Etat d’Israël et peuple d’Israël : nouveau regard sur Yom Haatsmaout
L’état d’Israël a fêté son soixante-troisième anniversaire le 10 Mai dernier. Cette semaine, nous fêterons Yom Yerushalayim, les quarante-quatre ans de la réunification de Jérusalem.
Pour l’extrême majorité des lecteurs, l’état d’Israël est un fait qui a toujours emplie leurs vies. L’état juif est devenu pour nous une réalité incontournable, son sort nous est cher et l’idée même de sa destruction nous semble impensable. Pour autant, nous ne sommes pas tous de grands sionistes, mais, cachés sous des couches de fausse indifférence, l’extrême majorité des juifs lisent avec inquiétude les nouvelles qui leurs parviennent d’Israël. Il y a quelques années, j’ai entendu Elie Wiesel affirmer qu’aujourd’hui, chaque juif, ou qu’il soit dans le monde, se définit par rapport à l’état hébreu. Il y a les juifs qui soutiennent Israël, ceux qui le combattent, mais il n’y a pas de juif indifférent au sort du jeune état.
Pour l’occasion, je souhaiterais partager avec vous quelques pensées sur les notions de peuple et d’indépendance. Réflexions bien évidemment personnelles et qui invitent au débat.
A propos du terme de עצמאות (atsmaout)
La journée nationale d’indépendance en Israël porte le nom hébraïque de Yom Haatsmaout. Il me semble que, de par son étymologie, la notion hébraïque deatsmaoutdiffère quelques peu de sa traduction latine (indépendance).
L’indépendance, de quoi s’agit-il ? En français, il s’agit du mot dépendance précédé du préfixe in,qui marque une négation. C’est donc une définition en creux : « Je ne dépends de rien, donc je suis indépendant ». Ce mot ne possède pas une signification qui lui est propre mais vient juste faire état d’un fait (« je ne dépend de rien »).
Le mot עצמאות (atsmaout) est tout autre. Premièrement, il ne s’agit pas d’une négation. Mais surtout, c’est un mot remplie d’auto-signification. Sa racine est עצם(etsem) qui désigne à la fois l’essence et l’intensité (בעצם היום הזה, עוצמא, עצמי). L’indépendance dans la conscience juive, représente l’essence même des choses. Ce n’est que par cet état d’indépendance que l’intégrité de l’être est retrouvée et qu’il existe dans toute son intensité.
Privé d’indépendance, l’individu est réduit, diminué au plus profond de son être.
Religion ou Nation ?
Après cette introduction, on est en droit de se demander s’il existe vraiment une signification juive à Yom Haatsmaout. Au premier abord, être juif s’est avant tout appartenir à une religion. L’indépendance, aussi bonne soit-elle, ne revêt aprioripas de signification religieuse…
C’est sans doute vrai, mais qui a dit que le judaïsme était une religion ?
La question est volontairement provocatrice, mais elle est belle et bien vraie. Le mot « religion » (דת) n’apparait que très tard, dans la chronologie biblique. Il est mentionné au début du rouleau d’Esther ainsi que dans le livre de Daniel (le lecteur attentif remarquera qu’il s’agit là de livres dont la trame se déroule en exil !). Comment désigne t-on les juifs dans la Torah ? Par des termes nationaux comme עם(am) ou גוי (goy)qui signifie tous deux « peuple » ou « nation ». C’est le peuple d’Israël qui a reçu la Torah, c’est la nation sainte (גוי קדוש) qui reçoit les commandements divins. Pas les juifs…
D’ailleurs, le mot juif lui même n’est pas mentionné dans la Bible, à l’exception du livre d’Esther (et encore, pas selon tous les exégèses).
Au delà de la sémantique, il convient d’expliquer en quoi le peuple d’Israël n’est pas qu’une religion. Le mot religion tire sa source, à juste titre, du mot grec relegerequi signifie « relier ». En effet, la religion est avant tout un élément qui lie les individus entre-eux, par le biais de lois et de pratiques communes.
Un peuple possède une dimension supplémentaire, qu’on pourrait qualifier de dimension historique. Les individus qui constituent le peuple sont aussi liés par leurhistoireet leur destin. En ce qui concerne le peuple d’Israël, on peut rajouter qu’il est également lié par samission, qui lui est ordonnée par la Torah.
