Que veulent exactement ceux qui s’opposent à l’avancement des femmes au sein du judaïsme ?

Article écrit par Shoshanna Keats Jaskoll au sujet de la récente ordination de trois femmes orthodoxes au rang de “Maharat”, terme moins polémique mais en réalité similaire à celui de rabbin. Cette ordination a provoqué la fureur de plusieurs organisations orthodoxes et l’auteure s’interroge sur les véritables motivations de ceux qui s’opposent à l’avancée des femmes au sein du judaïsme. Voir ici pour l’article original en anglais. Merci à Anaelle E. pour la traduction.

 

20130623clergyss-slide-lhl0-jumbo-2715854
crédit : New-York Times

 Les trois nouvelles Maharats, avec en arrière plan Rabba Sara Hurwitz, leur enseignante ordonnée il y a quatre ans par Rav Avi Weiss

 

Limiter l’accès des femmes aux postes à responsabilités dans le judaïsme est en passe de devenir désuet.

Nous sommes instruites et modernes. Nous sommes médecins, avocates, professeurs, consultantes. Nos opinions et points de vues sont respectés et recherchés à la fois professionnellement et sur le plan personnel. Nous somme une valeur ajoutée inestimable pour le monde et pour la société civile (on pourrait penser que cela ne s’applique pas au monde haredi dans lequel, il est vrai les femmes exerçant des professions à hautes responsabilité sont rares, mais combien de temps encore pourra –t-on leur dire d’aller travailler pour subvenir aux besoins de leur famille tout en continuant à les garder aussi loin que possible de la vie publique ?). 

Mais dès que l’on aborde les sujets religieux ou spirituels nous sommes reléguées derrière la mehitsa. Dans certaines communautés, on ne montre pas les photos sur lesquelles nous apparaissons mais lorsque nous avons des questions qui relèvent de notre sphère intime nous somme censées nous adresser à un homme… et tout cela parce que une femme n’est pas « habilitée » à trancher lahalakha.

C’est en reconnaissant les répercussions importantes de cette situation sur les femmes et leurs vie de famille, ainsi que le mal être profond qu’elles peuvent ressentir en étant obligée de discuter de leur intimité avec un homme que lesYoetzot Halacha ont été créées.

Et le résultat est incroyable, en effet, la quantité de questions posées aux rabbanim n’a pas diminuées alors même que le nombre de questions posées aux Yoetzot Halacha se chiffre en plusieurs dizaines par semaine. Cela prouve bien que ce service répond à un besoin très important resté jusqu’à présent sans réponse. Ces appels reçus par les Yoetzot Halacha sont souvent de la même durée que ceux reçus par des rabbins ; tout simplement parce que les femmes viennent chercher de véritables conseils auprès de celles avec qui elles se sentent à l’aise.

Elles apprennent et partagent sur des sujets qui ne peuvent être discutés que de femme à femme.

Mais attendez !

« Vous ne pouvez tranchez la loi. Oui effectivement vous connaissez les réponses. Oui vous connaissez les lois. Oui vous avez appris en étudiant les textes profondément – et surement plus en profondeur que bien des rabbins – mais bon, vous êtes une femme et cela ne s’est jamais fait jusqu’à présent (ou du moins cela ne s’est jamais vu dans le cadre que nous avons créé) donc vous devez demander à un homme son certificat d’approbation »

Et maintenant, des Maharats – ces femmes orthodoxes, leaders de leurs communautés et qui détiennent une véritable autorité Halakhique sont expertes en Halakha, talmud, Bible, pensée juive – ont été ordonnées. Ce qui n’a pas manqué de déclenché le courroux d’un certain nombre d’orthodoxes.

J’aimerai comprendre pourquoi ? Est-ce si effrayant d’avoir affaire à une femme qui sait de quoi elle parle et qui est capable de conseiller les personnes qui viennent la consulter ? Quel est le problème ?

Et si vous me dites que c’est contraire à la halakha préparez-vous à défendre sérieusement votre position.

Mais pour le moment, si vous le voulez bien, restons en dehors du champ de la halakha. Vous voulez parler de la continuité de la «tradition » juive ? De la façon dont les choses ont toujours été faites ?

Je vais faire encore mieux ! Parlons un peu de la continuité du peuple juif.

Combien de temps encore pensez-vous que le peuple juif continuera à prospérer et à croitre si vous continuez de mettre de côté 50% de ses fidèles ? Notre peuple sera-t-il assez fort pour survivre si vous ignorez ses besoins réels ? Encore combien de temps accepterons-nous ces barrières que vous avez érigées parce que vous avez peur des « pentes glissantes » et autres balivernes ?

Il ne s’agit pas de féminisme. Nous ne cherchons pas à remplacer les hommes. Il s’agit là de s’ajuster naturellement à un monde en mutation. Exactement comme les filles de de Tsélofchad qui n’ont pas été taxées de féministes par Dieu lorsqu’elles revendiquèrent leur droit à l’héritage, tout comme Sarah Schneirer qui s’est battu toute sa vie pour que les filles puissent étudier, exactement comme les lois de la Torah concernant le Ribit (intérêts), la vente de ‘Hamets, et le Heter Mechira pour la Chmita, qui ont été ajustées pou le bien du judaïsme. Il doit en être de même pour les lois relatives aux femmes.

Alors je vous pose sincèrement la question : pourquoi les lois relatives aux femmes semblent-elles intouchables ?

Nous parlons de femmes qui aiment, qui respectent et qui honorent la torah. Nous parlons de celles qui CHOISISSENT de vivre au sein et sous le joug des mitsvot. Elles ne cherchent pas à changer la torah mais seulement à en faire partie. De la même manière que vous ne pouvez pas arrêter le temps, vous ne pouvez pas lutter contre cela et vous ne devriez pas le vouloir.

A l’origine, l’éducation des filles était considérée comme une hérésie mais c’est aujourd’hui quelque chose de courant. De la même manière, les Yoetzot Halacha ont rencontré de grandes résistances mais sont aujourd’hui hautement estimées. Et les deux contribuent à l’honneur, à la profondeur et au prestige du peuple juif.

Alors je vous le demande encore une fois. Quel est votre but ici ? Qui protégez-vous ? Et de quoi voulez-vous nous protéger ?

Je vous demande d’examiner sincèrement vos buts et vos motivations. Et au lieu d’affirmer avec mépris que nous cherchons «à devenir des hommes » (ce qui est ridicule) ou pire de nous regarder avec condescendance en faisant de nous des « princesses » (muettes bien sûr), je vous en prie écoutez et réfléchissez.

Réfléchissez plutôt à comment faire fonctionner le système tout en respectant la halakha. Halakha qui est au demeurant bien souvent plus flexible que les hommes.

Print Friendly, PDF & Email