Étude des femmes: quelles conséquences en pratique? Par Emmanuel Bloch
Originaire de Colmar en Alsace, Emmanuel Bloch a fait des études de droit et d’économie en Suisse, où il a travaillé, par la suite, en tant qu’avocat. Il a étudié à la yechiva de Ohr Somayach, aux Etats-Unis, puis au kollel de Genève. Il habite aujourd’hui, avec sa femme et leur petite fille, à Jérusalem, où il suit un programme de Masters en philosophie juive (Machshevet Israel) à l’Université Hébraïque, et prévoit de se spécialiser en philosophie de la Halakha.(source : cheela.org)
Repondeur sur le site de questions/réponses juives cheela.org, Emmanuel est aussi un lecteur régulier du blog. Il nous fait aujourd’hui l’honneur d’un guest post (et nous espérons qu’il y en aura d’autres !) particulièrement intéressant destiné à analyser les conséquences pratiques de l’étude des femmes au sein du monde orthodoxe.
Étude des femmes: quelles conséquences en pratique?
Bonjour à tous les lecteurs et commentateurs du blog Modern Orthodox, et merci au ba’al ha-blog de me permettre de publier quelques réflexions sur un thème qui passionne nombre d’entre nous!
Ceux qui suivent ce blog avec régularité savent que le thème de l’étude de la Torah par les femmes a été déjà abondamment discuté. Pour de précédents articles, voyez par exemple l’article « ma fille érudite ?! Has Vechalom ! » et aussi dans les commentaires occasionnés par le post « voix de femmes, par Janine Elkouby « .
Jusqu’ici, les principaux débats ont tourné autour de la possibilité halakhique de permettre (ou non) l’étude de la Torah par des femmes. Qui permet, qui interdit, et pourquoi?
Après ces débats plutôt savants, le problème que je souhaite soulever aujourd’hui se veut d’orientation plus phénoménologique. Ce qui m’intéresse ici, c’est de poser la question suivante: une fois admise l’étude de la Torah des femmes, quelles en sont les conséquences pratiques? En d’autres termes: en quoi le monde juif orthodoxe, tel que nous le connaissons, est-il en train de changer sous l’impulsion du nombre non négligeable de jeunes femmes religieuses qui consacrent une partie de leur temps à l’étude de la Torah, en y consacrant une année d’études dans une midracha ou dans un autre cadre?
Si le sentiment de « sacrilège » ressenti par certains hommes, en voyant pour la première fois une femme penchée sur un gros tome du Talmud et profondément absorbée dans l’étude d’une sougya particulièrement complexe, disparaît normalement bien vite, d’autres conséquences de l’étude des femmes sont plus marquantes. Voici brièvement celles qui me paraissent être les principales.
1. Sentiment d’exclusion du dialogue talmudique.
Le corpus talmudique dans son ensemble est une œuvre écrite par des hommes et pour des hommes. Ses auteurs, ses commentateurs, ses amplificateurs, ses lecteurs, ont de tous temps été de sexe exclusivement masculin. Le texte qui en résulte en porte les traces évidentes, mais un homme étudiant la Guemara a toutes les chances d’être aveugle à cette réalité, car il partage lui-même les mêmes biais cognitifs.
Il faut préciser ici que de nombreux Juifs orthodoxes ne sont pas d’accord avec le paragraphe précédent. Dans leur vision des choses, le Talmud fait partie de la Torah orale et contient des vérités éternelles; même les enseignements cités spécifiquement au nom d’un Maître nommément désigné sont conçus comme complètement objectifs. Affirmer qu’un grand sage de la Michna ou de la Guemara souffrait, au même titre que les êtres humains de moindre niveau, de biais cognitifs qui orientaient sa pensée dans un certain sens, revient à encourir l’anathème.
Il existe bien entendu des femmes qui partagent cette vision traditionnelle des choses. On les trouve même parmi celles qui ont reçu un enseignement leur permettant un accès indépendant aux sources talmudiques et post-talmudiques. Ceci n’est pas réellement étonnant lorsque l’on prend en considération que ce sont en règle générale des hommes qui leur ont donné les clefs de la compréhension du texte talmudique.
Mais d’autres femmes, d’esprit peut-être un peu plus critique, refusent de voir le Talmud au travers des lunettes héritées de leurs professeurs. L’indépendance de leur démarche les amène alors à découvrir, non sans un certain choc le plus souvent, une autre perception de la réalité talmudique. Là où un homme pense voir un texte « objectif », une femme découvre un texte « masculin ».
Prenons un exemple. La Guemara, dans le traité Berakhot 57b, pose l’affirmation suivante:
שלשה דברים מרחיבים דעתו של אדם ואלו הן: אישה נאה, בית נאה, וכלים נאים.
« Trois choses élargissent l’esprit de l’homme: une belle femme, une belle maison, de beaux ustensiles« .
Le sens le plus simple de cette affirmation semble être d’indiquer les « choses » qui impactent positivement l’état d’esprit d’une personne, mais d’autres explications peuvent être proposées (voir par exemple le commentaire du Maharsha qui va dans un sens très différent). Toutefois, en ce qui concerne notre réflexion, le point important se situe ailleurs que dans la recherche du pchat.
La femme étudiant ce passage trouvera de nombreuses raisons de s’offusquer. En premier lieu, le Talmud n’est aucunement intéressé à fournir une « liste de choses qui élargissent l’esprit de la femme ». Seul le point de vue masculin est considéré comme digne d’intérêt. De plus, la femme est ici objectifiée, elle est une « chose », et la Guemara l’inclut à égalité avec la possession d’une résidence secondaire ou de la dernière BMW. Finalement, son existence pour l’homme se réduit à sa beauté physique. Les femmes intelligentes, morales, instruites, accomplies professionnellement, ou encore les mères exemplaires, « n’élargissent » en rien l’esprit de leurs maris.
Ce texte a ainsi de fortes chances d’entraîner des réactions très différentes selon qu’il est lu dans une yeshiva ou dans une midracha. A Mir ou à Yeshivat HaKotel, l’étudiant passera dessus rapidement. A Brouria ou à Migdal Oz, l’étudiante ressentira un réel sentiment de discordance.
Le problème ne se limite pas à ce seul exemple. On peut continuer l’énumération à l’envi. Ainsi, dans ses discussions sur le statut des femmes, le Talmud est rempli de principes que l’on peut qualifier d’évaluations psychologiques de la mentalité féminine. En gros, on peut classer ces principes dans la catégorie générale de « une femme, comment ça marche? ».
Un tel axiome peut par exemple être trouvé dans l’idée qu’une femme préfère toujours être en couple à être célibataire (טב למיתב טן דו מלמיתב ארמלו), même si son mari a de graves problèmes dans sa santé mentale ou physique, dans son comportement ou dans son apparence extérieure (Yebamot 118b et nombreux autres passages). Plutôt vivre avec un fou, avec un paralytique ou un bizarroïde, que d’être seule.
Cette assomption quant à la nature des femmes a des conséquences halakhiques claires. La halakha est tranchée en fonction de cette vision de la nature supposée réelle des femmes. Au Beit Din, les juges trancheront différemment certains cas selon qu’ils concernent un homme ou une femme: il est ainsi plus facile d’annuler un mariage pour grave défaut physique du conjoint lorsque l’on est un homme, car la halakha part de l’idée qu’il est plus important pour une femme que pour un homme d’être en couple et qu’elle est donc prête à plus de concessions.
Mais est-ce vraiment le cas? De très nombreuses femmes pensent au contraire « qu’il vaut mieux seule que mal accompagnée ». L’évaluation psychologique que le Talmud fait de la nature féminine leur semble complètement erronée, soit que la réalité ait changé avec le passage des générations, soit qu’elle ait toujours été différente. Elles s’étonnent surtout de ce que la halakha parle des femmes sans demander l’avis des principales intéressées.
Poursuivant leur étude, les femmes découvriront leur inclusion dans des catégories halakhiques au libellé peu flatteur, comme par exemple « les femmes, les enfants et les esclaves » (נשים, קטנים ועבדים), une expression courante dans la littérature halakhique, qui est parfois étendue aux « ‘sourds-muets, imbéciles, mineurs, hermaphrodites, androgynes, femmes, esclaves non libérés, boiteux, aveugles, malades … » (‘Hagigah 2a). On peut difficilement faire moins politiquement correct.
Bref: si le Talmud est une expression de la parole de Dieu, aux yeux des femmes qui l’étudient, cette parole semble souvent être une parole étonnamment masculine. Imaginez un individu assistant à un dialogue entre deux amis qui parlent de lui mais sans le consulter. De la même manière, les femmes se sentent exclues, extérieures, et non représentées. On parle d’elles, mais pas avec elles. Les points de vue des femmes, leurs sensibilités propres et les valeurs qui leur sont importantes ne sont pas pris en compte.
Cette réalisation est la première conséquence de l’étude des femmes que je voulais examiner. Ne nous y trompons pas: c’est un changement de première importance. Pourquoi cela? Tout d’abord, bien évidemment, parce que cette nouvelle vision du Talmud entraîne directement d’autres conséquences concrètes, auxquelles nous consacrerons un prochain post sur le blog.
Mais la critique féministe de l’étude de la Torah est importante en tant que telle. Ses arguments et ses conclusions ne restent pas confinés à quelques cercles restreints, mais influencent au contraire le dialogue religieux du monde orthodoxe moderne, que ce soit aux USA ou en Israël. Et le mouvement ne fait que prendre de l’ampleur au fil des ans.
On peut dire qu’il y a ici un moment de prise de conscience, une certaine perte d’innocence, un passage d’un point de non-retour. Les femmes nous apprennent à voir la Torah à travers leurs yeux, et rien après n’est plus pareil.
Note du webmaster : Hanna Kehat, fondatrice de la Midreshet Brouria (Lindenbaum) ainsi que du mouvement israélien féministe et orthodoxe Kolech a récemment publié un livre ou elle exprime le conflit interne qui anime la femme orthodoxe étudiant le Talmud. Le livre, intitulé « Judaisme et féminisme, entre choc et renouveau », souligne la contradiction qu’il peut exister entre l’acceptation d’une torah divine et le refus du coté patriarcale du Talmud. (cf. mon article sur le livre).
Une oeuvre majeure sur le sujet est le célèbre « Expanding the palace of Torah » du Prof. Tamar Ross.
Votre investigation est plus que louable, mais je vous en conjure, argumentez plus votre propos. Ce blog n’est pas une revue scientifique, mais ce sujet est si propice aux pics d’humeurs, qu’il
vaut mieux user de la prudence!
Je formulerais trois remarques. Bien entendu, j’exagère un
petit peu le raisonnement, mais c’est uniquement pour bien cerner les questions.
1. Il faut prouver qu’un « texte masculin » soit forcément au désavantage des femmes. Je ne suis pas sans avoir conscience de l’époque dans laquelle se situent les sages du Talmud, mais un tel
constat est à démontrer.
2. Vous faites une analyse assez rapide du passage de Berakhot que vous citez (non sans quelques erreurs). Tout homme que je suis, je ne pense pas être mal intentionné en disant que la beauté d’une
femme aux yeux de son mari élargit l’esprit de ce dernier. De même, rien ne dit que le Talmud fasse une comparaison. La beauté d’une femme, d’une maison ou des biens d’uns homme lui élargit
l’esprit. Quel est le mal?
Vous avez raison, on aurait pu dire que l’intelligence d’une épouse apporte satisfaction au mari. Mais que faire, les hommes sont plutôt enclins à apprécier la beauté extérieure. (Cette
compréhension de l’enseignement ne suis pas le contexte dans la Guemara et n’est pas le pshat, mais je veux juste montrer que c’est facilement discutable.)
3. Vous écrivez que les femmes ressentent certainement que « la halakha parle des femmes sans demander l’avis des principales intéressées » – Qui dit? Pourquoi les textes de psychologie traitant des
femmes ne sont-ils pas eux aussi taxés de chauvinisme patriarcal (je considère que vous n’êtes pas féministe)? Pourquoi estimer que l’auteur d’un texte profane ait forcément plus fait de recherches
avant d’exprimer son avis sur les femmes que ne l’auraient fait les Sages du Talmud?
Encore une fois, j’ai volontairement exagéré mes propos pour le bien du dialogue, mais je suis entièrement d’accord avec vous: l’apport de l’étude des femmes est l’un des bienfaits dont le judaïsme
jouit dans notre époque.
Bonsoir Picasso,
Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire mon texte et d’avoir formule quelques remarques critiques. Je vais brièvement vous répondre.
Vous me reprochez de ne pas assez argumenter. C’est curieux, pour ma part je pensais faire déjà trop long. Un blog impose nécessairement un format différent de celui d’un livre, et si vous voulez
des livres sur le sujet, vous pouvez vous référer aux indications données par le webmaster tout en bas du post.
C’est pour ne pas faire trop long, aussi, que j’ai finalement scindé ma modeste étude en 3 (ou 4) posts successifs. La suite viendra dans quelques semaines.
Donc, oui, je m’impose de faire bref, mais j’essaie de maintenir un contenu de bon niveau. Et je compte sur les commentaires des lecteurs pour dissiper tout éventuel malentendu.
1. Les trois exemples que je donne sont perçus comme discriminatoires par de nombreuses femmes avec qui j’ai pu discuter. Mais la question de la place de la femme dans le Judaïsme demande plus de
nuances, que j’espère apporter au fil des posts. Tout n’est pas négatif, il existe de nombreux textes talmudiques qui parlent en bien des femmes. Il n’y a aucune raison de douter de leur sincérité,
et un texte masculin n’est donc pas forcément contre les femmes. Mais l’image globale, de l’avis des femmes qui se sont penchées sur la question (c’est celui qui m’intéresse surtout ici), reste
celle d’une très nette discrimination en leur défaveur.
2. Votre deuxième remarque m’est aussi incompréhensible que certains de vos tableaux! 🙂
J’ai clairement expliqué les trois raisons principales que les femmes trouvent de s’offusquer de ce passage. Vous n’êtes pas d’accord, c’est votre droit le plus strict, mais après tout vous êtes un
homme. N’arrivez-vous vraiment pas a adopter le point de vue que je décris ?
Et vous ne voyez aucune comparaison dans l’inclusion des femmes, dans une même phrase et sans pause, avec une maison et des ustensiles? Vous seriez convaincu par une rhétorique de genre face a un
panneau qui interdirait l’entrée d’un hôtel, comme cela existait il y a quelques décennies, « aux Juifs et aux chiens » ? Allons.
3. Les livres de psychologie sont ecrits aussi par des femmes. C’est toute la différence.
Encore merci pour votre contribution!
Très bel article.
Emmanuel,
Je ne vous fais pas de « reproches » ;-), c’est juste que blog ou pas, certains sujets ne permettent pas toujours la concision, du moins à mon sens. Mais passons, ce n’est pas important.
1. Encore une fois, je ne joue pas exprès l’innocent et il est bien évident que des passages talmudiques peuvent étonner, voir déranger. Mais pour dire que les femmes seraient sans doute offusquées
par tel ou tel adage des Sages – et sans non plus avoir recours aux statistiques – il faut quand même plus asseoir la chose. D’où ces femmes que vous avez consultées sont-elles issues? Pour le
coup, j’ai du « forcer » ma femme à trouver quelque chose de négatif quand je lui cité ce passage! Dois-je m’inquiéter de la mesure de sa « féminité »? 😉
2. Sans remuer la chose de trop, non, je ne pense pas que ce point de vue soit si évident. Les trois raisons que vous évoquez sont discutables: a) On peut tout à fait admettre que les Sages aient
parlé de la femme en une autre occasion, écrite ou non dans le Talmud. Après, ce qui a été « canonisé » ou pas par les rédacteurs – masculins 😉 – du Talmud, c’est une autre histoire et il est
question ici de ce passage précisement, non? b)Sincèrement et sans faire l’imbécile, je ne vois pas ici d’objectification. Il est question de beautés: celle humaine, celle de l’espace ou encore de
l’objet, voilà tout. Quels autres exemples donneriez-vous à la beauté? c) Voir ce que j’avais écrit. Plus tard, quand j’ai demandé à ma femme ce qu’elle pense de cette « réduction » de la femme à son
seul aspect physique, elle me répondit: « Qu’est-ce que tu veux, les hommes sont très attirés par la beauté physique, non? »
Plus généralement, le Maharsha a expliqué cette situation comme il l’a fait, peut-être car il jugeait favorablement les Sages, lui, admettant qu’en effet, ils ont pu faire un examen de conscience
critique avant de se prononcer sur les femmes. Au lieu d’une injure aux femmes, il a trouvé là une critique acerbe de l’homme: Voit ce qui motive les hommes – la beauté! Je partage la position qui
cherche à prendre en compte la subjectivité des Sages (tant qu’on ne force pas la chose et qu’on les « contraint » à suivre « leur » shita), mais ma révérence à nos Sages me guide AUSSI dans mon étude,
comme je pense cela a été le cas pour le Maharsha.
3. Je parlais bien entendu de livres rédigés par des hommes, sinon à quoi bon…
Donc oui, les femmes étudiant la Torah peuvent trouver de nombreuses raisons de s’offusquer. Les hommes aussi d’ailleurs doivent se soucier de la cause des femmes. Mais ce que je voulais dire,
c’est que tout en n’angélisant pas nos Sages, on peut toujours plus explorer les textes et ne pas occulter d’autres pistes de compréhension. Ceci étant, je suis d’accord que des textes soient
franchement à remettre en question, mais ce avec la plus grande impartialité qui soit.
Vivent les femmes!
Webmaster,
Bien entendu! Heureusement! Mais, en dehors de féministes prononcées, je ne sais pas si on a pour autant remis en question en vrac les avis psychologiques sur la femme énoncés par des hommes?
Maintenant, je ne suis pas spécialiste ni en féminisme, ni en psychologie et pas plus en Torah… Eclairez-moi!
Merci pour cette réflexion intéressante et utile.
Une remarque : il me semble évident que « c’est le lecteur qui fait la lecture ».
Dans ce sens, le fait que de plus en plus de femmes juives se penchent sur les textes talmudiques fait émerger de nouvelles lectures, offrant de nouvelles perspectives aux textes, un ‘hidoush qui
bouscule sûrement les a priori de certains (hommes ou femmes d’ailleurs), mais qui donne aussi et surtout aux textes une profondeur inédite jusqu’à présent.
Je pense qu’il faut distinguer la question de « la lecture » de celle de « l’écriture ».
Le postulat que « un homme ne peut traiter objectivement des sujets concernant les femmes » et vice-versa est biaisé et stérile. Avec cette logique (poussée à son extrême), seuls des enfants
pourraient parler des enfants, des Français de la France, des juifs d’antisémitisme, etc… et délégitimerait la parole de tout individu extérieur au groupe concerné. Ce serait selon moi un recul
au niveau de la réflexion humaine.
L’objectivité absolue n’existe pas, aussi bien chez l’auteur que chez le lecteur.
La question de la sensibilité du lecteur dépasse le simple clivage homme-femme, réalité du passé-réalité actuelle.
En tant que femme, on peut bien sûr être choquée par certains passages talmudiques et leurs commentaires et implications halakhiques.
Mais je ne pense pas que la solution soit de lancer un débat sur la validité des sources et des auteurs. Et alors quoi !? Faudrait-il rectifier les textes du Talmud ? censurer les passages blessant
la sensibilité des femmes ? Décrédibiliser les Sages s’étant rendus « coupables » de vision machiste ? A ce rythme-là, on en viendra vite à dénaturer les textes, à les vider de toute substance (après
les femmes, les handicapés, les non-juifs, les défenseurs des animaux, les « non-cohen », etc, viendront aussi faire la file…).
Je ne dis pas cela pour décrédibiliser le point de vue des femmes qui revendiquent une plus grande implication dans le débat talmudique (au contraire, j’en ferais plutôt partie moi-même), mais
seulement pour souligner que ma sensibilité à moi me dit qu’il faut dépasser le clivage homme-femme, dépasser les stéréotypes qui mènent à un vulgaire procès d’intention du texte talmudique qui est
stérile pour qui suit la voie d’un judaisme « orthodoxe ».
Le « combat » contre l’exclusion talmudique des femmes ne devrait pas s’ancrer dans une remise en cause du Texte originel, mais dans une remise en cause des lecteurs d’aujourd’hui.
Se battre contre des « stéréotypes » (ou lus comme tels) datant de plus de 1500 ans est vain. Commençons par nous attaquer aux stéréotypes actuels qui aveuglent certains hommes (et certaines femmes
aussi !) dans leur étude du texte.
