Lettre au sujet de la Lecture de la Torah par des femmes orthodoxes
Communiqué officiel du comité « Lecture Sefer », qui organise cette lecture.
Depuis plus d’une trentaine d’année a travers le monde et depuis quelques années en France, on observe une demande croissante de la part de nombreuses femmes orthodoxes qui souhaitent participer de façon active au rituel et ne pas être confinées au rôle de simples spectatrices ; et ce, dans le stricte cadre de la halakha. Cette situation atteint son paroxysme le jour de Simhat Torah.
A plusieurs reprises, nous avons demandé au grand rabbin de Paris et au président du consistoire de Paris et de France de mettre à notre disposition une salle afin de pouvoir lire la Torah. Nous nous sommes rapprochées du Consistoire car notre désir était et demeure de rester au sein de l’institution à laquelle nous appartenons.
Nous avons déjà organisé deux lectures de la Torah et, actuellement, nous préparons notre troisième lecture pour simhat torah (27 septembre 2013). Nous avons, à nouveau sollicité le Grand Rabbin Michel Gugenheim et Mr Joël Mergui, président du consistoire de Paris et de France pour obtenir une salle afin de pouvoir lire la torah (l’office et les haqqafot devant se dérouler, comme d’habitude et sans aucun changement, dans la synagogue que chacune de nous fréquente habituellement).
Une fois de plus, cela nous a été refusé par le Grand Rabbin Michel Gugenheim.
Et pourtant, à l’heure ou le judaïsme français s’appauvrit, aussi bien en nombre de fidèles fréquentant les synagogues, qu’au niveau de connaissance du judaïsme, il est urgent que les femmes participent de façon plus active dans le cadre synagogal.
La transmission et l’éducation se faisant dans une grande partie par les femmes, il est important qu’elles soient partenaires, actives et associées aux décisions prises concernant l’avenir de notre judaïsme. L’amour du judaïsme, le désir de fréquenter la synagogue et d’y participer activement ne sauraient se transmettre si l’enseignement les concernant se fait autour de quelques sujets limités.
Certains hommes seraient sans doute très sceptiques quant à cette approche. Mais il ne fait aucun doute que ces mêmes hommes ne fréquenteraient pas souvent la synagogue s’ils devaient prier dans un petit espace, derrière un rideau, ou l’on entend très mal le déroulement de l’office, s’ils ne pouvaient prier à haute voix, s’ils ne pouvaient faire un kadish pour leurs chers disparus.
Cette réflexion sur la place des femmes dans la synagogue va au delà d’un simple confort ou d’une envie de pratique. A mon sens, elle va au delà des femmes elles-mêmes.
Il en va de l’avenir de notre judaïsme orthodoxe.
Pourquoi se couper de la force de la moitié du peuple juif? Si des femmes souhaitent participer activement à la liturgie juive, quel est l’intérêt pour les hommes de le leur refuser?
C’est en 1953 que Rav J. D. Soloveitchik, figure de proue de l’orthodoxie américaine, affirma que l’ouverture des portes de l’étude aux femmes juives était « un impératif absolu […]. Que la discrimination entre les sexes dans l’étude a causé et cause la chute de notre communauté orthodoxe. Jeunes hommes et jeunes filles doivent apprendre et entrer dans les profondeurs de la tora de façon totalement similaire »1. Depuis, des milliers de rabbins orthodoxes ont répondu à son appel et ont ouvert les portes de l’étude aux femmes. En Israël, la deuxième génération de ces femmes orthodoxes érudites commence déjà à émerger mais en France, rien ne se passe.
Pour brider cette évolution, on avance trop souvent des arguments non-halakhiques : « cela ne se fait pas », « cela est dangereux », etc… Ces objections ne sont pas suffisantes pour justifier le rejet systématique des demandes légitimes des membres de la communauté, notamment celles des femmes. Il est du devoir du consistoire français d’ouvrir à la communauté des portes jusque-là restées closes.
Les sources permettant d’autoriser les lectures que nous organisons existent. Beaucoup de rabbins orthodoxes les connaissent. Contentons nous de citer l’avis du grand Maïmonide qui rappelle que non seulement une femme peut lire la Torah, mais qu’elle peut également le faire durant ses menstruations, contrairement à un préjugé bien répandu :
« [….] les femmes durant leurs règles, peuvent porter et lire la Torah »2
Rappelons encore que ces lectures ont reçu l’aval de nombreuses autorités orthodoxes, dont le Rav Soloveitchik3.
