L’évolution du concept de yéridate hadorote au fil des générations
Comme je l’avais déjà annoncé sur ce blog, mon ami Yona Ghertman a lancé un site d’études juives proposant des articles détaillés et sérieux sur un panel de sujets. Je viens donc de publier sur ce site un article approfondie sur le concept de « yéridate hadorote ». Ci-dessous, l’introduction et le lien vers l’article complet. Bonne lecture !
Le terme de « yeridate hadorote » (littéralement « le déclin des générations ») est un concept exprimant, de nos jours en tout cas, la croyance en une diminution spirituelle et/ou intellectuelle constante des nouvelles générations par rapport aux anciennes.
Si ce terme n’est pas explicitement nommé dans la littérature midrashique et talmudique, certains textes semblent y faire allusion. Mais ce n’est qu’aux alentours du Moyen-Age que commence à se forger une véritable doctrine autour de ce concept. Rashi est peut être l’un des premiers à la formuler, dans son commentaire sur le Talmud : « Les premières générations étaient meilleures et plus justes que les dernières. C’est pourquoi les temps passés étaient meilleurs que les nôtres, car les derniers ne peuvent être comme les premiers.»1
Cette affirmation est en réalité un commentaire du verset « Ne dis pas : pourquoi les jours passés étaient-ils meilleurs que ceux d’aujourd’hui ? Ce n’est pas une réflexion inspirée par la sagesse. » (Ecclésiaste 7, 10). Pourtant, l’interprétation qu’en fait Rashi est loin d’être évidente ! A priori, le verset semble justement rejeter l’affirmation selon laquelle les anciennes générations vivaient mieux que les nouvelles. C’est d’ailleurs ainsi que de nombreux autres exégètes interprètent ce texte.2Gersonide va jusqu’à écrire : «Ne prétends pas que les jours passés étaient mieux que ceux d’aujourd’hui et que la possibilité d’atteindre la perfection [intellectuelle] était plus grande que la tienne, car c’est sans sagesse que tu demandes cela. […] Car les facultés de l’homme ne changent pas et à ce sujet on explique que leur force est [égale à] la tienne, si tu t’y appliques de façon appropriée. […] »3.
De nos jours, ce concept est perçu comme vérité révélée dans beaucoup de cercles juifs, fait qui n’est pas sans conséquence. Ainsi, si les anciennes générations étaient plus accomplies, dans quelle mesure sommes-nous en droit de remettre en cause leurs paroles ? L’autonomie de la pensée doit-elle se soumettre au dogme du passé ? Une telle lecture risquerait d’empêcher tout changement ou évolution de la loi. De plus, comme le fait remarquer Gersonide, l’homme risquerait de se complaire dans la paresse intellectuelle sous prétexte de sa petitesse, ce qui conduirait à une décadence certaine de la génération qui s’interdirait une réflexion autonome et libre.
Dans cet article, je proposerai une analyse du concept de yéridate hadorote : d’où vient-il ? Que signifie-t-il ?
Plutôt qu’une analyse thématique, je proposerai une analyse historique qui se concentrera sur trois périodes principales : l’époque talmudique, l’époque desRishonim (du Moyen-âge à la Renaissance) et l’époque des A’haronim, de la renaissance jusqu’à nos jours.
Lien vers l’article complet, cliquez ici
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3Commentaire, Ecl. 7:10
Franchemant enorme!! j’ai kiffé!
j’avais mon propre avis bien rationnelle et je connaissai l’approche rationnaliste mais je n’avais pas toutes ces sources
Merci!
On rencontre beaucoup cette notion hors discussion halakhique, en lisant simplement l’histoire des enfants d’Israël sortant d’Egypte. On raconte qu’ils ont atteints en Egypte le 49e degré
d’impureté. La Torah raconte de nombreux épisodes où à la moindre occasion ils ont trouvé l’occasion de se plaindre, voir de faire des choses totalement interdites (cf veau d’or). Et pourtant les
commentaires entendus se concluent souvent par :et pourtant ils étaient à des niveaux bien supérieurs aux nôtres…. Comme s’il était nécessaire de trouver un aspect sur-humain. Ne surtout pas
prendre le texte au pied de la lettre et les voir comme un peuple humain, prisonnier et conditionné par des siècles d’esclavage.
Sur un autre aspect, concernant cette manière de ne pas lire le texte littéralement et d’attribuer des mérites supplémentaires, je n’ai jamais compris pourquoi les commentateurs avançaient que les
avot respectaient les 613 mitsvot bien avant matan torah. Que je sache, Abraham sert bien aux anges de la viande et de la crème en même temps…Merci comme toujours pour cette étude.