Pour avancer dans cette voie, j’ai aussi une lecture à recommander (en anglais) qui m’a personnellement énormément intéressée. Il s’agit de « Women in the Talmud : an anthology of the Talmud’s
stories about women, as explained by the classic commentators », par le Rabbin et Professeur Aaron Eli Glatt (Edition Orthodox Union, 2003)
Ce livre permet de donner une vue d’ensemble de différents commentaires élogieux ou pas vis-à-vis des femmes, et donne à réfléchir en comparant les uns et les autres.
Alice, vous le dites mieux que je n’aurais su le faire! כל מילה בסלע
Chavoua Tov,
Et merci a tous pour ces commentaires de grande qualité.
@ Picasso
Je saisis mieux maintenant le sens de vos précédentes remarques. Je crois vraiment que si vous êtes intéressé par une analyse exhaustive de ces questions, il faut vous tourner vers les ouvrages qui
y sont consacrés, dont certains ont déjà été indiqués. Je voudrais encore rajouter a cette liste l’ouvrage de Shoshana Pantel Zolty, « And all your children shall be learned » – Women and the Study
of Torah in Jewish Law and History.
La question de la place de la femme dans le Judaïsme, que j’aborde ici à travers un angle très spécifique, fait l’objet d’un débat intense et nourri au sein de la Modern Orthodoxie, en Israël et
aux USA. C’est probablement le problème le plus grave que rencontre l’orthodoxie « ouverte » (chez les ‘hareidim, le débat n’existe pas ou très peu; a l’opposé, les mouvements libéral et massorti se
définissent maintenant comme complètement égalitaires; ce sont donc bien les orthodoxes modernes qui se trouvent a la croisée des chemins). Sans trop de surprise, c’est aussi dans ce domaine que
l’on trouve des exemples particulièrement prometteurs de pensée orthodoxe créatrice et dynamique.
Mes discussions avec Gabriel m’ont permis de comprendre que le but de ce blog est de présenter la « Modern Orthodoxy » au public francophone: ses précurseurs et ses penseurs, ses autorités
rabbiniques, ses valeurs et ses engagements, mais aussi ses problèmes et ses défis. C’est dans cette optique que j’ai conçu cette petite étude des conséquences de l’étude des femmes (dont nous ne
discutons pour l’instant que du premier volet !). Elle n’est pas exhaustive, j’en conviens volontiers, car mon but est essentiellement descriptif. Et si la carte n’est pas le territoire, elle n’en
garde pas moins son utilité propre.
Vous me demandez en filigrane quelles sont mes sources, qui sont les femmes de qui je parle. Il se trouve que je connais, parmi les gens qui me sont proches, plusieurs femmes qui ont étudié le
Talmud a haut niveau (y compris, mais pas seulement, ma meilleure moitié 🙂 ). Vivant en Israël, et fréquentant le milieu des études juives universitaires, je me retrouve dans une position ou il
m’est aisé de prendre le pouls de la société environnante. Les femmes dont je parle proviennent de milieux religieux (sionistes religieux le plus souvent), et étudient la Torah dans une midracha,
ou alors dans une yeshiva offrant un Beth Hamidrash pour femmes, comme Beth Moracha que j’ai fréquentée quelques mois (voyez ici pour plus d’infos: http://www.bmj.org.il/inner/2).
En pratique, la position que j’adopte ici est celle de l’observateur extérieur, non celle de l’idéologue. J’essaie d’expliquer, pas forcément de rallier a une cause. Que votre femme ne partage pas
la vision féministe que j’articule ici ne me surprend pas. Mais les idées se déplacent des centres vers les périphéries, et je serai surpris que ce qui est une immense question de société en Israël
et aux USA ne trouve pas un écho de plus en plus marqué en France au cours des prochaines années. Autant ne pas se mettre la tête dans le sable dans l’intervalle.
Mais je veux aller dans votre sens sur un point. Une grande partie de la force de persuasion de la critique féministe provient de la cohérence de la vision qu’elle donne à sa lecture des sources
traditionnelles. Il s’agit, pour reprendre l’expression de Thomas Kuhn, d’un véritable changement de paradigme. Pour trouver un point de comparaison, il faut penser a la révolution copernicienne:
l’astronomie basée sur un modèle géocentrique parvenait à expliquer les mouvements des planètes, mais était forcée de rajouter au modèle un nombre croissant de complexités appelées épicycles, ce
qui alourdissait considérablement l’ensemble. Le modèle héliocentrique copernicien convainquit, non pas tant par sa capacité à expliquer des phénomènes, mais surtout par son élégance mathématique
et sa concision.
C’est la même chose dans notre cas. Il ne fait aucun doute que chaque passage du Talmud qui parait choquant peut être interprété de manière à le rendre conforme à nos sensibilités modernes. Et
pourquoi, après tout, refuserait-on d’appliquer le principe de charité aux paroles de nos Sages?
Mais cette méthode n’aboutit qu’a un ensemble d’explications locales que rien ne vient unifier dans une structure plus vaste. La critique féministe, en fournissant une vision globale cohérente, a
beau jeu de dénoncer cette accumulation d’explications ponctuelles comme étant apologétique dans son essence. Pour apprécier la justesse de l’argument, il faut effectivement avoir une vision
d’ensemble, celle que je ne peux donner complètement ici, faute de place. Mais je pense que tout ceci devrait néanmoins prendre de plus en forme au fil des posts.
Une remarque pour finir sur le chauvinisme de Sigmund Freud. Il est évident que tout être humain souffre des biais cognitifs correspondant à son sexe, a son statut social, etc. Donc, oui, ce n’est
pas parce qu’un homme est professeur de psychologie au 21eme siècle qu’il pense plus « juste » qu’un rabbin du 1er siècle. Du coté des femmes, Mary Wollstonecraft, Simone de Beauvoir, ou Katherin
McKinnon, toutes grandes féministes qu’elles soient ou aient été, partagent quant a elles d’autres biais cognitifs propres a leur sexe.
La subjectivité n’est donc pas une insulte ou une accusation, mais une simple réalité de la vie à prendre en compte. Par contre, l’objectivité apparait comme naïve. C’est la toute la
différence.
(je répondrai demain au message d’Alice)
Emmanuel, merci pour ces compléments étendus qui éclaircissent bien votre propos, ainsi que pour les ouvrages que vous rapportez. Et encore bravo pour votre initiative!
@ Alice
Merci de vos remarques pleines de profondeur.
Comme vous, je ne crois pas que *seules* les femmes ont le droit de parler des sujets liés aux femmes (que ce soit dans le contexte de l’étude de la Torah ou autre, d’ailleurs). Je souhaite que les
femmes aient *aussi* le droit de s’exprimer. Or, à la base, dans le Judaïsme, ce n’est pas cela: ce sont les hommes qui fixent toutes les lois gouvernant le statut des femmes, les standards de
modestie auxquels elles doivent se tenir, quel rôle elles doivent jouer dans la famille et dans la société, comment elles doivent percevoir leur propre corps, etc., etc. Pensez-y: des rabbins se
penchent journellement sur les détails de la vie intime des femmes afin de fixer si elles ont le droit d’avoir des relations sexuelles avec leurs maris (!). Il faut se poser la question: est-ce que
cette situation est réellement saine?
Sur Cheela, nous avons la chance d’avoir la présence de Nathalie Loewenberg dans notre équipe pour répondre aux questions de pureté familiale. Elle le fait d’ailleurs remarquablement bien, avec
beaucoup de compétence et de diplomatie. Personnellement, je trouve que cette évolution est très positive, même si ce n’est qu’un premier pas. Il s’agit de donner aux femmes la possibilité de
participer à ce qui se passe dans la religion, de permettre à leur « voix » d’être entendue.
En tant que juif s’identifiant avec le mouvement orthodoxe, j’adhère complètement à votre appel à respecter les paroles de nos Sages. Il faut tenir compte du contexte de l’époque. On ne peut en
vouloir à Maimonide de penser comme un homme du 12eme siècle. Par contre, on peut en vouloir à un rabbin contemporain d’en être resté au même stade de pensée, en raison d’un formalisme halakhique
un peu trop poussé.
Pour l’orthodoxe moderne, qui essaie de naviguer sur la ligne fine permettant d’allier à la fois respect de la tradition et ouverture aux valeurs modernes, il faut donc trouver un moyen de relire
les sources classiques sous une lumière nouvelle. Je ne parle pas de prendre un stylo rouge pour corriger ce qui choque. Il faut des évolutions, pas une révolution.
Très justement, vous soulignez que le problème qui se présente des lors à nous est celui de l’interprétation des sources. Maintenant, la phrase « c’est le lecteur qui fait la lecture » évoque en moi
des sentiments partagés. D’un certain coté, de nombreux théoriciens de l’herméneutique moderne seraient complètement d’accord avec vous (je ne sais pas si vous êtes familière des travaux de Paul
Ricoeur, Stanley Fish ou Hans-Georg Gadamer). Mais j’ai personnellement un peu de mal à admettre l’idée selon laquelle un texte, une fois achevé, n’appartient plus à son auteur, que son
interprétation est laissée librement au soin des lecteurs, et que l’intention première ne compte que pour bien peu de chose dans la compréhension postérieure.
Un autre point important à prendre en compte est que l’interprétation de textes légaux, et en particulier de textes halakhiques, suit des règles bien particulières. Un texte non normatif peut être
interprété beaucoup plus librement. Par exemple, la malédiction d’Eve (« il te dominera ») par Dieu peut être comprise comme une déclaration ontologique (i.e., après la faute, il est de la nature de
la femme d’être dominée par son mari, sans aucun espoir d’amélioration); mais on peut également la comprendre comme la description d’une situation provisoire et à dépasser (après tout, s’agissant
de la malédiction parallèle de l’homme, force est d’admettre que les hommes font de grands efforts pour ne pas gagner leur pain à la sueur de leur front).
Mais un texte halakhique s’interprète selon des règles précises, fixées depuis des générations. On peut changer ces règles, mais a priori ce n’est plus de la halakha. L’une de ces règles, et non la
moindre, fixe que seuls quelques autorités autorisées (les décisionnaires) sont habilitées à interpréter la loi divine. Cela n’encourage pas la créativité débridée, croyez-moi.
Je ne pensais pas inclure de passage sur l’interprétation de la halakha dans ma réflexion, mais si quelqu’un est intéressé à cela, je peux essayer de le faire quand même. C’est effectivement une
question importante dans le cadre de notre discussion.
comme d’habitude, j’apprecie enormement ce qu’emmanuel ecrit.
sur le statut de la femme, j’aimerai rapidement donner mon opinion. ( en lisant vous allez penser au debut qu’il s’agit d’un copier coller de la pensee ancienne haredite mais je pense que ma vision
est plutot differente.
tout d’abord, selon la thora et aujourd’hui tout le monde le pense, la pensée masculine differe totalement de la pensee feminine.
selon la thora, chacun a son role a jouer. l’homme represente l’exterieur et la femme l’exterieur.cependant,le mouvement de la liberation de la femme ne s’est pas suffit a developper la culture et
la connaissance de la femme mais recherche a lui donner un statut similaire a l’homme.
il est accepté aujourd’hui meme dans le monde orthodoxe(haredim) qu’il est possible pour une jeune fille doué de capacites intellectuelle de se lancer dans des etudes universitaires.
cependant, le talmud n’est pas une science comme les autres. il ne s’agit pas de connaissances. il s’agit plutot d’un mode de pensee. le talmud est censé occuper les plus profondes pensees de
l’homme. c’est pour ainsi dire la recherche intrinseque de soi meme. un homme orthodoxe, qui a suivit un cursus yeshivati classique est censé etre passionné par son etude du talmud.
a mon avis, la femme, elle, est plus terre a terre. elle a une nature qui tend egalement vers les activites courantes de la vie, ce qui ne constitue aucunement une bassesse ou du machisme. il
s’agit simplement d’une nature differente.
par consequent, il semble illogique de tendre la femme vers l’etude du pilpoul lithuanien.. mais vouloir simplement decouvrir le talmud ne serait pas un mal mais logiquement le point fondemental
serait plus la halaha et la pensee juive comme generalement accepté….par contre, cette volonté moderne d’identifier la femme à l’homme semble à mes yeux presque malsaine et differe de la tradtion
herité de nos peres.
j’espere n’avoir choqué personne…
gut shabbes
M. Halfon, une idée médiévale reste médiévale, même quand on l’enrobe de jolies expressions du XXIème siècle. Tu as le doit de penser ce que tu veux, mais je ne vois pas en quoi elle diffère de
l’expression « les femmes aux fourneaux ».
Je reconnais que le Talmud n’a probablement pas été écrit à destination des femmes, mais ça ne signifie pas que les femmes n’ont rien à faire avec lui. Et ça ne signifie pas qu’une femme n’est pas
capable de « recherche intrinsèque de soi-même » ou de « profondes pensées ». En substance, c’est ce que tu suggères.
Emmanuel, je ne peux pas dire que je suis à l’aise avec ce que vous écrivez, et la manière de laquelle vous l’écrivez, mais j’imagine que c’est le but voulu, n’est-ce pas ? J’ai très hâte de lire
la suite.
shavoua tov!
j’ai bien apprecié votre commentaire.
il me semble que j’ai pas bien exprimé mon idée…
concernant la femme, la torah utilise l’expression » ezer kenegdo » donnnant a la femme un statut d’aide à l’homme. (statut que vous pourriez deja qualifier de mysogine..)
je n’avais aucunement l’intention de dire que la femme n’a pas de quete personnelle mais plutot que de maniere generale, il semble qu’une femme est un esprit moins torturé qu’un homme. pour ainsi
dire, une femme a plus tendance à accepter la vie et à chercher à l’ameliorer alors qu’un homme tend plus à remettre en cause le fonctionnement meme du systeme. ne deduisez pas s’il vous plait que
la femme est moins intelligente que l’homme mais seulement differente.
toutefois, il est juste de remarquer que durant l’histoire et meme dans notre tradition, il y a eu des femmes ayant un type de comportement de type feministe ( yael, deborah, brouria…) cependant,
il est clair que ces personnages furent des exceptions et qu’hormis cela, elles surent garder leur statut de femme au sein de leur foyer. ( cf brouria talmud bavli)
le talmud n’est pas un livre de lois. c’est à mes yeux, un livre de reflexion,d’analyse profonde et qui necessite pour en avoir une comprehension reelle, un investissement acharné. par consequent,
il semble que la femme qui a une tendance plus terre à terre que l’homme n’est pas un fait pour devenir le successeur du ktsot hahoshen.
hormis cela, il y a lieu de penser que la societe actuelle souffre de problemes conjugaux tres serieux qui ont entre autre pour origine, le changement total du statut de la femme à celui
d’equivalent de l’homme.
en conclusion, il semble plutot de tendre vers un systeme de vie ou la femme reste une femme et ne devient pas un homme meme si en theorie, elle pourrait l’etre.
ps : a mes yeux, mon opinion n’a rien de mysogine…
Chavoua tov,
@ Michael Halfon
Merci pour les compliments!
Par rapport a ce que tu écris, l’expression particulièrement problématique se situe au début du 4eme paragraphe: « selon la Torah »… Ce que j’essaie d’expliquer ici, c’est que de nombreuses femmes
ont du mal a percevoir la vision objective que cette expression semble impliquer. On leur parle « du point de vue de Dieu », alors qu’en creusant un peu elles découvrent une vision de la femme qui ne
semble refléter que le « point de vue des hommes ».
Que réponds-tu aux femmes qui n’ont pas envie d’être « l’intérieur »?
Il n’y a pas si longtemps, dans tous les pays du monde, une femme ne pouvait pas devenir médecin, avocate ou ingénieur. Une femme n’avait pas le droit de voter (en Suisse, dans certains endroits,
c’était le cas jusqu’en 1990!). Etc.
Selon ta logique, tout ceci est parfaitement justifiable: non, bien sur, les femmes ne sont pas inférieures aux hommes, si elles ne votent pas c’est qu’elles représentent l’intériorité. Si elles ne
peuvent aller a l’université, c’est que la société / Dieu a d’autres plans pour elles, non moins élevés, mais qui tiennent compte de leur nature terre-a-terre. Et les traditions héritées de nos
pères… Etc.
Cela te convainc? Parce que moi pas. Et si tu n’es pas convaincu, alors en quoi cette logique serait-elle meilleure appliquée au rôle de la femme dans le Judaïsme ?
@ Chmouel
Lorsque je lisais le livre de Tamar Ross, j’ai plusieurs fois été obligé de m’arrêter au détour d’un paragraphe, tant ce que je lisais me posait problème. Donc je comprends parfaitement votre
sentiment. Je respecte d’autant plus la curiosité intellectuelle que vous exprimez dans la dernière phrase.
Mon but n’est pas réellement de choquer. Je pense que la question des femmes dans le Judaïsme est réellement problématique, et que le monde MO ne peut fait faire l’économie de cette discussion. La
suite viendra dans quelques semaines, beezrat hachem.
@ Michael
Je n’avais pas vu ta dernière réaction en rédigeant le commentaire 14.
quelle plaisir de lire cette remarque!!
tout d’abord, il ne vaut mieux pas melanger la pensée juive et le monde occidentale.
dans chaque phenomene societaire, la force est de savoir distinguer le bon coté du mauvais coté de la chose.
dans le monde orthodoxe, il y a environ 100 ans, il y a eu la creation du beth yaacov cree par sarah shnereir qui a ete une revolution dans le monde orthodoxe et qui a ses debuts, a ete rejeté par
certains orthodoxes conservateurs. c’est un psak du hafets haim qui changea la donne….
on pourrait logiquement supposer que cette mini revolution fut influencée par la mouvement feministe moderne.
cependant, dans chaque chose et c’est la force du judaisme, il y a des poids et des mesures. dans notre tradition, les textes n’interdisent aucunement l’attrait vers la connaissance pour la
femme,mais limite en fonction des circonstances l’importance de la chose
tu as ecris : « Selon ta logique, tout ceci est parfaitement justifiable: non, bien sur, les femmes ne sont pas inférieures aux hommes, si elles ne votent pas c’est qu’elles représentent
l’intériorité. Si elles ne peuvent aller a l’université, c’est que la société / Dieu a d’autres plans pour elles, non moins élevés, mais qui tiennent compte de leur nature terre-a-terre. Et les
traditions héritées de nos pères… Etc. »
je n’ai jamais supposé de telles choses. nous vivons dans une societé, il faut donc savoir s’y adapter. les moeurs changeant avec le temps. cependant, la thora à mes yeux, n’a jamais exigé que la
femme reste idiote et reste à la cuisine. a ma connaissance, la fille du hafets haim a etudié à l’université de berlin et la fille du rav hutner est diplome de columbia en psychologie.
par consequent, il ne vaut mieux pas comparer la pensee occidentale qui etait par le passé misogyne et la pensée juive qui sait faire des distinctions en fonction des circonstances.
concernant la femme actuelle, chaque jeune fille doit agir en fonction de son ame et conscience.
Cher Emmanuel,
cela me fait plaisir de te lire, ton article est très intéressant.
Je pense toutefois que le problème réside plus en profondeur. C’est la fameuse problématique des temps modernes : quel lien y a-t-il entre la société occidentale moderne en développement et le
judaïsme traditionnel qui sous-tend un dynamisme quelque peu statique puisque limité, comme son nom l’indique, par son lien avec notre passé.
En effet, toute cette première partie de réflexion est basée sur un postulat qui doit être vérifié : les opinions sociales de nos Sages et leur vision du monde sont-ils de caractère éternel, à
l’image de leurs interprétations juridiques ou bien sont-elles énoncées dans un cadre social particulier – dans lequel ils vivaient – et auquel ils apportent un pan d’amélioration? S’il en est
ainsi, peut-être devrions nous étudier et comprendre leur esprit afin de nous aussi, dans leur voie, réparer notre société qui est bien différente de la leur. Il faut savoir que le monde en
général, à cette époque, ne laissait aucun statut juridique ni à la femme, ni à l’enfant, ni à tout handicapé quel qu’il soit… cela veut-il dire qu’ils sont inférieurs? ou que nos Sages ont dû
légiférer et pour ce faire se sont exprimés dans la société qui les entourait avec ses normes et son langage?
C’est toute une question d’approche. Il m’importe moins de savoir qui a écrit le Talmud que de le comprendre (quoique souvent l’un soit lié à l’autre). Cependant, je ne pense pas que l’on doive
réécrire les propos de nos Sages, mais plutôt proposer de comprendre leur société et en quoi ils sont intervenus dans le sens des femmes et des enfants. D’une certaine manière c’est la direction
que prend le Rav Steinsaltz dans son commentaire, en ramenant des éléments biologiques, étymologiques et sociétaires…
Cette approche semble s’accorder avec un principe important que nous enseigne le Rambam (Moreh Nevouh’im III, 27)le but de la Torah est à la fois de réparer la société et à la fois d’amener l’homme
à une réparation de l’âme. Je crois que c’est ce qu’il faut apprendre de nos Sages durant toutes les générations. Cela évite bien des frustrations qui sont autrement aujourd’hui inévitables.
