dans le dernier paragraphe de votre commentaire. Pour vous repondre: la halakha possede des outils lui permettant d’evoluer, du moins dans une
certaine mesure. Par exemple, comme le releve Yona dans le commentaire suivant, il est possible de preciser / changer le champ d’application d’une loi. D’autres possibilites existent, et si le
sujet vous interesse je serai enchante de vous donner quelques references de lecture. Le theme est tres vaste.
Dans ce billet, je cherchais plutot a me concentrer sur ce qui est en amont de la halakha – la vision du monde, les valeurs, etc., du monde religieux et des poskim; bref, ce qui influence la
halakha au moment ou elle est tranchee. Ce n’est pas tout d’avoir des outils interpretatifs, il faut encore avoir la volonte de les utiliser.
Vous pouvez aussi regarder le colloque sur Akadem, en particulier les interventions de Michael BenAdmon et Michael Wygoda, pour de tres pertinentes reflexions sur la situation halakhique et les
possibilites de la changer.
@ Yona
Nous rangerons donc l’auteur de Beer HaGola parmi ceux qui suivent la voie (c), il y sera en bonne compagnie ! 🙂
Je sais bien que c’est une possibilite ! Je dis simplement qu’a mon avis, qui vaut ce qu’il vaut, c’est insuffisant de nos jours.
Rhoooo! 🙂
Bon, j’essaie avec un machal. Voyons comment cela passe ainsi:
Il y a tres tres longtemps, dans un pays merveilleux mais legerement antisemite sur les bords, une loi ancestrale interdisait aux « chiens et aux juifs » d’etre heberge dans les hotels.
Quelques generations plus tard, un vent de tolerance soufflait sur le pays merveilleux. C’etait une epoque d’ouverture sur autrui, de nouvelles idees, d’amour reciproque et d’esperance.
Le College des Venerables, l’instance judiciaire supreme du Pays Merveilleux, decida de se pencher sur le statut des Juifs. La loi interdisant l’entree des hotels aux Juifs posait probleme,
evidemment. Mais les Venerables avaient enormement de respect pour les Sages qui avaient edictees les lois ancestrales, et ne souhaitaient pas les abroger. Que faire? Caressant leurs longues barbes
blanches en signe d’intense concentration, les Venerables trouverent une solution originale : une loi interdisant l’entree aux « chiens » etait de toute evidence motivee par des raisons d’hygiene;
apparemment, on pouvait en deduire que les Juifs de l’epoque ancestrale n’etait pas forcement tres propres, ce qui avait entraine leur exclusion de tous les hotels du Pays Merveilleux. Mais le mode
de vie des Juifs avait change, et desormais ils avaient adopte un mode vie sain et hygienique, correspondant aux moeurs sophistiquees des habitants du Pays Merveilleux. En consequence de quoi,
l’exclusion des Juifs n’avait plus de raison d’etre. On pouvait les admettre dans les hotels et se montrer tolerant a leur egard, tout en maintenant (formellement) la validite de la loi
ancestrale.
Soupirant de contentement, les Venerables se servirent un grand verre de schnaps.
Puis, quelques generations plus tard, les choses changerent a nouveau. Pour une raison completement imprevisible, les Juifs n’etaient desormais plus en odeur de saintete. De plus en plus de
Venerables pronaient le retour au sens simple de la loi ancestrale du Pays Merveilleux, et voulaient a nouveau interdire l’acces des hotels aux Juifs (propres ou pas). Les autres Venerables, un
groupe sur le declin mais disposant toujours d’une certaine influence, et encore marques d’un relatif esprit de tolerance, s’interrogeaient sur la bonne strategie a suivre. Fallait-il marteler,
encore et toujours, que la loi ancestrale ne visait que les Juifs au mode de vie peu hygienique, soit une realite sociale ayant depuis longtemps disparu? Ou bien la strategie devait-elle s’adapter
aux circonstances de l’epoque ?
* * * * *
J’imagine que le rapport du machal au nimchal est clair.
A mon sens, les Venerables de l’epoque intermediaire ont pris un risque en choisissant de ne pas abroger la loi ancestrale: celui que cette loi soit un jour re-instituee dans son sens simple. Ce
risque s’est concretise quelques generations plus tard. A ce moment-la, la situation demanda qu’une autre strategie soit implementee si l’on voulait eviter un retour a l’intolerance.
Alors, est-ce que l’approche du Meiri, du Beer HaGola et des autres est « faisable » ? Oui, bien sur, cela a ete fait pendant des siecles. Mais aujourd’hui le vent souffle dans la direction opposee.
Nous ne sommes plus une minorite de juifs vivant parmi une majorite de chretiens, obliges d’interagir avec eux et cherchant a normaliser notre situation a leurs yeux. En Israel, la societe est
majoritairement juive. Le Goy est pour certains une realite abstraite, inconnue; il est souvent l’ennemi, surtout lorsqu’il habite dans un pays voisin.
Dans ce climat, les textes racistes sont revisites par certains rabbins, pas tous bien sur mais de plus en plus, qui ne sont PAS interesses par l’approche « limitante ». J’argumente ici que la
strategie consistant a marteler, encore et toujours, que les textes racistes ne s’appliquent plus de nos jours, est vouée a l’echec. Il faut trouver autre chose.
Un texte raciste « neutralisé » selon l’approche (c) du Meiri ne disparait pas de la Tradition. Lorsque les conditions sont reunies, il peut a nouveau s’exprimer. Je crains que nous soyons temoins
d’un tel phenomene de nos jours.
Salut Emmanuel,
J’entends ce que tu dis. Cependant, la meilleure option consiste à imposer les textes du c) aux tenants d’une approche « raciste ». Vis-à-vis des froum une approche réformant les textes
problématiques ne sera pas accepté. Et vis-à-vis des juifs pluralistes ou des non-juifs on considérera que tu ne représenteras que toi ou quelques autres, mais pas le judaïsme du 21ème siècle.
Si tu veux fermer le clapet des prédicateurs , ramène-leur plutôt des sources devant lesquelles ils seront obligés de se taire mishoum « daat Torah ».
Cadeau :
תורה תמימה הערות ויקרא פרק כה הערה פג
פג) דבר פשוט הוא דאיירי בעובדי אלילים בימים הקדמונים שלא היו מאמינים ביחוד השם ומרוב פראותם נדמו לפריצי חיות והיו מזיקים לחברת האדם וקניניו ולישוב העולם וסדרו, וכמש »כ הרמב »ם בפיהמ »ש ב »ק פ »ד בהא
דשור של ישראל שנגח לשור של עובד כוכבים פטור וז »ל, ואל יקשה בעיניך דבר זה [דפטור] כמו שלא יקשה בעיניך שחיטת הבהמות ואף על פי שלא חטאו, יען כי מי שאין בו שלמות המדות האנושיות אינו בכלל האדם על על
האמת, ותכלית מציאותו לצורך האדם, עכ »ל. וכל הדברים האלה מורים על כלליות הענין שסובב והולך על העמים הפראים בימים הקדמונים שלא היו מן הישוב כלל, ואשר במדינותינו בזה »ז אינם נמצאים כלל, והרחבנו הדבור
בזה בפ’ משכטים בפסוק וכי יגח שור איש את שור רעהו, יעו »ש. וראויים הדברים להצטרף לכאן. ולפי »ז יהיה גם כונת הדרשה כאן לעמיתך אתה מחזיר וכו’, ר »ל לעמיתך שיש לו כמוך דינים ומשפטים ישרים בין אים לחבירו,
יצאו עובדי כוכבים כאלה שאין להם דינים ומשפטים ישרים, והם אלה העובדי אלילים הפראים שזכרנו, והענין מבואר. ובנוגע לאזהרה מרובה ותוכחה נמרצה מרבותינו באיסור אונאה והטעה לכל איש מכל אומה ולשון, עיין
בפיהמ »ש להרמב »ם פי »ז מ »ב דכלים איך קרא תגר על אלה האנשים החוטאים המרמים ומאנים לכל אדם ודבריו חוצבים להבות אש לכבוד ה’ והתורה וישראל, וסיים וז »ל, ואלו הרעות כולן השי »ת מתעב אותן ומתעב עושיהן, הרי
הוא אומר כי תועבת ה’ כל עושה עול, עכ »ל. וכמה מרבותינו האחרונים הוכיחו בקול עז ונמרץ על עול מגונה זה, ולי מה יקרים וחביבים דברי גדול אחד מן האחרונים בענין זה, והוא בס’ באר הגולה לחו »מ ריש סי’ שמ »ח
וז »ל, ואני כותב זאת לדורות שראיתי מי שגדלו והעשירו מן טעות שהטעו את הגוים ולא הצליחו וירדו נכסיהם לטמיון ולא הניחו אחריהם ברכה, ורבים אשר קדשו ה’ והחזירו טעות הגוים בדבר חשוב גדלו והעשירו והצליחו
והניחו יתרם לעולליהם, עכ »ל, ועל דברים נאמנים אלה נאמר שפתים ישק משיב דברים נכוחים. וביותר נכבדים דברים אלה להיודע קורות חיי הנאון בעל באה »ג וזמן כתיבת דבריו אלה, כי הוא וביתו ועירו ומדינתו היו מטרה
לקנאת הריקים סמוך לשנת ת »ח ובדרך פלא נצולו בחייהם וכפי שמעיד הוא עצמו « יצאו כולם בגולה מאין מאומה בידיהם זולת ספר עברונות [לוח השנה] לדעת סדרי הזמנים ויצאו באשר הלכו ותבקע הארץ לקול הגולים »
[מהקדמתו הראשונה לס’ באה »ג לאו »ח] ובא עד העיר אמשטרדם ושם כתב והדפיס ספרו זה ואמרי נועם אלה, ועם כל אלה הנה כה נאמנה רוחו וישרת לבו לכל הנברא בצלם:
Merci encore de ce bel article bien argumenté. Cependant je suis un peu choquée par le titre de votre article , bien que le fond et le contenu conduisent bien évidemment à s’opposer à ce titre. Il
me semble que lorsque l on écrit, même dans un site juif, nos propos doivent être « entendable » par tous. Or votre question qui certes est juste une manière de poser le problème et de pousser à l
extrême certain propos ou certaines tendances pour pouvoir les dénoncer , est en elle même inacceptable. Imaginez vous un site de musulman ou de chrétiens qui poserait comme question: un juif est
-il un homme? Toutes les explications qui suivraient pour nous expliquer qu il faut lutter contre ce racisme et cette intolérance ne nous apaiseraient pas. La question en elle même ne doit pas être
posée me semble t-il. Votre titre a certes une vertu journalistique d’accroche, mais ce n ‘est pas très adapté à la diffusion par internet
Je comptais aller me coucher et … bien non. J’ai lu ce billet.
Ce billet est très argumenté et bien mené.
Emmanuel, est-ce que tu penses que la modern-orthodoxy se tournera de plus en plus vers l’hypothèse d) c’est-à-dire dénoncer ces textes ? Si je me souviens bien, Gabriel a écrit un article sur la
critique biblique qui est utilisée de le mouvement MO. Si le mouvement en venait à une plus grande utilisation/acceptation de la critique biblique est-ce que ça mettrait la MO sur le plan respect
strict de l’orthodoxie en danger ?
Toutes les sources que tu cites sont en hébreu, il va donc vraiment falloir que je m’y mette :-).
Bonjour Janick,
Merci de me faire part franchement de ce qui vous dérange.
Votre message me laisse quelque peu perplexe. Il est bien évident que le titre que je choisis pour un billet se veut accrocheur, et que choquer *légèrement* ne me pose pas de problème, tant qu’il
s’agit d’entamer ainsi une réflexion sur le fond et de remettre en question des idées reçues. Mais votre feedback suggère maintenant que je suis allé peut-être un peu trop loin.
Mettons les choses ainsi: lorsque je vais sur un site chrétien (pour reprendre votre exemple) et que j’y lis une analyse de la perception du Juif au fil des siècles au sein de l’Eglise, j’espère
lire une analyse honnête et franche, et pas de doux euphémismes. La vérité n’est pas toujours agréable a contempler, mais sans cette franchise, l’exercice d’introspection et de critique a-t-il
vraiment un sens?
C’est a cette aune que je veux m’attaquer ici au problème de l’antigoyisme: sans me voiler la face ni jeter un voile pudique sur ce qui dérange. Les sources que je cite démontrent qu’un courant non
négligeable, et peut-être majoritaire, dans la pensée juive, considère le non-Juif comme un être inférieur – quand il n’est pas carrément présenté comme un représentant des forces maléfiques.
Le titre que j’ai choisi est un simple résumé de cette problématique centrale de mon billet. Et ce problème existe d’ailleurs indépendamment du regard qu’un non-Juif viendrait poser sur notre
Tradition.
Mais je serais très heureux d’avoir d’autres réactions d’internautes. Si votre sentiment était largement partagé, il vaudrait sans doute mieux changer ce titre.
@ Lucie Esther,
Merci de ton message. Je ne suis pas prophète et ne sais pas ce qui se passera, mais mon prochain billet essaiera de montrer pourquoi l’approche d) est plus nécessaire maintenant que dans le
passé.
La critique biblique pose des questions passionnantes, mais les deux thèmes ne sont pas directement liés. Peut-être y consacrerai-je un autre billet a l’occasion? Dans cette attente, je te renvoie
a ma réponse sur Cheela: http://www.cheela.org/popread.php?id=51751
Apprendre l’hébreu, quelle bonne idée! 🙂
@ Benjo la Banane
Merci de ce commentaire. Je ne suis pas sur de tout suivre sur les histoires de gênes et de handicap, mais pour autant que je comprenne bien le sens de votre intervention, vous m’interrogez sur le
concept de l’élection d’Israël.
L’idée que les juifs sont « spéciaux » fait partie de notre héritage spirituel. En faire abstraction serait totalement impossible, il faut donc se poser la question de savoir comment nous vivons
avec. A mon sens, nous pouvons et devons être différents, mais pas nous sentir supérieurs. Il y a un juste équilibre a trouver entre deux extrêmes, le premier ou l’humanité entière se fondrait dans
une espèce d’informe monoculture planétaire, mangerait des Happy Meals, boirait du Coca et écouterait chanter Rihanna a longueur de journée, et le deuxième ou chacun contemplerait avec
attendrissement son propre nombril. Dans ce billet, j’attaque surtout la deuxième alternative telle qu’elle se présente dans certains de nos textes les plus dérangeants, mais la première ne me
convient pas du tout non plus. Donc, dans ma vision des choses, l’idée de « peuple élu » a certainement toujours sa place de nos jours, tant qu’il s’agit de mettre en avant des attentes morales ou
une particularité culturelle. Mais pas une supériorité intrinsèque, non.
N’hésitez pas a me relancer si je vous ai mal compris!
Félicitations pour la publication de ce billet que j’attendais avec impatience, et félicitations pour la justesse de ton propos.
Voici quelques questions/remarques :
1)
À propos de « l’exemple révélateur de l’antigoyisme » que tu mentionnes : « vous êtes appelés « hommes », mais les nations du monde ne sont pas appelées « hommes » ».
Michée 5:6 semble désigner les non-juifs (ceux qui ne sont pas les survivants de Jacob) par « אִישׁ » puis par « בְנֵי אָדָם ».
Penses-tu que cela permette d’élargir le sens du mot « אָדָם » pour la Bible, avec une possible critique de ce qu’entend Rachbi par celui-ci, même vis-à-vis de l’exemple particulier dont il est
question ? Mais peut-être n’est-il pas sérieux d’assimiler « אָדָם » et « בְנֵי אָדָם ».
« בֶּן-אָדָם » est tout de même l’appellation par laquelle Ezechiel introduit la prophétie (34:2) s’achevant par le verset incriminée (34:31).
2)
Tu t’en es tenu à cet exemple, révélateur j’imagine en ce qu’il est à la fois « aggadique » (où l’on suppose un statut particulier pour « Adam »…) et aux répercussions « halakhiques » (lois
d’impureté).
Connaîtrais-tu un autre exemple talmudique de ce type ? Si la thèse de Michael Ben Admon a été traduite, pourrais-tu éventuellement m’en faire part ?
3)
Le rav Chlomo Aviner, dont tu cites un passage en tant qu’écho contemporain du racisme juif que tu dénonces, figure en « une » de cheela.org, en tant que votre « approbateur ».
Comme tu me l’avais dit, je sais que différentes sensibilités sont représentées au sein de votre équipe, mais tout cela me laisse quelque peu songeur. Voici qu’un tel rav – aux antipodes donc du
pari que tu expliques et défends – te recommande ! 🙂
4)
« l’un des challenges actuels de l’orthodoxie juive se joue précisément dans sa capacité à condamner, sans équivoque possible, les éléments racistes qui menacent de plus en plus de s’exprimer. »
Comment discuter avec des gens tenant pour « infiniment supérieures à tout un chacun » des personnes tels le AriZal, l’Admour Hazaken… etc. ? des personnes dont ils posent que « chacun des propos »
recèle de significations échappant au commun des mortels (dont nous sommes) ?
Comment discute-t-on avec des « hypostases » ?
Il me semble que la voie que tu traces suppose une rupture bien plus forte que la transition (le glissement) suggérée dans cette phrase, où tu t’exprimes à titre personnel.
5)
« Quant à l’attitude critique (d), elle doit nécessairement être couplée à une prise en compte du contexte historique (c), sans quoi elle tombe dans l’accusation grossière et dépourvue de
nuances. »
Supposons que l’on puisse déceler, au sein de certains versets du Tanakh (pour peu que l’on n’en aurait encore distendu le sens premier), un racisme ordinaire, primitif, du type de celui que tu
décri(e)s (*). En te suivant, la lecture de la Bible devrait alors être nécessairement couplée à une prise en compte de son contexte historique, soit à une prise en compte de ce qu’il est convenu
d’appeler la « critique biblique ». Or, tu m’avais indiqué que celle-ci te dérangeait. Est-ce à dire que tu la considères comme bien nécessaire, mais dans une sorte de « triste nécessité » ?
(*) car pas très loin de Shemot 22:21 figure Vayikra 26:44… etc.
6)
À propos du travail de Yehezkel Cohen, penses-tu que certaines sources juives traditionnelles ont été capables d’en faire autant ?
