Introduction au Daat Torah : critique du totalitarisme religieux
MAJ: 23/04/2017
Cela fait déjà un bout de temps que je désire écrire un article sur le « Daat Torah ».Dans un autre post, j’ai souligné le rapport malsain que le politique entretient avec le religieux en Israël. A la moindre affaire étatique, relevant du politique pur, sont publiés dans les rues de Bné-Brak les avis présumés des gedolim, les Grands du monde haredi. Ces interventions sont justifiées au nom du Daat Torah, sorte de droit divin conférant aux instances religieuses, le presque rôle d’oracle de Dieu. Les gedolim posséderaient ainsi des dons quasi-prophétiques qui leur permettraient de donner un avis pur et objectif, l’avis de la Torah (daat Torah).
Dans un article intitulé «La doctrine du Daat Torah », le Professeur israélien Binyamin Braun définit ainsi ce concept : Dans les dernières décennies, l’expression « daat torah » a pris un nouveau sens, qui n’est pas relié à ses sources originelles. Ce concept représente la doctrine qui confère aux grands de la Torah une autorité absolue dans tous les domaines et sujets, particulièrement dans les affaires publiques. C’est le « Daat Torah » dans sa nouvelle signification.
C’est au Daat Torah qu’on fait appel pour justifier l’anathème d’un livre (et de son auteur) jugé hérétique, car présentant un point de vue différent de celui des gedolim. C’est le même daat torah qui appelle les foules à manifester pour empêcher le vote d’un tel, ou pour obliger la fermeture d’un parking ouvert le Chabbat. C’est aussi ce daat Torah qui décide de l’excommunication d’un chanteur religieux jugé trop indépendant et qui interdit au public d’acheter ses disques. C’est enfin ce daat torah qui décide de ce que l’on peut dire ou penser.
En 2013, le Rav Hayim Amselem, député du Shass, a beaucoup fait parler de lui en rejetant le daat torah qui devait l’obliger à annihiler ses idées politiques au profit de celles des gedolim. Ainsi, après avoir affirmé qu’une partie du public haredi devait commencer à travailler et à faire l’armée, le Rav Amsellem s’est vu appeler à rendre son siège au parti, pour ses idées « hérétiques, réformées, dangereuses pour le monde de la Torah… ».
Il faut également rajouter que bien souvent, l’avis des guedolim est falsifié de manière honteuse. Les guedolim, hommes dont la vie n’est que Torah, peuvent aussi subir une désinformation de la part de leurs proches, seuls sources de renseignements extérieurs. Ainsi, le Rav Ovadia Yossef a signé une lettre très dure contre le Rav Amsellem, mais celui-ci, voulant exposer ses positions au Rav, s’est vu refusé l’entrer de son bureau par les proches du Rav Ovadia ! Il est donc très difficile de distinguer entre l’avis du gadol et l’avis de son secrétaire.
Il m’arrive régulièrement de débattre avec des coreligionnaires ultra-orthodoxes sur des thèmes polémiques opposant ultra et moderne orthodoxie (rapport entre sionisme et torah, enrôlement à l’armée, monde des yeshivot, politique et cacherout,conversions…) mais généralement le débat prend fin après avoir exposé une idée apparemment exacte dans les textes, mais en contradiction avec l’avis (toujours présumé) des gedolim. L’interlocuteur estime que s’opposer à un tel avis revêt une forme d’hérésie. Pourquoi ? Parce que la Torah nous ordonne : « Et tu auras soin de te conformer à toutes leurs instructions. Selon la doctrine qu’ils t’enseigneront, selon la règle qu’ils t’indiqueront, tu procéderas; ne t’écarte de ce qu’ils t’auront dit ni à droite ni à gauche » (Deut. 17, 10-11).Rachi commente la fin de ce verset : Même s’ils te disent que la gauche est droite et que la droite est gauche [tu les écouteras].
A priori, ces versets suffisent à prouver mon hérésie ainsi que le coté ultra-totalitaire de la Torah qui interdit de penser de façon indépendante. D’un autre coté, nos sages nous enseignent :
« il y a trois couronnes, celle de la Torah, celle de la prêtrise et celle de la royauté […]. La couronne de la Torah est déposée et se tient prête pour tout Israël; comme il est dit « La Torah que Moché nous a ordonné est l’héritage de la communauté de Jacob ». Que celui qui le désire vienne et la prenne. » (Rambam, Hilchot Talmoud Torah III, 1 d’aprèsT.B Sota)
Selon ce texte, la Torah n’est pas la possession d’un individu ou d’un clergé, mais celle de toute personne qui prend la peine de s’y investir.