Cela ne résout cependant pas la question du lien entre notre société et celle de nos Sages ; ce qui a changé, ce qui est essentiel dans leur propos et ce qui ne l’est pas.
עוד חזון למועד…
[cf. p. ex. Resp. Siah’ Nah’oum, siman 112, p. 380-387 ; première intro. du R.S.R. Hirsch à son H’orev ; Iggrot Tzafun 1 et 2 ; art. du rav Tendler in Challenge de Carmell & Domb, p.469-470 ;
Liprakim du Rav Y.Y. Weinberg (Sridei Esh), chap. nommé Peirot ouPrah’im ; Tana DeBei Eliahu Rabba 3,14 ; la Ière part. du livre du Gd. Rabbin A. Safran « H’oukot Olam veRazei Olam » ; comparer avec
Maharal, Be’er Hagola, Be’er Revi’i]
S.E.,
« de caractère éternel, à l’image de leurs interprétations juridiques » – Voilà un postulat de plus… ואכמ »ל
Bonjour S.E.,
Je suis heureux que tu aies pris quelques minutes pour lire mon article et commenter!
Je crois que je suis sur la même longueur d’onde que Picasso sur le coup. Lire les paroles de nos Sages comme des vérités éternelles, ce que tu veux faire (en tout cas pour ce qui en est des
« interprétations juridiques ») est tout autant basé sur un « postulat » que l’est une lecture admettant leur contingence (i.e. un lien avec un contexte socio-culturel donné).
Je crois que l’on peut faire les deux lectures sans être intellectuellement malhonnête. Dans les deux cas, on trouve des textes qu’il est facile de lire ainsi, d’autres qui le sont moins, et
certains qui posent carrément problème. Le plus logique est d’adopter la vision qui minimise les difficultés de lecture, et à mon sens c’est celle qui revient à admettre que les paroles de nos
Sages ne sont pas forcément des vérités éternelles (ce qui, encore une fois, ne signifie aucunement que l’on peut les écarter sans autre).
Si tu lis mon article avec attention, tu constateras que je décris la démarche de certaines femmes religieuses, qui sont parties d’une vision proche de la tienne pour arriver à celle opposée.
Pour prendre un autre exemple, les mêmes deux approches sont utilisées pour les questions de « Science et Torah ». ‘Hazal nous dit que les poux naissent par génération spontanée, et que par
conséquent il est permis de les tuer chabbat. Que faire aujourd’hui, alors que nous savons que la génération spontanée n’existe pas? Différentes réponses existent. Le Pa’had Yitzchak (r. Yitzchak
Lamproti) écrit qu’il faut changer la halakha car elle est basée sur des données scientifiques erronées, alors que le r. Dessler écrit explicitement le contraire (la halakha est éternelle, la
science n’étant qu’une simple proposition d’explication sans conséquence pratique). Il existe d’autres prises de position encore. Qui a raison, qui a tort? Les deux se défendent. Mais la première
explication me convainc beaucoup plus, personnellement. Surtout lorsque, comme je l’ai expliqué dans un précédent commentaire, il s’agit d’une vision d’ensemble s’appuyant sur de nombreux exemples
ponctuels.
En passant, si tu as lu l’autobiographie de Salomon Maimon, tu auras vu que c’est l’un des exemples qu’il utilise pour ridiculiser le monde religieux qu’il a quitté – tuer un pou chabbat est
permis, alors que tuer une puce est passible de la peine de mort?
Je ne suis pas sûr de tout comprendre dans ton commentaire. Le critère que tu avances est flou. Qu’est-ce que tu considères comme « interprétation juridique » dont il faut admettre l’objectivité ? La
Halakha interdit aux femmes de témoigner, c’est juridique / éternel ou c’est social / contingent?
Et les lois que ‘hazal ont fixées pour améliorer le statut des plus faibles, en admettant qu’on peut les isoler de celles qui représentent des vérités objectives – peut-on les changer aujourd’hui,
alors que ces lois semblent quand même largement dépassées?
Tout ceci demande encore un peu de réflexion, mais peut-être auras-tu l’occasion de préciser dans un prochain commentaire ce que tu voulais vraiment dire. Dans tous les cas, merci de ta
contribution!
Chalom!
Je suis moi-même femme, moderne et professeur, et je n’ai pas personnellement d’intérêt dans la critique féministe.
D’abord, je ne pense pas que les femmes soient les seules à recevoir quelques « compliments » dans le Talmud, les hommes aussi en prennent pour leur grade… je ne suis pas donc choquée outre mesure.
Le Judaïsme n’est pas politiquement correct.
De plus, les critiques féministes ont comme on dit en anglais « an agenda ». Je les lis donc avec une extrême précaution, au mieux.
Un point de vue féminin est très intéressant, quand il est objectif et tourné vers la Torah uniquement.
Par contre, je ne suis pas persuadée (du tout) que les filles devraient apprendre la Gemara. Si une rabbanit âgée le fait, kol hakavod, mais la jeune fille moyenne? Même dans les cercles européens
les plus modernes, cela ne se fait pas. Une femme pourrait passer sa vie à étudier sans toucher à la Gémara dans le texte, un sujet qui généralement n’a pas les faveurs du public féminin. Pourquoi
donc cet engouement? Souvent pour des raisons « féministes », parce que « moi aussi j’ai le droit ». Une bien triste raison pour étudier…
Rachel
Bonjour Mora Rachel,
Je suis heureux de lire votre commentaire, nous n’avons eu que très peu de réactions de femmes (sauf Alice, pour autant que les pseudos permettent d’en juger). Vu le sujet, c’est dommage ! merci de
réparer ce manque.
Une petite précision avant de vous répondre: vous avez peut-être vu les deux liens (en début de post) vers les discussions portant sur la permissibilité et l’utilité de l’étude des femmes. Ici, je
voulais m’intéresser au stade suivant. En d’autres termes, ma question est la suivante: une fois admis que les femmes ont accès au Talmud, qu’est-ce que cela change en pratique?
Si vous habitez en Europe, vous n’avez probablement jamais eu l’occasion de voir le phénomène que j’analyse. En France, on a quelques décennies de retard sur ce qui se passe en Israël ou aux USA.
J’espère donc ne pas vous vexer en n’étant pas d’accord avec vous: les jeunes femmes, étudiantes en Midracha ou autres, que j’ai rencontrées, ne sont pas des féministes a outrance. Elles ne sont
pas mues par des considérations idéologiques (la génération précédente, celle des pionnières, peut-être plus). Dans la plupart des cercles sionistes religieux, on ne voit rien d’anormal a ce qu’une
fille étudie la Guemara.
Est-ce que les féministes ont un « agenda »? Probablement oui, vous avez raison. Mais pour être honnête, les autres aussi. Ils sont très biaises en faveur du statu quo (un des points importants de
mon article est d’ailleurs qu’il n’existe pas de point de vue « objectif »).
L’argument de la « mauvaise motivation » est un très bon exemple d’argument que je trouve particulièrement peu convaincant. On l’entend souvent, sans que personne se pose la question de savoir s’il
se justifie dans nos sources.
On ne vérifie pas les motivations de quelqu’un qui veut étudier la Torah. Sinon, je vous garantis que l’on devrait mettre a la porte du kollel ou de la yeshiva une grande partie des garçons qui y
étudient. Je ne parle pas de tout le monde, bien sur – de nombreux ba’hourim / avrekhim sont très idéalistes et sacrifient beaucoup pour l’étude. Mais il est de notoriété publique que nombre
d’entre eux chauffent les bancs, restent le temps de se trouver un chidoukh ou pour éviter l’armée, ou toute autre raison non valable. Ou avez-vous qu’un Roch Yechiva mette un étudiant a la porte
pour mauvaise motivation dans l’étude???
Au contraire. Le principe général, lorsque l’on parle d’étude, c’est qu’une mauvaise motivation amène a une bonne (מתוך שלא לשמה בא לשמה). La Torah a le pouvoir de purifier ceux qui s’approchent
d’elles. Cela, ce sont nos sources les plus consacrées qui le fixent.
Tout le monde a un parti-pris. Il vaut mieux prendre ce fait en compte (ceci rejoint un point essentiel de mon article), et se concentrer sur les vrais arguments de fonds.
Mon très cher Emmanuel,
Je suis désolé de ne pas avoir été suffisamment clair…
Tu poses une question de fond phénoméno-sociologique: en quoi le monde orthodoxe est-il en train de changer sous l’impulsion de femmes étudiant la Torah. Tu réponds qu’elles se sentent exclues du
dialogue et poussent à une lecture féminine. Ceci est un fait, comme tu le dis si bien: « un moment de prise de conscience, une certaine perte d’innocence, un passage d’un point de non-retour. Les
femmes nous apprennent à voir la Torah à travers leurs yeux, et rien après n’est plus pareil. »
Donner une note positive ou négative à des événements n’est pas de mon ressort et j’admire ta position d’observateur qui se veut non-idéologue.
Mon seul commentaire est lié à l’argument invoqué : le Talmud est effectivement une œuvre écrite par des hommes et pour des hommes, que peut-on y faire ? C’est là un fait historique. Le « biais
cognitif » est par conséquent obligé. Là aussi je n’ai rien à redire. Je vais paraître un peu extrême, mais à mon sens, si les femmes veulent relire ou réécrire le Talmud, qu’elles le fassent, ça ne
me dérange pas plus que cela, à condition que ça reste sur le plan théorique. Le Gaon de Vilna ne dit-il pas que chacun peut lire les mishnayot selon son interprétation même si elle contredit celle
de la guemara, à condition que cela reste au plan théorique ?
Le « problème » est donc, comme dit, le pan juridique qui en découle. Quand je dis que celui-ci est ontologique, c’est parce que j’admet, effectivement comme postulat, la massoret, ou messorah dans
les termes du Rav Soloveitchik, la Torah Orale. Nous avons une tradition, qui, tout comme le texte du Talmud, nous est nécessaire tant à la transmission qu’à la compréhension des versets, de ce que
nous supposons comme Volonté Divine ; il existe des règles décisionnaires (klalei psika), etc.
Chambouler tout cet ordre, c’est nier une partie du judaïsme et affirmer un position libérale. Cela ne me pose pas problème en soi, tant que c’est défini comme tel. Le danger est lorsque ces thèses
se veulent orthodoxes.
Ceci étant, j’essayais précédemment, et apparemment de manière incompréhensible, de discuter les arguments par lesquels tu illustres ton propos.
Le fait que seul le point de vue masculin soit considéré comme digne d’intérêt et que la femmes soit « objectifiées », considérées comme possession, réduites à la beauté physique, catégorisées de
manière exotique et peu accorte et psychologiquement évaluées de manière erronée n’est pas absolu; il faut souligner que cela prend sens face à une réalité contemporaine différente de la leur. Tu
l’écrit d’ailleurs: « L’évaluation psychologique que le Talmud fait de la nature féminine leur semble complètement erronée, soit que la réalité ait changé avec le passage des générations, soit
qu’elle ait toujours été différente. »
Cela n’est malheureusement pas assez souligné : il se peut que la réalité ait changé.
En effet, tu as raison, cela ne change en rien le sentiment très psychologique et compréhensible des femmes que tu décris, mais c’est une alternative de taille, trop souvent mise sous le tapis.
Je ne veux pas rentrer dans tous ces (certes intéressants) débats sur la nature de la halakha face à une réalité changeante, mais fait est que les principes hilkhatiques ont une certaine nature
inconditionnelle, dans le sens où le principe (ikaron) reste vrai. Pour illustration : le lait non-surveillé reste interdit, même selon le Rav Moshe Feinstein, il écrit juste que ce lait américain
particulier ne fait pas partie du décret de nos Sages, de la gzeira ; ainsi par rapport à ton exemple – tuer à shabat est interdit, la question est est-ce que tuer un pou est considéré comme tel
pour telle ou telle raison, etc.
En bref, considérer le Talmud comme la Parole de D’ de manière absolue me paraît difficilement concevable. On peut dire qu’il est la traduction de celle-ci dans une réalité changeante (et envers
laquelle il doit toujours être à l’écoute ?).
Ceci est une position subjective, tout autant que l’est celle affirmant que le Talmud est trop masculin !
C’est pour cela que je voulais lier cette problématique des femmes dans la guemara à une question bien connue : Torah et sciences, ou torah – absolue et modernité – changeante.
En effet, tant historiquement que biologiquement (la femme ne pouvant allaiter, éduquer, etc. et étudier à la fois dans une société primaire, disons antique), les causes de l’absence féminine dans
la Torah Orale sont claires et l’argumentation semble un peu de mauvaise foi.
On peut s’en plaindre… vouloir changer l’histoire (c’est très à la mode ces derniers temps), changer nos Textes… si on le fait, on se désavoue de notre histoire, de notre identité, de notre passé,
de notre culture, de notre patrimoine et on trompe notre tradition.
Encore une fois, ni je ne condamne ni je n’applaudis ce que tu dis, car ce sont des faits et tu décris une réalité sociale qu’on ne saurait désavouer; il faut en prendre compte. Je souligne
simplement que c’est une perspective que tu nous présentes, un côté de la pièce dit-on en hébreu, et qu’il y en a d’autres. Le problème ne fait que commencer… mais au moins le débat est ouvert
!
J’espère avoir été plus clair cette fois-ci.
Kol touv et amicalement tien,
S.E.
Cher S.E.,
Pardon pour le retard a repondre. Je comprends mieux ta position maintenant. Je crois que nous sommes en fait sur la meme longueur d’ondes, et j’aurai, je l’espere, encore l’occasion de revenir sur
certains des points que tu souleves.
Votre investigation est plus que louable, mais je vous en conjure, argumentez plus votre propos. Ce blog n’est pas une revue scientifique, mais ce sujet est si propice aux pics d’humeurs, qu’il
vaut mieux user de la prudence!
Je formulerais trois remarques. Bien entendu, j’exagère un
petit peu le raisonnement, mais c’est uniquement pour bien cerner les questions.
1. Il faut prouver qu’un « texte masculin » soit forcément au désavantage des femmes. Je ne suis pas sans avoir conscience de l’époque dans laquelle se situent les sages du Talmud, mais un tel
constat est à démontrer.
2. Vous faites une analyse assez rapide du passage de Berakhot que vous citez (non sans quelques erreurs). Tout homme que je suis, je ne pense pas être mal intentionné en disant que la beauté d’une
femme aux yeux de son mari élargit l’esprit de ce dernier. De même, rien ne dit que le Talmud fasse une comparaison. La beauté d’une femme, d’une maison ou des biens d’uns homme lui élargit
l’esprit. Quel est le mal?
Vous avez raison, on aurait pu dire que l’intelligence d’une épouse apporte satisfaction au mari. Mais que faire, les hommes sont plutôt enclins à apprécier la beauté extérieure. (Cette
compréhension de l’enseignement ne suis pas le contexte dans la Guemara et n’est pas le pshat, mais je veux juste montrer que c’est facilement discutable.)
3. Vous écrivez que les femmes ressentent certainement que « la halakha parle des femmes sans demander l’avis des principales intéressées » – Qui dit? Pourquoi les textes de psychologie traitant des
femmes ne sont-ils pas eux aussi taxés de chauvinisme patriarcal (je considère que vous n’êtes pas féministe)? Pourquoi estimer que l’auteur d’un texte profane ait forcément plus fait de recherches
avant d’exprimer son avis sur les femmes que ne l’auraient fait les Sages du Talmud?
Encore une fois, j’ai volontairement exagéré mes propos pour le bien du dialogue, mais je suis entièrement d’accord avec vous: l’apport de l’étude des femmes est l’un des bienfaits dont le judaïsme
jouit dans notre époque.
Bonsoir Picasso,
Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire mon texte et d’avoir formule quelques remarques critiques. Je vais brièvement vous répondre.
Vous me reprochez de ne pas assez argumenter. C’est curieux, pour ma part je pensais faire déjà trop long. Un blog impose nécessairement un format différent de celui d’un livre, et si vous voulez
des livres sur le sujet, vous pouvez vous référer aux indications données par le webmaster tout en bas du post.
C’est pour ne pas faire trop long, aussi, que j’ai finalement scindé ma modeste étude en 3 (ou 4) posts successifs. La suite viendra dans quelques semaines.
Donc, oui, je m’impose de faire bref, mais j’essaie de maintenir un contenu de bon niveau. Et je compte sur les commentaires des lecteurs pour dissiper tout éventuel malentendu.
1. Les trois exemples que je donne sont perçus comme discriminatoires par de nombreuses femmes avec qui j’ai pu discuter. Mais la question de la place de la femme dans le Judaïsme demande plus de
nuances, que j’espère apporter au fil des posts. Tout n’est pas négatif, il existe de nombreux textes talmudiques qui parlent en bien des femmes. Il n’y a aucune raison de douter de leur sincérité,
et un texte masculin n’est donc pas forcément contre les femmes. Mais l’image globale, de l’avis des femmes qui se sont penchées sur la question (c’est celui qui m’intéresse surtout ici), reste
celle d’une très nette discrimination en leur défaveur.
2. Votre deuxième remarque m’est aussi incompréhensible que certains de vos tableaux! 🙂
J’ai clairement expliqué les trois raisons principales que les femmes trouvent de s’offusquer de ce passage. Vous n’êtes pas d’accord, c’est votre droit le plus strict, mais après tout vous êtes un
homme. N’arrivez-vous vraiment pas a adopter le point de vue que je décris ?
Et vous ne voyez aucune comparaison dans l’inclusion des femmes, dans une même phrase et sans pause, avec une maison et des ustensiles? Vous seriez convaincu par une rhétorique de genre face a un
panneau qui interdirait l’entrée d’un hôtel, comme cela existait il y a quelques décennies, « aux Juifs et aux chiens » ? Allons.
3. Les livres de psychologie sont ecrits aussi par des femmes. C’est toute la différence.
Encore merci pour votre contribution!
Emmanuel,
Je ne vous fais pas de « reproches » ;-), c’est juste que blog ou pas, certains sujets ne permettent pas toujours la concision, du moins à mon sens. Mais passons, ce n’est pas important.
1. Encore une fois, je ne joue pas exprès l’innocent et il est bien évident que des passages talmudiques peuvent étonner, voir déranger. Mais pour dire que les femmes seraient sans doute offusquées
par tel ou tel adage des Sages – et sans non plus avoir recours aux statistiques – il faut quand même plus asseoir la chose. D’où ces femmes que vous avez consultées sont-elles issues? Pour le
coup, j’ai du « forcer » ma femme à trouver quelque chose de négatif quand je lui cité ce passage! Dois-je m’inquiéter de la mesure de sa « féminité »? 😉
2. Sans remuer la chose de trop, non, je ne pense pas que ce point de vue soit si évident. Les trois raisons que vous évoquez sont discutables: a) On peut tout à fait admettre que les Sages aient
parlé de la femme en une autre occasion, écrite ou non dans le Talmud. Après, ce qui a été « canonisé » ou pas par les rédacteurs – masculins 😉 – du Talmud, c’est une autre histoire et il est
question ici de ce passage précisement, non? b)Sincèrement et sans faire l’imbécile, je ne vois pas ici d’objectification. Il est question de beautés: celle humaine, celle de l’espace ou encore de
l’objet, voilà tout. Quels autres exemples donneriez-vous à la beauté? c) Voir ce que j’avais écrit. Plus tard, quand j’ai demandé à ma femme ce qu’elle pense de cette « réduction » de la femme à son
seul aspect physique, elle me répondit: « Qu’est-ce que tu veux, les hommes sont très attirés par la beauté physique, non? »
Plus généralement, le Maharsha a expliqué cette situation comme il l’a fait, peut-être car il jugeait favorablement les Sages, lui, admettant qu’en effet, ils ont pu faire un examen de conscience
critique avant de se prononcer sur les femmes. Au lieu d’une injure aux femmes, il a trouvé là une critique acerbe de l’homme: Voit ce qui motive les hommes – la beauté! Je partage la position qui
cherche à prendre en compte la subjectivité des Sages (tant qu’on ne force pas la chose et qu’on les « contraint » à suivre « leur » shita), mais ma révérence à nos Sages me guide AUSSI dans mon étude,
comme je pense cela a été le cas pour le Maharsha.
