Interview des médiateurs auprès du Consistoire Central

Avec cet article, le blog Modern Orthodox inaugure une nouvelle rubrique. Nous espérons pouvoir proposer régulièrement à nos lecteurs des interviews de personnalités qui contribuent, par leurs idées ou leurs actions, à la propagation d’un Judaïsme qui soit tout à la fois profondément respectueux de ses Traditions et sincèrement engagé dans un dialogue avec la Modernité.

Pour ce premier post, Mme Dolly Touitou et M. Charles Sulman, qui ont récemment pris leurs fonctions comme médiateurs auprès du Consistoire Central, ont accepté de se prêter au jeu, et nous les en remercions très sincèrement.

Contexte général de cette interview : cela fait quelques années que s’exprime, auprès des institutions rabbiniques israéliennes et américaines, l’ambition implicite de rendre le système plus transparent et convivial (publication des décisions – piskei din, publication de brochures expliquant le fonctionnement d’un tribunal rabbinique, …), ainsi que d’accorder aux utilisateurs de plus grandes garanties formelles (droit de représentation, …).

La nomination de deux médiateurs, un homme et une femme, est une première avancée en ce sens pour le Judaïsme français.

Nous souhaitons beaucoup de succès à Mme Touitou et à M. Sulman dans leur action au service de la communauté juive francophone.

* * * * *

  1. Afin de vous présenter à nos lecteurs, pouvez-vous retracer rapidement votre parcours personnel et professionnel ?

Dolly Touitou:

Apres avoir été gérante de société, je suis maintenant retraitée depuis fort longtemps. J’ai été également, pendant 13 ans, élue municipale à Vanves (92), ou j’ai été chargée du logement et de la vie associative, ce qui m’a permis notamment de jumeler Vanves a Rosh Ha-‘Ayin en Israël.

J’ai été vice-présidente de la Communauté de Vanves pendant 32 ans et j’en suis la présidente depuis 4 ans. J’ai milité auprès d’Aviva Kouchinsky (zal) pour la libération des Refuzniks, ce qui a permis à la ville de Vanves de participer à la libération de 2 familles : Zelikonok et Fulmak.

Je suis Chevalier de l’ordre National du Mérite, Citoyen d’Honneur de la ville de Vanves, membre du Consistoire Central, et membre du conseil d’administration de la « Solidarité des Réfugiés Israelites ». J’ai effectué quelques volontariats en Israël.

Charles Sulman :

Je suis depuis un an à la retraite. J’étais cancérologue et spécialiste de médecine nucléaire, élu municipal pendant 19 ans à Lille en charge des questions de maltraitance à enfants puis de la petite enfance et enfin de la santé publique

Je suis ancien aumônier juif des prisons (1er aumônier non Rabbin), Président d‘Honneur de la communauté Juive de Lille, Président régional de la communauté juive (consistoire et CRIF) du Nord, Pas de Calais, Somme Aisne, Vice-président du Consistoire Central

Je suis également membre du bureau de l’OSE (œuvre de secours aux enfants)

  1. Comment avez-vous été choisi(e) pour servir de médiateur / médiatrice auprès du Consistoire Central ?

Dolly Touitou:

A l’initiative du Grand Rabbin de France, en concertation avec le Président du Consistoire, Joël Mergui. Peut-être en tant que femme, Présidente de Communauté dans la région parisienne !

Charles Sulman :

Par décision conjointe du Grand Rabbin de France, Haïm Korsia, et du Président du Consistoire, Joël Mergui.

  1. Quelles sont les personnes qui peuvent se tourner vers vous, et que doivent-elles concrètement faire pour cela ?

Dolly Touitou:

Toutes les personnes qui souhaitent être rassurées par rapport à leurs demandes en cours ou passées auprès du Consistoire.

Charles Sulman :

Toutes les personnes actuellement ou ayant été en contact avec le Consistoire et ses services, qui se posent des questions, demandent des explications quant à une décision rendue qu’elles ne comprennent pas, expriment une plainte ou souhaitent une aide ou assistance complémentaire.

 

Toute saisine peut se faire par téléphone au 01 49 70 87 64 ou par courriel à l’adresse mediateur@consistoirecentral.fr.