Cette contradiction apparente entre autonomie religieuse et dogmatisme, en a perturbé plus d’un. En réalité, le daat torah relève d’une utilisation politique et tronquée d’un concept ne touchant qu’au Grand Sanhedrin, qui siégeait à Jérusalem il y a de cela 2000 ans. Sur le blog, vous trouverez de nombreux articles étayant cette affirmation dans la catégorie « Daat Torah: Limites de l’autorité rabbinique ». Bonne lecture !
Salut,
Le verset que tu cites « et tu feras ce qu’ils te diront » est evidemment une recuperation pour la bonne cause du Daat Torah…
Le verset ne s’applique qu’au Beth-din-hagadol a Jerusalem… surement pas pour voter Gimel aux elections! 🙂
Benjamin
Enfin, toi qui en rêvais tant 😛
Le bon sens répondrait à ta question que si le Rav sait de quoi il parle, alors il faut le suivre. Poser des questions médicales qui sortent du cadre pur de la Halacha à un rav, n’a de sens que si
le Rav s’y connaît en médecine.
La question est certes plus délicate dans le cadre de la politique, dans la mesure où il est fort difficile de savoir dans quelle mesure les Gdolim savent de quoi ils parlent, ou si ce sont
vraiment eux qui ont dit ce qu’on leur attribue (à l’exemple de l’histoire récente des ascenseurs de Shabbat et du rav Elyashiv). Tout est dans la manipulation des images…
Je crois me souvenir qu’il y a une lettre du Rav Dessler sur ça. J’essaierai de la retrouver.
Bonjour שמואל
Peux tu etayer l’histoire des ascenseurs shabbatiques et de Rav Eliashiv?
J’en etais reste au psak retentissant dans Yated (tiens, encore et tjrs Yated…)
Au fait, nous connaissons nous?
Benjamin
Oui, j’ai compris, les précisions viendront dans le prochain post.
Toutefois, précisons déjà que le Daat Torah ou sa signification ne sont pas à réduire qu’aux interdits ou aux manifestations « négatives » et bruyantes de l’ultra-orthodoxie.
De même, notez que la source de Maimonide que vous rapportez parle bien de la « Couronne » de la Torah. Malgré le genre « ouvert » apparent de la Mishna, n’est pas couronné qui veut!
Cher ami webmaster,
Il y aura sûrement beaucoup à dire par la suite (b’n). En attendant, j’invite les lecteurs à lire le lien suivant au sujet du daat Torah :
http://www.techouvot.com/daat_torah_vous_en_pensez_quoi-vt5207.html?highlight=daat+torah
De plus, pour avoir un avis différent de celui du webmaster, essayez de vous procurer le dossier suivant sur le « daat Torah » :
Magasine Kountrass n°41 juillet-aout 1993, pp.37-47
J’ai les archives de Kountrass sur CD, peut-être puis-je trouver ce dossier et te l’envoyer.
Pour le reste, je pense qu’il est important de remarquer une différence importante entre le monde ‘hareidi et le monde moderne-orthodoxe. Même si les deux respectent la halakha, ils ne le font pas
forcement de la même façon.
Chez les ultra-orthodoxes, l’autorité est située chez le possek / rosh yeshiva, c’est-a-dire chez celui qui interprète la loi. Une phrase courante dans ces cercles: « Rav Elyashiv a dit … ». La
théorie du Daat Torah, que tu dénonces ici, s’intègre bien dans cette manière de penser.
Chez les moderne-orthodoxes, l’autorité de la halakha se situe plutôt dans les textes eux-mêmes.
A mon sens, ce qui est passionnant, c’est de voir comment une différence aussi minime dans la conception de l’autorité halakhique peut avoir des ramifications dans la construction sociétale
entière. Par exemple, je pense que ceci explique pourquoi au moins en partie le culte des gedolim, inexistant chez les MO. Etc.
Je pense qu’un changement dans la conception de l’autorité rabbinique/halakhique peut aussi être détecté dans le grand virement du mouvement Conservative dans les années 70-80.
J’arrête ici pour ce matin; bonnes vacances au webmaster, qui du coup a plein de temps pour poster 🙂
Très belle reflexion.
Le judaïsme ne peut tolérer d’être aux ordres des « Ayatorah »!