3. Je parlais bien entendu de livres rédigés par des hommes, sinon à quoi bon…
Donc oui, les femmes étudiant la Torah peuvent trouver de nombreuses raisons de s’offusquer. Les hommes aussi d’ailleurs doivent se soucier de la cause des femmes. Mais ce que je voulais dire,
c’est que tout en n’angélisant pas nos Sages, on peut toujours plus explorer les textes et ne pas occulter d’autres pistes de compréhension. Ceci étant, je suis d’accord que des textes soient
franchement à remettre en question, mais ce avec la plus grande impartialité qui soit.
Vivent les femmes!
Webmaster,
Bien entendu! Heureusement! Mais, en dehors de féministes prononcées, je ne sais pas si on a pour autant remis en question en vrac les avis psychologiques sur la femme énoncés par des hommes?
Maintenant, je ne suis pas spécialiste ni en féminisme, ni en psychologie et pas plus en Torah… Eclairez-moi!
Merci pour cette réflexion intéressante et utile.
Une remarque : il me semble évident que « c’est le lecteur qui fait la lecture ».
Dans ce sens, le fait que de plus en plus de femmes juives se penchent sur les textes talmudiques fait émerger de nouvelles lectures, offrant de nouvelles perspectives aux textes, un ‘hidoush qui
bouscule sûrement les a priori de certains (hommes ou femmes d’ailleurs), mais qui donne aussi et surtout aux textes une profondeur inédite jusqu’à présent.
Je pense qu’il faut distinguer la question de « la lecture » de celle de « l’écriture ».
Le postulat que « un homme ne peut traiter objectivement des sujets concernant les femmes » et vice-versa est biaisé et stérile. Avec cette logique (poussée à son extrême), seuls des enfants
pourraient parler des enfants, des Français de la France, des juifs d’antisémitisme, etc… et délégitimerait la parole de tout individu extérieur au groupe concerné. Ce serait selon moi un recul
au niveau de la réflexion humaine.
L’objectivité absolue n’existe pas, aussi bien chez l’auteur que chez le lecteur.
La question de la sensibilité du lecteur dépasse le simple clivage homme-femme, réalité du passé-réalité actuelle.
En tant que femme, on peut bien sûr être choquée par certains passages talmudiques et leurs commentaires et implications halakhiques.
Mais je ne pense pas que la solution soit de lancer un débat sur la validité des sources et des auteurs. Et alors quoi !? Faudrait-il rectifier les textes du Talmud ? censurer les passages blessant
la sensibilité des femmes ? Décrédibiliser les Sages s’étant rendus « coupables » de vision machiste ? A ce rythme-là, on en viendra vite à dénaturer les textes, à les vider de toute substance (après
les femmes, les handicapés, les non-juifs, les défenseurs des animaux, les « non-cohen », etc, viendront aussi faire la file…).
Je ne dis pas cela pour décrédibiliser le point de vue des femmes qui revendiquent une plus grande implication dans le débat talmudique (au contraire, j’en ferais plutôt partie moi-même), mais
seulement pour souligner que ma sensibilité à moi me dit qu’il faut dépasser le clivage homme-femme, dépasser les stéréotypes qui mènent à un vulgaire procès d’intention du texte talmudique qui est
stérile pour qui suit la voie d’un judaisme « orthodoxe ».
Le « combat » contre l’exclusion talmudique des femmes ne devrait pas s’ancrer dans une remise en cause du Texte originel, mais dans une remise en cause des lecteurs d’aujourd’hui.
Se battre contre des « stéréotypes » (ou lus comme tels) datant de plus de 1500 ans est vain. Commençons par nous attaquer aux stéréotypes actuels qui aveuglent certains hommes (et certaines femmes
aussi !) dans leur étude du texte.
Pour avancer dans cette voie, j’ai aussi une lecture à recommander (en anglais) qui m’a personnellement énormément intéressée. Il s’agit de « Women in the Talmud : an anthology of the Talmud’s
stories about women, as explained by the classic commentators », par le Rabbin et Professeur Aaron Eli Glatt (Edition Orthodox Union, 2003)
Ce livre permet de donner une vue d’ensemble de différents commentaires élogieux ou pas vis-à-vis des femmes, et donne à réfléchir en comparant les uns et les autres.
Alice, vous le dites mieux que je n’aurais su le faire! כל מילה בסלע
Chavoua Tov,
Et merci a tous pour ces commentaires de grande qualité.
@ Picasso
Je saisis mieux maintenant le sens de vos précédentes remarques. Je crois vraiment que si vous êtes intéressé par une analyse exhaustive de ces questions, il faut vous tourner vers les ouvrages qui
y sont consacrés, dont certains ont déjà été indiqués. Je voudrais encore rajouter a cette liste l’ouvrage de Shoshana Pantel Zolty, « And all your children shall be learned » – Women and the Study
of Torah in Jewish Law and History.
La question de la place de la femme dans le Judaïsme, que j’aborde ici à travers un angle très spécifique, fait l’objet d’un débat intense et nourri au sein de la Modern Orthodoxie, en Israël et
aux USA. C’est probablement le problème le plus grave que rencontre l’orthodoxie « ouverte » (chez les ‘hareidim, le débat n’existe pas ou très peu; a l’opposé, les mouvements libéral et massorti se
définissent maintenant comme complètement égalitaires; ce sont donc bien les orthodoxes modernes qui se trouvent a la croisée des chemins). Sans trop de surprise, c’est aussi dans ce domaine que
l’on trouve des exemples particulièrement prometteurs de pensée orthodoxe créatrice et dynamique.
Mes discussions avec Gabriel m’ont permis de comprendre que le but de ce blog est de présenter la « Modern Orthodoxy » au public francophone: ses précurseurs et ses penseurs, ses autorités
rabbiniques, ses valeurs et ses engagements, mais aussi ses problèmes et ses défis. C’est dans cette optique que j’ai conçu cette petite étude des conséquences de l’étude des femmes (dont nous ne
discutons pour l’instant que du premier volet !). Elle n’est pas exhaustive, j’en conviens volontiers, car mon but est essentiellement descriptif. Et si la carte n’est pas le territoire, elle n’en
garde pas moins son utilité propre.
Vous me demandez en filigrane quelles sont mes sources, qui sont les femmes de qui je parle. Il se trouve que je connais, parmi les gens qui me sont proches, plusieurs femmes qui ont étudié le
Talmud a haut niveau (y compris, mais pas seulement, ma meilleure moitié 🙂 ). Vivant en Israël, et fréquentant le milieu des études juives universitaires, je me retrouve dans une position ou il
m’est aisé de prendre le pouls de la société environnante. Les femmes dont je parle proviennent de milieux religieux (sionistes religieux le plus souvent), et étudient la Torah dans une midracha,
ou alors dans une yeshiva offrant un Beth Hamidrash pour femmes, comme Beth Moracha que j’ai fréquentée quelques mois (voyez ici pour plus d’infos: http://www.bmj.org.il/inner/2).
En pratique, la position que j’adopte ici est celle de l’observateur extérieur, non celle de l’idéologue. J’essaie d’expliquer, pas forcément de rallier a une cause. Que votre femme ne partage pas
la vision féministe que j’articule ici ne me surprend pas. Mais les idées se déplacent des centres vers les périphéries, et je serai surpris que ce qui est une immense question de société en Israël
et aux USA ne trouve pas un écho de plus en plus marqué en France au cours des prochaines années. Autant ne pas se mettre la tête dans le sable dans l’intervalle.
Mais je veux aller dans votre sens sur un point. Une grande partie de la force de persuasion de la critique féministe provient de la cohérence de la vision qu’elle donne à sa lecture des sources
traditionnelles. Il s’agit, pour reprendre l’expression de Thomas Kuhn, d’un véritable changement de paradigme. Pour trouver un point de comparaison, il faut penser a la révolution copernicienne:
l’astronomie basée sur un modèle géocentrique parvenait à expliquer les mouvements des planètes, mais était forcée de rajouter au modèle un nombre croissant de complexités appelées épicycles, ce
qui alourdissait considérablement l’ensemble. Le modèle héliocentrique copernicien convainquit, non pas tant par sa capacité à expliquer des phénomènes, mais surtout par son élégance mathématique
et sa concision.
C’est la même chose dans notre cas. Il ne fait aucun doute que chaque passage du Talmud qui parait choquant peut être interprété de manière à le rendre conforme à nos sensibilités modernes. Et
pourquoi, après tout, refuserait-on d’appliquer le principe de charité aux paroles de nos Sages?
Mais cette méthode n’aboutit qu’a un ensemble d’explications locales que rien ne vient unifier dans une structure plus vaste. La critique féministe, en fournissant une vision globale cohérente, a
beau jeu de dénoncer cette accumulation d’explications ponctuelles comme étant apologétique dans son essence. Pour apprécier la justesse de l’argument, il faut effectivement avoir une vision
d’ensemble, celle que je ne peux donner complètement ici, faute de place. Mais je pense que tout ceci devrait néanmoins prendre de plus en forme au fil des posts.
Une remarque pour finir sur le chauvinisme de Sigmund Freud. Il est évident que tout être humain souffre des biais cognitifs correspondant à son sexe, a son statut social, etc. Donc, oui, ce n’est
pas parce qu’un homme est professeur de psychologie au 21eme siècle qu’il pense plus « juste » qu’un rabbin du 1er siècle. Du coté des femmes, Mary Wollstonecraft, Simone de Beauvoir, ou Katherin
McKinnon, toutes grandes féministes qu’elles soient ou aient été, partagent quant a elles d’autres biais cognitifs propres a leur sexe.
La subjectivité n’est donc pas une insulte ou une accusation, mais une simple réalité de la vie à prendre en compte. Par contre, l’objectivité apparait comme naïve. C’est la toute la
différence.
(je répondrai demain au message d’Alice)
Emmanuel, merci pour ces compléments étendus qui éclaircissent bien votre propos, ainsi que pour les ouvrages que vous rapportez. Et encore bravo pour votre initiative!
@ Alice
Merci de vos remarques pleines de profondeur.
Comme vous, je ne crois pas que *seules* les femmes ont le droit de parler des sujets liés aux femmes (que ce soit dans le contexte de l’étude de la Torah ou autre, d’ailleurs). Je souhaite que les
femmes aient *aussi* le droit de s’exprimer. Or, à la base, dans le Judaïsme, ce n’est pas cela: ce sont les hommes qui fixent toutes les lois gouvernant le statut des femmes, les standards de
modestie auxquels elles doivent se tenir, quel rôle elles doivent jouer dans la famille et dans la société, comment elles doivent percevoir leur propre corps, etc., etc. Pensez-y: des rabbins se
penchent journellement sur les détails de la vie intime des femmes afin de fixer si elles ont le droit d’avoir des relations sexuelles avec leurs maris (!). Il faut se poser la question: est-ce que
cette situation est réellement saine?
Sur Cheela, nous avons la chance d’avoir la présence de Nathalie Loewenberg dans notre équipe pour répondre aux questions de pureté familiale. Elle le fait d’ailleurs remarquablement bien, avec
beaucoup de compétence et de diplomatie. Personnellement, je trouve que cette évolution est très positive, même si ce n’est qu’un premier pas. Il s’agit de donner aux femmes la possibilité de
participer à ce qui se passe dans la religion, de permettre à leur « voix » d’être entendue.
En tant que juif s’identifiant avec le mouvement orthodoxe, j’adhère complètement à votre appel à respecter les paroles de nos Sages. Il faut tenir compte du contexte de l’époque. On ne peut en
vouloir à Maimonide de penser comme un homme du 12eme siècle. Par contre, on peut en vouloir à un rabbin contemporain d’en être resté au même stade de pensée, en raison d’un formalisme halakhique
un peu trop poussé.
Pour l’orthodoxe moderne, qui essaie de naviguer sur la ligne fine permettant d’allier à la fois respect de la tradition et ouverture aux valeurs modernes, il faut donc trouver un moyen de relire
les sources classiques sous une lumière nouvelle. Je ne parle pas de prendre un stylo rouge pour corriger ce qui choque. Il faut des évolutions, pas une révolution.
Très justement, vous soulignez que le problème qui se présente des lors à nous est celui de l’interprétation des sources. Maintenant, la phrase « c’est le lecteur qui fait la lecture » évoque en moi
des sentiments partagés. D’un certain coté, de nombreux théoriciens de l’herméneutique moderne seraient complètement d’accord avec vous (je ne sais pas si vous êtes familière des travaux de Paul
Ricoeur, Stanley Fish ou Hans-Georg Gadamer). Mais j’ai personnellement un peu de mal à admettre l’idée selon laquelle un texte, une fois achevé, n’appartient plus à son auteur, que son
interprétation est laissée librement au soin des lecteurs, et que l’intention première ne compte que pour bien peu de chose dans la compréhension postérieure.
Un autre point important à prendre en compte est que l’interprétation de textes légaux, et en particulier de textes halakhiques, suit des règles bien particulières. Un texte non normatif peut être
interprété beaucoup plus librement. Par exemple, la malédiction d’Eve (« il te dominera ») par Dieu peut être comprise comme une déclaration ontologique (i.e., après la faute, il est de la nature de
la femme d’être dominée par son mari, sans aucun espoir d’amélioration); mais on peut également la comprendre comme la description d’une situation provisoire et à dépasser (après tout, s’agissant
de la malédiction parallèle de l’homme, force est d’admettre que les hommes font de grands efforts pour ne pas gagner leur pain à la sueur de leur front).
Mais un texte halakhique s’interprète selon des règles précises, fixées depuis des générations. On peut changer ces règles, mais a priori ce n’est plus de la halakha. L’une de ces règles, et non la
moindre, fixe que seuls quelques autorités autorisées (les décisionnaires) sont habilitées à interpréter la loi divine. Cela n’encourage pas la créativité débridée, croyez-moi.
Je ne pensais pas inclure de passage sur l’interprétation de la halakha dans ma réflexion, mais si quelqu’un est intéressé à cela, je peux essayer de le faire quand même. C’est effectivement une
question importante dans le cadre de notre discussion.
comme d’habitude, j’apprecie enormement ce qu’emmanuel ecrit.
sur le statut de la femme, j’aimerai rapidement donner mon opinion. ( en lisant vous allez penser au debut qu’il s’agit d’un copier coller de la pensee ancienne haredite mais je pense que ma vision
est plutot differente.
tout d’abord, selon la thora et aujourd’hui tout le monde le pense, la pensée masculine differe totalement de la pensee feminine.
selon la thora, chacun a son role a jouer. l’homme represente l’exterieur et la femme l’exterieur.cependant,le mouvement de la liberation de la femme ne s’est pas suffit a developper la culture et
la connaissance de la femme mais recherche a lui donner un statut similaire a l’homme.
il est accepté aujourd’hui meme dans le monde orthodoxe(haredim) qu’il est possible pour une jeune fille doué de capacites intellectuelle de se lancer dans des etudes universitaires.
cependant, le talmud n’est pas une science comme les autres. il ne s’agit pas de connaissances. il s’agit plutot d’un mode de pensee. le talmud est censé occuper les plus profondes pensees de
l’homme. c’est pour ainsi dire la recherche intrinseque de soi meme. un homme orthodoxe, qui a suivit un cursus yeshivati classique est censé etre passionné par son etude du talmud.
a mon avis, la femme, elle, est plus terre a terre. elle a une nature qui tend egalement vers les activites courantes de la vie, ce qui ne constitue aucunement une bassesse ou du machisme. il
s’agit simplement d’une nature differente.
par consequent, il semble illogique de tendre la femme vers l’etude du pilpoul lithuanien.. mais vouloir simplement decouvrir le talmud ne serait pas un mal mais logiquement le point fondemental
serait plus la halaha et la pensee juive comme generalement accepté….par contre, cette volonté moderne d’identifier la femme à l’homme semble à mes yeux presque malsaine et differe de la tradtion
herité de nos peres.
j’espere n’avoir choqué personne…
gut shabbes
M. Halfon, une idée médiévale reste médiévale, même quand on l’enrobe de jolies expressions du XXIème siècle. Tu as le doit de penser ce que tu veux, mais je ne vois pas en quoi elle diffère de
l’expression « les femmes aux fourneaux ».
Je reconnais que le Talmud n’a probablement pas été écrit à destination des femmes, mais ça ne signifie pas que les femmes n’ont rien à faire avec lui. Et ça ne signifie pas qu’une femme n’est pas
capable de « recherche intrinsèque de soi-même » ou de « profondes pensées ». En substance, c’est ce que tu suggères.
Emmanuel, je ne peux pas dire que je suis à l’aise avec ce que vous écrivez, et la manière de laquelle vous l’écrivez, mais j’imagine que c’est le but voulu, n’est-ce pas ? J’ai très hâte de lire
la suite.
shavoua tov!
j’ai bien apprecié votre commentaire.
il me semble que j’ai pas bien exprimé mon idée…
concernant la femme, la torah utilise l’expression » ezer kenegdo » donnnant a la femme un statut d’aide à l’homme. (statut que vous pourriez deja qualifier de mysogine..)
je n’avais aucunement l’intention de dire que la femme n’a pas de quete personnelle mais plutot que de maniere generale, il semble qu’une femme est un esprit moins torturé qu’un homme. pour ainsi
dire, une femme a plus tendance à accepter la vie et à chercher à l’ameliorer alors qu’un homme tend plus à remettre en cause le fonctionnement meme du systeme. ne deduisez pas s’il vous plait que
la femme est moins intelligente que l’homme mais seulement differente.
toutefois, il est juste de remarquer que durant l’histoire et meme dans notre tradition, il y a eu des femmes ayant un type de comportement de type feministe ( yael, deborah, brouria…) cependant,
il est clair que ces personnages furent des exceptions et qu’hormis cela, elles surent garder leur statut de femme au sein de leur foyer. ( cf brouria talmud bavli)
le talmud n’est pas un livre de lois. c’est à mes yeux, un livre de reflexion,d’analyse profonde et qui necessite pour en avoir une comprehension reelle, un investissement acharné. par consequent,
il semble que la femme qui a une tendance plus terre à terre que l’homme n’est pas un fait pour devenir le successeur du ktsot hahoshen.
hormis cela, il y a lieu de penser que la societe actuelle souffre de problemes conjugaux tres serieux qui ont entre autre pour origine, le changement total du statut de la femme à celui
d’equivalent de l’homme.
en conclusion, il semble plutot de tendre vers un systeme de vie ou la femme reste une femme et ne devient pas un homme meme si en theorie, elle pourrait l’etre.
ps : a mes yeux, mon opinion n’a rien de mysogine…
Chavoua tov,
@ Michael Halfon
Merci pour les compliments!
Par rapport a ce que tu écris, l’expression particulièrement problématique se situe au début du 4eme paragraphe: « selon la Torah »… Ce que j’essaie d’expliquer ici, c’est que de nombreuses femmes
ont du mal a percevoir la vision objective que cette expression semble impliquer. On leur parle « du point de vue de Dieu », alors qu’en creusant un peu elles découvrent une vision de la femme qui ne
semble refléter que le « point de vue des hommes ».
Que réponds-tu aux femmes qui n’ont pas envie d’être « l’intérieur »?
Il n’y a pas si longtemps, dans tous les pays du monde, une femme ne pouvait pas devenir médecin, avocate ou ingénieur. Une femme n’avait pas le droit de voter (en Suisse, dans certains endroits,
c’était le cas jusqu’en 1990!). Etc.
Selon ta logique, tout ceci est parfaitement justifiable: non, bien sur, les femmes ne sont pas inférieures aux hommes, si elles ne votent pas c’est qu’elles représentent l’intériorité. Si elles ne
peuvent aller a l’université, c’est que la société / Dieu a d’autres plans pour elles, non moins élevés, mais qui tiennent compte de leur nature terre-a-terre. Et les traditions héritées de nos
pères… Etc.
Cela te convainc? Parce que moi pas. Et si tu n’es pas convaincu, alors en quoi cette logique serait-elle meilleure appliquée au rôle de la femme dans le Judaïsme ?
@ Chmouel
Lorsque je lisais le livre de Tamar Ross, j’ai plusieurs fois été obligé de m’arrêter au détour d’un paragraphe, tant ce que je lisais me posait problème. Donc je comprends parfaitement votre
sentiment. Je respecte d’autant plus la curiosité intellectuelle que vous exprimez dans la dernière phrase.
Mon but n’est pas réellement de choquer. Je pense que la question des femmes dans le Judaïsme est réellement problématique, et que le monde MO ne peut fait faire l’économie de cette discussion. La
suite viendra dans quelques semaines, beezrat hachem.