Merci pour ce texte intéressant et inspirant Gabriel,
Une réflexion parmi d’autres :
Ne penses-tu pas qu’on puisse faire un lien entre le concept de Yeridat hadorot et celui de « Minhag avoteinou beyadeinou » ? (l’idée m’est venue car quand j’ai découvert ton texte, j’étais justement
en train d’étudier avec Lucie-Esther 😉 Shabbath 35b, dans lequel apparaît cette notion)
Dès lors, la tendance actuelle à insister sur la yeridat hadorot ne relève-t-elle pas également d’une confusion avec le concept de « respect et préservation de la tradition de nos pères » ?
Au-delà des aspects spirituel et intellectuel du concept, il y aurait aussi l’aspect de la transmission-tradition à préserver des écueils de la société moderne actuelle…
La yeridat hadorot servirait ici « simplement » d’argument pour appuyer notre devoir primordial de transmettre la tradition afin de contrer le raz-de-marée de l’assimilation, dont l’un des moteur est
la tendance actuelle à dénigrer un passé vu comme passéiste, obscurantiste, dépassé au profit d’un présent « innovateur », ouvert, ne devant rien (ou si peu) aux générations précédentes ?
Autre question-réflexion : n’y a-t-il pas un lien aussi, avec le fait que de nos jours, en l’absence de sanhedrin constitué, il y a une impossibilité halakhique à revoir certaines décisions
passées, à innover en matière de din ?
Kol touv,
Celine Esther
(Mon commentaire a aussi été posté sur le site des Etudes juives)
Franchemant enorme!! j’ai kiffé!
j’avais mon propre avis bien rationnelle et je connaissai l’approche rationnaliste mais je n’avais pas toutes ces sources
Merci!
On rencontre beaucoup cette notion hors discussion halakhique, en lisant simplement l’histoire des enfants d’Israël sortant d’Egypte. On raconte qu’ils ont atteints en Egypte le 49e degré
d’impureté. La Torah raconte de nombreux épisodes où à la moindre occasion ils ont trouvé l’occasion de se plaindre, voir de faire des choses totalement interdites (cf veau d’or). Et pourtant les
commentaires entendus se concluent souvent par :et pourtant ils étaient à des niveaux bien supérieurs aux nôtres…. Comme s’il était nécessaire de trouver un aspect sur-humain. Ne surtout pas
prendre le texte au pied de la lettre et les voir comme un peuple humain, prisonnier et conditionné par des siècles d’esclavage.
Sur un autre aspect, concernant cette manière de ne pas lire le texte littéralement et d’attribuer des mérites supplémentaires, je n’ai jamais compris pourquoi les commentateurs avançaient que les
avot respectaient les 613 mitsvot bien avant matan torah. Que je sache, Abraham sert bien aux anges de la viande et de la crème en même temps…Merci comme toujours pour cette étude.
Merci pour ce texte intéressant et inspirant Gabriel,
Une réflexion parmi d’autres :
Ne penses-tu pas qu’on puisse faire un lien entre le concept de Yeridat hadorot et celui de « Minhag avoteinou beyadeinou » ? (l’idée m’est venue car quand j’ai découvert ton texte, j’étais justement
en train d’étudier avec Lucie-Esther 😉 Shabbath 35b, dans lequel apparaît cette notion)
Dès lors, la tendance actuelle à insister sur la yeridat hadorot ne relève-t-elle pas également d’une confusion avec le concept de « respect et préservation de la tradition de nos pères » ?
Au-delà des aspects spirituel et intellectuel du concept, il y aurait aussi l’aspect de la transmission-tradition à préserver des écueils de la société moderne actuelle…
La yeridat hadorot servirait ici « simplement » d’argument pour appuyer notre devoir primordial de transmettre la tradition afin de contrer le raz-de-marée de l’assimilation, dont l’un des moteur est
la tendance actuelle à dénigrer un passé vu comme passéiste, obscurantiste, dépassé au profit d’un présent « innovateur », ouvert, ne devant rien (ou si peu) aux générations précédentes ?
Autre question-réflexion : n’y a-t-il pas un lien aussi, avec le fait que de nos jours, en l’absence de sanhedrin constitué, il y a une impossibilité halakhique à revoir certaines décisions
passées, à innover en matière de din ?
Kol touv,
Celine Esther
(Mon commentaire a aussi été posté sur le site des Etudes juives)