Aussi, dans la façon dont tu l’exposes :
« a) Rachbi ne portait pas les non-Juifs en grande estime et n’hésitait pas à les peindre sous une lumière très négative, mais que pour autant il n’a jamais, dans aucun enseignement, nié leur
humanité »
et
« il ne s’agissait pas d’opposer l’essence du Juif à celle du non-Juif afin de constater la supériorité juive, car une telle conclusion serait contraire aux idées de Rachbi et des autres
Tannaim »
ne sont-ils pas contradictoires ? ne pas dépeindre les non-Juifs sous un jour aussi positif que les Juifs, n’est-ce pas les penser moins « valables » que ces derniers ?
7)
À propos de la belle mise en perspective que tu nous offres, sur le caractère très « humainement répandu » de l’attitude consistant à prendre son groupe pour « humain » par excellence…
– Les « démons étrangers » ont donné lieu à un très beau retournement ! (http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=2451632)
« D’insulte, gweilo est devenu un qualificatif affectueux présentant les Européens pour ce qu’ils sont dans ce territoire : des étrangers dont le pouvoir a grandement diminué. »
– Il semblerait que « barbaros » (βάρβαρος) ne soit pas à l’origine péjoratif, exprimant simplement un état de fait : « non locuteur de grec » (ce document débute ainsi :
http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/25827/1/La%20langue%20comme%20facteur%20d.doc).
Sinon, à propos de la Grèce antique et en lien avec notre sujet, une figure mémorable de la mythologie grecque, Narcisse…
« À sa naissance, le devin Tirésias, à qui l’on demande si l’enfant atteindrait une longue vieillesse, répond : « Il l’atteindra s’il ne se connaît pas. » Il se révèle être, en grandissant, d’une
beauté exceptionnelle mais d’un caractère très fier : il repousse de nombreux prétendants et prétendantes, amoureux de lui, dont la nymphe Écho, qui lui jette une malédiction : un jour qu’il
s’abreuve à une source, il voit son reflet dans l’eau et en tombe amoureux. Il reste alors de longs jours à se contempler et à désespérer de ne jamais pouvoir rattraper sa propre image. Il finit
par dépérir puis mourir d’une passion qu’il ne peut assouvir, et est pleuré par ses sœurs les naïades. À l’endroit où l’on retire son corps, on découvre des fleurs blanches : ce sont les fleurs qui
aujourd’hui portent le nom de narcisses. »
(http://fr.wikipedia.org/wiki/Narcisse_(mythologie)#Mythe)
– À propos de homo sapiens, tu admireras déjà l’audace de ce progrès (http://fr.wikipedia.org/wiki/Homo_sapiens_sapiens). 🙂 Bon, ceci dit, il me paraît probable que les humains soient doués de
capacités d’abstraction supérieures à celles des ‘autres animaux’, et qu’à ce titre, une telle appellation peut finir par se justifier.
8)
Enfin, tu cites de manière très précise des références kabbalistiques (Zohar, AriZal).
S’agit-il de textes que tu étudies ? je pensais que tu te tenais pour le moment éloigné de ce tout ce qui était du ressort des textes ésotériques, dans la mesure où tu m’avais dit ne pas être un
très grand connaisseur des textes ‘hassidiques (qui, souvent, y donnent accès).
Merci
Salut Michael,
Tres heureux que ce billet t’aie plu.
1. Jolie culture dans le Nakh! Je ne suis pas complètement sur que le verset doive être lu ainsi; on pourrait aussi le comprendre, plus généralement, comme affirmant que les juifs exiles n’auront
plus d’espoir de quelque ordre que ce soit, sans trop entrer dans les détails.
Mais si ta lecture est correcte, alors il semble effectivement que la Torah écrite appelle les non-Juifs des hommes. Bonne nouvelle. Ce n’est pas tant un problème pour Rachbi (cf. les explications
de Y. Cohen), mais ça l’est pour une bonne partie des autres sources que je cite. J’ignore comment il est possible de résoudre cette contradiction dans cette lecture.
2. J’ai pris l’exemple qui me semblait le plus frappant, oui. Mais on pourrait sûrement trouver d’autres questions plus ou moins proches et dans lesquelles la philosophie joue sur la halakha. Par
exemple, quelle est la valeur de la vie d’un non-Juif, et peut-on transgresser Chabbat pour lui sauver la vie ?
C’est un exemple très actuel si tu as suivi les dernières déclarations du r. Ovadia Yossef.
Pour le doctorat de Mickaël, je ne sais pas, le plus simple serait de lui poser directement la question.
3. Je compte sur toi pour ne rien lui dire 🙂
Plus sérieusement, je n’ai pas publie ce billet sur Cheela mais sur le blog de Gabriel, et le fait que r. Aviner ait donne une haskama au site Cheela, des annees avant que j’entre dans l’equipe des
repondeurs, ne signifie pas que je renonce aujourd’hui a mon droit d’etre parfois en desaccord avec lui.
4. Les deux tendances existent a la base au sein de la tradition. Il faut arriver a renforcer la voie de l’ouverture et de la tolerance. Effectivement, cela implique de renoncer a certains idees du
Arizal, du Zohar et des autres, mais je ne crois pas que cela implique une rupture aussi radicale que ce que tu decris.
5. Je m’excuse, mais comme deja indique a Esther, je ne peux pas traiter ici de la critique biblique. Cette question merite un billet a part entiere. De toute maniere, sur la question specifique
traitee par ce billet (la perception des non-Juifs par les Juifs), je ne connais pas de verset impliquant que les non-Juifs ne sont pas des hommes. Je ne crois pas qu’il y en ait, ce serait plutot
l’inverse, comme tu me le montres dans ton point 1. Pour les autres problemes – une autre fois, pardon! 🙂
6. Toutes les techniques utilisees par l’etude universitaire du Talmud ont deja utilisees par des rabbins traditionnels au fil des siecles. C’est le cas, pour prendre un exemple parmi bien
d’autres, de l’etude des manuscrits pour determiner la version exacte du texte.
Certains rabbins avaient certainement une approche systematique du texte talmudique, comme par exemple r’ Meir Dan Plotsky, l’auteur du Kli ‘Hemdah. De nos jours, ce serait plutot rare. La methode
d’analyse lithuanienne (Brisker) ferait plutot l’inverse.
Tu connais bien sur la blague des deux Brisker qui etudient Baba Kamma?
7. Merci de ces remarques.
8. Je ne suis pas un specialiste de l’etude de la kabbale, mais j’essaie de lire quand meme les livres les plus importants.
Salut Emmanuel,
Ta solution d) consiste-t-elle à dénoncer les rabbins un peu trop zélés qui se pavanent sur you-tube (auquel cas je partage ton avis), ou bien à dénoncer directement les textes de ‘Hazal ( auquel
cas le terme « dénoncer » me paraît à la fois irrespectueux et hautain ; il serait plus juste d’écrire « replacer dans leur contexte », ce qui revient à la solution préconisée au final = c + d)
Par ailleurs, dans ta note 11, il serait appréciable pour les lecteurs qui préfèrent voir les textes à la source plutôt que rapportés dans des ouvrages universitaires (;-), d’avoir les références
exactes des passages du Ralbag.
à bientôt
Merci beaucoup pour ta réponse !
« 2. J’ai pris l’exemple qui me semblait le plus frappant, oui. Mais on pourrait sûrement trouver d’autres questions plus ou moins proches et dans lesquelles la philosophie joue sur la halakha. Par
exemple, quelle est la valeur de la vie d’un non-Juif, et peut-on transgresser Chabbat pour lui sauver la vie ?
C’est un exemple très actuel si tu as suivi les dernières déclarations du r. Ovadia Yossef. »
Je n’ai pas suivi ses dernières déclarations ; que disent-elles ?
« 5. Je m’excuse, mais comme deja indique a Esther, je ne peux pas traiter ici de la critique biblique. Cette question merite un billet a part entiere. De toute maniere, sur la question specifique
traitee par ce billet (la perception des non-Juifs par les Juifs), je ne connais pas de verset impliquant que les non-Juifs ne sont pas des hommes. Je ne crois pas qu’il y en ait, ce serait plutot
l’inverse, comme tu me le montres dans ton point 1. Pour les autres problemes – une autre fois, pardon! 🙂 »
Sans parler de la critique biblique en tant que telle (ce dont je ne serais pas capable (toujours pas lu le livre de Kugel !)), je voulais simplement te faire remarquer que ce que tu fais
allègrement pour le Talmud, le Zohar, le AriZal, me semble à faire pour la Bible elle-même. Mais je ne t’apprends rien, puisque tu m’avais permis de découvrir que certains rabbins l’avaient osé.
Depuis, j’ai appris qu’il s’agissait d’un « acquis » du mouvement Massorti, et à propos, un billet sur ce qui distingue la moderne orthodoxie de ce mouvement pourrait être superbement intéressant !
🙂
« Tu connais bien sur la blague des deux Brisker qui etudient Baba Kamma? »
Pas encore. 🙂
Cette spécificité me semble se répercuter à autant de niveaux qu’un patrimoine culturel peut influencer. À mon sens, à peu près tous ; pour reprendre un dualisme traditionnel, de l’usage que nous
faisons de notre esprit, à celui que nous faisons de notre corps, en passant par ce pour quoi nous le faisons.
Une gmara dans Kreitot (6b) est assez explicite quant a l’importance tres limitee du principe אתם קרויים אדם וכו’, puisqu’elle le considere d’emblee comme purement technique, et apporte meme une
explication alternative dans la conclusion !
Quant au fond de ton article, je le trouve comme d’habitude delicieusement subversif, mais un peu trop quand meme. C’est s’approcher peut-etre un peu trop des limites de l’orthodoxie (meme si c’est
sans les franchir).
En revanche, je ne comprends pas ton besoin de « denoncer » les sources racistes au sein de la tradition. Pourquoi ne pas admettre leur existence (voire leur validite dans l’absolu, sans
consideration de modernite), et tout simplement les rejeter הלכה למעשה (ce qui est evidemment un abus de langage en matiere de השקפה), au profit des avis plus « mekilim » ?
J’emploie volontairement un langage convenant plus au domaine de la halacha. La cohabitation d’avis si divergents ne me semble absurde qu’au niveau de la maniere de penser personnelle des gens. Au
niveau du « monde des idees », elles pourraient s’unir (au sens de la התאחדות ההפכים du Rav Kook). Et ce meme au risque de tomber dans un pluralisme peut-etre mal employe.
Personnellement, je n’ai pas de probleme a accepter la validite de sources racistes, tout comme je n’ai pas de probleme a lire des sources permettant d’allumer la lumiere yom tov…
L’article est intéressant, mais je ne comprend pas pourquoi historiciser le propos? La notion même de racisme est une notion moderne dont l’histoire a largement été faite et n’a rien à voir avec le
judaïsme. De plus tu n’amènes pas sur cet aspect historique de preuves mais une simple possibilité. Pour ‘son auteur’ (Rabbi Chimone puisque tu prévilégie un point de vue interne)ce propos n’était
pas historique. Il faut aussi noter que le texte affirme bien qu’il s’agit d »idolâtres’, par contre un autre texte affirme que ‘celui qui étudie ses lois est comme Israël’ (on a envie de dire et
réciproquement) ce qui se traduit par le fait que leurs tombes sont sources d’impureté. Plutôt que de mener un combat contre l’intolérance (ce qui ne convaincra que les convaincus)ne vaudrait-il
pas mieux se battre contre l’ignorance? Et pour revenir à la question de la dimension historique, précisément ceux que tu vises ne l’entendent pas.
Je repasse quelques heures plus tard, et je lis toute une flopée de commentaires supplémentaires, tous très pertinents! Merci a tous pour cette discussion passionnante.
@ Yona
1. Ma solution d) revient bel et bien a critiquer les textes directement, et pas seulement les rabbins que tu mentionnes (je pense savoir de qui tu parles, et partage d’ailleurs ton avis).
Maintenant, encore une fois, je ne parle certainement pas d’utiliser la méthode d) indépendamment, et de ne faire *que* critiquer; dans mon idée, il faut aussi systématiquement rappeler le contexte
historique de ces textes – méthode c). Les deux methodes ensemble.
Je comprends complètement ton malaise par rapport a l’idée de « dénoncer » un texte de la Guemara ou d’un Richon. Lorsqu’il s’agit d’affirmer qu’un texte est faux scientifiquement, on a des sources
sur lesquelles se baser, ainsi que j’ai encore eu l’occasion de le rappeler récemment sur Cheela. Mais affirmer qu’un texte est moralement problématique semble un exercice bien plus
contestable!
Il serait judicieux d’avoir a ce point une discussion sur le rapport entre la morale et la Torah; mais, comme pour la critique biblique, c’est un thème en soi, et je ne peux le traiter en quelques
lignes dans un commentaire. Maintenant que je te lis, je suis assez tente de le faire dans un prochain billet sur le blog.
Aussi, dans l’attente d’une réponse plus complète sur le rapport entre la morale et la Torah, je vais te donner une réponse basée exclusivement sur des considérations empiriques.
Le problème de l’intolérance juive ne se limite pas aux quelques prédicateurs que tu vois sur Youtube. Ceux-la ne sont que le symptôme du mal, ou si tu préfères sa concrétisation. L’origine du
problème, a mon sens, se trouve bien dans les textes qui nourrissent la conscience religieuse des juifs orthodoxes. Ces textes sont comme certains gênes, ils sont véhiculés par l’organisme, et
lorsque les conditions sont favorables, ils finissent par s’exprimer.
Alors, s’attaquer aux symptômes (les discours intolérants de certains), c’est certainement bien. Mais c’est parfois insuffisant, et il faut avoir le courage de s’en prendre a la racine du mal.
J’espere avoir l’occasion de developper tout cela plus pleinement dans le 3eme billet sur l’intolerance… il faut bien garder un peu de suspense! 🙂
2. Ta deuxieme remarque ressemble a celles qui m’ont ete faites apres mon premier billet sur le theme de l’intolerance. Encore une fois: je n’écris pas ici un article universitaire et ne me
considère pas lié, sur ce blog, par les standards de publication de la Revue des Etudes Juives ou autre. J’ai quand meme indiqué toutes les references aux sources juives directement citees dans le
corps de l’article. Si tu es interesse a lire le livre de Touati ou celui des Barber, envoie-moi un mail, je me ferai un plaisir de te scanner les pages correspondantes et de te les envoyer.
@ Michael
2. http://www.ynet.co.il/articles/0,7340,L-4229407,00.html
Rien de vraiment nouveau, c’est juste tout recent.
5. Effectivement.
Et la blague:
Deux Brisker decident d’etudier ensemble Baba Kamma. Le premier commence a lire la premiere Michna, et s’interrompt apres deux mots pour reflechir:
« Arbaa Avot, soit quatre patriarches… mais le peuple juif n’a que trois Avot: Abraham, Yitzhak et Yaakov! Pourquoi alors 4? »
« Mais non », retorque le deuxieme, « tu oublies Yossef ».
« Yossef n’etait pas un Patriarche, il ne fut jamais l’ancetre des 12 tribus d’Israel! »
« Mais il fut l’ancetre de deux tribus, Ephraim et Menache! »
Et ainsi de suite, argument apres argument, preuve apres preuve, jusqu’a ce qu’un tiers et dise « mais lisez donc le troisieme mot de la Michna – Arbaa Avot Nezikin -, il y a 4 types principaux de
dommages.
« Ah non », s’offusquerent nos deux Brisker, « chez nous a Brisk, quand on fait du iyoun c’est du serieux ! »
A mediter 🙂
@ Benjo la Banane,
De telles definitions du concept de peuple elu, ou de la specificite juive, existent deja. Voyez par exemple les ecrits de Emmanuel Levinas, ou alors (plus facilement) cliquez sur les liens
suivants (parmi pas mal d’autres):
http://www.cheela.org/popread.php?id=53703
http://www.cheela.org/popread.php?id=61486
L’exercice est certainement important, mais a mon sens pas suffisant.
@ שמואל
Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu le plaisir de te lire, j’espere que tout va bien pour toi!
Personnellement, je pense que les limites sont faites pour etre explorees … et parfois aussi un peu repoussees. L’orthodoxie est un concept social, elle n’existe que la ou le concessus social la
voit. Ses contours sont necessairement quelque peu flous et fluctuants, en tout cas a la marge. Et certains comportements inacceptables il y a 50 ans le sont parfaitement aujourd’hui, et
vice-versa.
Le but de mon troisieme billet sera d’expliquer pourquoi il est important, a mes yeux du moins, de denoncer les tendances racistes existant au sein du Judaisme. Effectivement, ce billet ne sera pas
tres kookiste dans son approche. Malgre mes tentatives, j’ai beaucoup de mal a saisir parfois ce que veut dire le rav Kook, notamment lorsqu’il affirme l’union des contraires. Trop de paradoxes
dans l’homme et dans sa pensee pour que je me sente a l’aise.
Je m’interroge. Y a-t-il quelque chose qui te semblerait a ce point affreux pour que tu te sentes oblige de le rejeter, meme en theorie? Par exemple, si tu te trouvais face a un texte du Coran
pronant l’egorgement de tous les enfants Juifs dans leur sommeil, tu utiliserais l’union des contraires et irait dormir tranquillement?
A force de sophistication philosophico – mystico – religieuse, ne risquons-nous pas de perdre un certain sens de la morale la plus elementaire?
@ Frank B
Puis-je vous demander de preciser quelque peu? Je ne suis pas sur de tout comprendre, notamment lorsque vous parlez d’historicisation.
Mon public cible n’est pas celui que vous croyez. Je ne cherche pas a faire changer r. Aviner d’avis, j’essaie d’eviter que d’autres se mettent a penser comme lui, en tout ou en partie.
Je trouve la remarque de 33 très juste.
(comme quoi ne pas connaître l’hébreu n’empêche pas de poser des bonnes questions. Il faudrait transposer la logique exprimée ici aux chroniques politiques de « mise en trentaine », ça monterait le
niveau 😉
Emmanuel, tu cites un Ralbag qui considère que le particularisme des bné-Israël est dû à des circonstances historiques. Je demande juste la référence, et je suis sûr que d’autres lecteurs
aimeraient aussi l’avoir.
Gut Chabbess
@ Trente-trois
Merci des compliments, venant de toi j’y suis sensible! J’ai lu ton dernier billet sur ton blog que j’ai beaucoup apprécié (j’ai laisse un commentaire d’ailleurs).
Ta suggestion ne marche malheureusement pas. Pour le comprendre, il faut separer un instant entre ce que dit Rachbi et ce que disent les commentaires ulterieurs que je cite, de R. Yehouda HaLevi
jusqu’a r. Aviner.
1. Commentaires ulterieurs: si tu lis les sources, tu constateras qu’elles ne font pas du tout la difference entre non-Juifs et idolatres.