Je te suggère de lire cet article, qui éclaire d’une bien autre façon le Daat Torah :http://www.ou.org/jewish_action/article/preserving_our_mesorah_a_symposium . L’auteur est le… Rav Schachter,
rosh yeshiva de YU et élève du Rav Soloveitchik. Peut-on être plus Modern Orthodoxe que lui ? Désolé, mais, si, il y a une obligation d’écouter en matière de halacha les gdolim.
Mais, apparemment, seulement en matière de Halacha… vérifie ses sources 😉
חנוכה שמח (לשיטת הרמב »ם) חח
Hanoukah Saméah !,
On pourrait discuter énormément sur le verset de « lo tassour », qui a engendré un grand nombre de piroushim.
Mais en fait, qui a dit que « lo tassour » pouvait être la seule source susceptible de légitimer le « gros mot » : DAAT TORAH ?
Faisons une petite révision de saison avec la fameuse Guemara sur Hanoukah (TB Shabbat 23a) : Comment pouvons-nous dire : « vétsivanou léhadlik ner shel Hanoukah ? ». Ce sont les Hakhamim et non
Hachem qui nous ont ordonné de procéder à cet allumage !
Et la Guemara de nous faire comprendre qu’étant donné qu’il y a une mitsva d’écouter les Sages, ce qu’ils ordonnent est comparé à un ordre divin.
D’où apprenons-nous cette mitsva d’écouter les Sages ?
Première réponse : de « lo tassour ». D’après votre binyan, la réponse de la guemara serait très réductrice, car ne seraient concernés ici que les injonctions provenant du Grand Sanhédrin de
Jérusalem… Pourquoi pas ?
Deuxième réponse : de Devarim 32, 7 : « shéal avikha véyaguédékha »
D’après cette réponse, la mitsva d’écouter les Sages ne se limiterait donc pas au Sanhédrin, car la restriction apportée à « lo tassour » n’existe pas ici. Il n’y a ni guemara ni rishon comprenant
que « avikha » est « le grand Sanhédrin de Jérusalem ».
D’ailleurs le Rokéa’h écrit explicitement qu’il y a une mitsva d’écouter les Sages et qu’elle se déduit de ce verset (sidour ha tefila léRokéah al nétilat yadaïm, asher yatsar p.4). Bien sûr, cela
se rapporte à une mahloket Rishonim reprenant la discussion non tranchée de TB Shabbat sur l’origine de l’obligation d’écouter les Sages.
Les choses sont donc plus compliquées qu’elles n’y paraissent, il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte avant de conclure assez vite qu’il n’y a pas d’obligation de suivre les Guedolim
!
Toutefois, je suis d’accord avec vous qu’il existe un vrai problème: Peut-on être sûr que ce qui est proclamé est vraiment l’avis des Guedolim ? Mais quant à suivre les avis de Talmidéi Hakhamim
reconnus en tant que tel dans tous les milieux orthodoxes, il s’agit d’une svara pechouta : Ces personnes sont reconnues pour leur érudition, donc on se range à leur avis en supposant qu’elles ont
une plus grande clairvoyance que nous, qui n’avons pas atteint leur niveau d’érudition. Ce n’est pas être dogmatique, mais juste faire preuve d’un peu de modestie.
Encore faut-il être sûr que ce qui a été dit provient bien d’un Gadol Hador (d’ailleurs, autre question : Comment définit-on un Gadol HaDor ?). Je suis d’accord avec vous que des affiches
placardées à Méa Sharim ne prouvent rien. Par contre si Iguerot Moshé, Yabia Omer, Shmirat Shabat, etc… donnent un psak commun, qui sommes-nous pour aller à l’encontre de ce psak ?
Autre problème : Si nous ne sommes pas obligés de suivre les Guedoléi HaDor de notre génération, pourquoi devrions-nous suivre ceux des générations précédentes ? Pourquoi ne pas remettre en cause
l’autorité de tous les Guedoléi HaDor postérieurs au Grand Sanhédrin ? En gros, si l’on suit votre raisonnement, on pourrait réécrire nous-mêmes la Guemara !
Bien entendu, je sais pertinemment que telle n’est pas votre intention, mais c’est ce que vos propos laissent faire entendre. A vous d’expliquer aux lecteurs ce que vous pensez réellement et la
réelle intention de vos propos.
Voilà donc quelques réflexions qui sont davantage des questions que des affirmations. Je vous demanderai juste une faveur : Ne transformez pas cet article en une attaque en règle du monde Haredi,
car les Rabbins sionistes-religieux sont bien les premiers à avoir apporté une confusion entre injonction politique et injonction religieuse au sein de l’Etat d’Israël.
