Hashkafa vs. Halakha : lorsque l’idéologie s’empare de la loi

Les différents courants du monde juif en général, et les différents courants de l’orthodoxie en particulier, sont en conflits depuis près de deux siècles. Le débat a très certainement pris son envol au début du XIXe siècle, à l’époque où la Haskala, le judaïsme « des lumières », débuta.

Je pense que c’est vers cette période qu’a commencé à se forger des opinions bien précises dans des domaines qui ne relevaient pas de la halakha pure. Ces opinions sont ce que l’on nomme aujourd’hui « Hashkafa ». La racine de ce terme hébraïque signifie « observer, voir ». On pourrait donc le traduire par « vision » ou « point de vue », mais le terme définit souvent une véritable idéologie.

On admet généralement que les débats comme « sionisme ou anti-sionisme », « Collel ou études profanes », etc… relèvent plus de Hashkafa que de Halakha.

Cependant, les esprits les plus coriaces vous convaincrons toujours que n’importe quel problème est d’ordre Halakhique. Les conséquences sont grandes : Si la Halakha me dit d’étudier au Collel, alors je suis obligé de le faire. La Halakha, ne l’oublions pas, c’est la loi. Par contre, s’il s’agit juste d’une question d’idéologie, j’ai le droit d’avoir un point de vue différent.

Prenons un exemple : la récente polémique israélienne sur « l’interdit » des rabbins de vendre ou louer sa maison à un arabe israélien. Un esprit critique sent qu’il ne peut s’agir d’un débat purement halakhique. D’un autre coté, le psak se base sur plusieurs lois connus du Choulhan Aroukh et du Rambam…

Il est en effet évident qu’on peut ramener n’importe quel problème à la Halakha. Je peux, par exemple, affirmer que la Halakha interdit de boire du Coca-Cola. Pourquoi ? Parce que le Coca représente la mondialisation, la mondialisation symbolise le mélange des peuples, boire le Coca c’est donc partagé quelques choses avec les non-juifs, c’est ouvrir une brèche à la culture occidentale, et la Torah nous ordonne de ne pas imiter les coutumes des non-juifs.

On pourrait même pousser le bouchon (puisqu’on parle de boisson) un peu plus loin en disant que boire du Coca, c’est faire l’erreur des juifs, à l’époque d’Esther, qui sont allé au festin 100% casher d’Assuerus mais qui n’ont pas compris qu’en faisant cela ils marquer le début de leur assimilation. Boire du Coca, est donc sans l’ombre d’un doute une très grave faute qui risquerait de provoquer l’assimilation totale du peuple juif. (pour ceux qui ne l’ont pas compris ce paragraphe est ironique).

Après cette petite démonstration, posons la problématique :comment peut-on différencier entre Hashkafa et Halakha ?

Je pense avoir trouvé une réponse, que je soumet à l’esprit critique (et aux critiques) des lecteurs du blog.

Un problème, une loi, qui ne tire pas son origine d’une source à 100% halakhique (nommons cela les sources ultra-halakhiques) est un problème de Hashkafa. La loi en question doit transparaitre de sa source ultra-halakhique et ne pas être soumise à plusieurs interprétations.

Je pense qu’il existe trois sources ultra-halakhiques :

  • un verset d’ordre législatif (ex : tu ne voleras pas).
  • Une Mishna
  • une Braytai ou Tossefta

Ainsi, en Israël, l’extrême majorité des problèmes à l’échelle nationale sont d’ordre hashkafatique et non halakhique car le problème commence généralement à une source non-halakhique : quelle place la Torah accorde t-elle à un état juif démocratique et laïc ?

Il existe une multitude de réponses à cette question, mais le débat prend sa source dans les aggadot du Talmud ainsi que dans des écrits mystiques. Lorsque cette question est résolue, il en dérive une multitude de questions halakhiques.

Par exemple, doit-on dire le Hallel à Yom Haatsmaout ? Après tout, il y a une mitsva de remercier Dieu pour ses bienfaits. Mais la question, apparemment hilkhatique, est en fait hashkafatique : qui a dit que l’état d’Israël était un bienfait ?

Autre exemple : l’interdit de louer sa maison à un non-juif. Cet interdit se base sur le verset de « lo techanem(Deut. 7,2), il semble qu’il s’agisse donc d’une Halakha. D’un autre coté, cette question dépend certainement de problème hashkafatique : encore une fois, quelle place est accordé à l’état d’Israël ? Quel statut est accordé aux non-juifs non-idolâtres ?

Tant de vains conflits pourraient être résolus si les gens admettaient qu’il s’agit de problèmes non-halakhiques. La loi doit être tranchée, mais je ne pense pas que la Torah prône une tyrannie de la pensée. Je suis sur que chaque internaute aura ses exemples personnels. J’invite chacun(e) à venir les partager ainsi qu’à donner son avis sur ma définition de la hashkafa.

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