Voici ce qu’ecrit r. Yehouda HaLevi (reference dans l’article):
קג. אָמַר הֶחָבֵר: וַהֲלא הָיָה יותֵר טוב שֶׁיִּהְיוּ הַחַיִּים כֻּלָּם מְדַבְּרִים. אִם כֵּן כְּבָר שָׁכַחְתָּ מַה שֶּׁקָּדַם בְּהֶמְשֵׁךְ זֶרַע אָדָם, וְהֵיאַךְ חָל הָעִנְיָן הָאֱלהִי בָּאִישׁ,
שֶׁהָיָה לֵב הָאַחִים וּסְגֻלַּת הָאָב, מְקַבֵּל לָאור הַהוּא, וזוּלָתו כַקְּלִפָּה אֵינֶנּוּ מְקַבֵּל אותו. עַד שֶׁבָּאוּ בְנֵי יַעֲקב כֻּלָּם סְגֻלָּה וָלֵב, נִבְדָּלִים מִבְּנֵי אָדָם
בְּעִנְיָנִים מְיֻחָדִים אֱלהִיִּים, שָׂמִים אותָם כְּאִלּוּ הֵם מִין אַחֵר מַלְאֲכוּתִי, מְבַקְשִׁים כֻּלָּם מַעֲלַת הַנְּבוּאָה וְרֻבָּם מַגִּיעִים אֵלֶיהָ. וּמִי שֶׁלּא יַגִּיעַ אֵלֶיהָ, קָרוב
לָהּ בַּמַּעֲשִׂים הַנִּרְצִים וְהַקְּדֻשָּׁה וְהַטָּהֳרָה וּפְגִיעַת הַנְּבִיאִים.
Les descendants de Yaakov sont presentes comme un « Min A’her », une autre espece par rapport au reste de l’humanite.
Idem pour le Maharal, ici dans son commentaire sur les Pirkei Avot:
« ואף שאמר ‘חביב האדם [שנברא בצלם]’, אין זה כולל כל מין האדם, כי כבר אמרו ז »ל: כי ‘אתם קרוים אדם ואין האומות קרוים אדם’, כאילו שלמות הבריאה שהוא לאדם בפרט, הוא לישראל ולא לאומות… »
Qui est l’homme cher aux yeux de Dieu (Avot 3:17) ? Israel, pas les « nations du monde ».
Et ainsi de suite pour toutes les autres sources que je cite, jusqu’au rav Aviner que j’ai traduit en francais dans le coeur de l’article.
Lorsque j’avais etudie le Michnat Hassidim, je trouvais cela particulierement frappant. L’ame de Adam haRichon, dans son explication, est un conglomerat de l’ensemble des ames juives; les ames des
non-juifs proviennent du sitra a’hra. Choquant…
Au passage, si Chmouel est encore dans le coin: vois ce qu’ecrit le rav Kook dans Orot Israel :
http://www.yeshiva.org.il/midrash/shiur.asp?id=11270
Le r. ‘Harlap s’exprime de la meme maniere dans son commentaire sur la Michna des Pirkei Avot deja discutee, cf. Mei Marom al hamakom. Comme quoi, r. Aviner a de qui tenir parmi ses maitres
directs…
Bref, impossible de faire ici la distinction suggeree.
2. Dans le Talmud (Rachbi). Comme tu l’auras remarque, j’adopte ici la these de Y. Cohen, selon laquelle Rachbi ne souhaitait PAS constater la superiorite juive mais plutot limiter le champ
d’application des lois de toumah. Dans cette optique, ce n’est donc pas le texte talmudique qui pose probleme, mais son interpretation au fil des siecles.
Mais je dois rajouter ici encore deux elements de reponse. Le premier, c’est qu’il n’est pas du tout evident que le texte talmudique ait parle au depart des « idolatres » (עובדי כוכבים). D’autres
girsaot (versions du texte) parlent de « nations du monde » (אומות העולם), plus generalement. C’est le cas du Maharal cite ci-dessus, dont la version du Talmud parlait de tous les non-Juifs,
idolatres ou pas.
Pour savoir quel est le texte authentique, il faut verifier les manuscrits du Talmud; ouvrir un Chass Vilna ne suffit pas. Je n’ai pas fait ce travail, mais a priori, je pense que la version du
Maharal est la bonne. C’est cette version qui semble la plus coherente dans la logique du texte; et aussi, on sait que la censure chretienne passait sur tous ces textes en supprimant ou changeant
les elements qui les derangeaient. Un texte qui tapait sur les « nations » se voyait ainsi souvent corrige pour ne plus viser que les « idolatres », et sortir ainsi les chretiens, qui se voient comme
des monotheistes, du champ de visee du texte.
(C’est bien pour cela, notamment, que le Vilna ne suffit pas)
Le deuxieme element de reponse, c’est qu’a l’epoque talmudique, les non-Juifs etaient tous idolatres. Au temps de Rachbi, le christianisme n’existait pas, l’islam non plus. Les non Juifs que Rachbi
croisaient etaient Romains ou Grecs. Il n’y avait pas ainsi pas vraiment de raison a operer la distinction que tu suggeres.
Par contre, le Meiri au 14eme siecle utilisas ton idee a plusieurs endroits de son Beit HaBekhirah, afin d’adopter une approche plus ouverte face au christianisme.
@ Yona
Touati mentionne un grand nombre de references aux differents ecrits du Ralbag. Le probleme, c’est que ces references me semblent parfois difficiles a retrouver. Par exemple, lorsqu’il cite le
Perouch sur la Torah, le texte qu’il utilise est celui d’une edition publiee a Venise en 1547, dont il donne les numeros de page et de colonne. Par exemple, il cite plus particulierement les pages
27c, 31b et 34d. Touati avait probablement de bonnes raisons de choisir cette edition, mais ne pas avoir de reference aux psoukim de la Torah rend la correspondance un peu difficile. Il faudrait
retrouver l’edition qu’il a utilisee, peut-etre est-elle sur Hebrewbooks?
D’autres references semblent plus faciles a retrouver: commentaire sur Michlei IV, 3. Commentaire sur Melakhim 2, 2eme lecon tout a la fin du livre.
Il mentionne aussi plusieurs fois le Sefer Milhamot Hashem, dans l’edition publiee a Leipzig en 1866, notamment pp. 173 et 463.
Tout cela est reellement bien peu pratique, et Touati n’est plus de ce monde, impossible de lui demander pourquoi il a procede ainsi. Je suis desole.
Encore une fois, si tu es interesse, je te scanne les pages de son bouquin et je te les envoie. Avec plaisir.
Emmanuel,
Je ne suis pas d’accord avec toi. La distinction de 33 est tout à fait pertinente, et le fait qu’il ne soit pas fait mention spécifiquement des ovdé kokhavim n’y change rien. Ceci pour la raison
suivante, qui me semble évidente : à l’époque de ‘Hazal, il y a une ‘hazaka que les oumot ha’olam sont des idolâtres.
Tu peux faire ce diouk des mots sur le Khouzari ou les autres Richonim -à la limite et en prenant en compte leur perception des notsrim- mais sur ‘Hazal ça ne marche pas.
Sorry, je viens de voir que j’avais lu en diagonale ton commentaire :p
Cependant sur le fond, le dernier élément que tu apportes confirme en fait ce que dit 33 : ‘Hazal ne parlaient -de facto- que des ovdéi kokhavim.
Et ça rejoint mon message précédent : Comment « dénoncer » cela, alors que c’est un contexte complètement différent ? C’est provocateur sans raisons : Lorsque Rav Hirsch a voulu mettre en avant les
bienfaits apportés par le Christianisme, et les religions monothéistes de manière générale, il n’a pas eu besoin de « dénoncer » ‘Hazal.
Tu n’es pas obligé de manquer de respect aux uns pour montrer du respect aux autres. On peut respecter à la fois nos textes saints, et les non-juifs.
Yona,
En fin de compte nous sommes d’accord, non? La distinction de 33 ne nous aide malheureusement pas pour les Richonim / Aharonim, et pour Hazal il n’y en a pas vraiment besoin parce qu’ils parlaient
de Toumah / Taharah. Cf. mon precedent commentaire pour les details.
Oui, je sais que le mot « denoncer » te derange. Encore une fois, je voudrais pouvoir faire de ce point specifique un billet separe, lequel ne manquera pas, j’imagine, de susciter des commentaires et
des reactions. Je pense que nous sommes dans une situation differente de nos jours de celle de l’Allemagne de r. Hirsch, et que la situation actuelle demande des moyens plus radicaux.
Par historiciser je voulais faire suite à la partie où vous citez ‘Rachbi, un Tanna de la quatrième génération, fut surtout actif après la Destruction du Deuxième Temple, à un moment où il était
devenu beaucoup plus difficile de se purifier rituellement,’. C’est très hypothétique, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une takana. Plus précisément, à partir du moment où le Temple était détruit,
les notions de pureté et d’impureté n’ont plus court -légalement-, même si peut-être certains ascètes les maintenaient, l’opinion de Rachbi, est avant tout légale, voire théorique. Ce que je
voulais dire aussi c’est que la question du racisme est moderne, elle est le fruit d’un contexte scientifique particulier. Si, tu veux donner une approche historique -pourquoi telle Sage a -t-il
dit ça?-, on est obligé de tenir compte de notre dimension historique à nous, en particulier le racisme n’est pas un problème qui est uniquement chez les juifs, mais un fait social massif, lié à un
état du savoir. Et c’est là qu’il faut le travailler.La dimension historique est aussi une façon de relativiser, ce qui est aussi une stratégie d’évitement. Je t’ai proposé une autre solution: que
ne rend impur que celui qui est dans l’étude, c’est ainsi que l’on assume pleinement sa dimension humaine, et je ne crois pas que d’autres personnes qui auraient réfléchi à ‘qu’est-ce qu’un homme’
l’aurait définit comme cela?
@ Frank
Merci des precisions, je saisis mieux ta pensee maintenant.
1. Oui, le paragraphe ou je réfléchis aux motivations possibles de Rachbi est clairement spéculatif, c’est d’ailleurs clairement indiqué dans le texte du billet.
Mais ce qui n’est pas speculatif, c’est le travail fait par Y. Cohen, duquel il ressort, de maniere convaincante a mon sens, que l’enseignement de Rachbi est technique / halakhique, et qu’il s’agit
de limiter le champ d’application des hilkhot toumah ve-taharah.
Apres, takkana ou pas, Rachbi avait bien un motif derriere la tete pour dire ce qu’il a dit. J’aime bien mon explication, mais ne peux la prouver, et si elle ne te convainc pas, cela me va aussi.
C’est relativement secondaire dans la logique du billet.
2. Le racisme est un fait social de l’epoque et n’affectait pas que les Juifs, je suis d’accord aussi avec toi. Cela correspond, je crois, a ce que je decris en parlant de l’approche c) – limiter
la portee des textes, en prenant en compte leur contexte historique.
Mais le racisme n’est pas que historique, il existe aussi de nos jours dans l’orthodoxie juive actuelle, et de plus en plus. Les exemples abondent malheureusement. Certains ont deja ete cites ici,
mais je pourrais continuer encore longtemps. L’antigoyisme au Moyen Age ne m’empeche pas de dormir, mais au 21eme siecle, je trouve cela plus qu’inquietant.
3. Seul la tombe de l’erudit entrainerait l’impurete ? C’est cela? L’explication me parait tres forcee. Est-ce que l’auteur de l’autre phrase est egalement Rachbi ?
Je ne peux que saluer l’intervention d’Emmanuel Bloch, qui a le courage de s’attaquer sans langue de bois à l’un des problèmes les plus épineux du judaïsme orthodoxe. Que dis-je, c’est même à mon
avis LE problème. Comme je suis d’accord avec l’essentiel de son propos, et très proche des inquiétudes et réflexions de « Michaël », je m’en tiendrai à un point précis.
On discute ici de la pertinence du terme de « racisme » appliqué à la perception des Gentils dans certains textes de la tradition juive. Je plaiderai pour une distinction entre trois niveaux de
rejet de l’autre :
– celui qui procède d’un ethnocentrisme dont Emmanuel Bloch rappelle, avec Levi-Strauss p. ex., qu’il est presque universellement répandu. Après tout, voir midi à sa porte, et estimer que ses
valeurs, sa culture, ses croyances sont supérieures, est un fait anthropologique banal, presque « naturel » en un sens. C’est faire un gros effort sur soi-même que de renoncer à cette croyance, et
l’Occident est peut-être la seule civilisation à l’avoir fait, et encore de manière récente et partielle. Cet ethnocentrisme n’est pas du racisme proprement dit, mais il peut se manifester par de
la violence ou de l’intolérance. S’agissant de la Bible, et du judaïsme en général, il me semble qu’ils peuvent être dits « ethnocentriques » au sens où le peuple juif se perçoit comme dépositaire
unique ou privilégié de la parole divine (je rejoins ici l’analyse d’E. Bloch dans son autre article sur la question de la tolérance).
– certaines formes extrêmes de xénophobie, qui enseignent un mépris ou un rejet des cultures étrangères d’une telle violence qu’elles aboutissent à leur dénier de facto leur humanité. Elle revient
à estimer par exemple que les mœurs ou la religion de tels peuples sont si dépravés que cela autorise à les considérer sans ménagement comme non-humains et à les traiter en conséquence. On n’a pas
besoin encore à ce stade d’une théorie des « races ». Appliquée à la Bible, cette théorie me semble illustrée par l’épisode de la conquête de Canaan (les « sept peuples ») avec les conséquences
exterminatrices que l’on sait. Mais cet épisode n’est pas représentatif de toute la pensée juive à l’époque biblique, il est plutôt donné comme une exception historique. Il n’y a pas encore ici de
théorie des « races », même si certains anathèmes concernant les descendants de certains peuples en sont proches. Aujourd’hui, nous appliquons volontiers le terme de racisme à des anathèmes
collectifs, quand bien même ils ne relèveraient pas d’une « théorie des races », et cette extension de sens me semble le plus souvent défendable. Pour ne donner qu’un exemple, l’immense majorité
des antisémites aujourd’hui ne se réclament pas de la « race » au sens biologique du terme – et certains sont même tout prêts à reconnaître l’existence de quelques exceptions (les « bons juifs »),
ou à les accueillir pourvu qu’ils se convertissent politiquement ou religieusement ; ils n’en sont pas moins « antisémites » au sens où leur exécration est si globale, si généralisante, qu’elle
donne licence, implicitement ou explicitement, à toutes les violences réelles ou symboliques.
– enfin la décision d’exclure de jure tel groupe de l’humanité (ou de le rejeter au degré le plus bas de l’humanité), en fonction de critères non plus culturels mais ontologiques. C’est ce qui
s’appellerait le racisme au sens le plus étroit. On peut exclure le groupe au nom de la « race » au sens que les théoriciens du racisme ont donné à ce terme au 19e s. et qui a connu le
développement que l’on sait dans la tragédie nazie, mais il est bien évident qu’il y a d’autres modes d’exclusion ontologique de l’autre. Si l’on considère, avec Yehoudah Halévi, la quasi-totalité
des kabbalistes, le Maharal de Prague et bien d’autres maîtres du judaïsme, que les Juifs sont d’une essence supérieure, qu’ils sont seuls porteurs d’une âme divine, qu’il y a plus de différences
entre un juif et un goy qu’entre un goy et un animal, etc., on est raciste, profondément, et Emmanuel Bloch a raison de mettre les pieds dans le plat. Cela joue sur le plan des représentations
culturelles (et c’est déjà désastreux) mais cela peut très bien un jour avoir des conséquences pratiques ou politiques particulièrement odieuses (comme les considérations obscènes de certains
rabbins sur le fait que l’on ne doive pas de compassion à des non-juifs ou ces débats hallucinants sur le prix d’une vie non-juive, du meurtre d’un non-juif, sur le sauvetage d’une vie non-juive
lors du chabbat, etc.).
Je suis évidemment d’accord sur la nécessité de contextualiser, d’historiciser ces croyances. Il me semble par exemple intéressant de constater, comme il a été fait dans l’article d’E. Bloch, que,
si les textes bibliques manifestent parfois des formes exaspérées d’ethnocentrisme ou d’intolérance, cette tendance est partiellement contrebalancée par d’autres textes et par la force fondatrice
du mythe d’Adam et Eve qui postule une humanité unique. Et d’observer que les textes les plus choquants, au regard de valeurs universalistes, sont ultérieurs à la période de rédaction biblique :
quelques sources talmudiques, et surtout la tradition mystique. Autrement dit, il y a eu sur ce point (pour des raisons philosophiques et historiques qu’il faudrait analyser) et chez certains
maîtres une sorte de régression éthique de la pensée juive, comme si la conscience de l’unité humaine, qui anime si fort certains rédacteurs et prophètes bibliques, avait cédé le pas à un ghetto
spirituel dans le cadre duquel il s’agirait de radicaliser aussi loin qu’il est possible la différence entre le juif et les autres, contre l’inspiration première de la Bible, de
l’essentialiser.
Il n’en faut pas moins constater que cette contextualisation ne règle pas le problème du judaïsme orthodoxe, puisque, pour une grande partie des Juifs de stricte observance, les thèses racistes
véhiculées dans certains textes sont auréolées d’une autorité qui les rend soutenables, voire valides, et au moins respectables. C’est l’honneur d’E. Bloch et de ceux qui se réclament de
l’orthodoxie que de vouloir procéder à ce droit d’inventaire sur un héritage traditionnel que beaucoup révèrent « en bloc » (sans jeu de mots). J’espère que ce courant deviendra majoritaire au sein
de l’orthodoxie : c’est mon vœu pieux d’agnostique qui pense que l’honneur moral du judaïsme implique un tel travail critique, mais je ne suis pas sûr, pour être tout à fait honnête, que le monde
de l’orthodoxie prédispose à ce type de démarche et s’en laisse durablement imprégner.
Or, ce dont il est question ici (et là encore je rejoins certaines réflexions du forum), est bien de savoir à quelle communauté on s’identifie : quel sens cela a-t-il de se réclamer de la même foi
que des gens qui pensent non pas simplement qu’ils ont une mission dans le monde (ce qui est fort respectable) mais qu’ils sont d’une essence supérieure ? Pardon pour la comparaison qui choque mais
j’ai toujours en mémoire ce passage bouleversant de Si c’est un homme où Primo Lévi raconte son entretien « d’embauche » à l’usine de chimie d’Auschwitz auprès d’un officiel nazi : « Car son regard
ne fut pas celui d’un homme à un autre homme ; et si je pouvais expliquer à fond la nature de ce regard, échangé comme à travers la vitre d’un aquarium entre deux êtres appartenant à deux mondes
différents, j’aurais expliqué du même coup l’essence de la grande folie du Troisième Reich » (p.113). Croire que l’autre homme n’appartient pas à la même humanité que vous, qu’il est d’une autre
espèce, c’est avoir soi-même basculé dans l’inhumanité.