@ Michael
Je n’avais pas vu ta dernière réaction en rédigeant le commentaire 14.
quelle plaisir de lire cette remarque!!
tout d’abord, il ne vaut mieux pas melanger la pensée juive et le monde occidentale.
dans chaque phenomene societaire, la force est de savoir distinguer le bon coté du mauvais coté de la chose.
dans le monde orthodoxe, il y a environ 100 ans, il y a eu la creation du beth yaacov cree par sarah shnereir qui a ete une revolution dans le monde orthodoxe et qui a ses debuts, a ete rejeté par
certains orthodoxes conservateurs. c’est un psak du hafets haim qui changea la donne….
on pourrait logiquement supposer que cette mini revolution fut influencée par la mouvement feministe moderne.
cependant, dans chaque chose et c’est la force du judaisme, il y a des poids et des mesures. dans notre tradition, les textes n’interdisent aucunement l’attrait vers la connaissance pour la
femme,mais limite en fonction des circonstances l’importance de la chose
tu as ecris : « Selon ta logique, tout ceci est parfaitement justifiable: non, bien sur, les femmes ne sont pas inférieures aux hommes, si elles ne votent pas c’est qu’elles représentent
l’intériorité. Si elles ne peuvent aller a l’université, c’est que la société / Dieu a d’autres plans pour elles, non moins élevés, mais qui tiennent compte de leur nature terre-a-terre. Et les
traditions héritées de nos pères… Etc. »
je n’ai jamais supposé de telles choses. nous vivons dans une societé, il faut donc savoir s’y adapter. les moeurs changeant avec le temps. cependant, la thora à mes yeux, n’a jamais exigé que la
femme reste idiote et reste à la cuisine. a ma connaissance, la fille du hafets haim a etudié à l’université de berlin et la fille du rav hutner est diplome de columbia en psychologie.
par consequent, il ne vaut mieux pas comparer la pensee occidentale qui etait par le passé misogyne et la pensée juive qui sait faire des distinctions en fonction des circonstances.
concernant la femme actuelle, chaque jeune fille doit agir en fonction de son ame et conscience.
S.E.,
« de caractère éternel, à l’image de leurs interprétations juridiques » – Voilà un postulat de plus… ואכמ »ל
Bonjour S.E.,
Je suis heureux que tu aies pris quelques minutes pour lire mon article et commenter!
Je crois que je suis sur la même longueur d’onde que Picasso sur le coup. Lire les paroles de nos Sages comme des vérités éternelles, ce que tu veux faire (en tout cas pour ce qui en est des
« interprétations juridiques ») est tout autant basé sur un « postulat » que l’est une lecture admettant leur contingence (i.e. un lien avec un contexte socio-culturel donné).
Je crois que l’on peut faire les deux lectures sans être intellectuellement malhonnête. Dans les deux cas, on trouve des textes qu’il est facile de lire ainsi, d’autres qui le sont moins, et
certains qui posent carrément problème. Le plus logique est d’adopter la vision qui minimise les difficultés de lecture, et à mon sens c’est celle qui revient à admettre que les paroles de nos
Sages ne sont pas forcément des vérités éternelles (ce qui, encore une fois, ne signifie aucunement que l’on peut les écarter sans autre).
Si tu lis mon article avec attention, tu constateras que je décris la démarche de certaines femmes religieuses, qui sont parties d’une vision proche de la tienne pour arriver à celle opposée.
Pour prendre un autre exemple, les mêmes deux approches sont utilisées pour les questions de « Science et Torah ». ‘Hazal nous dit que les poux naissent par génération spontanée, et que par
conséquent il est permis de les tuer chabbat. Que faire aujourd’hui, alors que nous savons que la génération spontanée n’existe pas? Différentes réponses existent. Le Pa’had Yitzchak (r. Yitzchak
Lamproti) écrit qu’il faut changer la halakha car elle est basée sur des données scientifiques erronées, alors que le r. Dessler écrit explicitement le contraire (la halakha est éternelle, la
science n’étant qu’une simple proposition d’explication sans conséquence pratique). Il existe d’autres prises de position encore. Qui a raison, qui a tort? Les deux se défendent. Mais la première
explication me convainc beaucoup plus, personnellement. Surtout lorsque, comme je l’ai expliqué dans un précédent commentaire, il s’agit d’une vision d’ensemble s’appuyant sur de nombreux exemples
ponctuels.
En passant, si tu as lu l’autobiographie de Salomon Maimon, tu auras vu que c’est l’un des exemples qu’il utilise pour ridiculiser le monde religieux qu’il a quitté – tuer un pou chabbat est
permis, alors que tuer une puce est passible de la peine de mort?
Je ne suis pas sûr de tout comprendre dans ton commentaire. Le critère que tu avances est flou. Qu’est-ce que tu considères comme « interprétation juridique » dont il faut admettre l’objectivité ? La
Halakha interdit aux femmes de témoigner, c’est juridique / éternel ou c’est social / contingent?
Et les lois que ‘hazal ont fixées pour améliorer le statut des plus faibles, en admettant qu’on peut les isoler de celles qui représentent des vérités objectives – peut-on les changer aujourd’hui,
alors que ces lois semblent quand même largement dépassées?
Tout ceci demande encore un peu de réflexion, mais peut-être auras-tu l’occasion de préciser dans un prochain commentaire ce que tu voulais vraiment dire. Dans tous les cas, merci de ta
contribution!
Chalom!
Je suis moi-même femme, moderne et professeur, et je n’ai pas personnellement d’intérêt dans la critique féministe.
D’abord, je ne pense pas que les femmes soient les seules à recevoir quelques « compliments » dans le Talmud, les hommes aussi en prennent pour leur grade… je ne suis pas donc choquée outre mesure.
Le Judaïsme n’est pas politiquement correct.
De plus, les critiques féministes ont comme on dit en anglais « an agenda ». Je les lis donc avec une extrême précaution, au mieux.
Un point de vue féminin est très intéressant, quand il est objectif et tourné vers la Torah uniquement.
Par contre, je ne suis pas persuadée (du tout) que les filles devraient apprendre la Gemara. Si une rabbanit âgée le fait, kol hakavod, mais la jeune fille moyenne? Même dans les cercles européens
les plus modernes, cela ne se fait pas. Une femme pourrait passer sa vie à étudier sans toucher à la Gémara dans le texte, un sujet qui généralement n’a pas les faveurs du public féminin. Pourquoi
donc cet engouement? Souvent pour des raisons « féministes », parce que « moi aussi j’ai le droit ». Une bien triste raison pour étudier…
Rachel
Bonjour Mora Rachel,
Je suis heureux de lire votre commentaire, nous n’avons eu que très peu de réactions de femmes (sauf Alice, pour autant que les pseudos permettent d’en juger). Vu le sujet, c’est dommage ! merci de
réparer ce manque.
Une petite précision avant de vous répondre: vous avez peut-être vu les deux liens (en début de post) vers les discussions portant sur la permissibilité et l’utilité de l’étude des femmes. Ici, je
voulais m’intéresser au stade suivant. En d’autres termes, ma question est la suivante: une fois admis que les femmes ont accès au Talmud, qu’est-ce que cela change en pratique?
Si vous habitez en Europe, vous n’avez probablement jamais eu l’occasion de voir le phénomène que j’analyse. En France, on a quelques décennies de retard sur ce qui se passe en Israël ou aux USA.
J’espère donc ne pas vous vexer en n’étant pas d’accord avec vous: les jeunes femmes, étudiantes en Midracha ou autres, que j’ai rencontrées, ne sont pas des féministes a outrance. Elles ne sont
pas mues par des considérations idéologiques (la génération précédente, celle des pionnières, peut-être plus). Dans la plupart des cercles sionistes religieux, on ne voit rien d’anormal a ce qu’une
fille étudie la Guemara.
Est-ce que les féministes ont un « agenda »? Probablement oui, vous avez raison. Mais pour être honnête, les autres aussi. Ils sont très biaises en faveur du statu quo (un des points importants de
mon article est d’ailleurs qu’il n’existe pas de point de vue « objectif »).
L’argument de la « mauvaise motivation » est un très bon exemple d’argument que je trouve particulièrement peu convaincant. On l’entend souvent, sans que personne se pose la question de savoir s’il
se justifie dans nos sources.
On ne vérifie pas les motivations de quelqu’un qui veut étudier la Torah. Sinon, je vous garantis que l’on devrait mettre a la porte du kollel ou de la yeshiva une grande partie des garçons qui y
étudient. Je ne parle pas de tout le monde, bien sur – de nombreux ba’hourim / avrekhim sont très idéalistes et sacrifient beaucoup pour l’étude. Mais il est de notoriété publique que nombre
d’entre eux chauffent les bancs, restent le temps de se trouver un chidoukh ou pour éviter l’armée, ou toute autre raison non valable. Ou avez-vous qu’un Roch Yechiva mette un étudiant a la porte
pour mauvaise motivation dans l’étude???
Au contraire. Le principe général, lorsque l’on parle d’étude, c’est qu’une mauvaise motivation amène a une bonne (מתוך שלא לשמה בא לשמה). La Torah a le pouvoir de purifier ceux qui s’approchent
d’elles. Cela, ce sont nos sources les plus consacrées qui le fixent.
Tout le monde a un parti-pris. Il vaut mieux prendre ce fait en compte (ceci rejoint un point essentiel de mon article), et se concentrer sur les vrais arguments de fonds.
Cher S.E.,
Pardon pour le retard a repondre. Je comprends mieux ta position maintenant. Je crois que nous sommes en fait sur la meme longueur d’ondes, et j’aurai, je l’espere, encore l’occasion de revenir sur
certains des points que tu souleves.
Votre investigation est plus que louable, mais je vous en conjure, argumentez plus votre propos. Ce blog n’est pas une revue scientifique, mais ce sujet est si propice aux pics d’humeurs, qu’il
vaut mieux user de la prudence!
Je formulerais trois remarques. Bien entendu, j’exagère un
petit peu le raisonnement, mais c’est uniquement pour bien cerner les questions.
1. Il faut prouver qu’un « texte masculin » soit forcément au désavantage des femmes. Je ne suis pas sans avoir conscience de l’époque dans laquelle se situent les sages du Talmud, mais un tel
constat est à démontrer.
2. Vous faites une analyse assez rapide du passage de Berakhot que vous citez (non sans quelques erreurs). Tout homme que je suis, je ne pense pas être mal intentionné en disant que la beauté d’une
femme aux yeux de son mari élargit l’esprit de ce dernier. De même, rien ne dit que le Talmud fasse une comparaison. La beauté d’une femme, d’une maison ou des biens d’uns homme lui élargit
l’esprit. Quel est le mal?
Vous avez raison, on aurait pu dire que l’intelligence d’une épouse apporte satisfaction au mari. Mais que faire, les hommes sont plutôt enclins à apprécier la beauté extérieure. (Cette
compréhension de l’enseignement ne suis pas le contexte dans la Guemara et n’est pas le pshat, mais je veux juste montrer que c’est facilement discutable.)
3. Vous écrivez que les femmes ressentent certainement que « la halakha parle des femmes sans demander l’avis des principales intéressées » – Qui dit? Pourquoi les textes de psychologie traitant des
femmes ne sont-ils pas eux aussi taxés de chauvinisme patriarcal (je considère que vous n’êtes pas féministe)? Pourquoi estimer que l’auteur d’un texte profane ait forcément plus fait de recherches
avant d’exprimer son avis sur les femmes que ne l’auraient fait les Sages du Talmud?
Encore une fois, j’ai volontairement exagéré mes propos pour le bien du dialogue, mais je suis entièrement d’accord avec vous: l’apport de l’étude des femmes est l’un des bienfaits dont le judaïsme
jouit dans notre époque.
Bonsoir Picasso,
Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire mon texte et d’avoir formule quelques remarques critiques. Je vais brièvement vous répondre.
Vous me reprochez de ne pas assez argumenter. C’est curieux, pour ma part je pensais faire déjà trop long. Un blog impose nécessairement un format différent de celui d’un livre, et si vous voulez
des livres sur le sujet, vous pouvez vous référer aux indications données par le webmaster tout en bas du post.
C’est pour ne pas faire trop long, aussi, que j’ai finalement scindé ma modeste étude en 3 (ou 4) posts successifs. La suite viendra dans quelques semaines.
Donc, oui, je m’impose de faire bref, mais j’essaie de maintenir un contenu de bon niveau. Et je compte sur les commentaires des lecteurs pour dissiper tout éventuel malentendu.
1. Les trois exemples que je donne sont perçus comme discriminatoires par de nombreuses femmes avec qui j’ai pu discuter. Mais la question de la place de la femme dans le Judaïsme demande plus de
nuances, que j’espère apporter au fil des posts. Tout n’est pas négatif, il existe de nombreux textes talmudiques qui parlent en bien des femmes. Il n’y a aucune raison de douter de leur sincérité,
et un texte masculin n’est donc pas forcément contre les femmes. Mais l’image globale, de l’avis des femmes qui se sont penchées sur la question (c’est celui qui m’intéresse surtout ici), reste
celle d’une très nette discrimination en leur défaveur.
2. Votre deuxième remarque m’est aussi incompréhensible que certains de vos tableaux! 🙂
J’ai clairement expliqué les trois raisons principales que les femmes trouvent de s’offusquer de ce passage. Vous n’êtes pas d’accord, c’est votre droit le plus strict, mais après tout vous êtes un
homme. N’arrivez-vous vraiment pas a adopter le point de vue que je décris ?
Et vous ne voyez aucune comparaison dans l’inclusion des femmes, dans une même phrase et sans pause, avec une maison et des ustensiles? Vous seriez convaincu par une rhétorique de genre face a un
panneau qui interdirait l’entrée d’un hôtel, comme cela existait il y a quelques décennies, « aux Juifs et aux chiens » ? Allons.
3. Les livres de psychologie sont ecrits aussi par des femmes. C’est toute la différence.
Encore merci pour votre contribution!
Emmanuel,
Je ne vous fais pas de « reproches » ;-), c’est juste que blog ou pas, certains sujets ne permettent pas toujours la concision, du moins à mon sens. Mais passons, ce n’est pas important.
1. Encore une fois, je ne joue pas exprès l’innocent et il est bien évident que des passages talmudiques peuvent étonner, voir déranger. Mais pour dire que les femmes seraient sans doute offusquées
par tel ou tel adage des Sages – et sans non plus avoir recours aux statistiques – il faut quand même plus asseoir la chose. D’où ces femmes que vous avez consultées sont-elles issues? Pour le
coup, j’ai du « forcer » ma femme à trouver quelque chose de négatif quand je lui cité ce passage! Dois-je m’inquiéter de la mesure de sa « féminité »? 😉
2. Sans remuer la chose de trop, non, je ne pense pas que ce point de vue soit si évident. Les trois raisons que vous évoquez sont discutables: a) On peut tout à fait admettre que les Sages aient
parlé de la femme en une autre occasion, écrite ou non dans le Talmud. Après, ce qui a été « canonisé » ou pas par les rédacteurs – masculins 😉 – du Talmud, c’est une autre histoire et il est
question ici de ce passage précisement, non? b)Sincèrement et sans faire l’imbécile, je ne vois pas ici d’objectification. Il est question de beautés: celle humaine, celle de l’espace ou encore de
l’objet, voilà tout. Quels autres exemples donneriez-vous à la beauté? c) Voir ce que j’avais écrit. Plus tard, quand j’ai demandé à ma femme ce qu’elle pense de cette « réduction » de la femme à son
seul aspect physique, elle me répondit: « Qu’est-ce que tu veux, les hommes sont très attirés par la beauté physique, non? »
Plus généralement, le Maharsha a expliqué cette situation comme il l’a fait, peut-être car il jugeait favorablement les Sages, lui, admettant qu’en effet, ils ont pu faire un examen de conscience
critique avant de se prononcer sur les femmes. Au lieu d’une injure aux femmes, il a trouvé là une critique acerbe de l’homme: Voit ce qui motive les hommes – la beauté! Je partage la position qui
cherche à prendre en compte la subjectivité des Sages (tant qu’on ne force pas la chose et qu’on les « contraint » à suivre « leur » shita), mais ma révérence à nos Sages me guide AUSSI dans mon étude,
comme je pense cela a été le cas pour le Maharsha.
3. Je parlais bien entendu de livres rédigés par des hommes, sinon à quoi bon…
Donc oui, les femmes étudiant la Torah peuvent trouver de nombreuses raisons de s’offusquer. Les hommes aussi d’ailleurs doivent se soucier de la cause des femmes. Mais ce que je voulais dire,
c’est que tout en n’angélisant pas nos Sages, on peut toujours plus explorer les textes et ne pas occulter d’autres pistes de compréhension. Ceci étant, je suis d’accord que des textes soient
franchement à remettre en question, mais ce avec la plus grande impartialité qui soit.
Vivent les femmes!
Webmaster,
Bien entendu! Heureusement! Mais, en dehors de féministes prononcées, je ne sais pas si on a pour autant remis en question en vrac les avis psychologiques sur la femme énoncés par des hommes?
Maintenant, je ne suis pas spécialiste ni en féminisme, ni en psychologie et pas plus en Torah… Eclairez-moi!
Merci pour cette réflexion intéressante et utile.
Une remarque : il me semble évident que « c’est le lecteur qui fait la lecture ».
Dans ce sens, le fait que de plus en plus de femmes juives se penchent sur les textes talmudiques fait émerger de nouvelles lectures, offrant de nouvelles perspectives aux textes, un ‘hidoush qui
bouscule sûrement les a priori de certains (hommes ou femmes d’ailleurs), mais qui donne aussi et surtout aux textes une profondeur inédite jusqu’à présent.
Je pense qu’il faut distinguer la question de « la lecture » de celle de « l’écriture ».
Le postulat que « un homme ne peut traiter objectivement des sujets concernant les femmes » et vice-versa est biaisé et stérile. Avec cette logique (poussée à son extrême), seuls des enfants
pourraient parler des enfants, des Français de la France, des juifs d’antisémitisme, etc… et délégitimerait la parole de tout individu extérieur au groupe concerné. Ce serait selon moi un recul
au niveau de la réflexion humaine.
L’objectivité absolue n’existe pas, aussi bien chez l’auteur que chez le lecteur.
La question de la sensibilité du lecteur dépasse le simple clivage homme-femme, réalité du passé-réalité actuelle.
En tant que femme, on peut bien sûr être choquée par certains passages talmudiques et leurs commentaires et implications halakhiques.
Mais je ne pense pas que la solution soit de lancer un débat sur la validité des sources et des auteurs. Et alors quoi !? Faudrait-il rectifier les textes du Talmud ? censurer les passages blessant
la sensibilité des femmes ? Décrédibiliser les Sages s’étant rendus « coupables » de vision machiste ? A ce rythme-là, on en viendra vite à dénaturer les textes, à les vider de toute substance (après
les femmes, les handicapés, les non-juifs, les défenseurs des animaux, les « non-cohen », etc, viendront aussi faire la file…).
Je ne dis pas cela pour décrédibiliser le point de vue des femmes qui revendiquent une plus grande implication dans le débat talmudique (au contraire, j’en ferais plutôt partie moi-même), mais
seulement pour souligner que ma sensibilité à moi me dit qu’il faut dépasser le clivage homme-femme, dépasser les stéréotypes qui mènent à un vulgaire procès d’intention du texte talmudique qui est
stérile pour qui suit la voie d’un judaisme « orthodoxe ».
Le « combat » contre l’exclusion talmudique des femmes ne devrait pas s’ancrer dans une remise en cause du Texte originel, mais dans une remise en cause des lecteurs d’aujourd’hui.
Se battre contre des « stéréotypes » (ou lus comme tels) datant de plus de 1500 ans est vain. Commençons par nous attaquer aux stéréotypes actuels qui aveuglent certains hommes (et certaines femmes
aussi !) dans leur étude du texte.
Pour avancer dans cette voie, j’ai aussi une lecture à recommander (en anglais) qui m’a personnellement énormément intéressée. Il s’agit de « Women in the Talmud : an anthology of the Talmud’s
stories about women, as explained by the classic commentators », par le Rabbin et Professeur Aaron Eli Glatt (Edition Orthodox Union, 2003)
Ce livre permet de donner une vue d’ensemble de différents commentaires élogieux ou pas vis-à-vis des femmes, et donne à réfléchir en comparant les uns et les autres.
Alice, vous le dites mieux que je n’aurais su le faire! כל מילה בסלע
Chavoua Tov,
Et merci a tous pour ces commentaires de grande qualité.
@ Picasso
Je saisis mieux maintenant le sens de vos précédentes remarques. Je crois vraiment que si vous êtes intéressé par une analyse exhaustive de ces questions, il faut vous tourner vers les ouvrages qui
y sont consacrés, dont certains ont déjà été indiqués. Je voudrais encore rajouter a cette liste l’ouvrage de Shoshana Pantel Zolty, « And all your children shall be learned » – Women and the Study
of Torah in Jewish Law and History.