Cette conscience d’un destin commun est fortement ancrée dans l’esprit juif, y compris dans l’esprit du juif athée. Dans cette optique on comprend aisément le malaise persistant des familles les plus laïques vis à vis du mariage mixte. Ne s’agit-il pas de l’inconscient juif qui comprend qu’une telle union serait la pire des traitrises vis à vis du peuple ? L’antisémite à d’ailleurs bien compris le lien historique qui relie la nation juive. Depuis le célèbre slogan, attribué à Moise Mendelssohn, « soit juif chez toi, allemand dehors » on avait espéré la disparition de l’antisémitisme. Il n’en fut rien, puisque le juif, tant qu’il se considérera comme juif, restera toujours un apatride, un étranger dans son pays. Dans un pays laïc, la religion n’a techniquement pas d’influence sur le nationalisme du citoyen. Tel n’est pas le cas du juif ! Comment se sentir enfant du pays quand on prie soir et matin pour la reconstruction de Jérusalem et qu’on se soucie pour la sécurité de l’état juif ?
Cette attache historique apparaît très clairement dans le plaidoyer de Ruth avec sa belle-mère Naomi. Ruth représente, dans la tradition juive, le modèle idéal du converti. Sa volonté d’appartenir au peuple juif, elle l’exprime ainsi à sa belle-mère :
Mais Ruth répliqua: « N’insiste pas près de moi, pour que je te quitte et m’éloigne de toi; car partout où tu iras, j’irai; où tu demeureras, je veux demeurer; ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu;là où tu mourras, je veux mourir aussi et y être enterrée. Que l’Eternel m’en fasse autant et plus, si jamais je me sépare de toi autrement que par la mort! »
(Ruth, I, 16-17)
Avant même la volonté de partager la religion de sa belle-mère, Ruth exprime son envie d’appartenir au peuple d’où elle est issue (ton peuple sera mon peuple). Pareillement, elle souligne plusieurs fois son désir de se lier au destin, pourtant tragique, de Naomi (partout où tu iras, j’irai; où tu demeureras, je veux demeurer; […] là où tu mourras, je veux mourir…).
En exil, le peuple d’Israël perd inévitablement cette dimension nationale pourtant si clairement exprimée dans la Torah. Il ne survit que sous sa forme religieuse et perd toute son intensité historique. En gagnant son indépendance, il ressuscite. Il reconstitue son essence éparpillée et retrouve sa vigueur des temps passés. Sa mission oubliée reprend alors toute sa signification. Comment peut-on être une nation sainte, s’il n’y a plus de nation? Comment être la lumière des peuples s’il n’y a plus de peuple ?
L’éternité – c’est Jérusalem
Comme dit, cette semaine nous fêterons les quarante-quatre ans de la réunification de Jérusalem. La ville trois fois sainte occupe une place prépondérante dans le judaïsme. Sur les dix-huit bénédictions qui constituent la Amida, trois lui sont consacrées. Chaque prière juive comprend une supplication pour la reconstruction de Jérusalem. A la fin du jour de Kippour, tout comme à la fin du seder de Pessah’, on implore : « l’an prochain à Jérusalem ! ».
Même les premiers sionistes, pourtant profondément laïcs, ont créé le terme de « Sioniste » à partir du mot Sion, un autre nom de la ville sainte. Dans la même optique, la Tikva se termine sur les paroles « nous n’avons pas perdu l’espoir […] d’être un peuple libre sur notre terre, terre de Sion et de Jérusalem ».
Historiquement, c’est la destruction de Jérusalem qui symbolisa la défaite des juifs, alors que le royaume d’Israël était tombé des décennies auparavant.
Pourquoi cette attache si forte ? Je pense qu’aux yeux des juifs, Jérusalem symbolise le peuple juif dans son ensemble. Jérémie, lorsqu’il composa ses lamentations, personnifia la ville sainte et l’utilisa de façon métaphorique pour désigner le peuple d’Israël.
Comme le peuple d’Israël, Jérusalem possède une double signification religieuse et nationale. Elle était la capitale du royaume de David, symbole d’une royauté puissante, avant même de posséder sa signification religieuse qui lui fut conférer par la construction du Temple.
Jérusalem partage d’ailleurs le destin de son peuple. Grandiose puis déchue, conquise, détruite puis reconstruite. La ville éternelle incarne tout l’espoir juif. Dans le traité Brachot (58a), Rabbi Akiva enseigne que « l’éternité, c’est Jérusalem ». Jérusalem se trouve à la frontière entre le territoire de Juda et celui de Benjamin, par sa présence, elle unifiait les différentes tribus entre elles. Porteuse d’espoir et témoin de la providence, elle est symbole d’union. Souhaitons que sa réunification anticipe l’union du peuple d’Israël.
Je ne vit pas en Israël, mais je ne pourrais pas vivre sans Israël.
Je n’habite pas a Jérusalem, mais c’est Jérusalem qui m’habite!