PS. A propos du titre : il y a tellement de gens stupides sur le net que le titre risque fort, comme le faisait remarquer une intervenante, de faire l’objet d’exploitations malveillantes. Peut-être
même le simple fait qu’il puisse apparaître comme tel dans les pages de résultats des moteurs de recherche risque de donner lieu à des raccourcis de la part de ceux qui ne prendront même pas la
peine de lire l’étude.
Les recentes declarations du rav Steinman, un des Gedolei Hador lithuaniens en Israel: les non Juifs sont des voleurs, des meurtriers, des idiots…
http://www.ynet.co.il/articles/0,7340,L-4231696,00.html
Bonjour,
A la lecture de ce billet quelques questions me sont venues à l’esprit:
La thora n’est elle pas immuable? peut-on se permettre de remettre en question des principes énoncés par nos sages simplement parce qu’ils ne correspondent pas à la vision aujourd’hui admise comme
correcte?
Peut être arrivera t il un jour, ou il nous semblera complètement inacceptable d’interdire le mariage d’un cohen avec une femme divorcée, pour autant modifierons nous les lois?
Si nous nous permettons aujourd’hui de faire un tri, que restera t il de la thora demain?
De plus, quelle légitimité avons nous pour remettre en question ce que nos sages ont écrit? Sommes nous plus sages? plus proches de D qu’eux? les années et les siècles qui s’écoulent nous éloignent
du mont Sinaï et du don de la thora.. ainsi, nous pouvons supposer que nos sages d’une autre époque étaient bien plus proches du message originel de D…
Ensuite, pourquoi est ce tellement dérangeant d’affirmer que le peuple juif a bien une spécificité? D a sorti le peuple juif d’Egypte, lui a donné la thora au mont sinai, nous avons 613 Mitsvoths à
respecter et les goyims seulement 7, nous avons été persécuté de tous temps et par miracle nous sommes encore là, pourquoi nier aujourd’hui que nous sommes différents?
Enfin, nier cette différence n’est ce pas finalement un pas supplémentaire vers l’assimilation? en effet, si le peuple juif refuse sa différence, qu’est ce qui le distinguera des autres nations du
monde?
Avec tout mon respect,
@Emmanuel
Je trouves ton article et les commentaires qui l’ont accompagné très pertinents et visant au plus juste, comme d’habitude.
Juste une petite parenthèse au débat: tu cites plusieurs fois « Touati » dans tes commentaires sans préciser qu’il était Grand-Rabbin (et mon grand-père au demeurant). Je me suis dit que si le rav
Aviner avait le droit a sa particule, le Gr.Rabbin Touati z »l aussi j’imagine… 🙂
Amicalement,
Michael
@ A tous
Le titre du billet a ete change pour tenir des comptes des remarques de Janick Dahan et de Zelie, que je remercie.
@ Batcheva
Questions fort legitimes ! Mais, en tout cas pour les premieres, il paraitrait qu’un nouveau billet de notre grand webmaster serait sur le point d’etre publie. Il traiterait precisement de notre
droit de reinterpreter la Torah en fonction des connaissances et valeurs modernes, de la possibilite d’accepter des verites provenant de l’exterieur, etc. Si, apres lecture, vous avez encore des
questions, Gabriel ou moi-meme (ou d’autres sur ce site) serons heureux de vous repondre.
Pour le dernier point, le peuple Juif peut etre different sans etre superieur. Different, mais egal. Voyez notamment les liens cites dans mon commentaire 17 ci-dessus.
@ Michael T
Merci de ce commentaire elogieux. Je suis sincerement desole pour le titre de ton grand-pere, le Grand-Rabbin Charles Touati. Ce n’etait absolument pas par manque de respect. Bien au contraire,
j’adore lire ses livres!
Il se trouve simplement, je crois, que dans le milieu academique on laisse souvent les titres de cote (« Y. Cohen » au lieu de « Dr. Y. Cohen »), alors que les usages du milieu religieux veulent qu’on
rajoute le titre de « rav » avant le nom. Je ferai plus attention a harmoniser tout cela la prochaine fois.
Il y a quelques annees, un specialiste du Kouzari m’a vante en termes tres elogieux les rares qualites de la traduction francaise effectuee par ton grand-pere…
J’interviens pour la premiere fois pour commenter ce remarquable blog. Je ne suis pas juif, mais je tiens en tres grande estime le judaïsme orthodoxe (plus que n’importe quelle autre religion)
depuis que j’ai lu par un curieux hasard un commentaire de Pirke Avot par Y.Leibowitz de mémoire bénie. En allant plus loin, j’ai decouvert une certaine mystique juive issue du Zohar qui, entre
autre « problemes » a mes yeux, a une vision ontologiquement negative (pour ne pas employer un autre terme) du non juif. Je vous remercie d’avoir abordé avec impartialité ce point et d’avoir mis en
avant la vision d’un judaisme plus rationaliste.
Maimonides disait que ce n’est pas la Genese qui nous apprenait que l’univers n’est pas eternel mais la raison, et que s’il etait etabli que l’univers par la science que l’univers est eternel, il
nous faudrait reinterpreter les textes, comme on interpretait les attributs divins antropomorphiques de maniere allegorique comme nous le dicte la raison.
Je dirais que si la raison pure, l’experience et la science nous apprennent qu’un non juif n’est absolument pas moins humain qu’un juif, alors une interpretation contraire des textes ne peut etre
qu’erronée suivant la meme raisonnement rambamiste.
@ Ben Noah,
Merci de ce remarquable commentaire. Je ne peux qu’etre d’accord, bien evidemment, avec vos remarques. N’hesitez pas a nous faire part de vos reflexions a l’avenir, et ainsi a enrichir les
discussions sur ce blog!
J’avoue ne pas bien comprendre l’intention de cette reflexion.
Il devrait aller en effet de soi, comme le note ben noah, que la « raison », que le travail de la vérité devrait primer sur toute autre considération.
La question est donc: est-ce qu’il est vrai qu’il y ait des différences « ontologiques » entre goys et juifs, et la réponse est non, sans qu’il y ait à s’appuyer ou pas sur les textes de la
tradition. Si la tradition juive était essentiellement raciste, alors il faudrait, tout simplement, la rejeter sans hésiter.
Tel n’est pas le cas – par contre qu’il y ait du racisme et des racistes chez les juifs – c’est une évidence ! par quel miracle en seraient-ils exempts ?
D’ailleurs cela prouve une fois de plus ( et c’est une bonne chose que le témoignage en soit gardé – parce que cela peut nous aider à ne pas « idolatrer » nos Sages – pas plus que les Patriarches ou
Moshé rabenou )qu’il arrive bien souvent que de grands hommes soient grands aussi, à l’occasion, dans la connerie ou dans l’erreur.
Je rappelle que l’immense Rambam, par exemple, est aussi le penseur qui parle de « l’abject sens du toucher ». Dire qu’il rate là quelque chose n’invalide en rien la profondeur de son oeuvre – pas
plus que le fait que nous savons aujourd’hui que ce qui fait bouger les planètes n’a rien à voir avec une « âme » – la relation entre la physique et la métaphysique ayant quelque peu évolué depuis
les paradigmes aristotéliciens.
Nous avons passé un siècle où il me semble que la portée pratique de ce qui pouvait apparaitre à d’autres époques comme de simples « opinions » ( racistes ) éclairent celles-ci d’une lumière
particulièrement « convaincantes ».
Quant au fait que les tendances « mystiques » soient plus facilement racistes ( ou bien généralement « réactionnaires » ) que les textes de tendance rationaliste, c’est évidement choquant pour ceux qui
aiment cette littérature ou qui adhèrent à propositions , mais c’est en fait quasiment constant dans toutes les religions que les mystiques ne sont à priori des gens très « ouverts » ou enclins au
progressisme social. En fait, le tempérement « mystique » à d’autres chats à fouetter.
Le billet d’Emmanuel Bloch, que j’ai lu il y a quelques jours, est remarquable de clarté, d’intelligence, d’honnêteté et de courage. Il fait honneur au judaïsme orthodoxe dont il se réclame et, en
particulier, à l’exigence de vérité exprimée, par exemple, par Maimonide.
Je découvre ce soir la cascade de commentaires que ce texte a suscités, et qui prouvent, d’abord, sa pertinence.
Je constate que la très grande majorité de ces commentaires témoignent d’une conscience réelle des difficultés soulevées par l’auteur, d’un effort de réflexion incontestable et sans doute d’un
certain soulagement à voir les problèmes formulés.
Quelques uns des commentaires me frappent par la peur qu’ils expriment, peur de manquer de respect aux Sages, peur aussi de toucher à l’édifice de la Tradition et de risquer de provoquer ainsi son
effondrement.
La question du « racisme » ou de « l’intolérance » que l’on peut détecter dans certaines sources, comme la question du statut des femmes, a pour enjeu la légitimité de l’examen rationnel des textes et
de la possibilité de remettre en question certaines affirmations ou postulats des Sages. La discipline dans le champ de la halakha est une chose, l’adhésion aveugle préconisée par certains aux
opinions ou
aux assertions des rabbins du Talmud ou à celles des Sages ultérieurs en est une autre. C’est de la mauvaise foi ou de l’ignorance que de prétendre que les représentations et les conceptions de ces
derniers ne sont pas historiquement datées et donc questionnables.
Par exemple, dans un autre domaine, l’assertion talmudique bien connue » tav lemetav tan dou milemetav armelou », selon laquelle, pour schématiser, une femme préférerait être mariée même à un homme
peu recommandable plutôt que de vivre seule, est-elle recevable de nos jours ? Pire encore, faut-il la considérer comme un principe immuable qui gouvernerait à tout jamais les décisions halakhiques
touchant aux divorces ?
Autre exemple: je me souviens que Nahmanide, dans Iggeret haqodech, critique vertement Maimonide qui, à l’instar de son maître, Aristote, témoigne d’une conception négative de la sexualité.
Je plaide, quant à moi, pour le droit à l’intelligence et au questionnement, si présents dans nos textes et devenus parfois, de nos jours, source d’effroi pour certains.
Merci à ce blog d’exister, à Gabriel de l’avoir créé et de l’animer, et aux auteurs des textes de le faire vivre avec rigueur et exigence.
@ J46
Merci d’avoir pris le temps de poster ce commentaire elogieux. Vous ne serez probablement pas surpris de lire que je m’identifie completement aux valeurs defendues dans votre « plaidoyer »!
Bonsoir
je pourrais mettre ce lien en note pratiquement sous n’importe quel article du blog, je ne résiste pas !
Ca concerne les problèmes de discrimination et de racisme dans la halacha, les srtatégies que cela suscitent chez les rabbins, etc. C’est à propos de la notion de guer, et c’est franchement fort…
Les trois volets de la conférence sont passionants tous, mais celui ci me parait le plus dense et le plus courageux ( ils n’éludent vraiment rien ! )
http://www.akadem.org/sommaire/colloques/l-etranger-biblique-dans-la-tradition-juive/droit-hebraique-et-droits-de-l-homme-16-03-2012-30840_4401.php
J46:
« Quelques uns des commentaires me frappent par la peur qu’ils expriment, peur de manquer de respect aux Sages, peur aussi de toucher à l’édifice de la Tradition et de risquer de provoquer ainsi
son effondrement », mon commentaire n° 31 en fait surement partie.
J’aimerai être d’accord avec cette vision des choses, étant fille de guer, je suis doublement concernée par la vision apparemment négative des sages sur ces deux statuts.
Toutefois, vous dites que : « La question du « racisme ou de « l’intolérance » que l’on peut détecter dans certaines sources, comme la question du statut des femmes, a pour enjeu la légitimité de
l’examen rationnel des textes et de la possibilité de remettre en question certaines affirmations ou postulats des Sages ».
Je pense que l’enjeu à long terme est la possibilité de modifier la halacha et c’est là que mon problème se pose:
Les textes intolérants sont problématiques lorsque des halachots en découlent: telles que de ne pouvoir faire des mélachots pour pouvoir sauver un non juif pendant chabat ou la possibilité pour un
homme de garder sa femme prisonnière en ne lui accordant pas le guet (entre autres..)
Et c’est là qu’une question va se poser: est ce que les belles théories sur la possibilité d’interpréter la thora en fonction des valeurs modernes sont assez justifiées pour pouvoir modifier
concrètement la halacha? Est-ce que sur le fondement de sa théorie Rav Emmanuel Bloch estime avoir le droit de modifier la loi?
Salut Emmanuel,
Je reviens un peu sur l’option du « contexte » juste pour rappeler que c’est celle qu’a choisi le Rav Moshé Ravkash. Il précise au cas par cas dans tous les dinim « discriminatoires » que ceux-ci n’ont
plus cours pour les non-juifs de notre époque, mais uniquement pour les idolâtres du Talmud.
J’ai pas mal de références de ses déclarations de ce type sur plusieurs halakhot, elles sont dans mes papiers si tu veux je peux les rechercher et t’en renvoyer. J’en ai une sous la main d’un sujet
que j’étudie en ce moment : Beer HaGola ‘Hochen Michpat 348 à propos de « al tonou ».
Le Rav Ravkash a compris que plutôt que de se casser la tête pour rendre tout le Talmud « politiquement correct », de petites annotations suffisent 😉
@Batcheva,
Je viens de voir la question que vous m’adressez dans le dernier paragraphe de votre commentaire. Pour vous repondre: la halakha possede des outils lui permettant d’evoluer, du moins dans une
certaine mesure. Par exemple, comme le releve Yona dans le commentaire suivant, il est possible de preciser / changer le champ d’application d’une loi. D’autres possibilites existent, et si le
sujet vous interesse je serai enchante de vous donner quelques references de lecture. Le theme est tres vaste.
Dans ce billet, je cherchais plutot a me concentrer sur ce qui est en amont de la halakha – la vision du monde, les valeurs, etc., du monde religieux et des poskim; bref, ce qui influence la
halakha au moment ou elle est tranchee. Ce n’est pas tout d’avoir des outils interpretatifs, il faut encore avoir la volonte de les utiliser.
Vous pouvez aussi regarder le colloque sur Akadem, en particulier les interventions de Michael BenAdmon et Michael Wygoda, pour de tres pertinentes reflexions sur la situation halakhique et les
possibilites de la changer.
@ Yona
Nous rangerons donc l’auteur de Beer HaGola parmi ceux qui suivent la voie (c), il y sera en bonne compagnie ! 🙂
Je sais bien que c’est une possibilite ! Je dis simplement qu’a mon avis, qui vaut ce qu’il vaut, c’est insuffisant de nos jours.
Rhoooo! 🙂
Bon, j’essaie avec un machal. Voyons comment cela passe ainsi:
Il y a tres tres longtemps, dans un pays merveilleux mais legerement antisemite sur les bords, une loi ancestrale interdisait aux « chiens et aux juifs » d’etre heberge dans les hotels.
Quelques generations plus tard, un vent de tolerance soufflait sur le pays merveilleux. C’etait une epoque d’ouverture sur autrui, de nouvelles idees, d’amour reciproque et d’esperance.
Le College des Venerables, l’instance judiciaire supreme du Pays Merveilleux, decida de se pencher sur le statut des Juifs. La loi interdisant l’entree des hotels aux Juifs posait probleme,
evidemment. Mais les Venerables avaient enormement de respect pour les Sages qui avaient edictees les lois ancestrales, et ne souhaitaient pas les abroger. Que faire? Caressant leurs longues barbes
blanches en signe d’intense concentration, les Venerables trouverent une solution originale : une loi interdisant l’entree aux « chiens » etait de toute evidence motivee par des raisons d’hygiene;
apparemment, on pouvait en deduire que les Juifs de l’epoque ancestrale n’etait pas forcement tres propres, ce qui avait entraine leur exclusion de tous les hotels du Pays Merveilleux. Mais le mode
de vie des Juifs avait change, et desormais ils avaient adopte un mode vie sain et hygienique, correspondant aux moeurs sophistiquees des habitants du Pays Merveilleux. En consequence de quoi,
l’exclusion des Juifs n’avait plus de raison d’etre. On pouvait les admettre dans les hotels et se montrer tolerant a leur egard, tout en maintenant (formellement) la validite de la loi
ancestrale.
Soupirant de contentement, les Venerables se servirent un grand verre de schnaps.
Puis, quelques generations plus tard, les choses changerent a nouveau. Pour une raison completement imprevisible, les Juifs n’etaient desormais plus en odeur de saintete. De plus en plus de
Venerables pronaient le retour au sens simple de la loi ancestrale du Pays Merveilleux, et voulaient a nouveau interdire l’acces des hotels aux Juifs (propres ou pas). Les autres Venerables, un
groupe sur le declin mais disposant toujours d’une certaine influence, et encore marques d’un relatif esprit de tolerance, s’interrogeaient sur la bonne strategie a suivre. Fallait-il marteler,
encore et toujours, que la loi ancestrale ne visait que les Juifs au mode de vie peu hygienique, soit une realite sociale ayant depuis longtemps disparu? Ou bien la strategie devait-elle s’adapter
aux circonstances de l’epoque ?
* * * * *
J’imagine que le rapport du machal au nimchal est clair.
A mon sens, les Venerables de l’epoque intermediaire ont pris un risque en choisissant de ne pas abroger la loi ancestrale: celui que cette loi soit un jour re-instituee dans son sens simple. Ce
risque s’est concretise quelques generations plus tard. A ce moment-la, la situation demanda qu’une autre strategie soit implementee si l’on voulait eviter un retour a l’intolerance.
Alors, est-ce que l’approche du Meiri, du Beer HaGola et des autres est « faisable » ? Oui, bien sur, cela a ete fait pendant des siecles. Mais aujourd’hui le vent souffle dans la direction opposee.
Nous ne sommes plus une minorite de juifs vivant parmi une majorite de chretiens, obliges d’interagir avec eux et cherchant a normaliser notre situation a leurs yeux. En Israel, la societe est
majoritairement juive. Le Goy est pour certains une realite abstraite, inconnue; il est souvent l’ennemi, surtout lorsqu’il habite dans un pays voisin.