La question de la place de la femme dans le Judaïsme, que j’aborde ici à travers un angle très spécifique, fait l’objet d’un débat intense et nourri au sein de la Modern Orthodoxie, en Israël et
aux USA. C’est probablement le problème le plus grave que rencontre l’orthodoxie « ouverte » (chez les ‘hareidim, le débat n’existe pas ou très peu; a l’opposé, les mouvements libéral et massorti se
définissent maintenant comme complètement égalitaires; ce sont donc bien les orthodoxes modernes qui se trouvent a la croisée des chemins). Sans trop de surprise, c’est aussi dans ce domaine que
l’on trouve des exemples particulièrement prometteurs de pensée orthodoxe créatrice et dynamique.
Mes discussions avec Gabriel m’ont permis de comprendre que le but de ce blog est de présenter la « Modern Orthodoxy » au public francophone: ses précurseurs et ses penseurs, ses autorités
rabbiniques, ses valeurs et ses engagements, mais aussi ses problèmes et ses défis. C’est dans cette optique que j’ai conçu cette petite étude des conséquences de l’étude des femmes (dont nous ne
discutons pour l’instant que du premier volet !). Elle n’est pas exhaustive, j’en conviens volontiers, car mon but est essentiellement descriptif. Et si la carte n’est pas le territoire, elle n’en
garde pas moins son utilité propre.
Vous me demandez en filigrane quelles sont mes sources, qui sont les femmes de qui je parle. Il se trouve que je connais, parmi les gens qui me sont proches, plusieurs femmes qui ont étudié le
Talmud a haut niveau (y compris, mais pas seulement, ma meilleure moitié 🙂 ). Vivant en Israël, et fréquentant le milieu des études juives universitaires, je me retrouve dans une position ou il
m’est aisé de prendre le pouls de la société environnante. Les femmes dont je parle proviennent de milieux religieux (sionistes religieux le plus souvent), et étudient la Torah dans une midracha,
ou alors dans une yeshiva offrant un Beth Hamidrash pour femmes, comme Beth Moracha que j’ai fréquentée quelques mois (voyez ici pour plus d’infos: http://www.bmj.org.il/inner/2).
En pratique, la position que j’adopte ici est celle de l’observateur extérieur, non celle de l’idéologue. J’essaie d’expliquer, pas forcément de rallier a une cause. Que votre femme ne partage pas
la vision féministe que j’articule ici ne me surprend pas. Mais les idées se déplacent des centres vers les périphéries, et je serai surpris que ce qui est une immense question de société en Israël
et aux USA ne trouve pas un écho de plus en plus marqué en France au cours des prochaines années. Autant ne pas se mettre la tête dans le sable dans l’intervalle.
Mais je veux aller dans votre sens sur un point. Une grande partie de la force de persuasion de la critique féministe provient de la cohérence de la vision qu’elle donne à sa lecture des sources
traditionnelles. Il s’agit, pour reprendre l’expression de Thomas Kuhn, d’un véritable changement de paradigme. Pour trouver un point de comparaison, il faut penser a la révolution copernicienne:
l’astronomie basée sur un modèle géocentrique parvenait à expliquer les mouvements des planètes, mais était forcée de rajouter au modèle un nombre croissant de complexités appelées épicycles, ce
qui alourdissait considérablement l’ensemble. Le modèle héliocentrique copernicien convainquit, non pas tant par sa capacité à expliquer des phénomènes, mais surtout par son élégance mathématique
et sa concision.
C’est la même chose dans notre cas. Il ne fait aucun doute que chaque passage du Talmud qui parait choquant peut être interprété de manière à le rendre conforme à nos sensibilités modernes. Et
pourquoi, après tout, refuserait-on d’appliquer le principe de charité aux paroles de nos Sages?
Mais cette méthode n’aboutit qu’a un ensemble d’explications locales que rien ne vient unifier dans une structure plus vaste. La critique féministe, en fournissant une vision globale cohérente, a
beau jeu de dénoncer cette accumulation d’explications ponctuelles comme étant apologétique dans son essence. Pour apprécier la justesse de l’argument, il faut effectivement avoir une vision
d’ensemble, celle que je ne peux donner complètement ici, faute de place. Mais je pense que tout ceci devrait néanmoins prendre de plus en forme au fil des posts.
Une remarque pour finir sur le chauvinisme de Sigmund Freud. Il est évident que tout être humain souffre des biais cognitifs correspondant à son sexe, a son statut social, etc. Donc, oui, ce n’est
pas parce qu’un homme est professeur de psychologie au 21eme siècle qu’il pense plus « juste » qu’un rabbin du 1er siècle. Du coté des femmes, Mary Wollstonecraft, Simone de Beauvoir, ou Katherin
McKinnon, toutes grandes féministes qu’elles soient ou aient été, partagent quant a elles d’autres biais cognitifs propres a leur sexe.
La subjectivité n’est donc pas une insulte ou une accusation, mais une simple réalité de la vie à prendre en compte. Par contre, l’objectivité apparait comme naïve. C’est la toute la
différence.
(je répondrai demain au message d’Alice)
Emmanuel, merci pour ces compléments étendus qui éclaircissent bien votre propos, ainsi que pour les ouvrages que vous rapportez. Et encore bravo pour votre initiative!
@ Alice
Merci de vos remarques pleines de profondeur.
Comme vous, je ne crois pas que *seules* les femmes ont le droit de parler des sujets liés aux femmes (que ce soit dans le contexte de l’étude de la Torah ou autre, d’ailleurs). Je souhaite que les
femmes aient *aussi* le droit de s’exprimer. Or, à la base, dans le Judaïsme, ce n’est pas cela: ce sont les hommes qui fixent toutes les lois gouvernant le statut des femmes, les standards de
modestie auxquels elles doivent se tenir, quel rôle elles doivent jouer dans la famille et dans la société, comment elles doivent percevoir leur propre corps, etc., etc. Pensez-y: des rabbins se
penchent journellement sur les détails de la vie intime des femmes afin de fixer si elles ont le droit d’avoir des relations sexuelles avec leurs maris (!). Il faut se poser la question: est-ce que
cette situation est réellement saine?
Sur Cheela, nous avons la chance d’avoir la présence de Nathalie Loewenberg dans notre équipe pour répondre aux questions de pureté familiale. Elle le fait d’ailleurs remarquablement bien, avec
beaucoup de compétence et de diplomatie. Personnellement, je trouve que cette évolution est très positive, même si ce n’est qu’un premier pas. Il s’agit de donner aux femmes la possibilité de
participer à ce qui se passe dans la religion, de permettre à leur « voix » d’être entendue.
En tant que juif s’identifiant avec le mouvement orthodoxe, j’adhère complètement à votre appel à respecter les paroles de nos Sages. Il faut tenir compte du contexte de l’époque. On ne peut en
vouloir à Maimonide de penser comme un homme du 12eme siècle. Par contre, on peut en vouloir à un rabbin contemporain d’en être resté au même stade de pensée, en raison d’un formalisme halakhique
un peu trop poussé.
Pour l’orthodoxe moderne, qui essaie de naviguer sur la ligne fine permettant d’allier à la fois respect de la tradition et ouverture aux valeurs modernes, il faut donc trouver un moyen de relire
les sources classiques sous une lumière nouvelle. Je ne parle pas de prendre un stylo rouge pour corriger ce qui choque. Il faut des évolutions, pas une révolution.
Très justement, vous soulignez que le problème qui se présente des lors à nous est celui de l’interprétation des sources. Maintenant, la phrase « c’est le lecteur qui fait la lecture » évoque en moi
des sentiments partagés. D’un certain coté, de nombreux théoriciens de l’herméneutique moderne seraient complètement d’accord avec vous (je ne sais pas si vous êtes familière des travaux de Paul
Ricoeur, Stanley Fish ou Hans-Georg Gadamer). Mais j’ai personnellement un peu de mal à admettre l’idée selon laquelle un texte, une fois achevé, n’appartient plus à son auteur, que son
interprétation est laissée librement au soin des lecteurs, et que l’intention première ne compte que pour bien peu de chose dans la compréhension postérieure.
Un autre point important à prendre en compte est que l’interprétation de textes légaux, et en particulier de textes halakhiques, suit des règles bien particulières. Un texte non normatif peut être
interprété beaucoup plus librement. Par exemple, la malédiction d’Eve (« il te dominera ») par Dieu peut être comprise comme une déclaration ontologique (i.e., après la faute, il est de la nature de
la femme d’être dominée par son mari, sans aucun espoir d’amélioration); mais on peut également la comprendre comme la description d’une situation provisoire et à dépasser (après tout, s’agissant
de la malédiction parallèle de l’homme, force est d’admettre que les hommes font de grands efforts pour ne pas gagner leur pain à la sueur de leur front).
Mais un texte halakhique s’interprète selon des règles précises, fixées depuis des générations. On peut changer ces règles, mais a priori ce n’est plus de la halakha. L’une de ces règles, et non la
moindre, fixe que seuls quelques autorités autorisées (les décisionnaires) sont habilitées à interpréter la loi divine. Cela n’encourage pas la créativité débridée, croyez-moi.
Je ne pensais pas inclure de passage sur l’interprétation de la halakha dans ma réflexion, mais si quelqu’un est intéressé à cela, je peux essayer de le faire quand même. C’est effectivement une
question importante dans le cadre de notre discussion.
comme d’habitude, j’apprecie enormement ce qu’emmanuel ecrit.
sur le statut de la femme, j’aimerai rapidement donner mon opinion. ( en lisant vous allez penser au debut qu’il s’agit d’un copier coller de la pensee ancienne haredite mais je pense que ma vision
est plutot differente.
tout d’abord, selon la thora et aujourd’hui tout le monde le pense, la pensée masculine differe totalement de la pensee feminine.
selon la thora, chacun a son role a jouer. l’homme represente l’exterieur et la femme l’exterieur.cependant,le mouvement de la liberation de la femme ne s’est pas suffit a developper la culture et
la connaissance de la femme mais recherche a lui donner un statut similaire a l’homme.
il est accepté aujourd’hui meme dans le monde orthodoxe(haredim) qu’il est possible pour une jeune fille doué de capacites intellectuelle de se lancer dans des etudes universitaires.
cependant, le talmud n’est pas une science comme les autres. il ne s’agit pas de connaissances. il s’agit plutot d’un mode de pensee. le talmud est censé occuper les plus profondes pensees de
l’homme. c’est pour ainsi dire la recherche intrinseque de soi meme. un homme orthodoxe, qui a suivit un cursus yeshivati classique est censé etre passionné par son etude du talmud.
a mon avis, la femme, elle, est plus terre a terre. elle a une nature qui tend egalement vers les activites courantes de la vie, ce qui ne constitue aucunement une bassesse ou du machisme. il
s’agit simplement d’une nature differente.
par consequent, il semble illogique de tendre la femme vers l’etude du pilpoul lithuanien.. mais vouloir simplement decouvrir le talmud ne serait pas un mal mais logiquement le point fondemental
serait plus la halaha et la pensee juive comme generalement accepté….par contre, cette volonté moderne d’identifier la femme à l’homme semble à mes yeux presque malsaine et differe de la tradtion
herité de nos peres.
j’espere n’avoir choqué personne…
gut shabbes
M. Halfon, une idée médiévale reste médiévale, même quand on l’enrobe de jolies expressions du XXIème siècle. Tu as le doit de penser ce que tu veux, mais je ne vois pas en quoi elle diffère de
l’expression « les femmes aux fourneaux ».
Je reconnais que le Talmud n’a probablement pas été écrit à destination des femmes, mais ça ne signifie pas que les femmes n’ont rien à faire avec lui. Et ça ne signifie pas qu’une femme n’est pas
capable de « recherche intrinsèque de soi-même » ou de « profondes pensées ». En substance, c’est ce que tu suggères.
Emmanuel, je ne peux pas dire que je suis à l’aise avec ce que vous écrivez, et la manière de laquelle vous l’écrivez, mais j’imagine que c’est le but voulu, n’est-ce pas ? J’ai très hâte de lire
la suite.
shavoua tov!
j’ai bien apprecié votre commentaire.
il me semble que j’ai pas bien exprimé mon idée…
concernant la femme, la torah utilise l’expression » ezer kenegdo » donnnant a la femme un statut d’aide à l’homme. (statut que vous pourriez deja qualifier de mysogine..)
je n’avais aucunement l’intention de dire que la femme n’a pas de quete personnelle mais plutot que de maniere generale, il semble qu’une femme est un esprit moins torturé qu’un homme. pour ainsi
dire, une femme a plus tendance à accepter la vie et à chercher à l’ameliorer alors qu’un homme tend plus à remettre en cause le fonctionnement meme du systeme. ne deduisez pas s’il vous plait que
la femme est moins intelligente que l’homme mais seulement differente.
toutefois, il est juste de remarquer que durant l’histoire et meme dans notre tradition, il y a eu des femmes ayant un type de comportement de type feministe ( yael, deborah, brouria…) cependant,
il est clair que ces personnages furent des exceptions et qu’hormis cela, elles surent garder leur statut de femme au sein de leur foyer. ( cf brouria talmud bavli)
le talmud n’est pas un livre de lois. c’est à mes yeux, un livre de reflexion,d’analyse profonde et qui necessite pour en avoir une comprehension reelle, un investissement acharné. par consequent,
il semble que la femme qui a une tendance plus terre à terre que l’homme n’est pas un fait pour devenir le successeur du ktsot hahoshen.
hormis cela, il y a lieu de penser que la societe actuelle souffre de problemes conjugaux tres serieux qui ont entre autre pour origine, le changement total du statut de la femme à celui
d’equivalent de l’homme.
en conclusion, il semble plutot de tendre vers un systeme de vie ou la femme reste une femme et ne devient pas un homme meme si en theorie, elle pourrait l’etre.
ps : a mes yeux, mon opinion n’a rien de mysogine…
Chavoua tov,
@ Michael Halfon
Merci pour les compliments!
Par rapport a ce que tu écris, l’expression particulièrement problématique se situe au début du 4eme paragraphe: « selon la Torah »… Ce que j’essaie d’expliquer ici, c’est que de nombreuses femmes
ont du mal a percevoir la vision objective que cette expression semble impliquer. On leur parle « du point de vue de Dieu », alors qu’en creusant un peu elles découvrent une vision de la femme qui ne
semble refléter que le « point de vue des hommes ».
Que réponds-tu aux femmes qui n’ont pas envie d’être « l’intérieur »?
Il n’y a pas si longtemps, dans tous les pays du monde, une femme ne pouvait pas devenir médecin, avocate ou ingénieur. Une femme n’avait pas le droit de voter (en Suisse, dans certains endroits,
c’était le cas jusqu’en 1990!). Etc.
Selon ta logique, tout ceci est parfaitement justifiable: non, bien sur, les femmes ne sont pas inférieures aux hommes, si elles ne votent pas c’est qu’elles représentent l’intériorité. Si elles ne
peuvent aller a l’université, c’est que la société / Dieu a d’autres plans pour elles, non moins élevés, mais qui tiennent compte de leur nature terre-a-terre. Et les traditions héritées de nos
pères… Etc.
Cela te convainc? Parce que moi pas. Et si tu n’es pas convaincu, alors en quoi cette logique serait-elle meilleure appliquée au rôle de la femme dans le Judaïsme ?
@ Chmouel
Lorsque je lisais le livre de Tamar Ross, j’ai plusieurs fois été obligé de m’arrêter au détour d’un paragraphe, tant ce que je lisais me posait problème. Donc je comprends parfaitement votre
sentiment. Je respecte d’autant plus la curiosité intellectuelle que vous exprimez dans la dernière phrase.
Mon but n’est pas réellement de choquer. Je pense que la question des femmes dans le Judaïsme est réellement problématique, et que le monde MO ne peut fait faire l’économie de cette discussion. La
suite viendra dans quelques semaines, beezrat hachem.
@ Michael
Je n’avais pas vu ta dernière réaction en rédigeant le commentaire 14.
quelle plaisir de lire cette remarque!!
tout d’abord, il ne vaut mieux pas melanger la pensée juive et le monde occidentale.
dans chaque phenomene societaire, la force est de savoir distinguer le bon coté du mauvais coté de la chose.
dans le monde orthodoxe, il y a environ 100 ans, il y a eu la creation du beth yaacov cree par sarah shnereir qui a ete une revolution dans le monde orthodoxe et qui a ses debuts, a ete rejeté par
certains orthodoxes conservateurs. c’est un psak du hafets haim qui changea la donne….
on pourrait logiquement supposer que cette mini revolution fut influencée par la mouvement feministe moderne.
cependant, dans chaque chose et c’est la force du judaisme, il y a des poids et des mesures. dans notre tradition, les textes n’interdisent aucunement l’attrait vers la connaissance pour la
femme,mais limite en fonction des circonstances l’importance de la chose
tu as ecris : « Selon ta logique, tout ceci est parfaitement justifiable: non, bien sur, les femmes ne sont pas inférieures aux hommes, si elles ne votent pas c’est qu’elles représentent
l’intériorité. Si elles ne peuvent aller a l’université, c’est que la société / Dieu a d’autres plans pour elles, non moins élevés, mais qui tiennent compte de leur nature terre-a-terre. Et les
traditions héritées de nos pères… Etc. »
je n’ai jamais supposé de telles choses. nous vivons dans une societé, il faut donc savoir s’y adapter. les moeurs changeant avec le temps. cependant, la thora à mes yeux, n’a jamais exigé que la
femme reste idiote et reste à la cuisine. a ma connaissance, la fille du hafets haim a etudié à l’université de berlin et la fille du rav hutner est diplome de columbia en psychologie.
par consequent, il ne vaut mieux pas comparer la pensee occidentale qui etait par le passé misogyne et la pensée juive qui sait faire des distinctions en fonction des circonstances.
concernant la femme actuelle, chaque jeune fille doit agir en fonction de son ame et conscience.
S.E.,
« de caractère éternel, à l’image de leurs interprétations juridiques » – Voilà un postulat de plus… ואכמ »ל
Bonjour S.E.,
Je suis heureux que tu aies pris quelques minutes pour lire mon article et commenter!
Je crois que je suis sur la même longueur d’onde que Picasso sur le coup. Lire les paroles de nos Sages comme des vérités éternelles, ce que tu veux faire (en tout cas pour ce qui en est des
« interprétations juridiques ») est tout autant basé sur un « postulat » que l’est une lecture admettant leur contingence (i.e. un lien avec un contexte socio-culturel donné).
Je crois que l’on peut faire les deux lectures sans être intellectuellement malhonnête. Dans les deux cas, on trouve des textes qu’il est facile de lire ainsi, d’autres qui le sont moins, et
certains qui posent carrément problème. Le plus logique est d’adopter la vision qui minimise les difficultés de lecture, et à mon sens c’est celle qui revient à admettre que les paroles de nos
Sages ne sont pas forcément des vérités éternelles (ce qui, encore une fois, ne signifie aucunement que l’on peut les écarter sans autre).
Si tu lis mon article avec attention, tu constateras que je décris la démarche de certaines femmes religieuses, qui sont parties d’une vision proche de la tienne pour arriver à celle opposée.
Pour prendre un autre exemple, les mêmes deux approches sont utilisées pour les questions de « Science et Torah ». ‘Hazal nous dit que les poux naissent par génération spontanée, et que par
conséquent il est permis de les tuer chabbat. Que faire aujourd’hui, alors que nous savons que la génération spontanée n’existe pas? Différentes réponses existent. Le Pa’had Yitzchak (r. Yitzchak
Lamproti) écrit qu’il faut changer la halakha car elle est basée sur des données scientifiques erronées, alors que le r. Dessler écrit explicitement le contraire (la halakha est éternelle, la
science n’étant qu’une simple proposition d’explication sans conséquence pratique). Il existe d’autres prises de position encore. Qui a raison, qui a tort? Les deux se défendent. Mais la première
explication me convainc beaucoup plus, personnellement. Surtout lorsque, comme je l’ai expliqué dans un précédent commentaire, il s’agit d’une vision d’ensemble s’appuyant sur de nombreux exemples
ponctuels.
En passant, si tu as lu l’autobiographie de Salomon Maimon, tu auras vu que c’est l’un des exemples qu’il utilise pour ridiculiser le monde religieux qu’il a quitté – tuer un pou chabbat est
permis, alors que tuer une puce est passible de la peine de mort?
Je ne suis pas sûr de tout comprendre dans ton commentaire. Le critère que tu avances est flou. Qu’est-ce que tu considères comme « interprétation juridique » dont il faut admettre l’objectivité ? La
Halakha interdit aux femmes de témoigner, c’est juridique / éternel ou c’est social / contingent?
Et les lois que ‘hazal ont fixées pour améliorer le statut des plus faibles, en admettant qu’on peut les isoler de celles qui représentent des vérités objectives – peut-on les changer aujourd’hui,
alors que ces lois semblent quand même largement dépassées?