  1. Quelles sont vos compétences ? Que pouvez-vous faire pour aider les personnes qui se tournent vers vous ?

Dolly Touitou:

Grâce à ma période d’Adjointe au Maire, chargée du Logement, j’ai acquis une expérience à savoir : prendre le temps d’écoute, laisser parler les personnes en demande ou en souffrance pour mieux les rassurer, les réconcilier le cas échéant avec les services du Consistoire auxquels elles font appel.

Charles Sulman :

Il faut d’abord être à l’écoute et montrer de l’empathie. On rencontre la personne dans un délai court, dans un bureau, un temps suffisant en montrant sa disponibilité par exemple sans téléphone branché. On dit à la personne ce que nous allons faire, à quel moment on la rappellera. On fait ce qui a été promis de façon à garder sa confiance et notre crédibilité. On rapporte notre entretien dans les services en essayant de trouver des solutions.

  1. Projetons-nous un instant dans l’avenir. Nous sommes, dans notre imagination, veille de Roch HaChana 5780, donc en l’an 2019. Quel bilan espérez-vous pouvoir tirer de votre action ?

Dolly Touitou:

Comme disent souvent les Loubavitch, Machiah sera venu. Et j’ajouterai, si l’Eternel me prête vie, que la paix soit dans le monde et « le loup et l’agneau seront copains ».

 

Charles Sulman :

De mémoire, je cite une des Maximes des Pères (Pirke Avot) : « si je ne m’occupe pas de moi-même, qui le fera et si je ne m’occupe que de moi-même qui suis-je ? ». Il s’agit déjà de respecter cette maxime. Je n’ai pas l’intention de faire des statistiques. Nous aurons réussi si nous aurons aidé les demandeurs, réglé des situations en suspens et amélioré les prestations du Consistoire.

  1. Avez-vous déjà eu des contacts avec les personnes qui travaillent pour les différents services du Consistoire ? Comment accueillent-elles votre prise de fonctions ?

Dolly Touitou:

L’accueil est très amical. Les fidèles sont ravis de pouvoir trouver une oreille attentive, une personne vers laquelle se tourner pour exprimer la difficulté d’une situation et un intermédiaire en mesure de prendre en considération des aspects parfois complexes de leur vie quotidienne.

 

Charles Sulman :

Pour les premiers dossiers, j’ai reçu de la part des services un très bon accueil et des réponses appropriées. Mais plus de la moitié des demandes ne concernent pas les questions religieuses et elles n’ont aucun rapport direct avec le Consistoire. Il s’agit de problèmes sociaux, économiques, de conflits interpersonnels, de handicap etc… Il faut aussi interpeller d’autres services, voire d’autres institutions communautaires.

  1. Que pouvez-vous faire en cas de conflit entre un service du Consistoire et des membres de la communauté juive ?

Dolly Touitou :

Comme je le disais précédemment, prendre le temps d’écouter pour comprendre où ça « bloque » et faire au mieux pour réussir la réconciliation, sans nullement m’immiscer directement dans la gestion des services du Consistoire.

Charles Sulman :

Nous avons un rôle de facilitateur sans nous immiscer dans la marche des services et en restant dans le cadre de la Halacha telle que définie par le Consistoire.

 

  1. Nommer des médiateurs, est-ce faire l’aveu implicite que tout n’est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes au Consistoire ?

Dolly Touitou:

On ne peut pas dire cela. Dans la vie, il y a des hauts et des bas, c’est connu, on m’a toujours dit que la vie est une roue, on peut être parfois en haut, parfois en bas, tout ne peut être parfait. En réalité, les litiges proviennent d’une mauvaise compréhension, qu’il nous appartient de rétablir en concertation avec les services du Consistoire.

 

Charles Sulman :

On a l’habitude de dire que les trains qui arrivent à l’heure n’intéressent personne. Certaines situations, les plus difficiles, ont été médiatisées mais en général, tout se passe dans les meilleures conditions possibles. Toute institution doit faire son autoévaluation et les médiateurs peuvent y contribuer. Notre mission est d’accompagner les fidèles, de faire un retour d’expérience sur les conditions d’accueil et d’écoute au Consistoire et d’améliorer la prise en charge par le Consistoire, qui, comme pour toute institution quelle qu’elle soit, est perfectible.

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