Dans ce climat, les textes racistes sont revisites par certains rabbins, pas tous bien sur mais de plus en plus, qui ne sont PAS interesses par l’approche « limitante ». J’argumente ici que la
strategie consistant a marteler, encore et toujours, que les textes racistes ne s’appliquent plus de nos jours, est vouée a l’echec. Il faut trouver autre chose.
Un texte raciste « neutralisé » selon l’approche (c) du Meiri ne disparait pas de la Tradition. Lorsque les conditions sont reunies, il peut a nouveau s’exprimer. Je crains que nous soyons temoins
d’un tel phenomene de nos jours.
Salut Emmanuel,
J’entends ce que tu dis. Cependant, la meilleure option consiste à imposer les textes du c) aux tenants d’une approche « raciste ». Vis-à-vis des froum une approche réformant les textes
problématiques ne sera pas accepté. Et vis-à-vis des juifs pluralistes ou des non-juifs on considérera que tu ne représenteras que toi ou quelques autres, mais pas le judaïsme du 21ème siècle.
Si tu veux fermer le clapet des prédicateurs , ramène-leur plutôt des sources devant lesquelles ils seront obligés de se taire mishoum « daat Torah ».
Cadeau :
תורה תמימה הערות ויקרא פרק כה הערה פג
פג) דבר פשוט הוא דאיירי בעובדי אלילים בימים הקדמונים שלא היו מאמינים ביחוד השם ומרוב פראותם נדמו לפריצי חיות והיו מזיקים לחברת האדם וקניניו ולישוב העולם וסדרו, וכמש »כ הרמב »ם בפיהמ »ש ב »ק פ »ד בהא
דשור של ישראל שנגח לשור של עובד כוכבים פטור וז »ל, ואל יקשה בעיניך דבר זה [דפטור] כמו שלא יקשה בעיניך שחיטת הבהמות ואף על פי שלא חטאו, יען כי מי שאין בו שלמות המדות האנושיות אינו בכלל האדם על על
האמת, ותכלית מציאותו לצורך האדם, עכ »ל. וכל הדברים האלה מורים על כלליות הענין שסובב והולך על העמים הפראים בימים הקדמונים שלא היו מן הישוב כלל, ואשר במדינותינו בזה »ז אינם נמצאים כלל, והרחבנו הדבור
בזה בפ’ משכטים בפסוק וכי יגח שור איש את שור רעהו, יעו »ש. וראויים הדברים להצטרף לכאן. ולפי »ז יהיה גם כונת הדרשה כאן לעמיתך אתה מחזיר וכו’, ר »ל לעמיתך שיש לו כמוך דינים ומשפטים ישרים בין אים לחבירו,
יצאו עובדי כוכבים כאלה שאין להם דינים ומשפטים ישרים, והם אלה העובדי אלילים הפראים שזכרנו, והענין מבואר. ובנוגע לאזהרה מרובה ותוכחה נמרצה מרבותינו באיסור אונאה והטעה לכל איש מכל אומה ולשון, עיין
בפיהמ »ש להרמב »ם פי »ז מ »ב דכלים איך קרא תגר על אלה האנשים החוטאים המרמים ומאנים לכל אדם ודבריו חוצבים להבות אש לכבוד ה’ והתורה וישראל, וסיים וז »ל, ואלו הרעות כולן השי »ת מתעב אותן ומתעב עושיהן, הרי
הוא אומר כי תועבת ה’ כל עושה עול, עכ »ל. וכמה מרבותינו האחרונים הוכיחו בקול עז ונמרץ על עול מגונה זה, ולי מה יקרים וחביבים דברי גדול אחד מן האחרונים בענין זה, והוא בס’ באר הגולה לחו »מ ריש סי’ שמ »ח
וז »ל, ואני כותב זאת לדורות שראיתי מי שגדלו והעשירו מן טעות שהטעו את הגוים ולא הצליחו וירדו נכסיהם לטמיון ולא הניחו אחריהם ברכה, ורבים אשר קדשו ה’ והחזירו טעות הגוים בדבר חשוב גדלו והעשירו והצליחו
והניחו יתרם לעולליהם, עכ »ל, ועל דברים נאמנים אלה נאמר שפתים ישק משיב דברים נכוחים. וביותר נכבדים דברים אלה להיודע קורות חיי הנאון בעל באה »ג וזמן כתיבת דבריו אלה, כי הוא וביתו ועירו ומדינתו היו מטרה
לקנאת הריקים סמוך לשנת ת »ח ובדרך פלא נצולו בחייהם וכפי שמעיד הוא עצמו « יצאו כולם בגולה מאין מאומה בידיהם זולת ספר עברונות [לוח השנה] לדעת סדרי הזמנים ויצאו באשר הלכו ותבקע הארץ לקול הגולים »
[מהקדמתו הראשונה לס’ באה »ג לאו »ח] ובא עד העיר אמשטרדם ושם כתב והדפיס ספרו זה ואמרי נועם אלה, ועם כל אלה הנה כה נאמנה רוחו וישרת לבו לכל הנברא בצלם:
Merci encore de ce bel article bien argumenté. Cependant je suis un peu choquée par le titre de votre article , bien que le fond et le contenu conduisent bien évidemment à s’opposer à ce titre. Il
me semble que lorsque l on écrit, même dans un site juif, nos propos doivent être « entendable » par tous. Or votre question qui certes est juste une manière de poser le problème et de pousser à l
extrême certain propos ou certaines tendances pour pouvoir les dénoncer , est en elle même inacceptable. Imaginez vous un site de musulman ou de chrétiens qui poserait comme question: un juif est
-il un homme? Toutes les explications qui suivraient pour nous expliquer qu il faut lutter contre ce racisme et cette intolérance ne nous apaiseraient pas. La question en elle même ne doit pas être
posée me semble t-il. Votre titre a certes une vertu journalistique d’accroche, mais ce n ‘est pas très adapté à la diffusion par internet
Je comptais aller me coucher et … bien non. J’ai lu ce billet.
Ce billet est très argumenté et bien mené.
Emmanuel, est-ce que tu penses que la modern-orthodoxy se tournera de plus en plus vers l’hypothèse d) c’est-à-dire dénoncer ces textes ? Si je me souviens bien, Gabriel a écrit un article sur la
critique biblique qui est utilisée de le mouvement MO. Si le mouvement en venait à une plus grande utilisation/acceptation de la critique biblique est-ce que ça mettrait la MO sur le plan respect
strict de l’orthodoxie en danger ?
Toutes les sources que tu cites sont en hébreu, il va donc vraiment falloir que je m’y mette :-).
Bonjour Janick,
Merci de me faire part franchement de ce qui vous dérange.
Votre message me laisse quelque peu perplexe. Il est bien évident que le titre que je choisis pour un billet se veut accrocheur, et que choquer *légèrement* ne me pose pas de problème, tant qu’il
s’agit d’entamer ainsi une réflexion sur le fond et de remettre en question des idées reçues. Mais votre feedback suggère maintenant que je suis allé peut-être un peu trop loin.
Mettons les choses ainsi: lorsque je vais sur un site chrétien (pour reprendre votre exemple) et que j’y lis une analyse de la perception du Juif au fil des siècles au sein de l’Eglise, j’espère
lire une analyse honnête et franche, et pas de doux euphémismes. La vérité n’est pas toujours agréable a contempler, mais sans cette franchise, l’exercice d’introspection et de critique a-t-il
vraiment un sens?
C’est a cette aune que je veux m’attaquer ici au problème de l’antigoyisme: sans me voiler la face ni jeter un voile pudique sur ce qui dérange. Les sources que je cite démontrent qu’un courant non
négligeable, et peut-être majoritaire, dans la pensée juive, considère le non-Juif comme un être inférieur – quand il n’est pas carrément présenté comme un représentant des forces maléfiques.
Le titre que j’ai choisi est un simple résumé de cette problématique centrale de mon billet. Et ce problème existe d’ailleurs indépendamment du regard qu’un non-Juif viendrait poser sur notre
Tradition.
Mais je serais très heureux d’avoir d’autres réactions d’internautes. Si votre sentiment était largement partagé, il vaudrait sans doute mieux changer ce titre.
@ Lucie Esther,
Merci de ton message. Je ne suis pas prophète et ne sais pas ce qui se passera, mais mon prochain billet essaiera de montrer pourquoi l’approche d) est plus nécessaire maintenant que dans le
passé.
La critique biblique pose des questions passionnantes, mais les deux thèmes ne sont pas directement liés. Peut-être y consacrerai-je un autre billet a l’occasion? Dans cette attente, je te renvoie
a ma réponse sur Cheela: http://www.cheela.org/popread.php?id=51751
Apprendre l’hébreu, quelle bonne idée! 🙂
@ Benjo la Banane
Merci de ce commentaire. Je ne suis pas sur de tout suivre sur les histoires de gênes et de handicap, mais pour autant que je comprenne bien le sens de votre intervention, vous m’interrogez sur le
concept de l’élection d’Israël.
L’idée que les juifs sont « spéciaux » fait partie de notre héritage spirituel. En faire abstraction serait totalement impossible, il faut donc se poser la question de savoir comment nous vivons
avec. A mon sens, nous pouvons et devons être différents, mais pas nous sentir supérieurs. Il y a un juste équilibre a trouver entre deux extrêmes, le premier ou l’humanité entière se fondrait dans
une espèce d’informe monoculture planétaire, mangerait des Happy Meals, boirait du Coca et écouterait chanter Rihanna a longueur de journée, et le deuxième ou chacun contemplerait avec
attendrissement son propre nombril. Dans ce billet, j’attaque surtout la deuxième alternative telle qu’elle se présente dans certains de nos textes les plus dérangeants, mais la première ne me
convient pas du tout non plus. Donc, dans ma vision des choses, l’idée de « peuple élu » a certainement toujours sa place de nos jours, tant qu’il s’agit de mettre en avant des attentes morales ou
une particularité culturelle. Mais pas une supériorité intrinsèque, non.
N’hésitez pas a me relancer si je vous ai mal compris!
Félicitations pour la publication de ce billet que j’attendais avec impatience, et félicitations pour la justesse de ton propos.
Voici quelques questions/remarques :
1)
À propos de « l’exemple révélateur de l’antigoyisme » que tu mentionnes : « vous êtes appelés « hommes », mais les nations du monde ne sont pas appelées « hommes » ».
Michée 5:6 semble désigner les non-juifs (ceux qui ne sont pas les survivants de Jacob) par « אִישׁ » puis par « בְנֵי אָדָם ».
Penses-tu que cela permette d’élargir le sens du mot « אָדָם » pour la Bible, avec une possible critique de ce qu’entend Rachbi par celui-ci, même vis-à-vis de l’exemple particulier dont il est
question ? Mais peut-être n’est-il pas sérieux d’assimiler « אָדָם » et « בְנֵי אָדָם ».
« בֶּן-אָדָם » est tout de même l’appellation par laquelle Ezechiel introduit la prophétie (34:2) s’achevant par le verset incriminée (34:31).
2)
Tu t’en es tenu à cet exemple, révélateur j’imagine en ce qu’il est à la fois « aggadique » (où l’on suppose un statut particulier pour « Adam »…) et aux répercussions « halakhiques » (lois
d’impureté).
Connaîtrais-tu un autre exemple talmudique de ce type ? Si la thèse de Michael Ben Admon a été traduite, pourrais-tu éventuellement m’en faire part ?
3)
Le rav Chlomo Aviner, dont tu cites un passage en tant qu’écho contemporain du racisme juif que tu dénonces, figure en « une » de cheela.org, en tant que votre « approbateur ».
Comme tu me l’avais dit, je sais que différentes sensibilités sont représentées au sein de votre équipe, mais tout cela me laisse quelque peu songeur. Voici qu’un tel rav – aux antipodes donc du
pari que tu expliques et défends – te recommande ! 🙂
4)
« l’un des challenges actuels de l’orthodoxie juive se joue précisément dans sa capacité à condamner, sans équivoque possible, les éléments racistes qui menacent de plus en plus de s’exprimer. »
Comment discuter avec des gens tenant pour « infiniment supérieures à tout un chacun » des personnes tels le AriZal, l’Admour Hazaken… etc. ? des personnes dont ils posent que « chacun des propos »
recèle de significations échappant au commun des mortels (dont nous sommes) ?
Comment discute-t-on avec des « hypostases » ?
Il me semble que la voie que tu traces suppose une rupture bien plus forte que la transition (le glissement) suggérée dans cette phrase, où tu t’exprimes à titre personnel.
5)
« Quant à l’attitude critique (d), elle doit nécessairement être couplée à une prise en compte du contexte historique (c), sans quoi elle tombe dans l’accusation grossière et dépourvue de
nuances. »
Supposons que l’on puisse déceler, au sein de certains versets du Tanakh (pour peu que l’on n’en aurait encore distendu le sens premier), un racisme ordinaire, primitif, du type de celui que tu
décri(e)s (*). En te suivant, la lecture de la Bible devrait alors être nécessairement couplée à une prise en compte de son contexte historique, soit à une prise en compte de ce qu’il est convenu
d’appeler la « critique biblique ». Or, tu m’avais indiqué que celle-ci te dérangeait. Est-ce à dire que tu la considères comme bien nécessaire, mais dans une sorte de « triste nécessité » ?
(*) car pas très loin de Shemot 22:21 figure Vayikra 26:44… etc.
6)
À propos du travail de Yehezkel Cohen, penses-tu que certaines sources juives traditionnelles ont été capables d’en faire autant ?
Aussi, dans la façon dont tu l’exposes :
« a) Rachbi ne portait pas les non-Juifs en grande estime et n’hésitait pas à les peindre sous une lumière très négative, mais que pour autant il n’a jamais, dans aucun enseignement, nié leur
humanité »
et
« il ne s’agissait pas d’opposer l’essence du Juif à celle du non-Juif afin de constater la supériorité juive, car une telle conclusion serait contraire aux idées de Rachbi et des autres
Tannaim »
ne sont-ils pas contradictoires ? ne pas dépeindre les non-Juifs sous un jour aussi positif que les Juifs, n’est-ce pas les penser moins « valables » que ces derniers ?
7)
À propos de la belle mise en perspective que tu nous offres, sur le caractère très « humainement répandu » de l’attitude consistant à prendre son groupe pour « humain » par excellence…
– Les « démons étrangers » ont donné lieu à un très beau retournement ! (http://cat.inist.fr/?aModele=afficheN&cpsidt=2451632)
« D’insulte, gweilo est devenu un qualificatif affectueux présentant les Européens pour ce qu’ils sont dans ce territoire : des étrangers dont le pouvoir a grandement diminué. »
– Il semblerait que « barbaros » (βάρβαρος) ne soit pas à l’origine péjoratif, exprimant simplement un état de fait : « non locuteur de grec » (ce document débute ainsi :
http://orbi.ulg.ac.be/bitstream/2268/25827/1/La%20langue%20comme%20facteur%20d.doc).
Sinon, à propos de la Grèce antique et en lien avec notre sujet, une figure mémorable de la mythologie grecque, Narcisse…
« À sa naissance, le devin Tirésias, à qui l’on demande si l’enfant atteindrait une longue vieillesse, répond : « Il l’atteindra s’il ne se connaît pas. » Il se révèle être, en grandissant, d’une
beauté exceptionnelle mais d’un caractère très fier : il repousse de nombreux prétendants et prétendantes, amoureux de lui, dont la nymphe Écho, qui lui jette une malédiction : un jour qu’il
s’abreuve à une source, il voit son reflet dans l’eau et en tombe amoureux. Il reste alors de longs jours à se contempler et à désespérer de ne jamais pouvoir rattraper sa propre image. Il finit
par dépérir puis mourir d’une passion qu’il ne peut assouvir, et est pleuré par ses sœurs les naïades. À l’endroit où l’on retire son corps, on découvre des fleurs blanches : ce sont les fleurs qui
aujourd’hui portent le nom de narcisses. »
(http://fr.wikipedia.org/wiki/Narcisse_(mythologie)#Mythe)
– À propos de homo sapiens, tu admireras déjà l’audace de ce progrès (http://fr.wikipedia.org/wiki/Homo_sapiens_sapiens). 🙂 Bon, ceci dit, il me paraît probable que les humains soient doués de
capacités d’abstraction supérieures à celles des ‘autres animaux’, et qu’à ce titre, une telle appellation peut finir par se justifier.
8)
Enfin, tu cites de manière très précise des références kabbalistiques (Zohar, AriZal).
S’agit-il de textes que tu étudies ? je pensais que tu te tenais pour le moment éloigné de ce tout ce qui était du ressort des textes ésotériques, dans la mesure où tu m’avais dit ne pas être un
très grand connaisseur des textes ‘hassidiques (qui, souvent, y donnent accès).
Merci
Salut Michael,
Tres heureux que ce billet t’aie plu.
1. Jolie culture dans le Nakh! Je ne suis pas complètement sur que le verset doive être lu ainsi; on pourrait aussi le comprendre, plus généralement, comme affirmant que les juifs exiles n’auront
plus d’espoir de quelque ordre que ce soit, sans trop entrer dans les détails.
Mais si ta lecture est correcte, alors il semble effectivement que la Torah écrite appelle les non-Juifs des hommes. Bonne nouvelle. Ce n’est pas tant un problème pour Rachbi (cf. les explications
de Y. Cohen), mais ça l’est pour une bonne partie des autres sources que je cite. J’ignore comment il est possible de résoudre cette contradiction dans cette lecture.
2. J’ai pris l’exemple qui me semblait le plus frappant, oui. Mais on pourrait sûrement trouver d’autres questions plus ou moins proches et dans lesquelles la philosophie joue sur la halakha. Par
exemple, quelle est la valeur de la vie d’un non-Juif, et peut-on transgresser Chabbat pour lui sauver la vie ?
C’est un exemple très actuel si tu as suivi les dernières déclarations du r. Ovadia Yossef.
Pour le doctorat de Mickaël, je ne sais pas, le plus simple serait de lui poser directement la question.
3. Je compte sur toi pour ne rien lui dire 🙂
Plus sérieusement, je n’ai pas publie ce billet sur Cheela mais sur le blog de Gabriel, et le fait que r. Aviner ait donne une haskama au site Cheela, des annees avant que j’entre dans l’equipe des
repondeurs, ne signifie pas que je renonce aujourd’hui a mon droit d’etre parfois en desaccord avec lui.
4. Les deux tendances existent a la base au sein de la tradition. Il faut arriver a renforcer la voie de l’ouverture et de la tolerance. Effectivement, cela implique de renoncer a certains idees du
Arizal, du Zohar et des autres, mais je ne crois pas que cela implique une rupture aussi radicale que ce que tu decris.
