des frontières du Liban jusqu’au désert d’Egypte.
כֹּה אָמַר יְהוָה, זָכַרְתִּי לָךְ חֶסֶד נְעוּרַיִךְ,אַהֲבַת כְּלוּלֹתָיִךְ-לֶכְתֵּךְ אַחֲרַי בַּמִּדְבָּר,בְּאֶרֶץ לֹא זְרוּעָה.
Ainsi parle l’Eternel: je te garde le souvenir de l’affection de ta jeunesse, de ton amour au temps de tes fiançailles, quand tu me suivais dans le désert, dans une région inculte.
(Jer. 2,2 – liturgie de Roch Hachana)
Pour ceux qui l’ignoraient encore, je fais parti du programme « Hesder ». Ce programme, désormais vieux d’un demi-siècle, associe étude en Yeshiva et service militaire. Cela fait maintenant six mois que je me trouve à l’armée. Six mois intenses et emplis d’expériences qui ne peuvent arriver qu’à l’armée. Comme par exemple… ceRoch Hachana !
Récit d’un nouvel an bien spécial…
Ce Roch Hachana, comme chacun des jours de l’année, les ennemis de l’état hébreu ne chôment pas. Impossible donc de libérer tous les soldats, impossible également d’abandonner les frontières du pays. Lorsque l’ensemble du peuple juif se prépare à la fête, une question travaille les soldats juifs : qui seront les « heureux » élus qui ne rentreront pas chez eux pour les fêtes ?
Cette année, c’est mon unité qui fut choisie pour garder les frontières égyptiennes.
Je suppose qu’il vous est facile d’imaginer la réaction première d’un bataillon de quatre-vingt soldats religieux qui viennent d’apprendre que cette fois-ci, ils ne passeront pas Roch Hachana dans leurs yeshivot respectives…
Pis encore, voilà que nous sommes répartis entre différents postes de gardes, privés de minyan pour au moins un des deux jours de la fête. Nous voilà à préparer nos sacs de couchages pour dormir à même le sol, dérangés par les cailloux et le sable qui s’infiltre partout. Pendant la prière, le blanc du talith contraste avec le vert de l’uniforme et les fils se prennent interminablement dans l’arme qui, sécurité oblige, ne nous quitte pas un instant.
A première vue, il s’agit là d’un bien sombre tableau. N’ayez crainte, il n’en fut rien.
Oui, nous étions bien à la frontière égyptienne à empêcher les intrusions terroristes et les trafics de drogues interminables, qui se déroulent durant les nuits sombres du désert. Rappelez-vous qu’à Roch Hachana, la lune est absente… (et la nuit fut animée !).
Oui, nous avons dormi à même le sol. Oui, nous avons mangé du thon en boite à la place du repas festif traditionnel. Oui, il faisait très chaud. [la photo ci-contre représente un poste du même type que celui d’ou nous nous trouvions].
Mais ce Roch Hachana fut exceptionnel. Pourquoi ?
Parce que pour la première fois de nos vies, nous avons vécu la fête. Pour la première fois, Roch Hachana n’était pas un jour figé par l’habitude et par la routine.
L’occasion était enfin là : vivre la Halakha et sortir de nos pratiques figées, sacrées, pour sanctifier le jour du jugement. Du Jour sacré au saint Jour…
Ces trois jours de fêtes nous ont permis de pénétrer plus profondément dans l’immensité de la Halakha. Comme le disait Yeshayahu Leibowitz, sans vie pleine, la Torah n’est pas entière.
Plus l’homme est confronté aux péripéties de la vie, plus il A l’occasion de faire lesmitsvot. La plupart des gens se contentent généralement de ne pas transgresser la loi, bien peu ont l’occasion de la garder.
Ce Roch Hachana, nombreux d’entre-nous ont donc appris à sonner le Shofar. Afin de pouvoir s’auto-acquitter de la mitsva du jour. Rosh Hachana étant cette année suivi du Chabbat, il fallait également construire un eirouv autour des postes afin de disposer d’un minimum de commodité.
Ce fut également l’occasion d’approfondissement dans la loi juive. Sur quoi fait-onKidoush s’il n’y a pas de vin ? Étant donné que la jeep de la patrouille roule entre les postes durant Yom Tov mishoum pikouah’ nefesh [afin de « protéger des vies »], peut-on rajouter nos affaires personnelles à l’intérieure ? Combien de soldats faut-il pour que l’endroit soit considéré comme mah’ané [un « camp militaire » est astreint à plusieurs obligations par la Halakha, comme la mistva de yad veyated, cf. Deut. 23,14] ? Sonne t on du Shofar durant le moussaf en l’absence de minyan ? Peut-on allumer une lampe torche à la place des bougies de Chabbat ? Récite t-on la bénédiction sur cette lampe torche ?
Évidemment, ce fut également l’occasion d’une intense révision des lois de Chabbat,eirouv, tiltoul, hilhot yom tov, hilhot shofar… le cerveau enregistre tellement plus vite lorsqu’une donnée théorique devient pratique !
Ce Rosh Hachana la Halakha était omniprésente, dynamique. Une source d’eau vivequi suscitait doutes, interrogations et débats entre soldats. Ce Rosh Hachana la Halakha fut un double témoin. Témoin devant Dieu de la volonté des juifs à respecter les moindres détails de sa loi, quelles que soient les circonstances. Témoin devant les hommes du renouveau de la Torah.
La Halakha se renouvelle à chaque instant, à nous de lui permettre de s’exprimer afin de pouvoir vivre une vie juive pleine et entière ou la religion ne sera pas une relique du passé mais un pont vers l’avenir. Dans les mots du Rav Kook : le vieux se renouvèle et le nouveau se sanctifie.
Pendant que dans les synagogues on récitait la bénédiction pour les soldats de Tsahal,dispersés « des frontières du Liban jusqu’au désert d’Egypte », les soldats eux-aussi espéraient prendre part à la demande du peuple juif à Dieu : Envoie « la joie pour ta terre, le bonheur pour ta ville et le retour de l’orgueil de David ton serviteur». (liturgie de Roch Hachana)
Chana Tova à tous !