Salut,
En effet, « astmaout » diffère du mot « indépendance » tel que compris classiquement.Et pour cause, il y a un autre mot pour définir l’indépendance : « komémiout » (vaholekh etkhem komémiout » vaykra 26,
13). Rachi traduit « békoma zékoufa » (la tête haute). Et le Rashbam donne une définition précise du mot : « komémiout = quand on enlève le joug la tête est redressée ». En d’autre termes, l’inverse de
la dépendance (le joug) est l’indépendance.
Or, en l’espèce, D. parle aux bné-Israël en leur signifiant qu’il les a fait marcher « békomémiout » dans le désert. La première « indépendance » était donc en dehors de la terre d’Israël! Même si par
la suite dans la prière, le concept a été certes rattaché à la terre (comme par exemple dans le yotser et le birkat hamazon)
Il y a trois semaines lors de la parasha béhoukotaï j’ai justement fait ma drasha du Shabbat matin sur ce thème, je me suis intéressé à la aggada de BB 75a :
. R. Meïr : « par « komémiout » il faut entendre deux fois la taille d’Adam, c’est à dire deux cents amot » R. Yéhouda : parle de cent amot comme la hauteur des murs du Temple »
D’après moi, R. Meïr met l’accent sur l’homme. L’indépendance, c’est avant tout la possibilité pour l’homme d’atteindre le niveau d’adam , une proximité avec D. et une exigence morale
exceptionnelle (d’ailleurs l’idée de deux fois la taille d’adam me rappelle les deux adam du « croyant solitaire », les deux midot de adam, à la fois à l’image de D. et provenant de la terre, à la
fois conquérant et humble, etc. à développer)
R. Yéhouda met l’accent sur le Temple. L’indépendance est avant tout la possibilité pour les Bné-Israël de vivre en présence du Temple, de faire le service divin.
Selon ces deux conceptions, l' »indépendance » n’a d’intérêt que si cela permet aux individus de développer leurs qualités dans le chemin de la Torah. Ou bien, de servir pleinement D. dans les règles
de la Halakha.
L’indépendance « komémiout » est donc en effet très loin de la proclamation du « atsmaout » qui révèle un état d’esprit tout à fait différent.
Bonjour,
Je voulais juste dire que je suis fan de ce blog fantastique!
Et que par dessus tout, je surkiff l’auteur de ce blog!
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAA Gabriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii
I LOVE UUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUU !
anonyme 😉
Je ne vit pas en Israël, mais je ne pourrais pas vivre sans Israël.
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Salut,
En effet, « astmaout » diffère du mot « indépendance » tel que compris classiquement.Et pour cause, il y a un autre mot pour définir l’indépendance : « komémiout » (vaholekh etkhem komémiout » vaykra 26,
13). Rachi traduit « békoma zékoufa » (la tête haute). Et le Rashbam donne une définition précise du mot : « komémiout = quand on enlève le joug la tête est redressée ». En d’autre termes, l’inverse de
la dépendance (le joug) est l’indépendance.
Or, en l’espèce, D. parle aux bné-Israël en leur signifiant qu’il les a fait marcher « békomémiout » dans le désert. La première « indépendance » était donc en dehors de la terre d’Israël! Même si par
la suite dans la prière, le concept a été certes rattaché à la terre (comme par exemple dans le yotser et le birkat hamazon)
Il y a trois semaines lors de la parasha béhoukotaï j’ai justement fait ma drasha du Shabbat matin sur ce thème, je me suis intéressé à la aggada de BB 75a :
. R. Meïr : « par « komémiout » il faut entendre deux fois la taille d’Adam, c’est à dire deux cents amot » R. Yéhouda : parle de cent amot comme la hauteur des murs du Temple »
D’après moi, R. Meïr met l’accent sur l’homme. L’indépendance, c’est avant tout la possibilité pour l’homme d’atteindre le niveau d’adam , une proximité avec D. et une exigence morale
exceptionnelle (d’ailleurs l’idée de deux fois la taille d’adam me rappelle les deux adam du « croyant solitaire », les deux midot de adam, à la fois à l’image de D. et provenant de la terre, à la
fois conquérant et humble, etc. à développer)
R. Yéhouda met l’accent sur le Temple. L’indépendance est avant tout la possibilité pour les Bné-Israël de vivre en présence du Temple, de faire le service divin.
Selon ces deux conceptions, l' »indépendance » n’a d’intérêt que si cela permet aux individus de développer leurs qualités dans le chemin de la Torah. Ou bien, de servir pleinement D. dans les règles
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L’indépendance « komémiout » est donc en effet très loin de la proclamation du « atsmaout » qui révèle un état d’esprit tout à fait différent.
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la dépendance (le joug) est l’indépendance.
Or, en l’espèce, D. parle aux bné-Israël en leur signifiant qu’il les a fait marcher « békomémiout » dans le désert. La première « indépendance » était donc en dehors de la terre d’Israël! Même si par
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