5. Je m’excuse, mais comme deja indique a Esther, je ne peux pas traiter ici de la critique biblique. Cette question merite un billet a part entiere. De toute maniere, sur la question specifique
traitee par ce billet (la perception des non-Juifs par les Juifs), je ne connais pas de verset impliquant que les non-Juifs ne sont pas des hommes. Je ne crois pas qu’il y en ait, ce serait plutot
l’inverse, comme tu me le montres dans ton point 1. Pour les autres problemes – une autre fois, pardon! 🙂
6. Toutes les techniques utilisees par l’etude universitaire du Talmud ont deja utilisees par des rabbins traditionnels au fil des siecles. C’est le cas, pour prendre un exemple parmi bien
d’autres, de l’etude des manuscrits pour determiner la version exacte du texte.
Certains rabbins avaient certainement une approche systematique du texte talmudique, comme par exemple r’ Meir Dan Plotsky, l’auteur du Kli ‘Hemdah. De nos jours, ce serait plutot rare. La methode
d’analyse lithuanienne (Brisker) ferait plutot l’inverse.
Tu connais bien sur la blague des deux Brisker qui etudient Baba Kamma?
7. Merci de ces remarques.
8. Je ne suis pas un specialiste de l’etude de la kabbale, mais j’essaie de lire quand meme les livres les plus importants.
Salut Emmanuel,
Ta solution d) consiste-t-elle à dénoncer les rabbins un peu trop zélés qui se pavanent sur you-tube (auquel cas je partage ton avis), ou bien à dénoncer directement les textes de ‘Hazal ( auquel
cas le terme « dénoncer » me paraît à la fois irrespectueux et hautain ; il serait plus juste d’écrire « replacer dans leur contexte », ce qui revient à la solution préconisée au final = c + d)
Par ailleurs, dans ta note 11, il serait appréciable pour les lecteurs qui préfèrent voir les textes à la source plutôt que rapportés dans des ouvrages universitaires (;-), d’avoir les références
exactes des passages du Ralbag.
à bientôt
Merci beaucoup pour ta réponse !
« 2. J’ai pris l’exemple qui me semblait le plus frappant, oui. Mais on pourrait sûrement trouver d’autres questions plus ou moins proches et dans lesquelles la philosophie joue sur la halakha. Par
exemple, quelle est la valeur de la vie d’un non-Juif, et peut-on transgresser Chabbat pour lui sauver la vie ?
C’est un exemple très actuel si tu as suivi les dernières déclarations du r. Ovadia Yossef. »
Je n’ai pas suivi ses dernières déclarations ; que disent-elles ?
« 5. Je m’excuse, mais comme deja indique a Esther, je ne peux pas traiter ici de la critique biblique. Cette question merite un billet a part entiere. De toute maniere, sur la question specifique
traitee par ce billet (la perception des non-Juifs par les Juifs), je ne connais pas de verset impliquant que les non-Juifs ne sont pas des hommes. Je ne crois pas qu’il y en ait, ce serait plutot
l’inverse, comme tu me le montres dans ton point 1. Pour les autres problemes – une autre fois, pardon! 🙂 »
Sans parler de la critique biblique en tant que telle (ce dont je ne serais pas capable (toujours pas lu le livre de Kugel !)), je voulais simplement te faire remarquer que ce que tu fais
allègrement pour le Talmud, le Zohar, le AriZal, me semble à faire pour la Bible elle-même. Mais je ne t’apprends rien, puisque tu m’avais permis de découvrir que certains rabbins l’avaient osé.
Depuis, j’ai appris qu’il s’agissait d’un « acquis » du mouvement Massorti, et à propos, un billet sur ce qui distingue la moderne orthodoxie de ce mouvement pourrait être superbement intéressant !
🙂
« Tu connais bien sur la blague des deux Brisker qui etudient Baba Kamma? »
Pas encore. 🙂
Cette spécificité me semble se répercuter à autant de niveaux qu’un patrimoine culturel peut influencer. À mon sens, à peu près tous ; pour reprendre un dualisme traditionnel, de l’usage que nous
faisons de notre esprit, à celui que nous faisons de notre corps, en passant par ce pour quoi nous le faisons.
Une gmara dans Kreitot (6b) est assez explicite quant a l’importance tres limitee du principe אתם קרויים אדם וכו’, puisqu’elle le considere d’emblee comme purement technique, et apporte meme une
explication alternative dans la conclusion !
Quant au fond de ton article, je le trouve comme d’habitude delicieusement subversif, mais un peu trop quand meme. C’est s’approcher peut-etre un peu trop des limites de l’orthodoxie (meme si c’est
sans les franchir).
En revanche, je ne comprends pas ton besoin de « denoncer » les sources racistes au sein de la tradition. Pourquoi ne pas admettre leur existence (voire leur validite dans l’absolu, sans
consideration de modernite), et tout simplement les rejeter הלכה למעשה (ce qui est evidemment un abus de langage en matiere de השקפה), au profit des avis plus « mekilim » ?
J’emploie volontairement un langage convenant plus au domaine de la halacha. La cohabitation d’avis si divergents ne me semble absurde qu’au niveau de la maniere de penser personnelle des gens. Au
niveau du « monde des idees », elles pourraient s’unir (au sens de la התאחדות ההפכים du Rav Kook). Et ce meme au risque de tomber dans un pluralisme peut-etre mal employe.
Personnellement, je n’ai pas de probleme a accepter la validite de sources racistes, tout comme je n’ai pas de probleme a lire des sources permettant d’allumer la lumiere yom tov…
L’article est intéressant, mais je ne comprend pas pourquoi historiciser le propos? La notion même de racisme est une notion moderne dont l’histoire a largement été faite et n’a rien à voir avec le
judaïsme. De plus tu n’amènes pas sur cet aspect historique de preuves mais une simple possibilité. Pour ‘son auteur’ (Rabbi Chimone puisque tu prévilégie un point de vue interne)ce propos n’était
pas historique. Il faut aussi noter que le texte affirme bien qu’il s’agit d »idolâtres’, par contre un autre texte affirme que ‘celui qui étudie ses lois est comme Israël’ (on a envie de dire et
réciproquement) ce qui se traduit par le fait que leurs tombes sont sources d’impureté. Plutôt que de mener un combat contre l’intolérance (ce qui ne convaincra que les convaincus)ne vaudrait-il
pas mieux se battre contre l’ignorance? Et pour revenir à la question de la dimension historique, précisément ceux que tu vises ne l’entendent pas.
Je repasse quelques heures plus tard, et je lis toute une flopée de commentaires supplémentaires, tous très pertinents! Merci a tous pour cette discussion passionnante.
@ Yona
1. Ma solution d) revient bel et bien a critiquer les textes directement, et pas seulement les rabbins que tu mentionnes (je pense savoir de qui tu parles, et partage d’ailleurs ton avis).
Maintenant, encore une fois, je ne parle certainement pas d’utiliser la méthode d) indépendamment, et de ne faire *que* critiquer; dans mon idée, il faut aussi systématiquement rappeler le contexte
historique de ces textes – méthode c). Les deux methodes ensemble.
Je comprends complètement ton malaise par rapport a l’idée de « dénoncer » un texte de la Guemara ou d’un Richon. Lorsqu’il s’agit d’affirmer qu’un texte est faux scientifiquement, on a des sources
sur lesquelles se baser, ainsi que j’ai encore eu l’occasion de le rappeler récemment sur Cheela. Mais affirmer qu’un texte est moralement problématique semble un exercice bien plus
contestable!
Il serait judicieux d’avoir a ce point une discussion sur le rapport entre la morale et la Torah; mais, comme pour la critique biblique, c’est un thème en soi, et je ne peux le traiter en quelques
lignes dans un commentaire. Maintenant que je te lis, je suis assez tente de le faire dans un prochain billet sur le blog.
Aussi, dans l’attente d’une réponse plus complète sur le rapport entre la morale et la Torah, je vais te donner une réponse basée exclusivement sur des considérations empiriques.
Le problème de l’intolérance juive ne se limite pas aux quelques prédicateurs que tu vois sur Youtube. Ceux-la ne sont que le symptôme du mal, ou si tu préfères sa concrétisation. L’origine du
problème, a mon sens, se trouve bien dans les textes qui nourrissent la conscience religieuse des juifs orthodoxes. Ces textes sont comme certains gênes, ils sont véhiculés par l’organisme, et
lorsque les conditions sont favorables, ils finissent par s’exprimer.
Alors, s’attaquer aux symptômes (les discours intolérants de certains), c’est certainement bien. Mais c’est parfois insuffisant, et il faut avoir le courage de s’en prendre a la racine du mal.
J’espere avoir l’occasion de developper tout cela plus pleinement dans le 3eme billet sur l’intolerance… il faut bien garder un peu de suspense! 🙂
2. Ta deuxieme remarque ressemble a celles qui m’ont ete faites apres mon premier billet sur le theme de l’intolerance. Encore une fois: je n’écris pas ici un article universitaire et ne me
considère pas lié, sur ce blog, par les standards de publication de la Revue des Etudes Juives ou autre. J’ai quand meme indiqué toutes les references aux sources juives directement citees dans le
corps de l’article. Si tu es interesse a lire le livre de Touati ou celui des Barber, envoie-moi un mail, je me ferai un plaisir de te scanner les pages correspondantes et de te les envoyer.
@ Michael
2. http://www.ynet.co.il/articles/0,7340,L-4229407,00.html
Rien de vraiment nouveau, c’est juste tout recent.
5. Effectivement.
Et la blague:
Deux Brisker decident d’etudier ensemble Baba Kamma. Le premier commence a lire la premiere Michna, et s’interrompt apres deux mots pour reflechir:
« Arbaa Avot, soit quatre patriarches… mais le peuple juif n’a que trois Avot: Abraham, Yitzhak et Yaakov! Pourquoi alors 4? »
« Mais non », retorque le deuxieme, « tu oublies Yossef ».
« Yossef n’etait pas un Patriarche, il ne fut jamais l’ancetre des 12 tribus d’Israel! »
« Mais il fut l’ancetre de deux tribus, Ephraim et Menache! »
Et ainsi de suite, argument apres argument, preuve apres preuve, jusqu’a ce qu’un tiers et dise « mais lisez donc le troisieme mot de la Michna – Arbaa Avot Nezikin -, il y a 4 types principaux de
dommages.
« Ah non », s’offusquerent nos deux Brisker, « chez nous a Brisk, quand on fait du iyoun c’est du serieux ! »
A mediter 🙂
@ Benjo la Banane,
De telles definitions du concept de peuple elu, ou de la specificite juive, existent deja. Voyez par exemple les ecrits de Emmanuel Levinas, ou alors (plus facilement) cliquez sur les liens
suivants (parmi pas mal d’autres):
http://www.cheela.org/popread.php?id=53703
http://www.cheela.org/popread.php?id=61486
L’exercice est certainement important, mais a mon sens pas suffisant.
@ שמואל
Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu le plaisir de te lire, j’espere que tout va bien pour toi!
Personnellement, je pense que les limites sont faites pour etre explorees … et parfois aussi un peu repoussees. L’orthodoxie est un concept social, elle n’existe que la ou le concessus social la
voit. Ses contours sont necessairement quelque peu flous et fluctuants, en tout cas a la marge. Et certains comportements inacceptables il y a 50 ans le sont parfaitement aujourd’hui, et
vice-versa.
Le but de mon troisieme billet sera d’expliquer pourquoi il est important, a mes yeux du moins, de denoncer les tendances racistes existant au sein du Judaisme. Effectivement, ce billet ne sera pas
tres kookiste dans son approche. Malgre mes tentatives, j’ai beaucoup de mal a saisir parfois ce que veut dire le rav Kook, notamment lorsqu’il affirme l’union des contraires. Trop de paradoxes
dans l’homme et dans sa pensee pour que je me sente a l’aise.
Je m’interroge. Y a-t-il quelque chose qui te semblerait a ce point affreux pour que tu te sentes oblige de le rejeter, meme en theorie? Par exemple, si tu te trouvais face a un texte du Coran
pronant l’egorgement de tous les enfants Juifs dans leur sommeil, tu utiliserais l’union des contraires et irait dormir tranquillement?
A force de sophistication philosophico – mystico – religieuse, ne risquons-nous pas de perdre un certain sens de la morale la plus elementaire?
@ Frank B
Puis-je vous demander de preciser quelque peu? Je ne suis pas sur de tout comprendre, notamment lorsque vous parlez d’historicisation.
Mon public cible n’est pas celui que vous croyez. Je ne cherche pas a faire changer r. Aviner d’avis, j’essaie d’eviter que d’autres se mettent a penser comme lui, en tout ou en partie.
Je trouve la remarque de 33 très juste.
(comme quoi ne pas connaître l’hébreu n’empêche pas de poser des bonnes questions. Il faudrait transposer la logique exprimée ici aux chroniques politiques de « mise en trentaine », ça monterait le
niveau 😉
Emmanuel, tu cites un Ralbag qui considère que le particularisme des bné-Israël est dû à des circonstances historiques. Je demande juste la référence, et je suis sûr que d’autres lecteurs
aimeraient aussi l’avoir.
Gut Chabbess
@ Trente-trois
Merci des compliments, venant de toi j’y suis sensible! J’ai lu ton dernier billet sur ton blog que j’ai beaucoup apprécié (j’ai laisse un commentaire d’ailleurs).
Ta suggestion ne marche malheureusement pas. Pour le comprendre, il faut separer un instant entre ce que dit Rachbi et ce que disent les commentaires ulterieurs que je cite, de R. Yehouda HaLevi
jusqu’a r. Aviner.
1. Commentaires ulterieurs: si tu lis les sources, tu constateras qu’elles ne font pas du tout la difference entre non-Juifs et idolatres.
Voici ce qu’ecrit r. Yehouda HaLevi (reference dans l’article):
קג. אָמַר הֶחָבֵר: וַהֲלא הָיָה יותֵר טוב שֶׁיִּהְיוּ הַחַיִּים כֻּלָּם מְדַבְּרִים. אִם כֵּן כְּבָר שָׁכַחְתָּ מַה שֶּׁקָּדַם בְּהֶמְשֵׁךְ זֶרַע אָדָם, וְהֵיאַךְ חָל הָעִנְיָן הָאֱלהִי בָּאִישׁ,
שֶׁהָיָה לֵב הָאַחִים וּסְגֻלַּת הָאָב, מְקַבֵּל לָאור הַהוּא, וזוּלָתו כַקְּלִפָּה אֵינֶנּוּ מְקַבֵּל אותו. עַד שֶׁבָּאוּ בְנֵי יַעֲקב כֻּלָּם סְגֻלָּה וָלֵב, נִבְדָּלִים מִבְּנֵי אָדָם
בְּעִנְיָנִים מְיֻחָדִים אֱלהִיִּים, שָׂמִים אותָם כְּאִלּוּ הֵם מִין אַחֵר מַלְאֲכוּתִי, מְבַקְשִׁים כֻּלָּם מַעֲלַת הַנְּבוּאָה וְרֻבָּם מַגִּיעִים אֵלֶיהָ. וּמִי שֶׁלּא יַגִּיעַ אֵלֶיהָ, קָרוב
לָהּ בַּמַּעֲשִׂים הַנִּרְצִים וְהַקְּדֻשָּׁה וְהַטָּהֳרָה וּפְגִיעַת הַנְּבִיאִים.
Les descendants de Yaakov sont presentes comme un « Min A’her », une autre espece par rapport au reste de l’humanite.
Idem pour le Maharal, ici dans son commentaire sur les Pirkei Avot:
« ואף שאמר ‘חביב האדם [שנברא בצלם]’, אין זה כולל כל מין האדם, כי כבר אמרו ז »ל: כי ‘אתם קרוים אדם ואין האומות קרוים אדם’, כאילו שלמות הבריאה שהוא לאדם בפרט, הוא לישראל ולא לאומות… »
Qui est l’homme cher aux yeux de Dieu (Avot 3:17) ? Israel, pas les « nations du monde ».
Et ainsi de suite pour toutes les autres sources que je cite, jusqu’au rav Aviner que j’ai traduit en francais dans le coeur de l’article.
Lorsque j’avais etudie le Michnat Hassidim, je trouvais cela particulierement frappant. L’ame de Adam haRichon, dans son explication, est un conglomerat de l’ensemble des ames juives; les ames des
non-juifs proviennent du sitra a’hra. Choquant…
Au passage, si Chmouel est encore dans le coin: vois ce qu’ecrit le rav Kook dans Orot Israel :
http://www.yeshiva.org.il/midrash/shiur.asp?id=11270
Le r. ‘Harlap s’exprime de la meme maniere dans son commentaire sur la Michna des Pirkei Avot deja discutee, cf. Mei Marom al hamakom. Comme quoi, r. Aviner a de qui tenir parmi ses maitres
directs…
Bref, impossible de faire ici la distinction suggeree.
2. Dans le Talmud (Rachbi). Comme tu l’auras remarque, j’adopte ici la these de Y. Cohen, selon laquelle Rachbi ne souhaitait PAS constater la superiorite juive mais plutot limiter le champ
d’application des lois de toumah. Dans cette optique, ce n’est donc pas le texte talmudique qui pose probleme, mais son interpretation au fil des siecles.
Mais je dois rajouter ici encore deux elements de reponse. Le premier, c’est qu’il n’est pas du tout evident que le texte talmudique ait parle au depart des « idolatres » (עובדי כוכבים). D’autres
girsaot (versions du texte) parlent de « nations du monde » (אומות העולם), plus generalement. C’est le cas du Maharal cite ci-dessus, dont la version du Talmud parlait de tous les non-Juifs,
idolatres ou pas.
Pour savoir quel est le texte authentique, il faut verifier les manuscrits du Talmud; ouvrir un Chass Vilna ne suffit pas. Je n’ai pas fait ce travail, mais a priori, je pense que la version du
Maharal est la bonne. C’est cette version qui semble la plus coherente dans la logique du texte; et aussi, on sait que la censure chretienne passait sur tous ces textes en supprimant ou changeant
les elements qui les derangeaient. Un texte qui tapait sur les « nations » se voyait ainsi souvent corrige pour ne plus viser que les « idolatres », et sortir ainsi les chretiens, qui se voient comme
des monotheistes, du champ de visee du texte.
(C’est bien pour cela, notamment, que le Vilna ne suffit pas)
Le deuxieme element de reponse, c’est qu’a l’epoque talmudique, les non-Juifs etaient tous idolatres. Au temps de Rachbi, le christianisme n’existait pas, l’islam non plus. Les non Juifs que Rachbi
croisaient etaient Romains ou Grecs. Il n’y avait pas ainsi pas vraiment de raison a operer la distinction que tu suggeres.