Un article rigoureux analysant les questions halakhiques soulevées par la lecture de la Torah par les femmes a été rédigé par le Rabbin Mendel Shapiro .4
Soulignons que l’organisation rabbinique orthodoxe israélienne Beit Hillel vient également de publier une décision encourageant la participation active des femmes durant Simhat Torah et l’organisation de danses entre femmes, avec les rouleaux de la Torah5.
À force de choisir l’immobilisme l’orthodoxie prend le risque de devenir contreproductive.
Ces pratiques existent en Israël, en Angleterre, au Canada et aux Etats-Unis, dans un cadre tout à fait orthodoxe: la communauté juive de France, et notamment celle de Paris doit-elle se distinguer en étant la dernière de la classe?
Ce qui était le plus surprenant, c’est le nombre de femmes et d’hommes qui se sont mobilisées rapidement. Lors des deux premières lectures précédentes (Simhat Torah 5773 et Shabbat Zakhor 5773) nous étions environ une centaine.
Nous aimerions vous faire ressentir l’émotion palpable de ces moments. Beaucoup de ferveur, beaucoup de silence, beaucoup de ’émounah. La lecture était assurée par les femmes, une mehitsah de 180cm séparée les hommes des femmes.6
Pour la troisième lecture qui aura lieu le 27 septembre 2013 (Simhat Torah 5774), ce sont les femmes qui se sont manifestées spontanément pour connaître le lieu avant même que nous n’ayons organisé quoi que ce soit. Le besoin est donc bien profond…
Le comité de « Lecture Sefer »
La prochaine lecture de la Torah entre femmes se tiendra au IEA 26 rue Jacques Dulud 92200, Neuilly sur Seine, le 17 Octobre 2014 (Simhat Torah) à 10h. Pour plus d’informations, veuillez nous contacter à l’adresse suivante : lecturesefer@gmail.com .
1R. Soloveitchik, « Covenant, community and commitment », lettre 5
la logique et la raison vont-elles prendre le pas sur les crispations machistes ? même en France ?
Bonjour,
Moi, c’est l’ancien grand rabbin de France (quelques années avant son élection), Bernheim, qui m’a appris que la halacha permettait une lecture dans un mynian féminin.
mais c’est comme le micro shabbatique…
Ces gens ont peur pour leur réputation, c’est-à-dire de ne plus paraître suffisamment orthodoxes aux yeux d’autres orthodoxes (réputation professionnelle, réputation personnelle, et réputation familiale pour que leurs enfants se marient avec d’autres failles orthodoxes). et nous savons comment ça se passe…
Ils ont aussi peur, parfois, de choses mystiques.
Il se dit au Consistoire que le décès plutôt jeune du rabbin Gugenheim père a motivé plusieurs rabbins à rendre plus difficile la conversion (ce rabbin les aurait, apparemment, facilitées).
Et donc, ce sont des choses qui ne passeront jamais.
mais il faut dire que vous vous adressez à des ultra-orthodoxes.
Vous vous attendiez à quoi ?
🙂
PS. Sur les femmes qui chantent, sachez que le GRP Messas, un peu avant son décès, avait autorisé une chorale mixte dans la Grande Synagogue de Paris, pour un concert, demandant à ce que les femmes ne chantent pas en solo.
Mais Messas était un libéral, à côté de certains qui sont là actuellement.
Bonne chance pour vos initiatives.
Je tenais juste à noter plusieurs choses:
– L’avis du Rav Soloveitchik, tel que cité par le Rav Riskin a été remis en question par un grand nombre d’autres disciples qui disent avoir entendu un avis différent de sa part sur le sujet…
– Beit Hillel n’encouragent absolument pas à ce que les femmes dansent avec la Torah, a priori, contre la volonté du Rabbin local, mais au contraire encouragent à un dialogue dans les communautés afin de ne pas laisser les femmes inactives. C’est différent. Ils citent par ailleurs comme source principale les propos du Rav Rabinovitch dans resp. Siah’ Nah’oum (siman 40) qui termine bien ses propos en disant que les femmes dansent dans l’enceinte des femmes uniquement avec, en préalable, l’accord du Rabbin local !