Il y a beaucoup à dire encore. Lors de vos prochains articles, je réagirai bli neder sur le fond du problème : la capacité historique des Grands de la Génération à diriger le peuple dans tous les
domaines de la vie, du cercle familial au cercle politique.
Hazak pour vos articles et pour le blog !
Merci pour ce commentaire, a moi d’y reagir…
Il faut faire une distinction entre le Da’at Torah et l’autorite de Torah Shebe-al Peh; c’est un ecueil dans lequel tu tombes et un ecueil autour duquel les « askanim » defenseurs du Da’at Torah
entretiennent volontiers un flou artistique….
Qu’il faut suivre Torah Shebe-al Peh, il y a la-dessus aucun doute et aucune remise en question…
Des lors, quelle difference avec le « daat torah » moderne? Lorsque, pour te reprendre,on suit le Shmirat Shabat, le Igrot Moshe ou le Yabia Omer sur une question de vie ou de mort (arret de
grossesse, euthanasie etc… bref, pas de questions legeres!) , on les suit et on est capables de retracer le cheminemement de leur psak jusqu’au Shas, donc jusqu’a Moshe Rabenou… C’est ca, Torah
she-be-al peh!
Le daat-torah moderne n’est pas ca. Et c’est la, l’ecueil, et c’est pour ca que sa source talmudique est si peu claire…
Il s’agit de donner au « Gadol » une sorte de clairvoyance qu’il ne justifiera pas par un cheminement de psak sur des sujets de societe.
Autour de ca, se situe le debat. Et la, il y a bcp a dire….
Voila pr le moment..
Donc, ne melangeons pas torah-she-be-al-peh et daat-torah moderne. C’est bien ce flou artistique que deplorent les certains.
Shavouatov,
Je sais très bien que ni toi, ni le webmaster ne remettent en cause l’autorité du psak halakha en général. Cependant, un lecteur non averti pourrait le penser. Il convient parfois de méditer ce qui
est rapporté au nom du Rav Israël Salanter :
« L’homme ne doit pas dire tout ce qu’il pense, ni écrire tout ce qu’il dit, ni surtout publier tout ce qu’il écrit».
Pour revenir au fond du débat, je pense que la problématique du Daat Torah est double :
1/ Un psak-din fait-il autorité dans des domaines extra-halakhiques ?
2/ Dans quelle mesure un psak-din non argumenté peut-il faire autorité ?
J’espère que d’autres articles sur le sujet verront vite le jour et que nous pourrons alors confronter nos arguments dans une parfaite ahdout.
Quant à la récupération et/ou la transformation des propos des Guedolim par des personnes ou groupuscules intéressés financièrement ou politiquement, ceux qui ont les yeux ouverts continueront à
voir, et ceux qui ont les yeux fermés continueront à enfoncer la tête dans le sable. Il est bien plus sain de pilpouler sur la double problématique ci-dessus mentionnée que de se perdre dans la
polémique.
Amicalement
Intéressé par le passionnant débat soulevé sur votre blog, je suis allé relire l’article sur le « Daat Torah » paru dans Kountrass en 1993, tiré du « Jewish Observer » et écrit par Yaakov
Fetman.
Dans cet article est rapporté le hefsed de Rav H. O. Grodzenski par le Rav Y.D Soloveitchik. Voici ce qui est écrit au nom de Rav Soloveitchik :
« (…) L’essence même de la mission de Rav H.O.G a été de joindre le hochen et le tsits et de les maintenir unis à jamais. Il ne fut pas seulement l’éminent décisionnaire dans tous les domaines de
la Halakha ; il fut celui qui donna le ton dans les questions nationales et lutta de toutes les fibres de son être afin que les Sages de la Torah soient les uniques leaders du peuple. La tâche
sacrée qui nous incombe est de sauvegarder le tsits et le ‘hochen comme un tout indivisible en respectant la parole des Guedolim dans tous les domaines ». (publié dans HaPardess 14, 7 , 1940).
Il me semble à la lecture des propos du précurseur de la MO et de ceux de l’un des principaux responsables actuels de la Y.U, Rav Shashter (merci Shmoel pour le lien), que la parole du Gadol HaDor
a tout de même une place prépondérante dans la pensée modern-orthodox.