Tout ceci demande encore un peu de réflexion, mais peut-être auras-tu l’occasion de préciser dans un prochain commentaire ce que tu voulais vraiment dire. Dans tous les cas, merci de ta
contribution!
Chalom!
Je suis moi-même femme, moderne et professeur, et je n’ai pas personnellement d’intérêt dans la critique féministe.
D’abord, je ne pense pas que les femmes soient les seules à recevoir quelques « compliments » dans le Talmud, les hommes aussi en prennent pour leur grade… je ne suis pas donc choquée outre mesure.
Le Judaïsme n’est pas politiquement correct.
De plus, les critiques féministes ont comme on dit en anglais « an agenda ». Je les lis donc avec une extrême précaution, au mieux.
Un point de vue féminin est très intéressant, quand il est objectif et tourné vers la Torah uniquement.
Par contre, je ne suis pas persuadée (du tout) que les filles devraient apprendre la Gemara. Si une rabbanit âgée le fait, kol hakavod, mais la jeune fille moyenne? Même dans les cercles européens
les plus modernes, cela ne se fait pas. Une femme pourrait passer sa vie à étudier sans toucher à la Gémara dans le texte, un sujet qui généralement n’a pas les faveurs du public féminin. Pourquoi
donc cet engouement? Souvent pour des raisons « féministes », parce que « moi aussi j’ai le droit ». Une bien triste raison pour étudier…
Rachel
Bonjour Mora Rachel,
Je suis heureux de lire votre commentaire, nous n’avons eu que très peu de réactions de femmes (sauf Alice, pour autant que les pseudos permettent d’en juger). Vu le sujet, c’est dommage ! merci de
réparer ce manque.
Une petite précision avant de vous répondre: vous avez peut-être vu les deux liens (en début de post) vers les discussions portant sur la permissibilité et l’utilité de l’étude des femmes. Ici, je
voulais m’intéresser au stade suivant. En d’autres termes, ma question est la suivante: une fois admis que les femmes ont accès au Talmud, qu’est-ce que cela change en pratique?
Si vous habitez en Europe, vous n’avez probablement jamais eu l’occasion de voir le phénomène que j’analyse. En France, on a quelques décennies de retard sur ce qui se passe en Israël ou aux USA.
J’espère donc ne pas vous vexer en n’étant pas d’accord avec vous: les jeunes femmes, étudiantes en Midracha ou autres, que j’ai rencontrées, ne sont pas des féministes a outrance. Elles ne sont
pas mues par des considérations idéologiques (la génération précédente, celle des pionnières, peut-être plus). Dans la plupart des cercles sionistes religieux, on ne voit rien d’anormal a ce qu’une
fille étudie la Guemara.
Est-ce que les féministes ont un « agenda »? Probablement oui, vous avez raison. Mais pour être honnête, les autres aussi. Ils sont très biaises en faveur du statu quo (un des points importants de
mon article est d’ailleurs qu’il n’existe pas de point de vue « objectif »).
L’argument de la « mauvaise motivation » est un très bon exemple d’argument que je trouve particulièrement peu convaincant. On l’entend souvent, sans que personne se pose la question de savoir s’il
se justifie dans nos sources.
On ne vérifie pas les motivations de quelqu’un qui veut étudier la Torah. Sinon, je vous garantis que l’on devrait mettre a la porte du kollel ou de la yeshiva une grande partie des garçons qui y
étudient. Je ne parle pas de tout le monde, bien sur – de nombreux ba’hourim / avrekhim sont très idéalistes et sacrifient beaucoup pour l’étude. Mais il est de notoriété publique que nombre
d’entre eux chauffent les bancs, restent le temps de se trouver un chidoukh ou pour éviter l’armée, ou toute autre raison non valable. Ou avez-vous qu’un Roch Yechiva mette un étudiant a la porte
pour mauvaise motivation dans l’étude???
Au contraire. Le principe général, lorsque l’on parle d’étude, c’est qu’une mauvaise motivation amène a une bonne (מתוך שלא לשמה בא לשמה). La Torah a le pouvoir de purifier ceux qui s’approchent
d’elles. Cela, ce sont nos sources les plus consacrées qui le fixent.
Tout le monde a un parti-pris. Il vaut mieux prendre ce fait en compte (ceci rejoint un point essentiel de mon article), et se concentrer sur les vrais arguments de fonds.
Cher S.E.,
Pardon pour le retard a repondre. Je comprends mieux ta position maintenant. Je crois que nous sommes en fait sur la meme longueur d’ondes, et j’aurai, je l’espere, encore l’occasion de revenir sur
certains des points que tu souleves.
Votre investigation est plus que louable, mais je vous en conjure, argumentez plus votre propos. Ce blog n’est pas une revue scientifique, mais ce sujet est si propice aux pics d’humeurs, qu’il
vaut mieux user de la prudence!
Je formulerais trois remarques. Bien entendu, j’exagère un
petit peu le raisonnement, mais c’est uniquement pour bien cerner les questions.
1. Il faut prouver qu’un « texte masculin » soit forcément au désavantage des femmes. Je ne suis pas sans avoir conscience de l’époque dans laquelle se situent les sages du Talmud, mais un tel
constat est à démontrer.
2. Vous faites une analyse assez rapide du passage de Berakhot que vous citez (non sans quelques erreurs). Tout homme que je suis, je ne pense pas être mal intentionné en disant que la beauté d’une
femme aux yeux de son mari élargit l’esprit de ce dernier. De même, rien ne dit que le Talmud fasse une comparaison. La beauté d’une femme, d’une maison ou des biens d’uns homme lui élargit
l’esprit. Quel est le mal?
Vous avez raison, on aurait pu dire que l’intelligence d’une épouse apporte satisfaction au mari. Mais que faire, les hommes sont plutôt enclins à apprécier la beauté extérieure. (Cette
compréhension de l’enseignement ne suis pas le contexte dans la Guemara et n’est pas le pshat, mais je veux juste montrer que c’est facilement discutable.)
3. Vous écrivez que les femmes ressentent certainement que « la halakha parle des femmes sans demander l’avis des principales intéressées » – Qui dit? Pourquoi les textes de psychologie traitant des
femmes ne sont-ils pas eux aussi taxés de chauvinisme patriarcal (je considère que vous n’êtes pas féministe)? Pourquoi estimer que l’auteur d’un texte profane ait forcément plus fait de recherches
avant d’exprimer son avis sur les femmes que ne l’auraient fait les Sages du Talmud?
Encore une fois, j’ai volontairement exagéré mes propos pour le bien du dialogue, mais je suis entièrement d’accord avec vous: l’apport de l’étude des femmes est l’un des bienfaits dont le judaïsme
jouit dans notre époque.
Bonsoir Picasso,
Je vous remercie d’avoir pris le temps de lire mon texte et d’avoir formule quelques remarques critiques. Je vais brièvement vous répondre.
Vous me reprochez de ne pas assez argumenter. C’est curieux, pour ma part je pensais faire déjà trop long. Un blog impose nécessairement un format différent de celui d’un livre, et si vous voulez
des livres sur le sujet, vous pouvez vous référer aux indications données par le webmaster tout en bas du post.
C’est pour ne pas faire trop long, aussi, que j’ai finalement scindé ma modeste étude en 3 (ou 4) posts successifs. La suite viendra dans quelques semaines.
Donc, oui, je m’impose de faire bref, mais j’essaie de maintenir un contenu de bon niveau. Et je compte sur les commentaires des lecteurs pour dissiper tout éventuel malentendu.
1. Les trois exemples que je donne sont perçus comme discriminatoires par de nombreuses femmes avec qui j’ai pu discuter. Mais la question de la place de la femme dans le Judaïsme demande plus de
nuances, que j’espère apporter au fil des posts. Tout n’est pas négatif, il existe de nombreux textes talmudiques qui parlent en bien des femmes. Il n’y a aucune raison de douter de leur sincérité,
et un texte masculin n’est donc pas forcément contre les femmes. Mais l’image globale, de l’avis des femmes qui se sont penchées sur la question (c’est celui qui m’intéresse surtout ici), reste
celle d’une très nette discrimination en leur défaveur.
2. Votre deuxième remarque m’est aussi incompréhensible que certains de vos tableaux! 🙂
J’ai clairement expliqué les trois raisons principales que les femmes trouvent de s’offusquer de ce passage. Vous n’êtes pas d’accord, c’est votre droit le plus strict, mais après tout vous êtes un
homme. N’arrivez-vous vraiment pas a adopter le point de vue que je décris ?
Et vous ne voyez aucune comparaison dans l’inclusion des femmes, dans une même phrase et sans pause, avec une maison et des ustensiles? Vous seriez convaincu par une rhétorique de genre face a un
panneau qui interdirait l’entrée d’un hôtel, comme cela existait il y a quelques décennies, « aux Juifs et aux chiens » ? Allons.
3. Les livres de psychologie sont ecrits aussi par des femmes. C’est toute la différence.
Encore merci pour votre contribution!
Emmanuel,
Je ne vous fais pas de « reproches » ;-), c’est juste que blog ou pas, certains sujets ne permettent pas toujours la concision, du moins à mon sens. Mais passons, ce n’est pas important.
1. Encore une fois, je ne joue pas exprès l’innocent et il est bien évident que des passages talmudiques peuvent étonner, voir déranger. Mais pour dire que les femmes seraient sans doute offusquées
par tel ou tel adage des Sages – et sans non plus avoir recours aux statistiques – il faut quand même plus asseoir la chose. D’où ces femmes que vous avez consultées sont-elles issues? Pour le
coup, j’ai du « forcer » ma femme à trouver quelque chose de négatif quand je lui cité ce passage! Dois-je m’inquiéter de la mesure de sa « féminité »? 😉
2. Sans remuer la chose de trop, non, je ne pense pas que ce point de vue soit si évident. Les trois raisons que vous évoquez sont discutables: a) On peut tout à fait admettre que les Sages aient
parlé de la femme en une autre occasion, écrite ou non dans le Talmud. Après, ce qui a été « canonisé » ou pas par les rédacteurs – masculins 😉 – du Talmud, c’est une autre histoire et il est
question ici de ce passage précisement, non? b)Sincèrement et sans faire l’imbécile, je ne vois pas ici d’objectification. Il est question de beautés: celle humaine, celle de l’espace ou encore de
l’objet, voilà tout. Quels autres exemples donneriez-vous à la beauté? c) Voir ce que j’avais écrit. Plus tard, quand j’ai demandé à ma femme ce qu’elle pense de cette « réduction » de la femme à son
seul aspect physique, elle me répondit: « Qu’est-ce que tu veux, les hommes sont très attirés par la beauté physique, non? »
Plus généralement, le Maharsha a expliqué cette situation comme il l’a fait, peut-être car il jugeait favorablement les Sages, lui, admettant qu’en effet, ils ont pu faire un examen de conscience
critique avant de se prononcer sur les femmes. Au lieu d’une injure aux femmes, il a trouvé là une critique acerbe de l’homme: Voit ce qui motive les hommes – la beauté! Je partage la position qui
cherche à prendre en compte la subjectivité des Sages (tant qu’on ne force pas la chose et qu’on les « contraint » à suivre « leur » shita), mais ma révérence à nos Sages me guide AUSSI dans mon étude,
comme je pense cela a été le cas pour le Maharsha.
3. Je parlais bien entendu de livres rédigés par des hommes, sinon à quoi bon…
Donc oui, les femmes étudiant la Torah peuvent trouver de nombreuses raisons de s’offusquer. Les hommes aussi d’ailleurs doivent se soucier de la cause des femmes. Mais ce que je voulais dire,
c’est que tout en n’angélisant pas nos Sages, on peut toujours plus explorer les textes et ne pas occulter d’autres pistes de compréhension. Ceci étant, je suis d’accord que des textes soient
franchement à remettre en question, mais ce avec la plus grande impartialité qui soit.
Vivent les femmes!
Webmaster,
Bien entendu! Heureusement! Mais, en dehors de féministes prononcées, je ne sais pas si on a pour autant remis en question en vrac les avis psychologiques sur la femme énoncés par des hommes?
Maintenant, je ne suis pas spécialiste ni en féminisme, ni en psychologie et pas plus en Torah… Eclairez-moi!
Merci pour cette réflexion intéressante et utile.
Une remarque : il me semble évident que « c’est le lecteur qui fait la lecture ».
Dans ce sens, le fait que de plus en plus de femmes juives se penchent sur les textes talmudiques fait émerger de nouvelles lectures, offrant de nouvelles perspectives aux textes, un ‘hidoush qui
bouscule sûrement les a priori de certains (hommes ou femmes d’ailleurs), mais qui donne aussi et surtout aux textes une profondeur inédite jusqu’à présent.
Je pense qu’il faut distinguer la question de « la lecture » de celle de « l’écriture ».
Le postulat que « un homme ne peut traiter objectivement des sujets concernant les femmes » et vice-versa est biaisé et stérile. Avec cette logique (poussée à son extrême), seuls des enfants
pourraient parler des enfants, des Français de la France, des juifs d’antisémitisme, etc… et délégitimerait la parole de tout individu extérieur au groupe concerné. Ce serait selon moi un recul
au niveau de la réflexion humaine.
L’objectivité absolue n’existe pas, aussi bien chez l’auteur que chez le lecteur.
La question de la sensibilité du lecteur dépasse le simple clivage homme-femme, réalité du passé-réalité actuelle.
En tant que femme, on peut bien sûr être choquée par certains passages talmudiques et leurs commentaires et implications halakhiques.
Mais je ne pense pas que la solution soit de lancer un débat sur la validité des sources et des auteurs. Et alors quoi !? Faudrait-il rectifier les textes du Talmud ? censurer les passages blessant
la sensibilité des femmes ? Décrédibiliser les Sages s’étant rendus « coupables » de vision machiste ? A ce rythme-là, on en viendra vite à dénaturer les textes, à les vider de toute substance (après
les femmes, les handicapés, les non-juifs, les défenseurs des animaux, les « non-cohen », etc, viendront aussi faire la file…).
Je ne dis pas cela pour décrédibiliser le point de vue des femmes qui revendiquent une plus grande implication dans le débat talmudique (au contraire, j’en ferais plutôt partie moi-même), mais
seulement pour souligner que ma sensibilité à moi me dit qu’il faut dépasser le clivage homme-femme, dépasser les stéréotypes qui mènent à un vulgaire procès d’intention du texte talmudique qui est
stérile pour qui suit la voie d’un judaisme « orthodoxe ».
Le « combat » contre l’exclusion talmudique des femmes ne devrait pas s’ancrer dans une remise en cause du Texte originel, mais dans une remise en cause des lecteurs d’aujourd’hui.
Se battre contre des « stéréotypes » (ou lus comme tels) datant de plus de 1500 ans est vain. Commençons par nous attaquer aux stéréotypes actuels qui aveuglent certains hommes (et certaines femmes
aussi !) dans leur étude du texte.
Pour avancer dans cette voie, j’ai aussi une lecture à recommander (en anglais) qui m’a personnellement énormément intéressée. Il s’agit de « Women in the Talmud : an anthology of the Talmud’s
stories about women, as explained by the classic commentators », par le Rabbin et Professeur Aaron Eli Glatt (Edition Orthodox Union, 2003)
Ce livre permet de donner une vue d’ensemble de différents commentaires élogieux ou pas vis-à-vis des femmes, et donne à réfléchir en comparant les uns et les autres.
Alice, vous le dites mieux que je n’aurais su le faire! כל מילה בסלע
Chavoua Tov,
Et merci a tous pour ces commentaires de grande qualité.
@ Picasso
Je saisis mieux maintenant le sens de vos précédentes remarques. Je crois vraiment que si vous êtes intéressé par une analyse exhaustive de ces questions, il faut vous tourner vers les ouvrages qui
y sont consacrés, dont certains ont déjà été indiqués. Je voudrais encore rajouter a cette liste l’ouvrage de Shoshana Pantel Zolty, « And all your children shall be learned » – Women and the Study
of Torah in Jewish Law and History.
La question de la place de la femme dans le Judaïsme, que j’aborde ici à travers un angle très spécifique, fait l’objet d’un débat intense et nourri au sein de la Modern Orthodoxie, en Israël et
aux USA. C’est probablement le problème le plus grave que rencontre l’orthodoxie « ouverte » (chez les ‘hareidim, le débat n’existe pas ou très peu; a l’opposé, les mouvements libéral et massorti se
définissent maintenant comme complètement égalitaires; ce sont donc bien les orthodoxes modernes qui se trouvent a la croisée des chemins). Sans trop de surprise, c’est aussi dans ce domaine que
l’on trouve des exemples particulièrement prometteurs de pensée orthodoxe créatrice et dynamique.
Mes discussions avec Gabriel m’ont permis de comprendre que le but de ce blog est de présenter la « Modern Orthodoxy » au public francophone: ses précurseurs et ses penseurs, ses autorités
rabbiniques, ses valeurs et ses engagements, mais aussi ses problèmes et ses défis. C’est dans cette optique que j’ai conçu cette petite étude des conséquences de l’étude des femmes (dont nous ne
discutons pour l’instant que du premier volet !). Elle n’est pas exhaustive, j’en conviens volontiers, car mon but est essentiellement descriptif. Et si la carte n’est pas le territoire, elle n’en
garde pas moins son utilité propre.
Vous me demandez en filigrane quelles sont mes sources, qui sont les femmes de qui je parle. Il se trouve que je connais, parmi les gens qui me sont proches, plusieurs femmes qui ont étudié le
Talmud a haut niveau (y compris, mais pas seulement, ma meilleure moitié 🙂 ). Vivant en Israël, et fréquentant le milieu des études juives universitaires, je me retrouve dans une position ou il
m’est aisé de prendre le pouls de la société environnante. Les femmes dont je parle proviennent de milieux religieux (sionistes religieux le plus souvent), et étudient la Torah dans une midracha,
ou alors dans une yeshiva offrant un Beth Hamidrash pour femmes, comme Beth Moracha que j’ai fréquentée quelques mois (voyez ici pour plus d’infos: http://www.bmj.org.il/inner/2).
En pratique, la position que j’adopte ici est celle de l’observateur extérieur, non celle de l’idéologue. J’essaie d’expliquer, pas forcément de rallier a une cause. Que votre femme ne partage pas
la vision féministe que j’articule ici ne me surprend pas. Mais les idées se déplacent des centres vers les périphéries, et je serai surpris que ce qui est une immense question de société en Israël
et aux USA ne trouve pas un écho de plus en plus marqué en France au cours des prochaines années. Autant ne pas se mettre la tête dans le sable dans l’intervalle.
Mais je veux aller dans votre sens sur un point. Une grande partie de la force de persuasion de la critique féministe provient de la cohérence de la vision qu’elle donne à sa lecture des sources
traditionnelles. Il s’agit, pour reprendre l’expression de Thomas Kuhn, d’un véritable changement de paradigme. Pour trouver un point de comparaison, il faut penser a la révolution copernicienne:
l’astronomie basée sur un modèle géocentrique parvenait à expliquer les mouvements des planètes, mais était forcée de rajouter au modèle un nombre croissant de complexités appelées épicycles, ce
qui alourdissait considérablement l’ensemble. Le modèle héliocentrique copernicien convainquit, non pas tant par sa capacité à expliquer des phénomènes, mais surtout par son élégance mathématique
et sa concision.
C’est la même chose dans notre cas. Il ne fait aucun doute que chaque passage du Talmud qui parait choquant peut être interprété de manière à le rendre conforme à nos sensibilités modernes. Et
pourquoi, après tout, refuserait-on d’appliquer le principe de charité aux paroles de nos Sages?
Mais cette méthode n’aboutit qu’a un ensemble d’explications locales que rien ne vient unifier dans une structure plus vaste. La critique féministe, en fournissant une vision globale cohérente, a
beau jeu de dénoncer cette accumulation d’explications ponctuelles comme étant apologétique dans son essence. Pour apprécier la justesse de l’argument, il faut effectivement avoir une vision
d’ensemble, celle que je ne peux donner complètement ici, faute de place. Mais je pense que tout ceci devrait néanmoins prendre de plus en forme au fil des posts.
Une remarque pour finir sur le chauvinisme de Sigmund Freud. Il est évident que tout être humain souffre des biais cognitifs correspondant à son sexe, a son statut social, etc. Donc, oui, ce n’est
pas parce qu’un homme est professeur de psychologie au 21eme siècle qu’il pense plus « juste » qu’un rabbin du 1er siècle. Du coté des femmes, Mary Wollstonecraft, Simone de Beauvoir, ou Katherin
McKinnon, toutes grandes féministes qu’elles soient ou aient été, partagent quant a elles d’autres biais cognitifs propres a leur sexe.