– Pour la première fois (je crois) cette année à Efrat, en plus des hakafot et de la lecture pour les femmes (qui a lieu dans l’enceinte d’une école et qui est fermée aux hommes) – ils ont annoncé qu’il y aura une « kalat torah » et une « kalat bereshit » qui se cotiseront pour le Kidoush, avec le H’atan torah et le H’atan Bereshit.
C’est très joli tout ça n’empêche la Torah donne une préférence publique au personnage masculin de tout temps ; Je trouve ça péremptieux de vouloir changer le cours des choses. On en vient à se créer des conrtadictions. Oui la femme peut étudier le talmud si bon lui semble mai en a t’elle interet et surtout à l’étudier à la manière de l’homme : Surement pas. L’injonction d’étudier la Torah jour et nuit revient à l’homme et en cela peu importe les résultats qu’il rapporte. On voit dans pirké Avot la chaine de la Torah Orale passe par des hommes : cela nous montre que la transmission rabbinique se doit d’être faite par les hommes (ou penseriez vous à retranscrire la Mishna ?). Perso, jmencontrefiche que les hommes « dirigent » la halacha. Les femmes « dirigent » le coeur des hommes et c’est ce qui importe. Pourquoi vouloir rendre le personnage féminin public ? Les résultats seraient désastreux. Aucune société n’a été capable de supporter ce genre de modèle. Toute femme publique se déshonore plus qu’elle s’honore à mon sens. Et pourquoi vouloir croire que l’égalité de ses droits et sa liberté passe par sa participation au culte mixte ?? Ces notions sont séparées et ce sont elles qui doivent être traitées en priorité à mon sens; La femme doit être respectée par tout un chacun et elle doit être libre de ses choix dans les confins de la halacha. Le reste est un leurre.
C’est votre position et elle est légitime.
Je tiens simplement à signaler que le fait que vous soyez capable de lire et d’écrire, que vous avez un compte en banque à votre nom, le droit de voter et d’aller à l’université, font de vous un personnage public.
Vous n’êtes pas sans ignorer que la plupart de ces acquis, qui doivent vous sembler bien fondamentaux, étaient considérés comme extrêmement féministes il n’y a pas si longtemps.
Par exemple, le droit de vote n’a été accordé aux femmes françaises qu’en 1944, le droit de gérer leurs propres bien (et donc d’avoir un compte) en 1965, etc…
Je rajouterai également d’autres droits, au combien fondamentaux, accordés encore plus tardivement. Par exemple, la loi contre harcèlement au travail date de 1992. Sans celle-ci, votre patron aurait légalement le droit de vous harceler verbalement quant bon lui semble. Où celle qui reconnait le viol conjugal (1990), sans laquelle un mari pouvait donner libre cours à ses pires pulsions sans risques.
Je ne doute pas un instant que vous soutenez ces lois. Sachez que celles-ci sont directement liées à l’inclusion de la femme dans la sphère publique. Si les hommes sont les seuls à légiférer, ils ne légifèrent que de leur point de vue et n’ont donc pas grand intérêt à faire passer les lois mentionnées.
Le problème est le même au sein du judaïsme.
Après, on peut penser ce que l’on veut des militantes féministes religieuses, mais rappelons nous que nous sommes les premiers à récolter les fruits de leur labeur.
Ces acquis au droit des femmes n’ont rien à voir avec l’apparition et le role public des femmes. Il s’agit d’un droit humain. Lorsque l’on va voter, on ne se montre pas en spectacle et on ne dirige pas une communauté; on vote c’est tout comme on parle dans la rue. Encore heureux que je marche sur le même trottoir que vous avec mon visage découvert dites vous. Autant que je sache, ce n’est pas les féministes juives qui ont apporté les droits de la femme; Pour l’instant depuis leur création en Amérique elles essayent de tourner autour de la halacha et il n’y a pas grand chose d’autre. Comme je l’ai cité plus haut et que vous l’avez ignoré je le recite donc: « La femme doit être respectée par tout un chacun et elle doit être libre de ses choix dans les confins de la halacha ». Cela inclue que les hommes lui doivent du respect et de la considération, cela inclue aussi qu’elle peut accéder aux mêmes connaissances, Cela n’inclue pas qu’elle puisse devenir possek hador et qu’elle puisse danser et chanter devant tout le monde. Cette interprétation est fausse et biaisée et de mon expérience personelle qui est grace a d.. très élargie, toutes les femmes qui sont dans cette vision sclérosée du féminisme juif n’ont même pas la foi nécessaire pour montrer l’exemple.