Rav Ghertman, à la question numéro 2, il me semble que si elle vient d’un posek assermenté, il n’y a plus trop de questions. Il est vrai qu’il est assez exaspérant de voir la concision des réponses
des Acharonim modernes, mais qu’y pouvons-nous ? En matière de Halacha, ils sont maîtres.
(La problématique sur l’authenticité des propos rapportés est hors sujet. Nous ne pouvons rien faire sur ce point-là.)
Il me semble plutôt que la question numéro 1 est la plus importante : dans quelle mesure un possek peut-il décider dans des domaines autres qu’halachiques ?
Quant au hesped que vous rapportez au Rav Soloveitchik, dont j’ai déjà entendu parler (s’agissant bien du fondateur de YU), il me semble que ce n’est qu’un éloge du Rav Grodenzski z »l, mais pas de
son opinion personnelle. J’avoue ne pas l’avoir consulté dans le texte, mais c’est ce qui ressort d’une conversation avec un des mes rabbanim. Peut-être vaut-il le coup de lire le hesped en entier,
sans se rapporter à une citation isolée et hors contexte ?
En effet, il s’agit bien des propos de « The Rav ». Je remarque d’ailleurs qu’il est présenté dans cet article comme « rav de Boston, roch yechiva de la yechiva R.Y. El’hanan » alors que dans ce même
numéro (41, 1993) il est nommé ailleurs rav de la Yéchiva University dans sa notice nécrologique.
A Emmanuel : Les rédacteurs du Kountrass ont même marqué « ZaTSal » à côté de son nom 🙂
Au webmaster : J’entends bien cette idée d’un changement de shita de Rav Soloveitchik au cours de sa vie. Ceci expliquerait peut-être cela ?
A Shmoel : J’ai l’article sous les yeux avec le hefsed en entier, aucune coupe frauduleuse du texte de ma part. Je préfère l’explication du changement de shita. En effet, l’idée qu’il aurait
prononcé quelque chose qu’il ne pense pas me dérange beaucoup.
A Shmouel: Pour la problématique n°1, je suis d’accord.
Je rajouterai une svara :
Si un Gadol ne fait que des psakim non argumentés, il n’est pas un Gadol. C’est une fois qu’il est reconnu comme un « talmid Hakham mouflag béHokhma » grâce à la qualité de ses raisonnements
halakhiques qu’il peut se permettre de faire des psakim à prendre au pied de la lettre. Il y a comme une sorte de hazaka qu’il a lui-même parfaitement travaillé la question même si cela ne ressort
pas explicitement de son psak.
Pour la réponse à la problématique n°2, il me parait évident que les Guedolim ont un rôle à jouer sur le plan politique, comme cela ressort de toute l’Histoire Juive. De même dans les autres
domaines extra-halakhiques, le Gadol ou le Rav mouvak (pour reprendre la comparaison du Rav Shashter) a sûrement son mot à dire.
J’attends les arguments contraires (qui seront sûrement nombreux connaissant la plupart des intervenants sur ce blog) avant de développer.
Et hazak encore une fois au Webmaster de nous permettre de débattre sur des sujets comme ceux-ci !
Au rav Ghertman : c’est évidemment ce que je voulais dire. Un Gadol doit prouver qu’il est un Gadol. Merci d’avoir éclairé ma pensée.
Quant à la problématique des rabbins et de la politique… Je ne peux pas m’empêcher de penser à ta thèse de doctorat. Tu es sur ton terrain. Est-il encore possible d’argumenter quoique ce soit sur
le sujet ? 😉
Je pense que le rapport entre judaïsme et politique est plus nuancé. D’abord, le rav doit savoir de quoi il parle. Les amoraïm et tanaïm qui s’impliquaient dans la vie économique et politique
avaient une formation qui leur permettaient d’assumer ces tâches. L’argument des partisans du Daat Torah est d’assumer que, en effet, les Gdolim sont formés aux affaires politiques. De mon côté, je
n’en sais absolument rien, dans la mesure où je ne connais pas personnellement les Gdolim et ce qu’ils disent EUX-MÊMES à ce sujet.
D’autre part, pour résoudre la contradiction avec l’échec du régime des prêtres-rois hasmonéens, il me semble que la réponse est inverse : c’est le roi qui doit être chacham, pas le chacham qui
doit être roi. C’est pourquoi c’était Hillel, de la lignée de David, qui était Nassi et Rosh Sanhedrin. Cela n’aurait pas marché s’il n’avait pas été de la lignée de David. Et de même pour les
Roshei Galutah qui se sont succédés jusqu’au XIème siècle.