La subjectivité n’est donc pas une insulte ou une accusation, mais une simple réalité de la vie à prendre en compte. Par contre, l’objectivité apparait comme naïve. C’est la toute la
différence.
(je répondrai demain au message d’Alice)
Emmanuel, merci pour ces compléments étendus qui éclaircissent bien votre propos, ainsi que pour les ouvrages que vous rapportez. Et encore bravo pour votre initiative!
@ Alice
Merci de vos remarques pleines de profondeur.
Comme vous, je ne crois pas que *seules* les femmes ont le droit de parler des sujets liés aux femmes (que ce soit dans le contexte de l’étude de la Torah ou autre, d’ailleurs). Je souhaite que les
femmes aient *aussi* le droit de s’exprimer. Or, à la base, dans le Judaïsme, ce n’est pas cela: ce sont les hommes qui fixent toutes les lois gouvernant le statut des femmes, les standards de
modestie auxquels elles doivent se tenir, quel rôle elles doivent jouer dans la famille et dans la société, comment elles doivent percevoir leur propre corps, etc., etc. Pensez-y: des rabbins se
penchent journellement sur les détails de la vie intime des femmes afin de fixer si elles ont le droit d’avoir des relations sexuelles avec leurs maris (!). Il faut se poser la question: est-ce que
cette situation est réellement saine?
Sur Cheela, nous avons la chance d’avoir la présence de Nathalie Loewenberg dans notre équipe pour répondre aux questions de pureté familiale. Elle le fait d’ailleurs remarquablement bien, avec
beaucoup de compétence et de diplomatie. Personnellement, je trouve que cette évolution est très positive, même si ce n’est qu’un premier pas. Il s’agit de donner aux femmes la possibilité de
participer à ce qui se passe dans la religion, de permettre à leur « voix » d’être entendue.
En tant que juif s’identifiant avec le mouvement orthodoxe, j’adhère complètement à votre appel à respecter les paroles de nos Sages. Il faut tenir compte du contexte de l’époque. On ne peut en
vouloir à Maimonide de penser comme un homme du 12eme siècle. Par contre, on peut en vouloir à un rabbin contemporain d’en être resté au même stade de pensée, en raison d’un formalisme halakhique
un peu trop poussé.
Pour l’orthodoxe moderne, qui essaie de naviguer sur la ligne fine permettant d’allier à la fois respect de la tradition et ouverture aux valeurs modernes, il faut donc trouver un moyen de relire
les sources classiques sous une lumière nouvelle. Je ne parle pas de prendre un stylo rouge pour corriger ce qui choque. Il faut des évolutions, pas une révolution.
Très justement, vous soulignez que le problème qui se présente des lors à nous est celui de l’interprétation des sources. Maintenant, la phrase « c’est le lecteur qui fait la lecture » évoque en moi
des sentiments partagés. D’un certain coté, de nombreux théoriciens de l’herméneutique moderne seraient complètement d’accord avec vous (je ne sais pas si vous êtes familière des travaux de Paul
Ricoeur, Stanley Fish ou Hans-Georg Gadamer). Mais j’ai personnellement un peu de mal à admettre l’idée selon laquelle un texte, une fois achevé, n’appartient plus à son auteur, que son
interprétation est laissée librement au soin des lecteurs, et que l’intention première ne compte que pour bien peu de chose dans la compréhension postérieure.
Un autre point important à prendre en compte est que l’interprétation de textes légaux, et en particulier de textes halakhiques, suit des règles bien particulières. Un texte non normatif peut être
interprété beaucoup plus librement. Par exemple, la malédiction d’Eve (« il te dominera ») par Dieu peut être comprise comme une déclaration ontologique (i.e., après la faute, il est de la nature de
la femme d’être dominée par son mari, sans aucun espoir d’amélioration); mais on peut également la comprendre comme la description d’une situation provisoire et à dépasser (après tout, s’agissant
de la malédiction parallèle de l’homme, force est d’admettre que les hommes font de grands efforts pour ne pas gagner leur pain à la sueur de leur front).
Mais un texte halakhique s’interprète selon des règles précises, fixées depuis des générations. On peut changer ces règles, mais a priori ce n’est plus de la halakha. L’une de ces règles, et non la
moindre, fixe que seuls quelques autorités autorisées (les décisionnaires) sont habilitées à interpréter la loi divine. Cela n’encourage pas la créativité débridée, croyez-moi.
Je ne pensais pas inclure de passage sur l’interprétation de la halakha dans ma réflexion, mais si quelqu’un est intéressé à cela, je peux essayer de le faire quand même. C’est effectivement une
question importante dans le cadre de notre discussion.
comme d’habitude, j’apprecie enormement ce qu’emmanuel ecrit.
sur le statut de la femme, j’aimerai rapidement donner mon opinion. ( en lisant vous allez penser au debut qu’il s’agit d’un copier coller de la pensee ancienne haredite mais je pense que ma vision
est plutot differente.
tout d’abord, selon la thora et aujourd’hui tout le monde le pense, la pensée masculine differe totalement de la pensee feminine.
selon la thora, chacun a son role a jouer. l’homme represente l’exterieur et la femme l’exterieur.cependant,le mouvement de la liberation de la femme ne s’est pas suffit a developper la culture et
la connaissance de la femme mais recherche a lui donner un statut similaire a l’homme.
il est accepté aujourd’hui meme dans le monde orthodoxe(haredim) qu’il est possible pour une jeune fille doué de capacites intellectuelle de se lancer dans des etudes universitaires.
cependant, le talmud n’est pas une science comme les autres. il ne s’agit pas de connaissances. il s’agit plutot d’un mode de pensee. le talmud est censé occuper les plus profondes pensees de
l’homme. c’est pour ainsi dire la recherche intrinseque de soi meme. un homme orthodoxe, qui a suivit un cursus yeshivati classique est censé etre passionné par son etude du talmud.
a mon avis, la femme, elle, est plus terre a terre. elle a une nature qui tend egalement vers les activites courantes de la vie, ce qui ne constitue aucunement une bassesse ou du machisme. il
s’agit simplement d’une nature differente.
par consequent, il semble illogique de tendre la femme vers l’etude du pilpoul lithuanien.. mais vouloir simplement decouvrir le talmud ne serait pas un mal mais logiquement le point fondemental
serait plus la halaha et la pensee juive comme generalement accepté….par contre, cette volonté moderne d’identifier la femme à l’homme semble à mes yeux presque malsaine et differe de la tradtion
herité de nos peres.
j’espere n’avoir choqué personne…
gut shabbes
M. Halfon, une idée médiévale reste médiévale, même quand on l’enrobe de jolies expressions du XXIème siècle. Tu as le doit de penser ce que tu veux, mais je ne vois pas en quoi elle diffère de
l’expression « les femmes aux fourneaux ».
Je reconnais que le Talmud n’a probablement pas été écrit à destination des femmes, mais ça ne signifie pas que les femmes n’ont rien à faire avec lui. Et ça ne signifie pas qu’une femme n’est pas
capable de « recherche intrinsèque de soi-même » ou de « profondes pensées ». En substance, c’est ce que tu suggères.
Emmanuel, je ne peux pas dire que je suis à l’aise avec ce que vous écrivez, et la manière de laquelle vous l’écrivez, mais j’imagine que c’est le but voulu, n’est-ce pas ? J’ai très hâte de lire
la suite.
shavoua tov!
j’ai bien apprecié votre commentaire.
il me semble que j’ai pas bien exprimé mon idée…
concernant la femme, la torah utilise l’expression » ezer kenegdo » donnnant a la femme un statut d’aide à l’homme. (statut que vous pourriez deja qualifier de mysogine..)
je n’avais aucunement l’intention de dire que la femme n’a pas de quete personnelle mais plutot que de maniere generale, il semble qu’une femme est un esprit moins torturé qu’un homme. pour ainsi
dire, une femme a plus tendance à accepter la vie et à chercher à l’ameliorer alors qu’un homme tend plus à remettre en cause le fonctionnement meme du systeme. ne deduisez pas s’il vous plait que
la femme est moins intelligente que l’homme mais seulement differente.
toutefois, il est juste de remarquer que durant l’histoire et meme dans notre tradition, il y a eu des femmes ayant un type de comportement de type feministe ( yael, deborah, brouria…) cependant,
il est clair que ces personnages furent des exceptions et qu’hormis cela, elles surent garder leur statut de femme au sein de leur foyer. ( cf brouria talmud bavli)
le talmud n’est pas un livre de lois. c’est à mes yeux, un livre de reflexion,d’analyse profonde et qui necessite pour en avoir une comprehension reelle, un investissement acharné. par consequent,
il semble que la femme qui a une tendance plus terre à terre que l’homme n’est pas un fait pour devenir le successeur du ktsot hahoshen.
hormis cela, il y a lieu de penser que la societe actuelle souffre de problemes conjugaux tres serieux qui ont entre autre pour origine, le changement total du statut de la femme à celui
d’equivalent de l’homme.
en conclusion, il semble plutot de tendre vers un systeme de vie ou la femme reste une femme et ne devient pas un homme meme si en theorie, elle pourrait l’etre.
ps : a mes yeux, mon opinion n’a rien de mysogine…
Chavoua tov,
@ Michael Halfon
Merci pour les compliments!
Par rapport a ce que tu écris, l’expression particulièrement problématique se situe au début du 4eme paragraphe: « selon la Torah »… Ce que j’essaie d’expliquer ici, c’est que de nombreuses femmes
ont du mal a percevoir la vision objective que cette expression semble impliquer. On leur parle « du point de vue de Dieu », alors qu’en creusant un peu elles découvrent une vision de la femme qui ne
semble refléter que le « point de vue des hommes ».
Que réponds-tu aux femmes qui n’ont pas envie d’être « l’intérieur »?
Il n’y a pas si longtemps, dans tous les pays du monde, une femme ne pouvait pas devenir médecin, avocate ou ingénieur. Une femme n’avait pas le droit de voter (en Suisse, dans certains endroits,
c’était le cas jusqu’en 1990!). Etc.
Selon ta logique, tout ceci est parfaitement justifiable: non, bien sur, les femmes ne sont pas inférieures aux hommes, si elles ne votent pas c’est qu’elles représentent l’intériorité. Si elles ne
peuvent aller a l’université, c’est que la société / Dieu a d’autres plans pour elles, non moins élevés, mais qui tiennent compte de leur nature terre-a-terre. Et les traditions héritées de nos
pères… Etc.
Cela te convainc? Parce que moi pas. Et si tu n’es pas convaincu, alors en quoi cette logique serait-elle meilleure appliquée au rôle de la femme dans le Judaïsme ?
@ Chmouel
Lorsque je lisais le livre de Tamar Ross, j’ai plusieurs fois été obligé de m’arrêter au détour d’un paragraphe, tant ce que je lisais me posait problème. Donc je comprends parfaitement votre
sentiment. Je respecte d’autant plus la curiosité intellectuelle que vous exprimez dans la dernière phrase.
Mon but n’est pas réellement de choquer. Je pense que la question des femmes dans le Judaïsme est réellement problématique, et que le monde MO ne peut fait faire l’économie de cette discussion. La
suite viendra dans quelques semaines, beezrat hachem.
@ Michael
Je n’avais pas vu ta dernière réaction en rédigeant le commentaire 14.
quelle plaisir de lire cette remarque!!
tout d’abord, il ne vaut mieux pas melanger la pensée juive et le monde occidentale.
dans chaque phenomene societaire, la force est de savoir distinguer le bon coté du mauvais coté de la chose.
dans le monde orthodoxe, il y a environ 100 ans, il y a eu la creation du beth yaacov cree par sarah shnereir qui a ete une revolution dans le monde orthodoxe et qui a ses debuts, a ete rejeté par
certains orthodoxes conservateurs. c’est un psak du hafets haim qui changea la donne….
on pourrait logiquement supposer que cette mini revolution fut influencée par la mouvement feministe moderne.
cependant, dans chaque chose et c’est la force du judaisme, il y a des poids et des mesures. dans notre tradition, les textes n’interdisent aucunement l’attrait vers la connaissance pour la
femme,mais limite en fonction des circonstances l’importance de la chose
tu as ecris : « Selon ta logique, tout ceci est parfaitement justifiable: non, bien sur, les femmes ne sont pas inférieures aux hommes, si elles ne votent pas c’est qu’elles représentent
l’intériorité. Si elles ne peuvent aller a l’université, c’est que la société / Dieu a d’autres plans pour elles, non moins élevés, mais qui tiennent compte de leur nature terre-a-terre. Et les
traditions héritées de nos pères… Etc. »
je n’ai jamais supposé de telles choses. nous vivons dans une societé, il faut donc savoir s’y adapter. les moeurs changeant avec le temps. cependant, la thora à mes yeux, n’a jamais exigé que la
femme reste idiote et reste à la cuisine. a ma connaissance, la fille du hafets haim a etudié à l’université de berlin et la fille du rav hutner est diplome de columbia en psychologie.
par consequent, il ne vaut mieux pas comparer la pensee occidentale qui etait par le passé misogyne et la pensée juive qui sait faire des distinctions en fonction des circonstances.
concernant la femme actuelle, chaque jeune fille doit agir en fonction de son ame et conscience.
S.E.,
« de caractère éternel, à l’image de leurs interprétations juridiques » – Voilà un postulat de plus… ואכמ »ל
Bonjour S.E.,
Je suis heureux que tu aies pris quelques minutes pour lire mon article et commenter!
Je crois que je suis sur la même longueur d’onde que Picasso sur le coup. Lire les paroles de nos Sages comme des vérités éternelles, ce que tu veux faire (en tout cas pour ce qui en est des
« interprétations juridiques ») est tout autant basé sur un « postulat » que l’est une lecture admettant leur contingence (i.e. un lien avec un contexte socio-culturel donné).
Je crois que l’on peut faire les deux lectures sans être intellectuellement malhonnête. Dans les deux cas, on trouve des textes qu’il est facile de lire ainsi, d’autres qui le sont moins, et
certains qui posent carrément problème. Le plus logique est d’adopter la vision qui minimise les difficultés de lecture, et à mon sens c’est celle qui revient à admettre que les paroles de nos
Sages ne sont pas forcément des vérités éternelles (ce qui, encore une fois, ne signifie aucunement que l’on peut les écarter sans autre).
Si tu lis mon article avec attention, tu constateras que je décris la démarche de certaines femmes religieuses, qui sont parties d’une vision proche de la tienne pour arriver à celle opposée.
Pour prendre un autre exemple, les mêmes deux approches sont utilisées pour les questions de « Science et Torah ». ‘Hazal nous dit que les poux naissent par génération spontanée, et que par
conséquent il est permis de les tuer chabbat. Que faire aujourd’hui, alors que nous savons que la génération spontanée n’existe pas? Différentes réponses existent. Le Pa’had Yitzchak (r. Yitzchak
Lamproti) écrit qu’il faut changer la halakha car elle est basée sur des données scientifiques erronées, alors que le r. Dessler écrit explicitement le contraire (la halakha est éternelle, la
science n’étant qu’une simple proposition d’explication sans conséquence pratique). Il existe d’autres prises de position encore. Qui a raison, qui a tort? Les deux se défendent. Mais la première
explication me convainc beaucoup plus, personnellement. Surtout lorsque, comme je l’ai expliqué dans un précédent commentaire, il s’agit d’une vision d’ensemble s’appuyant sur de nombreux exemples
ponctuels.
En passant, si tu as lu l’autobiographie de Salomon Maimon, tu auras vu que c’est l’un des exemples qu’il utilise pour ridiculiser le monde religieux qu’il a quitté – tuer un pou chabbat est
permis, alors que tuer une puce est passible de la peine de mort?
Je ne suis pas sûr de tout comprendre dans ton commentaire. Le critère que tu avances est flou. Qu’est-ce que tu considères comme « interprétation juridique » dont il faut admettre l’objectivité ? La
Halakha interdit aux femmes de témoigner, c’est juridique / éternel ou c’est social / contingent?
Et les lois que ‘hazal ont fixées pour améliorer le statut des plus faibles, en admettant qu’on peut les isoler de celles qui représentent des vérités objectives – peut-on les changer aujourd’hui,
alors que ces lois semblent quand même largement dépassées?
Tout ceci demande encore un peu de réflexion, mais peut-être auras-tu l’occasion de préciser dans un prochain commentaire ce que tu voulais vraiment dire. Dans tous les cas, merci de ta
contribution!
Chalom!
Je suis moi-même femme, moderne et professeur, et je n’ai pas personnellement d’intérêt dans la critique féministe.
D’abord, je ne pense pas que les femmes soient les seules à recevoir quelques « compliments » dans le Talmud, les hommes aussi en prennent pour leur grade… je ne suis pas donc choquée outre mesure.
Le Judaïsme n’est pas politiquement correct.
De plus, les critiques féministes ont comme on dit en anglais « an agenda ». Je les lis donc avec une extrême précaution, au mieux.
Un point de vue féminin est très intéressant, quand il est objectif et tourné vers la Torah uniquement.
Par contre, je ne suis pas persuadée (du tout) que les filles devraient apprendre la Gemara. Si une rabbanit âgée le fait, kol hakavod, mais la jeune fille moyenne? Même dans les cercles européens
les plus modernes, cela ne se fait pas. Une femme pourrait passer sa vie à étudier sans toucher à la Gémara dans le texte, un sujet qui généralement n’a pas les faveurs du public féminin. Pourquoi
donc cet engouement? Souvent pour des raisons « féministes », parce que « moi aussi j’ai le droit ». Une bien triste raison pour étudier…
Rachel
Bonjour Mora Rachel,
Je suis heureux de lire votre commentaire, nous n’avons eu que très peu de réactions de femmes (sauf Alice, pour autant que les pseudos permettent d’en juger). Vu le sujet, c’est dommage ! merci de
réparer ce manque.
Une petite précision avant de vous répondre: vous avez peut-être vu les deux liens (en début de post) vers les discussions portant sur la permissibilité et l’utilité de l’étude des femmes. Ici, je
voulais m’intéresser au stade suivant. En d’autres termes, ma question est la suivante: une fois admis que les femmes ont accès au Talmud, qu’est-ce que cela change en pratique?
Si vous habitez en Europe, vous n’avez probablement jamais eu l’occasion de voir le phénomène que j’analyse. En France, on a quelques décennies de retard sur ce qui se passe en Israël ou aux USA.
J’espère donc ne pas vous vexer en n’étant pas d’accord avec vous: les jeunes femmes, étudiantes en Midracha ou autres, que j’ai rencontrées, ne sont pas des féministes a outrance. Elles ne sont
pas mues par des considérations idéologiques (la génération précédente, celle des pionnières, peut-être plus). Dans la plupart des cercles sionistes religieux, on ne voit rien d’anormal a ce qu’une
fille étudie la Guemara.
Est-ce que les féministes ont un « agenda »? Probablement oui, vous avez raison. Mais pour être honnête, les autres aussi. Ils sont très biaises en faveur du statu quo (un des points importants de
mon article est d’ailleurs qu’il n’existe pas de point de vue « objectif »).
L’argument de la « mauvaise motivation » est un très bon exemple d’argument que je trouve particulièrement peu convaincant. On l’entend souvent, sans que personne se pose la question de savoir s’il
se justifie dans nos sources.
On ne vérifie pas les motivations de quelqu’un qui veut étudier la Torah. Sinon, je vous garantis que l’on devrait mettre a la porte du kollel ou de la yeshiva une grande partie des garçons qui y
étudient. Je ne parle pas de tout le monde, bien sur – de nombreux ba’hourim / avrekhim sont très idéalistes et sacrifient beaucoup pour l’étude. Mais il est de notoriété publique que nombre
d’entre eux chauffent les bancs, restent le temps de se trouver un chidoukh ou pour éviter l’armée, ou toute autre raison non valable. Ou avez-vous qu’un Roch Yechiva mette un étudiant a la porte
pour mauvaise motivation dans l’étude???
Au contraire. Le principe général, lorsque l’on parle d’étude, c’est qu’une mauvaise motivation amène a une bonne (מתוך שלא לשמה בא לשמה). La Torah a le pouvoir de purifier ceux qui s’approchent
d’elles. Cela, ce sont nos sources les plus consacrées qui le fixent.
Tout le monde a un parti-pris. Il vaut mieux prendre ce fait en compte (ceci rejoint un point essentiel de mon article), et se concentrer sur les vrais arguments de fonds.
Cher S.E.,
Pardon pour le retard a repondre. Je comprends mieux ta position maintenant. Je crois que nous sommes en fait sur la meme longueur d’ondes, et j’aurai, je l’espere, encore l’occasion de revenir sur
certains des points que tu souleves.