Ô Jérusalem
André Neher disait :
« Il faut être poète, il faut travailler, il faut travailler à ce que Jérusalem soit la capitale, la capitale pure, la capitale rayonnante, la capitale solaire, idéale, du judaïsme idéal. Il faut y travailler, mais nous n’y arriverons jamais… Ce n’est pas une raison de se soustraire au travail, au contraire. »1
En quelques mots simples, il avait résumé tout ce qu’est Jérusalem pour l’âme juive. Un idéal, une capitale tout autant matérielle que spirituelle, une utopie inatteignable qui porte en elle toutes les aspirations de millénaires de judaïsme.
Jérusalem est bloquée dans un non-lieu entre la terre et les cieux, il y a la « Jérusalem d’en haut » et la « Jérusalem d’en bas » mais les deux sont inatteignables. L’une représente l’idéal spirituel auquel aspire le judaïsme, et peut être même l’humanité toute entière. L’autre représente l’idéal matériel, l’idéal humain d’une société lumineuse et rayonnante. C’est pour cela que même à Jérusalem, le juif aspire à Jérusalem.
Le retour à Jérusalem est décrit par le prophète comme un rêve éveillé : « Lorsque nous retournerons à Sion, nous serons comme des rêveurs »2.
À bien des aspects, un rêve peur sembler déconnecté du réel et donc voué à rester un rêve, une folie passagère. Théodore Herzl, grand utopiste et fondateur du mouvement sioniste, estimait au contraire que le rêve est la principale cause de l’action humaine. Dans son Altneuland, Herzl fait le rêve fou d’un état juif et s’en justifie immédiatement :
« Contrairement à ce que pensent la plupart des hommes, le rêve n’est pas si éloigné de l’acte. Tout acte humain débute par un rêve et se termine par un rêve, et c’est par son âme que l’homme porte son rêve. »
Le rêve serait donc le moteur de l’action, c’est d’ailleurs animé par le rêve de Sion que s’est construit le sionisme puis l’état juif.
Plus d’un siècle après Herzl et près d’un demi-siècle après la libération de Jérusalem, nous voici à mi-chemin entre rêve et réalité. D’un coté, nous constatons l’accomplissement de prophéties millénaires, des paroles bouleversantes du prophète Zacharie, devenues réalité :
« Vieux et vieilles s’assiéront encore sur les places de Jérusalem, chacun le bâton à la main, si grand sera leur âge. Les places de la ville seront pleines d’enfants, garçons et filles, qui s’y amuseront. Ainsi parle le tout-puissant : Si le reste du peuple trouve cela impossible — pour ce jour-là — devrai-je moi aussi l’estimer impossible ? […]. Oui, je vais délivrer mon peuple du pays du soleil levant et du soleil couchant. Je les ramènerai, et ils habiteront au milieu de Jérusalem. Ils seront mon peuple, et je serai leur Dieu, dans la fidélité et la justice. »3
D’un autre, nous rêvons encore d’un avenir encore meilleur et plus juste. Celui décrit par Isaïe :
Je rendrai tes juges comme ceux d’autrefois, et tes conseillers comme ceux de l’ancien temps. Alors on pourra te nommer “Ville de la justice” et “Cité fidèle” . » La délivrance viendra pour Sion quand elle respectera le droit, et pour ses habitants repentis quand ils pratiqueront la loyauté.4
La Jérusalem d’en bas a encore du chemin, et celle d’en haut aussi. Car comme nous l’enseigne le Talmud, Dieu ne « rentre pas dans la Jérusalem d’en Haut avant de rentrer dans la Jérusalem d’en bas »5. Mais à l’instar de Herzl, nous croyons que du rêve naitra l’action et de l’action naitra la réunification véritable : celle de la Jérusalem céleste et de la Jérusalem terrestre.