Je serai ravi d’affiner ma compréhension de ce sujet.
A propos de l’article de « The Rav » : je vous fais confiance sur ce point. Je jetterai un coup d’oeil si j’ai le temps. De quel livre est tiré ce hesped ?
Webmaster (…) : as-tu vérifié les sources du Rav Schachter ? Et même si l’avis du Rambam est tel que tu le dis, la halacha ne suit pas nécessairement son avis…
R.Y.G:
Une toute petite note, entre parentheses: Il est je crois admis que parmi les éleves du rav Y.D.S existent deux tendances, qu’en gros on pourrait résumer par l’orthographie qu’ils choisissent pour
nommer leur rav, ainsi que le lieu principal de son sacerdoce:
מרן הרה »ג יוסף בער הלוי סאלאווייטשיק זצוק »ל גאב »ד באסטאן
ou
הרב יוסף דוב סולוביצ’יק ר »מ ישיבה אוניברסיטה.
C’est tres simpliste, je sais. (Et encore, j’aurais pu mettre ד »ר…)
Il est certainement question de deux périodes différentes chez le rav Y.D.S. En tous cas, les nombreux exemples que tu rapportes laissent penser que c’est « un cas isolé ».
Quoi qu’il en soit, je ne cherchais pas à répondre à la question soulevée ici, mais juste faire un simple ajout à la remarque du R.Y.G sur les différentes appellations du rav Y.D.S.
שמואל,
On peut trouver cet hesped dans דברי הגות והערכה, p.187.
Bonsoir à tous, Hag HaOurim Saméah et Hodesh Tov !
A Picasso : Merci pour cette petite note qui m’apprend quelque-chose que je ne connaissais pas sur les deux appellations du Rav Soloveitchik ! Pour ma part, je voulais juste souligner qu’un journal
‘haredi employait l’expression « Zatsal » au sujet du Rav de la Y.U. C’était un petit clin d’œil pour un ami qui le comprendra sans doute
Les Hakhamim qui s’occupaient de politique ou d’économie avaient-ils vraiment une formation spécifique ? Honnêtement, je ne sais pas du tout en ce qui concerne l’aspect « économique ». Comme tu l’as
bien dit Shmouel, mon domaine de prédilection est plus le « politique ».
A propos de Hanoukah, ou plutôt de la suite de Hanoukah, ce qui a été reproché aux Hashmonaïm est d’avoir combiné à partir de Shimon la Malkhout et la Kéhouna (voir Ramban sur Ber. 49, 10).
Certains prennent la défense des Hashmonaïm en disant qu’il leur était uniquement interdit d’être « melekh » mais qu’ils avaient le titre de « Nassi » comme cela ressort de 1Mac. 14. (Rav
Kaminetzky cité dans le piroush ArtScroll sur Hanoukah p.87).
Toutefois, il y a bien dans la Torah une séparation des pouvoirs entre les domaines « ‘hol » prérogative du « Nassi » ou « mélekh » et le « kodesh », prérogative du Cohen Gadol.
Mais attention ! Cela n’a rien à voir avec la séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905. Comme vous le savez, le domaine « ‘hol » dont s’occupe le Mélekh touche également à la Halakha (donc aussi
au Kodesh), et c’est uniquement dans la partie strictement cultuelle de la Halakha qu’il n’a pas son mot à dire. Juste un exemple, Hilkhot Mélakhim 5, 2 : Pour une « milhemet mitsva », le roi n’a
pas à prendre l’avis du Bet Din. Comme son nom l’indique, on est dans la « mitsva », donc dans le « kodesh », et c’est bien le roi, l’organe politique de la nation qui aura le dernier mot dans
l’accomplissement de cette Mitsva.
Je veux juste montre par là que la distinction entre « religieux » et « politique » que connaissent aujourd’hui les nations n’est pas comparable avec la séparation entre « malkhout » et « kéhouna »
selon la Torah.
Picasso > Merci pour la référence !
RYG > En parlant d’économie, je pensais à certaines gmarot où des Amoraim se permettent d’influer sur la vie économique à l’aide de la Halacha (Psachim 27b, de mémoire, sur Shmuel forçant des
marchands d’ustensiles à baisser leurs prix, et une gmara (ou mishna ?) sur Rabban Gamliel faisant une horaat shaa pour baisser le prix des kinim).