Par contre, le Meiri au 14eme siecle utilisas ton idee a plusieurs endroits de son Beit HaBekhirah, afin d’adopter une approche plus ouverte face au christianisme.
@ Yona
Touati mentionne un grand nombre de references aux differents ecrits du Ralbag. Le probleme, c’est que ces references me semblent parfois difficiles a retrouver. Par exemple, lorsqu’il cite le
Perouch sur la Torah, le texte qu’il utilise est celui d’une edition publiee a Venise en 1547, dont il donne les numeros de page et de colonne. Par exemple, il cite plus particulierement les pages
27c, 31b et 34d. Touati avait probablement de bonnes raisons de choisir cette edition, mais ne pas avoir de reference aux psoukim de la Torah rend la correspondance un peu difficile. Il faudrait
retrouver l’edition qu’il a utilisee, peut-etre est-elle sur Hebrewbooks?
D’autres references semblent plus faciles a retrouver: commentaire sur Michlei IV, 3. Commentaire sur Melakhim 2, 2eme lecon tout a la fin du livre.
Il mentionne aussi plusieurs fois le Sefer Milhamot Hashem, dans l’edition publiee a Leipzig en 1866, notamment pp. 173 et 463.
Tout cela est reellement bien peu pratique, et Touati n’est plus de ce monde, impossible de lui demander pourquoi il a procede ainsi. Je suis desole.
Encore une fois, si tu es interesse, je te scanne les pages de son bouquin et je te les envoie. Avec plaisir.
Emmanuel,
Je ne suis pas d’accord avec toi. La distinction de 33 est tout à fait pertinente, et le fait qu’il ne soit pas fait mention spécifiquement des ovdé kokhavim n’y change rien. Ceci pour la raison
suivante, qui me semble évidente : à l’époque de ‘Hazal, il y a une ‘hazaka que les oumot ha’olam sont des idolâtres.
Tu peux faire ce diouk des mots sur le Khouzari ou les autres Richonim -à la limite et en prenant en compte leur perception des notsrim- mais sur ‘Hazal ça ne marche pas.
Sorry, je viens de voir que j’avais lu en diagonale ton commentaire :p
Cependant sur le fond, le dernier élément que tu apportes confirme en fait ce que dit 33 : ‘Hazal ne parlaient -de facto- que des ovdéi kokhavim.
Et ça rejoint mon message précédent : Comment « dénoncer » cela, alors que c’est un contexte complètement différent ? C’est provocateur sans raisons : Lorsque Rav Hirsch a voulu mettre en avant les
bienfaits apportés par le Christianisme, et les religions monothéistes de manière générale, il n’a pas eu besoin de « dénoncer » ‘Hazal.
Tu n’es pas obligé de manquer de respect aux uns pour montrer du respect aux autres. On peut respecter à la fois nos textes saints, et les non-juifs.
Yona,
En fin de compte nous sommes d’accord, non? La distinction de 33 ne nous aide malheureusement pas pour les Richonim / Aharonim, et pour Hazal il n’y en a pas vraiment besoin parce qu’ils parlaient
de Toumah / Taharah. Cf. mon precedent commentaire pour les details.
Oui, je sais que le mot « denoncer » te derange. Encore une fois, je voudrais pouvoir faire de ce point specifique un billet separe, lequel ne manquera pas, j’imagine, de susciter des commentaires et
des reactions. Je pense que nous sommes dans une situation differente de nos jours de celle de l’Allemagne de r. Hirsch, et que la situation actuelle demande des moyens plus radicaux.
Par historiciser je voulais faire suite à la partie où vous citez ‘Rachbi, un Tanna de la quatrième génération, fut surtout actif après la Destruction du Deuxième Temple, à un moment où il était
devenu beaucoup plus difficile de se purifier rituellement,’. C’est très hypothétique, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une takana. Plus précisément, à partir du moment où le Temple était détruit,
les notions de pureté et d’impureté n’ont plus court -légalement-, même si peut-être certains ascètes les maintenaient, l’opinion de Rachbi, est avant tout légale, voire théorique. Ce que je
voulais dire aussi c’est que la question du racisme est moderne, elle est le fruit d’un contexte scientifique particulier. Si, tu veux donner une approche historique -pourquoi telle Sage a -t-il
dit ça?-, on est obligé de tenir compte de notre dimension historique à nous, en particulier le racisme n’est pas un problème qui est uniquement chez les juifs, mais un fait social massif, lié à un
état du savoir. Et c’est là qu’il faut le travailler.La dimension historique est aussi une façon de relativiser, ce qui est aussi une stratégie d’évitement. Je t’ai proposé une autre solution: que
ne rend impur que celui qui est dans l’étude, c’est ainsi que l’on assume pleinement sa dimension humaine, et je ne crois pas que d’autres personnes qui auraient réfléchi à ‘qu’est-ce qu’un homme’
l’aurait définit comme cela?
@ Frank
Merci des precisions, je saisis mieux ta pensee maintenant.
1. Oui, le paragraphe ou je réfléchis aux motivations possibles de Rachbi est clairement spéculatif, c’est d’ailleurs clairement indiqué dans le texte du billet.
Mais ce qui n’est pas speculatif, c’est le travail fait par Y. Cohen, duquel il ressort, de maniere convaincante a mon sens, que l’enseignement de Rachbi est technique / halakhique, et qu’il s’agit
de limiter le champ d’application des hilkhot toumah ve-taharah.
Apres, takkana ou pas, Rachbi avait bien un motif derriere la tete pour dire ce qu’il a dit. J’aime bien mon explication, mais ne peux la prouver, et si elle ne te convainc pas, cela me va aussi.
C’est relativement secondaire dans la logique du billet.
2. Le racisme est un fait social de l’epoque et n’affectait pas que les Juifs, je suis d’accord aussi avec toi. Cela correspond, je crois, a ce que je decris en parlant de l’approche c) – limiter
la portee des textes, en prenant en compte leur contexte historique.
Mais le racisme n’est pas que historique, il existe aussi de nos jours dans l’orthodoxie juive actuelle, et de plus en plus. Les exemples abondent malheureusement. Certains ont deja ete cites ici,
mais je pourrais continuer encore longtemps. L’antigoyisme au Moyen Age ne m’empeche pas de dormir, mais au 21eme siecle, je trouve cela plus qu’inquietant.
3. Seul la tombe de l’erudit entrainerait l’impurete ? C’est cela? L’explication me parait tres forcee. Est-ce que l’auteur de l’autre phrase est egalement Rachbi ?
Je ne peux que saluer l’intervention d’Emmanuel Bloch, qui a le courage de s’attaquer sans langue de bois à l’un des problèmes les plus épineux du judaïsme orthodoxe. Que dis-je, c’est même à mon
avis LE problème. Comme je suis d’accord avec l’essentiel de son propos, et très proche des inquiétudes et réflexions de « Michaël », je m’en tiendrai à un point précis.
On discute ici de la pertinence du terme de « racisme » appliqué à la perception des Gentils dans certains textes de la tradition juive. Je plaiderai pour une distinction entre trois niveaux de
rejet de l’autre :
– celui qui procède d’un ethnocentrisme dont Emmanuel Bloch rappelle, avec Levi-Strauss p. ex., qu’il est presque universellement répandu. Après tout, voir midi à sa porte, et estimer que ses
valeurs, sa culture, ses croyances sont supérieures, est un fait anthropologique banal, presque « naturel » en un sens. C’est faire un gros effort sur soi-même que de renoncer à cette croyance, et
l’Occident est peut-être la seule civilisation à l’avoir fait, et encore de manière récente et partielle. Cet ethnocentrisme n’est pas du racisme proprement dit, mais il peut se manifester par de
la violence ou de l’intolérance. S’agissant de la Bible, et du judaïsme en général, il me semble qu’ils peuvent être dits « ethnocentriques » au sens où le peuple juif se perçoit comme dépositaire
unique ou privilégié de la parole divine (je rejoins ici l’analyse d’E. Bloch dans son autre article sur la question de la tolérance).
– certaines formes extrêmes de xénophobie, qui enseignent un mépris ou un rejet des cultures étrangères d’une telle violence qu’elles aboutissent à leur dénier de facto leur humanité. Elle revient
à estimer par exemple que les mœurs ou la religion de tels peuples sont si dépravés que cela autorise à les considérer sans ménagement comme non-humains et à les traiter en conséquence. On n’a pas
besoin encore à ce stade d’une théorie des « races ». Appliquée à la Bible, cette théorie me semble illustrée par l’épisode de la conquête de Canaan (les « sept peuples ») avec les conséquences
exterminatrices que l’on sait. Mais cet épisode n’est pas représentatif de toute la pensée juive à l’époque biblique, il est plutôt donné comme une exception historique. Il n’y a pas encore ici de
théorie des « races », même si certains anathèmes concernant les descendants de certains peuples en sont proches. Aujourd’hui, nous appliquons volontiers le terme de racisme à des anathèmes
collectifs, quand bien même ils ne relèveraient pas d’une « théorie des races », et cette extension de sens me semble le plus souvent défendable. Pour ne donner qu’un exemple, l’immense majorité
des antisémites aujourd’hui ne se réclament pas de la « race » au sens biologique du terme – et certains sont même tout prêts à reconnaître l’existence de quelques exceptions (les « bons juifs »),
ou à les accueillir pourvu qu’ils se convertissent politiquement ou religieusement ; ils n’en sont pas moins « antisémites » au sens où leur exécration est si globale, si généralisante, qu’elle
donne licence, implicitement ou explicitement, à toutes les violences réelles ou symboliques.
– enfin la décision d’exclure de jure tel groupe de l’humanité (ou de le rejeter au degré le plus bas de l’humanité), en fonction de critères non plus culturels mais ontologiques. C’est ce qui
s’appellerait le racisme au sens le plus étroit. On peut exclure le groupe au nom de la « race » au sens que les théoriciens du racisme ont donné à ce terme au 19e s. et qui a connu le
développement que l’on sait dans la tragédie nazie, mais il est bien évident qu’il y a d’autres modes d’exclusion ontologique de l’autre. Si l’on considère, avec Yehoudah Halévi, la quasi-totalité
des kabbalistes, le Maharal de Prague et bien d’autres maîtres du judaïsme, que les Juifs sont d’une essence supérieure, qu’ils sont seuls porteurs d’une âme divine, qu’il y a plus de différences
entre un juif et un goy qu’entre un goy et un animal, etc., on est raciste, profondément, et Emmanuel Bloch a raison de mettre les pieds dans le plat. Cela joue sur le plan des représentations
culturelles (et c’est déjà désastreux) mais cela peut très bien un jour avoir des conséquences pratiques ou politiques particulièrement odieuses (comme les considérations obscènes de certains
rabbins sur le fait que l’on ne doive pas de compassion à des non-juifs ou ces débats hallucinants sur le prix d’une vie non-juive, du meurtre d’un non-juif, sur le sauvetage d’une vie non-juive
lors du chabbat, etc.).
Je suis évidemment d’accord sur la nécessité de contextualiser, d’historiciser ces croyances. Il me semble par exemple intéressant de constater, comme il a été fait dans l’article d’E. Bloch, que,
si les textes bibliques manifestent parfois des formes exaspérées d’ethnocentrisme ou d’intolérance, cette tendance est partiellement contrebalancée par d’autres textes et par la force fondatrice
du mythe d’Adam et Eve qui postule une humanité unique. Et d’observer que les textes les plus choquants, au regard de valeurs universalistes, sont ultérieurs à la période de rédaction biblique :
quelques sources talmudiques, et surtout la tradition mystique. Autrement dit, il y a eu sur ce point (pour des raisons philosophiques et historiques qu’il faudrait analyser) et chez certains
maîtres une sorte de régression éthique de la pensée juive, comme si la conscience de l’unité humaine, qui anime si fort certains rédacteurs et prophètes bibliques, avait cédé le pas à un ghetto
spirituel dans le cadre duquel il s’agirait de radicaliser aussi loin qu’il est possible la différence entre le juif et les autres, contre l’inspiration première de la Bible, de
l’essentialiser.
Il n’en faut pas moins constater que cette contextualisation ne règle pas le problème du judaïsme orthodoxe, puisque, pour une grande partie des Juifs de stricte observance, les thèses racistes
véhiculées dans certains textes sont auréolées d’une autorité qui les rend soutenables, voire valides, et au moins respectables. C’est l’honneur d’E. Bloch et de ceux qui se réclament de
l’orthodoxie que de vouloir procéder à ce droit d’inventaire sur un héritage traditionnel que beaucoup révèrent « en bloc » (sans jeu de mots). J’espère que ce courant deviendra majoritaire au sein
de l’orthodoxie : c’est mon vœu pieux d’agnostique qui pense que l’honneur moral du judaïsme implique un tel travail critique, mais je ne suis pas sûr, pour être tout à fait honnête, que le monde
de l’orthodoxie prédispose à ce type de démarche et s’en laisse durablement imprégner.
Or, ce dont il est question ici (et là encore je rejoins certaines réflexions du forum), est bien de savoir à quelle communauté on s’identifie : quel sens cela a-t-il de se réclamer de la même foi
que des gens qui pensent non pas simplement qu’ils ont une mission dans le monde (ce qui est fort respectable) mais qu’ils sont d’une essence supérieure ? Pardon pour la comparaison qui choque mais
j’ai toujours en mémoire ce passage bouleversant de Si c’est un homme où Primo Lévi raconte son entretien « d’embauche » à l’usine de chimie d’Auschwitz auprès d’un officiel nazi : « Car son regard
ne fut pas celui d’un homme à un autre homme ; et si je pouvais expliquer à fond la nature de ce regard, échangé comme à travers la vitre d’un aquarium entre deux êtres appartenant à deux mondes
différents, j’aurais expliqué du même coup l’essence de la grande folie du Troisième Reich » (p.113). Croire que l’autre homme n’appartient pas à la même humanité que vous, qu’il est d’une autre
espèce, c’est avoir soi-même basculé dans l’inhumanité.
PS. A propos du titre : il y a tellement de gens stupides sur le net que le titre risque fort, comme le faisait remarquer une intervenante, de faire l’objet d’exploitations malveillantes. Peut-être
même le simple fait qu’il puisse apparaître comme tel dans les pages de résultats des moteurs de recherche risque de donner lieu à des raccourcis de la part de ceux qui ne prendront même pas la
peine de lire l’étude.
Les recentes declarations du rav Steinman, un des Gedolei Hador lithuaniens en Israel: les non Juifs sont des voleurs, des meurtriers, des idiots…
http://www.ynet.co.il/articles/0,7340,L-4231696,00.html
Bonjour,
A la lecture de ce billet quelques questions me sont venues à l’esprit:
La thora n’est elle pas immuable? peut-on se permettre de remettre en question des principes énoncés par nos sages simplement parce qu’ils ne correspondent pas à la vision aujourd’hui admise comme
correcte?
Peut être arrivera t il un jour, ou il nous semblera complètement inacceptable d’interdire le mariage d’un cohen avec une femme divorcée, pour autant modifierons nous les lois?
Si nous nous permettons aujourd’hui de faire un tri, que restera t il de la thora demain?
De plus, quelle légitimité avons nous pour remettre en question ce que nos sages ont écrit? Sommes nous plus sages? plus proches de D qu’eux? les années et les siècles qui s’écoulent nous éloignent
du mont Sinaï et du don de la thora.. ainsi, nous pouvons supposer que nos sages d’une autre époque étaient bien plus proches du message originel de D…
Ensuite, pourquoi est ce tellement dérangeant d’affirmer que le peuple juif a bien une spécificité? D a sorti le peuple juif d’Egypte, lui a donné la thora au mont sinai, nous avons 613 Mitsvoths à
respecter et les goyims seulement 7, nous avons été persécuté de tous temps et par miracle nous sommes encore là, pourquoi nier aujourd’hui que nous sommes différents?
Enfin, nier cette différence n’est ce pas finalement un pas supplémentaire vers l’assimilation? en effet, si le peuple juif refuse sa différence, qu’est ce qui le distinguera des autres nations du
monde?
Avec tout mon respect,
@Emmanuel
Je trouves ton article et les commentaires qui l’ont accompagné très pertinents et visant au plus juste, comme d’habitude.
Juste une petite parenthèse au débat: tu cites plusieurs fois « Touati » dans tes commentaires sans préciser qu’il était Grand-Rabbin (et mon grand-père au demeurant). Je me suis dit que si le rav
Aviner avait le droit a sa particule, le Gr.Rabbin Touati z »l aussi j’imagine… 🙂
Amicalement,
Michael
@ A tous
Le titre du billet a ete change pour tenir des comptes des remarques de Janick Dahan et de Zelie, que je remercie.
@ Batcheva
Questions fort legitimes ! Mais, en tout cas pour les premieres, il paraitrait qu’un nouveau billet de notre grand webmaster serait sur le point d’etre publie. Il traiterait precisement de notre
droit de reinterpreter la Torah en fonction des connaissances et valeurs modernes, de la possibilite d’accepter des verites provenant de l’exterieur, etc. Si, apres lecture, vous avez encore des
questions, Gabriel ou moi-meme (ou d’autres sur ce site) serons heureux de vous repondre.
Pour le dernier point, le peuple Juif peut etre different sans etre superieur. Different, mais egal. Voyez notamment les liens cites dans mon commentaire 17 ci-dessus.
@ Michael T
Merci de ce commentaire elogieux. Je suis sincerement desole pour le titre de ton grand-pere, le Grand-Rabbin Charles Touati. Ce n’etait absolument pas par manque de respect. Bien au contraire,
j’adore lire ses livres!
Il se trouve simplement, je crois, que dans le milieu academique on laisse souvent les titres de cote (« Y. Cohen » au lieu de « Dr. Y. Cohen »), alors que les usages du milieu religieux veulent qu’on
rajoute le titre de « rav » avant le nom. Je ferai plus attention a harmoniser tout cela la prochaine fois.
Il y a quelques annees, un specialiste du Kouzari m’a vante en termes tres elogieux les rares qualites de la traduction francaise effectuee par ton grand-pere…
J’interviens pour la premiere fois pour commenter ce remarquable blog. Je ne suis pas juif, mais je tiens en tres grande estime le judaïsme orthodoxe (plus que n’importe quelle autre religion)
depuis que j’ai lu par un curieux hasard un commentaire de Pirke Avot par Y.Leibowitz de mémoire bénie. En allant plus loin, j’ai decouvert une certaine mystique juive issue du Zohar qui, entre
autre « problemes » a mes yeux, a une vision ontologiquement negative (pour ne pas employer un autre terme) du non juif. Je vous remercie d’avoir abordé avec impartialité ce point et d’avoir mis en
avant la vision d’un judaisme plus rationaliste.