Les Chachamim qui s’occupaient de politique et économie avaient-ils une formation spécifique ? Je pense que la raison est évidente. Déjà, dans le cadre de la Halacha, dans certains domaines
(techniques, scientifiques, etc.) certains rabbanim plus grands en Torah s’inclinent devant des rabbanim techniciens ou scientifiques. Je pense au rav Halperin et son Institut pour la Halacha et la
technologie (ou quelque chose comme ça), et le rav Vaya dans le cas de l’infestation des aliments.
A plus forte raison dans le cadre de la politique. Cela me semble être forcé par le bon sens : comment quelqu’un qui ne connaît rien sur le sujet peut-il s’en mêler ? (A nouveau, je précise que je
ne connais pas les connaissances des Gdolim actuels à ce sujet, et que je ne cherche pas à les insérer ou les rejeter de ce modèle théorique.)
Par « formation spécifique », je n’entends évidemment pas un diplôme de l’ENA, mais une mise au courant de la gestion des affaires publiques, comme dans le cas des nessiim qui se transmettaient le
poste et la compétence de père en fils.
Je ne comprends pas ce que vous voulez dire par la référence au rav Kaminetski. Les Hasmonéens n’ont gardé le poste de « nassi » que pendant une dizaine d’années, puis, avec l’affaiblissement de la
royauté séleucide, se sont très vite proclamés rois (après la mort de Yonatan). Que voulez-vous dire par là ?
Je ne suis pas très sûr de comprendre ce que vous voulez dire par la suite. Vous me rejoignez dans ma distinction entre roi devant être talmid chacham, et talmid chacham qui n’a pas à être roi
?
כל טוב
Bonsoir,
J’aimerais pouvoir lire tous les textes proposés en lien, je n’en ai pas le temps pour le moment, j’espère en lire au moins une partie plus tard.
Cher Shmouel, je ramenais juste la référence au Rav Kaminetski pour montrer qu’il existe aussi des avis rabbiniques selon lesquels la décadence des Hashmonaïm ne leur est pas imputable. Il
répondait aux propos du Ramban qui les accusaient de s’être emparés de la « malkhout » sans être de la lignée de Yéhouda et David. Son argument est que le texte parle de « néssiout » et pas de
« malkhout », or ce n’est que la dernière qui est réservée aux descendants de David.
Je ramenais juste cela par souci de donner les différentes opinions sur le sujet, mais personnellement je trouve ça dohak de faire un diouk sur le terme « nassi », car historiquement, les Hashmonaïm
avaient un pouvoir de « melekh » !
En dissertant sur la différence entre « malkhout / kehouna » par rapport à « politique / religieux » je ne parlais pas spécialement du rapport entre « hokhma » et « royauté », je voulais juste
souligner que le concept actuel de séparation du politique et du religieux ne correspond pas à la Torah.
Je reste sur le politique. Il ressort des midrashim que les Hakhamim qui ont été confronté au pouvoir n’ont pu agir que grâce à une sorte de « daat Torah », c’est-à-dire grâce à l’application des
leçons de tel ou tel passage biblique à une situation concrète. Dans de tels cas, nombreux historiquement, la seule formation est une étude en profondeur permettant de pénétrer les textes jusqu’à
être capable de saisir leur essence et de se comporter –politiquement- en conséquence.
Voici quelques midrashim qui illustrent parfaitement cette idée :
« Lorsque Rabbi Yanaï partait voir le Roi, il regardait cette section [racontant la rencontre entre Jacob et son frère] et les rusés ne voyageaient pas avec lui. Une fois, il ne regarda pas [cette
section] et des rusés voyagèrent avec lui. Il ne fut pas arrivé à Ako que son manteau fut [volé et] vendu. » (Rapporté par le Ramban sur Ber 33, 14. Voir autre version dans ber. Rabba 78, 15)
« Rabbénou dit à Rabbi Apas : « Ecris une lettre en mon nom à notre maître le roi Antonin ». Il se leva et écrivit : « De la part de Yéhouda HaNassi705 à notre maître le roi Antonin ». [Rabbénou]
prit la lettre, la lut et la déchira. Il lui dit : « Ecris : de la part de ton serviteur Yéhouda à notre maître le roi Antonin ». Il lui dit : « Maître, pourquoi méprises-tu l‟honneur qui t‟est dû
? ». Il lui répondit : « Suis-je meilleur que mon ancêtre ? N‟a-t-il pas dit ainsi [à Esaü] : « Ton serviteur Jacob » ? (Ber. Rabba 15, 15).
« Ainsi vous parlerez à mon maître, à Esaü » : Jacob appelle Esaü « Mon Maître ». La Torah nous apprend la voie à suivre, il faut donner des honneurs à la royauté (…). Ainsi faisait Rabbénou
HaKadosh [Rabbi Yéhouda HaNassi] lorsqu‟il écrivait à Antonin : «Yéhouda ton serviteur requiert ta paix (…) ». (Tanhouma Vaychla’h 3).
Voilà pour aujourd’hui !
je pense qu’ il faut plus analyser l’ histoire que de vouloir prouver ses theories par la Thora…
J’ ai pour ma part plus l’ impression qu’un peu avant et surtout apres la choa ( independamment du sionisme qui etait majoritairement au debut du 20eme laic)il y ai eu une » mutation » du monde
orthodoxe , peut etre necessaire pour se preserver et se reconstruire :
-les lithuaniens jusque la ouverts d’ un cote hitsoni ( pas de barbe, vetements occidentaux…) et peut etre meme pnimi ( le moussar n’ etait pas tres a la mode dans les yechivotes) ont pris la
hitsonioute des hassidims ( habit noir, barbe,peotes…) et d’ un point de vu pnimi aussi meme si ils s’ en defendent ( a partir de rav Desler , tous les machgihims et baale moussar lithuaniens se
sont inspirés de la hassidoute et l’ on faite passer sous le nom de » moussar » alors que le vieux moussar est tres different).
Il n’ est donc pas tres compliqué de comprendre qu’ avec cette influence ( surement necessaire, car qu’ on le veuille ou non, et que cela plaise ou non a notre intellect, l’ exterieur joue sur l’
interieur) , les Roche yechivotes soient devenus des pseudos rebbe , et les talmiddims des pseudo hassidims.
Je dis » pseudo » car, derriere les apparences et coutumes » mysthiques » de la hassidoute, se cache une mer de sagesse qui transcende et influence tous les courants du judaisme ( je vous rappel que
Rav Kook a bu du lait Habbad quand il etait bebe, puisque sa mere vient d’ une des plus grandes familles habbad de l’ epoque), pareillement rav Dessler etait baki dans le tania , peu de gens savent
que le rav Houtner de Chaim Berlin ai eu une havrouta de hassidout avec le rabbi de Loubavitch pendant des années…, aussi il me semble que le rabbi et le Rav Yossef Dov ai eu de chaleureux
rapports , Beno Gross faisant meme dans ses traductions des rapprochement entre la pensée du rav et la pensée du baal Hatania dans le likoute Thora.
Deplus, chez les vrais hassidims, le rebbe est necessaire au hassid pour se parfaire, pas pour juger tout le monde…
De la meme facon que quand on est malade on n’ attend pas d’ attendre d’ avoir fini pharma pour prendre un antibiothique, on va juste voir le medecin qui prescrit, de la meme facon j’ ai l’
impression que nous vivons dans une generation tellement speciale que le olam hayechivot a prefere perdre en autonomie intellectuelle qu’ eventuellement mal tourner…
Je voudrais retenir votre intention sur un article (en hébreu) – qui permet une approche plus nuancée du problème – du Rav N. E. Rabinovitch, « Emounat H’ah’amim, mahi? », dans son livre « Darkah Shel
Torah », édité par le Rav David Zenou et Guedalia Haber, éd. Maaliot, Maaleh Adoumim, 1998, p. 206.
Bonne lecture !
J’aime beaucoup cet article ; il est très vrai et bien écrit. Je pense que c’est la société religieuse Israelienne qui s’est créé toute seule cette folie de Daat Torah en s’enfermant dans son cocon. Je voudrais souligner que sans être Mo; j’habite à Londres et on peut parfaitement être orthodoxe sans être rattaché au daat Torah des « gedolim » en Israel. Pour moi ; ces grands sages sont certes très érudits et le jour où je déciderai de leur poser une question précise d’halacha je les écouterai très certainement mais ils se situent beaucoup trop loin et physiquement et halachiquement et mentalement de mon être aujourd’hui pour pouvoir gérer un quelconque autre domaine alors oui il faut ce faire un rav pour ses questions perso mais il faut qu’il soit local et dans notre mentalité. Shabbat shalom (le dessin de lot est très joli )
Pour les anglophones intéressés, voilà une étude approfondie du sujet qui est intéressante :
http://www.jlaw.com/Articles/cohen_DaatTorah.pdf