Maimonides disait que ce n’est pas la Genese qui nous apprenait que l’univers n’est pas eternel mais la raison, et que s’il etait etabli que l’univers par la science que l’univers est eternel, il
nous faudrait reinterpreter les textes, comme on interpretait les attributs divins antropomorphiques de maniere allegorique comme nous le dicte la raison.
Je dirais que si la raison pure, l’experience et la science nous apprennent qu’un non juif n’est absolument pas moins humain qu’un juif, alors une interpretation contraire des textes ne peut etre
qu’erronée suivant la meme raisonnement rambamiste.
@ Ben Noah,
Merci de ce remarquable commentaire. Je ne peux qu’etre d’accord, bien evidemment, avec vos remarques. N’hesitez pas a nous faire part de vos reflexions a l’avenir, et ainsi a enrichir les
discussions sur ce blog!
J’avoue ne pas bien comprendre l’intention de cette reflexion.
Il devrait aller en effet de soi, comme le note ben noah, que la « raison », que le travail de la vérité devrait primer sur toute autre considération.
La question est donc: est-ce qu’il est vrai qu’il y ait des différences « ontologiques » entre goys et juifs, et la réponse est non, sans qu’il y ait à s’appuyer ou pas sur les textes de la
tradition. Si la tradition juive était essentiellement raciste, alors il faudrait, tout simplement, la rejeter sans hésiter.
Tel n’est pas le cas – par contre qu’il y ait du racisme et des racistes chez les juifs – c’est une évidence ! par quel miracle en seraient-ils exempts ?
D’ailleurs cela prouve une fois de plus ( et c’est une bonne chose que le témoignage en soit gardé – parce que cela peut nous aider à ne pas « idolatrer » nos Sages – pas plus que les Patriarches ou
Moshé rabenou )qu’il arrive bien souvent que de grands hommes soient grands aussi, à l’occasion, dans la connerie ou dans l’erreur.
Je rappelle que l’immense Rambam, par exemple, est aussi le penseur qui parle de « l’abject sens du toucher ». Dire qu’il rate là quelque chose n’invalide en rien la profondeur de son oeuvre – pas
plus que le fait que nous savons aujourd’hui que ce qui fait bouger les planètes n’a rien à voir avec une « âme » – la relation entre la physique et la métaphysique ayant quelque peu évolué depuis
les paradigmes aristotéliciens.
Nous avons passé un siècle où il me semble que la portée pratique de ce qui pouvait apparaitre à d’autres époques comme de simples « opinions » ( racistes ) éclairent celles-ci d’une lumière
particulièrement « convaincantes ».
Quant au fait que les tendances « mystiques » soient plus facilement racistes ( ou bien généralement « réactionnaires » ) que les textes de tendance rationaliste, c’est évidement choquant pour ceux qui
aiment cette littérature ou qui adhèrent à propositions , mais c’est en fait quasiment constant dans toutes les religions que les mystiques ne sont à priori des gens très « ouverts » ou enclins au
progressisme social. En fait, le tempérement « mystique » à d’autres chats à fouetter.
Le billet d’Emmanuel Bloch, que j’ai lu il y a quelques jours, est remarquable de clarté, d’intelligence, d’honnêteté et de courage. Il fait honneur au judaïsme orthodoxe dont il se réclame et, en
particulier, à l’exigence de vérité exprimée, par exemple, par Maimonide.
Je découvre ce soir la cascade de commentaires que ce texte a suscités, et qui prouvent, d’abord, sa pertinence.
Je constate que la très grande majorité de ces commentaires témoignent d’une conscience réelle des difficultés soulevées par l’auteur, d’un effort de réflexion incontestable et sans doute d’un
certain soulagement à voir les problèmes formulés.
Quelques uns des commentaires me frappent par la peur qu’ils expriment, peur de manquer de respect aux Sages, peur aussi de toucher à l’édifice de la Tradition et de risquer de provoquer ainsi son
effondrement.
La question du « racisme » ou de « l’intolérance » que l’on peut détecter dans certaines sources, comme la question du statut des femmes, a pour enjeu la légitimité de l’examen rationnel des textes et
de la possibilité de remettre en question certaines affirmations ou postulats des Sages. La discipline dans le champ de la halakha est une chose, l’adhésion aveugle préconisée par certains aux
opinions ou
aux assertions des rabbins du Talmud ou à celles des Sages ultérieurs en est une autre. C’est de la mauvaise foi ou de l’ignorance que de prétendre que les représentations et les conceptions de ces
derniers ne sont pas historiquement datées et donc questionnables.
Par exemple, dans un autre domaine, l’assertion talmudique bien connue » tav lemetav tan dou milemetav armelou », selon laquelle, pour schématiser, une femme préférerait être mariée même à un homme
peu recommandable plutôt que de vivre seule, est-elle recevable de nos jours ? Pire encore, faut-il la considérer comme un principe immuable qui gouvernerait à tout jamais les décisions halakhiques
touchant aux divorces ?
Autre exemple: je me souviens que Nahmanide, dans Iggeret haqodech, critique vertement Maimonide qui, à l’instar de son maître, Aristote, témoigne d’une conception négative de la sexualité.
Je plaide, quant à moi, pour le droit à l’intelligence et au questionnement, si présents dans nos textes et devenus parfois, de nos jours, source d’effroi pour certains.
Merci à ce blog d’exister, à Gabriel de l’avoir créé et de l’animer, et aux auteurs des textes de le faire vivre avec rigueur et exigence.
@ J46
Merci d’avoir pris le temps de poster ce commentaire elogieux. Vous ne serez probablement pas surpris de lire que je m’identifie completement aux valeurs defendues dans votre « plaidoyer »!
Bonsoir
je pourrais mettre ce lien en note pratiquement sous n’importe quel article du blog, je ne résiste pas !
Ca concerne les problèmes de discrimination et de racisme dans la halacha, les srtatégies que cela suscitent chez les rabbins, etc. C’est à propos de la notion de guer, et c’est franchement fort…
Les trois volets de la conférence sont passionants tous, mais celui ci me parait le plus dense et le plus courageux ( ils n’éludent vraiment rien ! )
http://www.akadem.org/sommaire/colloques/l-etranger-biblique-dans-la-tradition-juive/droit-hebraique-et-droits-de-l-homme-16-03-2012-30840_4401.php
J46:
« Quelques uns des commentaires me frappent par la peur qu’ils expriment, peur de manquer de respect aux Sages, peur aussi de toucher à l’édifice de la Tradition et de risquer de provoquer ainsi
son effondrement », mon commentaire n° 31 en fait surement partie.
J’aimerai être d’accord avec cette vision des choses, étant fille de guer, je suis doublement concernée par la vision apparemment négative des sages sur ces deux statuts.
Toutefois, vous dites que : « La question du « racisme ou de « l’intolérance » que l’on peut détecter dans certaines sources, comme la question du statut des femmes, a pour enjeu la légitimité de
l’examen rationnel des textes et de la possibilité de remettre en question certaines affirmations ou postulats des Sages ».
Je pense que l’enjeu à long terme est la possibilité de modifier la halacha et c’est là que mon problème se pose:
Les textes intolérants sont problématiques lorsque des halachots en découlent: telles que de ne pouvoir faire des mélachots pour pouvoir sauver un non juif pendant chabat ou la possibilité pour un
homme de garder sa femme prisonnière en ne lui accordant pas le guet (entre autres..)
Et c’est là qu’une question va se poser: est ce que les belles théories sur la possibilité d’interpréter la thora en fonction des valeurs modernes sont assez justifiées pour pouvoir modifier
concrètement la halacha? Est-ce que sur le fondement de sa théorie Rav Emmanuel Bloch estime avoir le droit de modifier la loi?
Salut Emmanuel,
Je reviens un peu sur l’option du « contexte » juste pour rappeler que c’est celle qu’a choisi le Rav Moshé Ravkash. Il précise au cas par cas dans tous les dinim « discriminatoires » que ceux-ci n’ont
plus cours pour les non-juifs de notre époque, mais uniquement pour les idolâtres du Talmud.
J’ai pas mal de références de ses déclarations de ce type sur plusieurs halakhot, elles sont dans mes papiers si tu veux je peux les rechercher et t’en renvoyer. J’en ai une sous la main d’un sujet
que j’étudie en ce moment : Beer HaGola ‘Hochen Michpat 348 à propos de « al tonou ».
Le Rav Ravkash a compris que plutôt que de se casser la tête pour rendre tout le Talmud « politiquement correct », de petites annotations suffisent 😉
@Batcheva,
Je viens de voir la question que vous m’adressez dans le dernier paragraphe de votre commentaire. Pour vous repondre: la halakha possede des outils lui permettant d’evoluer, du moins dans une
certaine mesure. Par exemple, comme le releve Yona dans le commentaire suivant, il est possible de preciser / changer le champ d’application d’une loi. D’autres possibilites existent, et si le
sujet vous interesse je serai enchante de vous donner quelques references de lecture. Le theme est tres vaste.
Dans ce billet, je cherchais plutot a me concentrer sur ce qui est en amont de la halakha – la vision du monde, les valeurs, etc., du monde religieux et des poskim; bref, ce qui influence la
halakha au moment ou elle est tranchee. Ce n’est pas tout d’avoir des outils interpretatifs, il faut encore avoir la volonte de les utiliser.
Vous pouvez aussi regarder le colloque sur Akadem, en particulier les interventions de Michael BenAdmon et Michael Wygoda, pour de tres pertinentes reflexions sur la situation halakhique et les
possibilites de la changer.
@ Yona
Nous rangerons donc l’auteur de Beer HaGola parmi ceux qui suivent la voie (c), il y sera en bonne compagnie ! 🙂
Je sais bien que c’est une possibilite ! Je dis simplement qu’a mon avis, qui vaut ce qu’il vaut, c’est insuffisant de nos jours.
Rhoooo! 🙂
Bon, j’essaie avec un machal. Voyons comment cela passe ainsi:
Il y a tres tres longtemps, dans un pays merveilleux mais legerement antisemite sur les bords, une loi ancestrale interdisait aux « chiens et aux juifs » d’etre heberge dans les hotels.
Quelques generations plus tard, un vent de tolerance soufflait sur le pays merveilleux. C’etait une epoque d’ouverture sur autrui, de nouvelles idees, d’amour reciproque et d’esperance.
Le College des Venerables, l’instance judiciaire supreme du Pays Merveilleux, decida de se pencher sur le statut des Juifs. La loi interdisant l’entree des hotels aux Juifs posait probleme,
evidemment. Mais les Venerables avaient enormement de respect pour les Sages qui avaient edictees les lois ancestrales, et ne souhaitaient pas les abroger. Que faire? Caressant leurs longues barbes
blanches en signe d’intense concentration, les Venerables trouverent une solution originale : une loi interdisant l’entree aux « chiens » etait de toute evidence motivee par des raisons d’hygiene;
apparemment, on pouvait en deduire que les Juifs de l’epoque ancestrale n’etait pas forcement tres propres, ce qui avait entraine leur exclusion de tous les hotels du Pays Merveilleux. Mais le mode
de vie des Juifs avait change, et desormais ils avaient adopte un mode vie sain et hygienique, correspondant aux moeurs sophistiquees des habitants du Pays Merveilleux. En consequence de quoi,
l’exclusion des Juifs n’avait plus de raison d’etre. On pouvait les admettre dans les hotels et se montrer tolerant a leur egard, tout en maintenant (formellement) la validite de la loi
ancestrale.
Soupirant de contentement, les Venerables se servirent un grand verre de schnaps.
Puis, quelques generations plus tard, les choses changerent a nouveau. Pour une raison completement imprevisible, les Juifs n’etaient desormais plus en odeur de saintete. De plus en plus de
Venerables pronaient le retour au sens simple de la loi ancestrale du Pays Merveilleux, et voulaient a nouveau interdire l’acces des hotels aux Juifs (propres ou pas). Les autres Venerables, un
groupe sur le declin mais disposant toujours d’une certaine influence, et encore marques d’un relatif esprit de tolerance, s’interrogeaient sur la bonne strategie a suivre. Fallait-il marteler,
encore et toujours, que la loi ancestrale ne visait que les Juifs au mode de vie peu hygienique, soit une realite sociale ayant depuis longtemps disparu? Ou bien la strategie devait-elle s’adapter
aux circonstances de l’epoque ?
* * * * *
J’imagine que le rapport du machal au nimchal est clair.
A mon sens, les Venerables de l’epoque intermediaire ont pris un risque en choisissant de ne pas abroger la loi ancestrale: celui que cette loi soit un jour re-instituee dans son sens simple. Ce
risque s’est concretise quelques generations plus tard. A ce moment-la, la situation demanda qu’une autre strategie soit implementee si l’on voulait eviter un retour a l’intolerance.
Alors, est-ce que l’approche du Meiri, du Beer HaGola et des autres est « faisable » ? Oui, bien sur, cela a ete fait pendant des siecles. Mais aujourd’hui le vent souffle dans la direction opposee.
Nous ne sommes plus une minorite de juifs vivant parmi une majorite de chretiens, obliges d’interagir avec eux et cherchant a normaliser notre situation a leurs yeux. En Israel, la societe est
majoritairement juive. Le Goy est pour certains une realite abstraite, inconnue; il est souvent l’ennemi, surtout lorsqu’il habite dans un pays voisin.
Dans ce climat, les textes racistes sont revisites par certains rabbins, pas tous bien sur mais de plus en plus, qui ne sont PAS interesses par l’approche « limitante ». J’argumente ici que la
strategie consistant a marteler, encore et toujours, que les textes racistes ne s’appliquent plus de nos jours, est vouée a l’echec. Il faut trouver autre chose.
Un texte raciste « neutralisé » selon l’approche (c) du Meiri ne disparait pas de la Tradition. Lorsque les conditions sont reunies, il peut a nouveau s’exprimer. Je crains que nous soyons temoins
d’un tel phenomene de nos jours.
Salut Emmanuel,
J’entends ce que tu dis. Cependant, la meilleure option consiste à imposer les textes du c) aux tenants d’une approche « raciste ». Vis-à-vis des froum une approche réformant les textes
problématiques ne sera pas accepté. Et vis-à-vis des juifs pluralistes ou des non-juifs on considérera que tu ne représenteras que toi ou quelques autres, mais pas le judaïsme du 21ème siècle.
Si tu veux fermer le clapet des prédicateurs , ramène-leur plutôt des sources devant lesquelles ils seront obligés de se taire mishoum « daat Torah ».
Cadeau :
תורה תמימה הערות ויקרא פרק כה הערה פג
פג) דבר פשוט הוא דאיירי בעובדי אלילים בימים הקדמונים שלא היו מאמינים ביחוד השם ומרוב פראותם נדמו לפריצי חיות והיו מזיקים לחברת האדם וקניניו ולישוב העולם וסדרו, וכמש »כ הרמב »ם בפיהמ »ש ב »ק פ »ד בהא
דשור של ישראל שנגח לשור של עובד כוכבים פטור וז »ל, ואל יקשה בעיניך דבר זה [דפטור] כמו שלא יקשה בעיניך שחיטת הבהמות ואף על פי שלא חטאו, יען כי מי שאין בו שלמות המדות האנושיות אינו בכלל האדם על על
האמת, ותכלית מציאותו לצורך האדם, עכ »ל. וכל הדברים האלה מורים על כלליות הענין שסובב והולך על העמים הפראים בימים הקדמונים שלא היו מן הישוב כלל, ואשר במדינותינו בזה »ז אינם נמצאים כלל, והרחבנו הדבור
בזה בפ’ משכטים בפסוק וכי יגח שור איש את שור רעהו, יעו »ש. וראויים הדברים להצטרף לכאן. ולפי »ז יהיה גם כונת הדרשה כאן לעמיתך אתה מחזיר וכו’, ר »ל לעמיתך שיש לו כמוך דינים ומשפטים ישרים בין אים לחבירו,
יצאו עובדי כוכבים כאלה שאין להם דינים ומשפטים ישרים, והם אלה העובדי אלילים הפראים שזכרנו, והענין מבואר. ובנוגע לאזהרה מרובה ותוכחה נמרצה מרבותינו באיסור אונאה והטעה לכל איש מכל אומה ולשון, עיין
בפיהמ »ש להרמב »ם פי »ז מ »ב דכלים איך קרא תגר על אלה האנשים החוטאים המרמים ומאנים לכל אדם ודבריו חוצבים להבות אש לכבוד ה’ והתורה וישראל, וסיים וז »ל, ואלו הרעות כולן השי »ת מתעב אותן ומתעב עושיהן, הרי
הוא אומר כי תועבת ה’ כל עושה עול, עכ »ל. וכמה מרבותינו האחרונים הוכיחו בקול עז ונמרץ על עול מגונה זה, ולי מה יקרים וחביבים דברי גדול אחד מן האחרונים בענין זה, והוא בס’ באר הגולה לחו »מ ריש סי’ שמ »ח
וז »ל, ואני כותב זאת לדורות שראיתי מי שגדלו והעשירו מן טעות שהטעו את הגוים ולא הצליחו וירדו נכסיהם לטמיון ולא הניחו אחריהם ברכה, ורבים אשר קדשו ה’ והחזירו טעות הגוים בדבר חשוב גדלו והעשירו והצליחו
והניחו יתרם לעולליהם, עכ »ל, ועל דברים נאמנים אלה נאמר שפתים ישק משיב דברים נכוחים. וביותר נכבדים דברים אלה להיודע קורות חיי הנאון בעל באה »ג וזמן כתיבת דבריו אלה, כי הוא וביתו ועירו ומדינתו היו מטרה
לקנאת הריקים סמוך לשנת ת »ח ובדרך פלא נצולו בחייהם וכפי שמעיד הוא עצמו « יצאו כולם בגולה מאין מאומה בידיהם זולת ספר עברונות [לוח השנה] לדעת סדרי הזמנים ויצאו באשר הלכו ותבקע הארץ לקול הגולים »
[מהקדמתו הראשונה לס’ באה »ג לאו »ח] ובא עד העיר אמשטרדם ושם כתב והדפיס ספרו זה ואמרי נועם אלה, ועם כל אלה הנה כה נאמנה רוחו וישרת לבו לכל הנברא בצלם: