Le « départ » de Moïse et la critique textuelle, par Emmanuel Bloch
Chaque paracha (section hebdomadaire) de la Torah suscite un certain nombre de ce que l’on peut nommer des « questions classiques » ; en d’autres termes, des interrogations fameuses, nées d’une difficulté évidente du texte, et qui ont fait couler, au fil des siècles, beaucoup d’encre parmi les commentateurs.
En ce qui concerne la Paracha de Vayelekh (que nous lirons à la synagogue Chabbat prochain), l’une de ces questions classiques concerne le premier verset :
» וַיֵּלֶךְ מֹשֶׁה וַיְדַבֵּר אֶת הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה אֶל כָּל יִשְׂרָאֵל » (דְּבָרִיםלא, א).
« Et Moïse alla et dit ces paroles à tout Israël » (Deutéronome 31, 1).
Pour qui connaît les chapitres précédents du Deutéronome, l’interrogation que suscite ce texte est frappante. En effet, selon le narratif biblique, le peuple d’Israël vient juste d’achever les 40 années d’errance dans le désert, cette longue punition divine consécutive à la Faute du Veau d’Or ; le peuple est finalement prêt, matériellement et spirituellement, à conquérir la Terre d’Israël. Or, Dieu a d’ores et déjà annoncé que Moïse ne pourrait entrer lui-même en Israël, et devrait au contraire laisser la direction des événements à son disciple principal, Josué. Quant à Moïse lui-même, toujours sur décision divine, il doit se préparer à sa mort imminente.
C’est dans ce contexte que s’inscrit le Deutéronome. Tout le livre est présenté par le Tanakh comme un long discours prononcé par Moshe, peu de temps avant de mourir – la dernière exhortation du grand leader historique avant de quitter ce monde. En d’autres termes, à ce stade du récit biblique, tout le peuple d’Israël est rassemblé, depuis plusieurs jours déjà, afin d’écouter les dernières paroles du vénérable dirigeant.
Conclusion : au début de Vayelekh, Moïse est donc déjà « en scène », en train de parler depuis bien longtemps.
Dès lors, comment comprendre le premier mot de notre verset ? A quoi correspond ce déplacement subit de Moshe? Où Moshe est-il allé ? D’où est-il parti ? Que se passe-t-il ici exactement?
De très nombreuses réponses ont été données par les commentateurs classiques de la Torah, chacun suivant son époque et son orientation.1 Ainsi, à titre d’exemple, une explication ‘hassidique relie le début du verset à sa fin en affirmant que Moshe alla (…) en tout Israël (וַיֵּלֶךְ מֹשֶׁה… אֶל כָּל יִשְׂרָאֵל), et que désormais chaque Juif aurait, tapie au cœur de son âme, une petite étincelle de l’intense lumière spirituelle de Moshe Rabbeinou ; la même logique expliquant d’ailleurs pourquoi « aucun homme ne connut sa tombe » (Deut. 34 : 6), ce dernier verset traitant de la tombe matérielle de Moshe, alors que l’héritage de ce dernier est tout spirituel et donc accessible à chaque âme juive.
Il existe toutefois une réponse d’inspiration très différente pour résoudre cette difficulté de manière radicale.
En effet, il est frappant de constater qu’une traduction grecque de la Torah (la Septante) rend un sens légèrement différent :
συνετέλεσε Μωυσῆς λαλῶν πάντας τοὺς λόγους τούτους πρὸς πάντας υἱοὺς ᾿Ισραήλ
« Et Moïse finit de dire ces paroles à tout Israël ».
Ici, plus question de déplacement impromptu de la part de Moshe. Le texte se lit beaucoup plus facilement dans son contexte immédiat, et les difficultés notées précédemment ne surgissent pas. Au contraire, le verset s’inscrit dans une suite logique : celle de la fin du long discours de Moïse.
Mais qu’est-ce que la Septante ? Ici, une parenthèse. Le texte de la Torah que nous connaissons est appelé en français le « texte massorétique » – du verbe hébreu למסור: transmettre. C’est le texte transmis par la Tradition, et en particulier par les Massorètes, ces Sages juifs qui ont mis au point un ensemble de règles très rigoureuses visant à garantir que la copie d’un Sefer Torah se fait sans erreur. Aux yeux des spécialistes universitaires du domaine, ce souci scrupuleux, religieux, de l’exactitude du texte de la Torah, est un important gage de sérieux du texte massorétique. Ce dernier jouit en conséquence d’une présomption d’exactitude en cas de divergences avec d’autres versions du texte.
Mais cette présomption est réfragable. Parfois, d’autres versions du texte semblent bien plus logiques. Ces textes alternatifs de la Torah proviennent généralement de traductions anciennes de la Torah en d’autres langues antiques : la Septante, c’est-à-dire une traduction de la Torah en grec (3ème siècle avant l’ère actuelle); la Vulgate, en latin ; les traductions en araméen que sont le Targoum Onkelos, le Targoum Yonathan, ou la Pshitta en syriaque ; et d’autres encore, comme le texte de la Torah des Samaritains. Cette liste n’est d’ailleurs pas exhaustive. Toutes ces traductions ont été réalisées à partir d’un texte original en hébreu.
Or, c’est un phénomène que l’on observe régulièrement : il semble souvent que les traducteurs avaient sous les yeux un autre texte que le nôtre. Les divergences entre le texte massorétique et le celui de la Septante (par exemple) sont souvent minimes, mais elles n’en sont pas moins réelles. Et, dans notre cas, le verset original hébreu à la base de la Septante était, selon toute vraisemblance, le suivant :
« ויכל משה וידבר את הדברים האלה אל כל ישראל«
La différence entre le verset dans notre ‘Houmach et celui traduit par la Septante est infime : ויכל au lieu וילך. Cette différence se trouve encore plus réduite lorsque l’on prend en compte que l’alphabet hébreu ne faisait aucune différence, à ses débuts, entre le « כ » et le « ך ». En d’autres termes, les formes finales des lettres hébraïques Kaf, Mem, Noun, Peh et Tsadi, n’existaient pas au départ, en proto-hébreu2. Elles ne sont apparues que plusieurs siècles après. Ainsi, la seule différence entre le mot « Vayelekh » de notre texte massorétique, et le mot « Vayekhal » de celui de la Septante, se trouve dans le simple ordre des 2 dernières lettres : Lamed avant Kaf, ou Kaf avant Lamed ?
Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que d’autres versions anciennes de la Bible présentent le même texte que la Septante. En particulier, des fragments retrouvés parmi les manuscrits de la Mer Morte, contiennent (comme la Septante) un verset dans lequel « Moïse finit de parler ».
Tous ces éléments vont dans le même sens : celui d’une erreur scripturaire. En d’autres termes, à un moment donné de l’histoire, un scribe a parfaitement pu intervertir par inadvertance, au milieu de son travail de copie, deux lettres d’un mot, passant ainsi de « ויכל » a « וילכ ». Impossible d’en avoir une preuve absolue, mais les indices en ce sens sont considérables :
Plusieurs textes anciens, indépendants les uns des autres (Septante et Manuscrits de la Mer Morte), se recoupent sur ce point.
La version selon laquelle Moshe « finit de parler » est plus simple à lire dans le texte et ne soulève pas de difficultés logiques, au contraire de la version massorétique.
Il existe une explication simple quant à la manière dont l’erreur de copie a pu arriver – une simple inversion de 2 lettres3.
Cette idée soulève une grave question. La critique textuelle, cette discipline qui essaie de restituer, sur la base d’outils philologiques modernes, la teneur originale du texte de la Torah, est-elle acceptable pour des juifs respectueux de la Tradition juive ?
Je pense que la réponse à cette question est positive. De très nombreuses sources traditionnelles nous indiquent que le texte de la Torah que nous connaissons n’est pas exact à 100%, et qu’il est au contraire corrompu par endroits. En donner une liste exhaustive pourrait faire l’objet d’un autre billet. En attendant, voyez par exemple ce qu’écrit la Guemara (Kidouchin 30a) – selon l’Amora Rav Yossef, à son époque déjà les Sages n’étaient plus au courant des écritures pleines et défectives des mots. Selon une autre tradition (Yerouchalmi Taanit 4 :2 ; Sofrim 6 :4), il arriva qu’un jour on trouva 3 Sifrei Torah au Temple, et qu’on découvrit des divergences entre eux ; le texte fut fixé en suivant la majorité (2 contre 1).
Plus tard, dans le Choul’han Aroukh, Orah Hayyim 143 :4, la glose du Remah fixa qu’on ne sort pas de nouveau Sefer Torah si on découvre une erreur dans le texte pendant la lecture publique – car un autre Sefer Torah ne serait probablement pas meilleur que le premier. Dans le même esprit, cf. aussi R. Moche Feinstein, Yoreh Deah 3 :114, qui reconnaît explicitement la possibilité d’erreurs ponctuelles du texte biblique.
Un rabbin orthodoxe en particulier, le rav Hayyim Hirschensohn (1857-1935) distinguait dans ses écrits entre le texte de la Torah sanctifié (le texte religieux, celui du Sefer Torah a la synagogue) et le texte historique résultant des efforts de la critique textuelle (cf. Malki BaKodesh vol. 2 p. 217). Il voyait comme une quasi-mitsva la recherche de la vérité, celle du texte original, dans la mesure où ce dernier peut être reconstitué sur la base des indices que nous avons encore en notre possession (cf. Yamim miKedem p. 23)4.
Le monde orthodoxe moderne affirme, comme chacun sait, la validité de la Science ; mais nous sommes maintenant en présence d’un aspect moins bien connu de l’interaction entre Science et Torah. Ici, des méthodes d’analyse modernes permettent d’approfondir et de raffiner notre compréhension du message de la Torah. C’est un exemple, parmi bien d’autres, d’un phénomène que je trouve particulièrement fascinant.
Notes :
1 Implicitement ou explicitement, cette interrogation sous-tend les réflexions sur le verset de commentateurs classiques tels que le Ramban, le Sforno, le Ohr ha’Hayyim, et bien d’autres encore.
2 Voir ici la graphie des lettres hébraïques dans cet alphabet ancien: http://en.wikipedia.org/wiki/Paleo-Hebrew_alphabet
3 Il est intéressant de noter que le commentaire introductif de Rachi cite les premiers mots de la paracha “וילך משה וגו‘”, sans toutefois les commenter, ce qui est pour le moins inhabituel. Faut-il alors comprendre que Rachi a voulu de cette manière indiquer la lection correcte (girsa) à ses yeux, et peut-on en déduire l’existence d’un texte alternatif que Rachi rejetait ?
Après vérification, la réponse est clairement négative. Aucun manuscrit ancien de Rachi ne mentionne ce premier pseudo-commentaire. Ce dernier a apparemment été rajouté par un imprimeur postérieur, probablement afin de marquer la limite entre la paracha de Vayelekh et celle précédente de Nitsavim.
4 Au sujet du rav Hirschensohn, voir le livre de David Zohar : מחויבות יהודית בעולם מודרני. Cf. en particulier les pages 261 ss, dont je tire les références citées ici, pour ce qui concerne le sujet de ce billet.
très intéressant ; mais si le texte n’est plus parfaitement « fiable » ,comment accepter des règles comme la gzera chava ou le hekech ( en hekech le mehtsa ) et leurs implications halakhiques ?
Article très interessant notamment avec ses implications halakhiques (Rama, R. Moshe Feinstein)
Y a t il d’autres endroits dans la Torah ou Rashi ne cite que le dibbour Hamat’hil sans apporter de commentaires?
Petite remarque : si les bné Israel restent 40 ans dans le désert, n’est ce pas à cause de la faute des explorateurs plutôt qu’à cause du veau d’or (Bamidbar 14:33)
Bien à vous.
A l’auteur de cet article.
Bonjour,
Si vous croyez en Dieu et en la providence, pouvez-vous imaginer une raison pour laquelle celle-ci aurait fait en sorte que la texte massorétique subisse une telle erreur ?
Merci
Article très intéressant, mais comme toujours dans ce domaine à lire avec précaution concernant les conclusions hâtives que l’on pourrait tirer.
Si l’erreur est humaine (et par la les soferim), 3 points sur l’erreur traitée dans cet article en particulier (et non sur l’idée dans sa globalité):
– concernant la guemara Kedouchin, le point soulevé concerne, comme mentionné dans l’article, les écritures pleines et défectives des mots, ce qui ne concerne pas l’inversion des lettres
– l’histoire des 3 sifrei Torah rapportée dans Yerouchalmi Taanit 4 :2 ; Sofrim 6 :4 laisse entendre que ce fait est justement remarquable, dans le sens de « non commun »
– Dernier point, le plus important à mes yeux. Même en admettant l’inversion des 2 lettres, comment expliquer que cette erreur ait pu justement constituer par la suite la version du texte qui sert de base jusqu’à aujourd’hui. L’erreur ponctuelle d’un scribe peut difficilement se retrouver version « officielle » et aurait probablement été oubliée/corrigée. Il n’y avait pas à l’époque qu’un seul exemplaire de copie qui aurait été corrompu.
Cordialement, et bravo pour site (avec lequel je ne suis pas toujours d’accord, mais qui a le mérite d’etre ouvert au dialogue, et qui s’honore par la qualité de ses articles).
Benjamin
Bonjour Marco Polo,
Heureux de vous savoir a bord pour notre petite exploration.
Le texte est toujours « fiable » dans son immense majorité. La plupart des corruptions présumées du texte biblique concernent, comme ici, une inversion de lettres, ou une lettre en plus ou en moins, etc ; beaucoup plus rarement : un mot en plus ou en moins (comme dans le cas de Bereichit 4 :8, premiere moitie du verset, ou le texte ne rapporte pas les paroles de Kayin a Hevel ; dans les manuscrits de Qumran et ailleurs, deux mots sont rajoutees : נלך בשדה, ce qui rend le texte plus lisible). Et personne n’a jamais trouve de commandement supplementaire, ou de texte supprimant l’interdiction de manger du porc !
Et puis, meme avec une lettre en plus ou en moins, la plupart des gzerot chavot / hekechim fonctionnent encore parfaitement.
Plus generalement, il existe un grand debat, parmi les rabbins, sur le role exact du midrach halakha. Certains, comme vous, voient les Youd Guimel Midot comme creant des lois – on prend un verset de la Torah, on applique une gzera chava ou un kal va’homer, et on en tire des lois. Mais nombreuses sont aussi les autorites a penser differemment, et a considerer que le midrach halakha a pour fonction d’adosser la loi a un verset. En d’autres termes, comme vous le savez, selon les rabbins la Loi Orale a été donnee en meme temps que la Loi Ecrite ; dans cette logique, Moiise a apprit de Dieu que le « pri etz hadar » est un ethrog, et n’a pas eu besoin de l’interpreter des psoukim de la Torah. Par contre, une fois la Loi Ecrite et la Loi Orale donnees, le travail des rabbins a été de demontrer, par le biais des 13 midot, la correspondance entre l’un et l’autre. Selon cette position, aucune decouverte liee a la critique textuelle ne peut affecter la loi.
Bonjour Joel,
Merci des compliments. Pour Rachi, je ne connais pas d’autre cas, mais honnetement je n’ai pas la recherche. Il faudrait verifier, paracha après paracha, en particulier dans le cas des parachiot doubles.
Pour les 40 ans dans le desert, vous bien entendu raison, je suis confus de cette inadvertance !
Shalom,
Suite à vos recommandation, j’ai ouvert mon ‘houmash, pris mon courage à 2 mains et parcouru rapidement les commentaires de Rashi. (pour renouveler l’expérience, se munir d’un ‘houmash ou le dibbour hamat’hil apparait en écriture carrée et en gras, on gagne un temps précieux).
Voici le résultat de mes recherches. Il possible / probable que j’ai loupé d’autres références.
Bamidbar (7:18) Nasso
Bamidbar (31:47) Mattot
Devarim (2:16) Devarim
Devarim (29:8) Ki Tavo
Devarim (31:1) Vayelekh
Devarim (32:27) Haazinou
Si quelqu’un avait une explication sur ces « dibbor hatm’hil » sans commentaires …
Au passage, j’ai noté que le Dibbour Hamat’hil dans Devarim (32:27) était parfois présenté avec une guirsa différente de celle du ‘houmash. Seulement 2 des 6 éditions que j’ai pu comparer.
Moadim Lesim’ha.
Joël
Bonjour Salomon,
Comme vous l’avez constate, de nombreuses sources rabbiniques admettent la possibilite d’erreurs du texte massoretique. La Providence divine nous est le plus souvent completement incomprehensible. Je vous avoue etre beaucoup plus trouble, en tant que croyant, par la Shoah, que par une erreur d’un scribe…
Bonjour Benjamin,
Il ne s’agit la que de quelques exemples de sources admettant la possibilite d’une erreur du texte biblique, parmi beaucoup d’autres. Je pourrais sans probleme faire 2-3 billets de la meme taille, rien qu’a discuter les sources que j’ai relevees.
Voyez par exemple le Chaagat Arie,techouva 36. Il y a aussi un Avot de Rabbi Nathan qui precise que chaque fois que le texte biblique comporte des points au-dessus des lettres (voyez le debut de Nitsavim, lanou oulevaneinou), c’est que ces mots sont douteux. Je recopie aussi ici une techouva du Mahari Mintz, qu j’ai envoyee a un autre interlocuteur sur le meme sujet :
שו »ת מהר »י מינץ סימן ח
שלומכם יסגא לעד אהובי ועמיתי מחות’ היקר ונעלה החכם גוצליך סג »ל י »ץ ע »ש וכל אשר לך יצ »ו אשר שאל כ »ת על דבר הס »ת אשר פתוחות וסתומות שלה אינם מכוונות על פי הסדר של הרמב »ם ז »ל אתה ידידי ידעת דשמעתתא בעי צילותא כיומא דאיסתנא וכעת לבי בל עמי מצד הבילבולין המתהוים בעו »ה כאשר ידעת מכל מקום האהבה דוחקת הבשר. אהובי אל תתמה על הנדון כי אין חדש תחת השמש ורבים הן דכוותה שאינ’ מכווני’ לסדורו מפני זה אין לפסלם ודבר הלמד מעניינו הוא אף על פי שמדברי הרמב »ם משמע שפוסל ס »ת שאינה כתוב’ כפי סדורו שהרי כתב בפ »ח מה’ ס »ת וז »ל ולפי שראיתי שיבוש גדול בכל הספרים שראיתי בדברים אלו וכן בעלי המסור’ שכותבין ומחברי’ להודיע הפתוחות והסתומות וחלקו בדברי’ אלו במחלוקת הספרים שסומכין עליהם ראיתי לכתוב כו’ אלמא משמע מדכתב וראיתי שיבוש גדול כו’ שפוסל כל ס »ת שאינה כתובה כפי סדורו מכל מקום נראה לומ’ דלאו עליה דידיה סמכינן לפסול ס »ת אחרו’ שאינן כפי סידורו דמאי חזי לקיי’ דברי בן אשר שהגיה העשרי’ וארבעה שהיה בירושלים להגיה ממנו הספרי’ ודקדק בו שני’ והגיהו פעמים רבות כי באולי אם היה מגיהו עוד או שהיה נמצא אצלו ס »ת מבעלי המסורת היה מסכים על ידי’ שהרי חסירות ויתרות פוסלין בס »ת ועיקר הסמיכות על זה הם בעל המסורה ואף על גב דרש »י פליג על המסורה בפרשת ויהיו חיי גבי פלגשים וכן בפ’ נשא גבי ביום כלות וכן בעלי התלמוד כדאית’ בר »פ בנות כותיים והנשא כתיב וכתבו שם התו’ וז »ל והנשא כתי’ חסר וי »ו תימא דבמסור’ הוא מלא מיהו מצינו התלמוד חולק על המסורת במסכת שבת גבי בני עלי מעבירם כתי’ ובמקראות שלנו כתיב מעבירים מלא עכ »ל וז »ל התו’ בשבת פרק במה בהמה מעביר’ כתיב תלמוד שלנו חולק על ספרים שלנו שכתוב בהו מעבירים וכן מצינו בירושלמי בשמשון והוא שפט את ישראל ארבעים שנה מלמד שהיו פלשתים יראים ממנו כ’ שנה אחרי מותו כמו בחייו. ובכל ספרים שלנו כתיב עשרים שנה עכ »ל אלמא תופסין בעלי המסורת עיקר וכותבי’ כקבלתן ומניחין תלמוד שלנו ותלמוד הירושלמי וק »ל ואם כן למה נפסול ס »ת שנכתבין כפי סידורן ונלך אחר סידור בן אשר וכל שכן אחרי שמצינו בני נפתלי חולקין על בן אשר בכמה וכמה תיבות ואותיות. עוד ראייה דיש מחלוקת בין הגאונים בעניין פתוחות וסתומו’ שהרי בפרק הקור’ את המגיל’ עומד איתא במרדכי אהא דרב אמר דולג ושמוא’ אומר פוסק וז »ל תימא לר »י על מנהגינו שאנו נוהגים בתעניות לקרות בפרשת ויחל והראשון מתחיל שם והוא בסוף ב’ פסוקי’ מפרשה של מעלה והא אין מתחילין בפר’ פחות משלשה פסוקים כו’ ומדהקשה ר »י כך ש »מ דסבירא ליה דיש פתוחה או סתומה אצל ויאמר ה’ אל משה ראיתי וגומ’ דאל »כ לא הקשה מידי דהא יש ד’ פסוקי’ מן וידבר ה’ אל משה לך רד עד ויחל משה ושם יש פתוחה גבי וידבר ה’ אל משה לך רד לדעת הרמב »ם, וגבי ויאמר אל משה ראיתי וגו’ לדעת הרמב »ם אין שם לא פתוחה ולא סתומ’ ואם כן ר »י חולק עליו דלר »י כשרה אם יש שם פתוחה או סתומה ואם לאו פסולה ולהרמב »ם איפכ’ וכיון דמצינו מחלוקת באחת מהן איכא למימר ה »ה באחריני ולי’ דין צריך בשש. על כן נראה שאין לפסול שום ס »ת אם שינו בה סידר הרמב »ם. ומה שנראה לי פשוט וקשוט כתבתי נאם הטרוד יודא מינץ.
Pour votre dernier point et la possibilite que ces erreurs puissent surgir, je vous recommande la lecture de cet article du prof. Menachem Cohen : http://cs.anu.edu.au/~bdm/dilugim/CohenArt/
Merci de vos compliments pour le site !
Emmanuel,
Tout d’abord merci de votre réponse détaillée (que je n’ai pas encore eu le temps d’approfondir).
Apres relecture de l’article me vient à l’esprit un autre point de réflexion, plus important que les précédents.
En acceptant l’inversion, et donc la traduction de la Septante
« ויכל משה וידבר את הדברים האלה אל כל ישראל
Nous nous retrouvons face à deux problèmes :
1- Un usage du verbe qui ne se retrouve a priori nulle part ailleurs dans le Tanakh. Le verset aurait du être écrit ainsi (לדבר au lieu de וידבר)
ויכל משה לדבר את הדברים האלה אל כל ישראל
Le site http://sparks.simania.co.il/?query=%D7%95%D6%B7%D7%99%D6%B0%D7%9B%D6%B7%D7%9C
permet de faire une recherche exhaustive, aucun autre verset ne correspond à la structure proposée, au contraire, tout indique que la formulation ויכל משה וידבר est incorrecte (à moins qu’il n’est fini quelque chose avant de parler, et nous retombons sur le même problème que s’il était parti : qu’a-t-il donc fini, et pourquoi cela ne serait pas mentionné dans le texte).
2- Que faire du verset suivant (parasha qui suit, Deutéronome, Ch 32 verset 45), qui lui vient indiquer clairement que Moshé a fini de parler aux Bnei Israel ?
וַיְכַל מֹשֶׁה לְדַבֵּר אֶת כָּל הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה אֶל כָּל יִשְׂרָאֵל
De plus, dans notre paracha (Vayelekh), Moshé ne finit justement pas de parler aux Bnei Israel
Cordialement,
Ben
Bonjour Benjamin,
Merci de vos questions pertinentes.
Concernant le texte ויכל משה וידבר, que vous trouvez difficile, le texte grec de la Septante ne nous permet pas de juger sur ce point de ce qu’etait l’original hebreu. Il est possible que vous ayez raison et que le traducteur avait en fait ויכל משה לדבר, mais il me semble bien que le texte des manuscrits de Qumran que j’avais vu avait bel et bien וידבר. Je n’y ai pas acces maintenant, mais si je le retrouve, je le mentionnerai ici.
La repetition avec Devarim 32 :45 ne me parait pas vraiment problematique. Le texte de la Torah se repete souvent sur certains points. Je suis convaincu que vous en connaissez des exemples, mais a titre d’illustration, relisez les derniers paragraphes du Sefer Chemot (construction du Michkan). Il y a meme un endroit de son commentaire ou Rachi jette l’eponge, en avouant « je n’ai pas la moindre idee de ce que cette repetition vient nous apprendre » (cf. son commentaire sur Bereichit 28 :5).
Dans notre cas, la repetition apparente des psoukim pourrait etre facilement expliquee, me semble-t-il, par exemple en indiquant qu’il s’agit la premiere fois de la fin du discours, et la deuxieme fois du « chant » que represente Haazinou. Ou bien d’une autre manière.
Encore une fois, gardons a l’esprit le contexte plus general. J’ai déjà signale un certain nombre de sources « internes » juives qui demontrent que les rabbins avaient parfaitement conscience que le texte biblique n’est pas parfait a la lettre pres. Voyez encore a ce sujet ce qu’ecrit Tossafot sur Chabbat 55b, ד »ה מעבירים.. Dans le meme esprit, voyez le Yerouchalmi Soucca 4:3, qui a une girsa differente (a une lettre pres) du premier verset des Asseret haDiberot, par rapport a ce que nous lisons dans notre ‘Houmach. Etc.
Mon but ici était de rappeler cette realite, et de signaler qu’a part les problemes releves par les rabbins au fil des siecles, l’adoption de methodes philologiques modernes permet de faire d’autres decouvertes.
J’aurais pu donner d’autres exemples pour illustrer ce dernier point. Ainsi, le verset de la Genese 2 :2, que tout le monde connait puisqu’il est recite pendant le kiddouch, affirme que Dieu a fini le travail de Creation le « septieme » jour – ce qui pose un probleme logique evident, cf. Rachi. Or la Septante a comme girsa « le sixieme jour », ce qui resout tous les problemes (voir ici pour l’original grec et la traduction anglaise : http://www.ellopos.net/elpenor/physis/septuagint-genesis/2.asp). La meme version apparait, non seulement dans la Torah des Samaritains, mais egalement chez Philon d’Alexandrie – tous des textes independants les uns des autres.
Autre exemple. Dans Bereichit 36 :24, il est expliqué que Anah a trouve des « ימם » (yemim) alors qu’il etait dans le desert.
Que signifie ce mot? Selon Rachi sur place, c’est un autre mot pour designer des mules (et d’expliquer pourquoi les mules sont aussi appelees Yemim et le rapport avec l’histoire de Anah).
Or le Targoum Onkelos traduit le verset en parlant de : גבריא, soit des « hommes forts » ou en hébreu גבורים. Il est probable que Onkelos avait, dans le texte qu’il a traduit, une version différente du verset selon laquelle ce qu’Anah a trouve était des אמים (cf. Devarim 2 :10), un groupe de géants très puissants. Le mot est quasiment le même : une seule lettre de difference !
Si l’on prend maintenant la traduction de la Pshittah en syriaque, la version est encore différente : Anah a trouve מיא, de l’eau. C’est sans doute la Girsa la plus facile à lire dans le texte, s’agissant d’un voyage dans le desert. Cela signifierait ici une simple inversion de 2 lettres, de ימם a מים.
Quelle est la correcte version, celle de notre Sefer Torah, celle de Onkelos ou celle de la Pshittah ? Difficile à dire, même si ma préférence va à la troisième.
Amicalement,
Emmanuel
Bonjour Emmanuel,
Les Massoretes connaissaient-ils la Septante et la Pshitta ? Si je ne me trompe pas, leur période d’activité était vers la fin du 8eme ou 9eme siècle, ce qui les place bien après la diffusion des différentes sectes du christianisme qui se servaient de ces traductions.
Par ailleurs, votre article laisse supposer que les manuscripts *hébreux* contenant ces variantes n’étaient déjà plus répandus à la fin de l’époque des Geonim. Cela est-il raisonnable ?
Dr Mark Shapiro utilise aussi les mêmes sources dans son chapitre sur le sujet, et en rajoute d’autres.
Shabbat Shalom et Shana Tova,
שמואל
Bonjour Chmouel,
Merci de ce commentaire. Je crois que l’article du prof. Menahem Cohen, signale ci-dessus, repond a vos deux questions, et donne encore bien d’autres informations utiles sur l’evolution du texte biblique, de ses traductions, etc. Je vous encourage a le lire.
Effectivement, certaines des sources que je cite proviennent du livre remarquable de Marc Shapiro (Limits of Orthodox Theology), merci de le rappeler! Mais de loin pas toutes, si vous verifiez 😉
J’ai aussi trouve deux remarques interessantes du Radatz Hoffman, mais je prefere pour l’instant de ne pas rendre publiques ces sources.
Chabbat chalom et chana tova a vous aussi !
Emmanuel
Bonjour Emmanuel,
C’est un point intéressant sur la parasha que tu montres là. Je ne m’attarderai pas sur la possibilité d’erreur dans le texte biblique, possibilité reconnue comme tu le rappelles. La transmission est l’oeuvre de soferim qui sont des humains, et peuvent commettre des erreurs.
Mais cela fait-il que le pchat de la septante, est forcément LE pchat du verset ? Une explication plus « scientifique » vient-elle d’un coup effacer et rendre nulle toute les autres ? La critique scientifique est-elle un nouveau dogmatisme résigné, venant rendre inutile toute réflexion sur le texte ?
C’est là il me semble la limite de ce billet, qui pointe du doigt un détail technique, sans chercher à aller plus en avant, sur le plan de la svara. Si tu prends le commentaire du Sforno, que tu mentionnes sans le citer dans la note, tu vois une réelle réflexion sur le sens du mot « marcher » dans la Torah : la marche signifie-t-elle toujours un acte physique, un déplacement d’un endroit à un autre, ou alors peut-elle avoir un sens plus profond, une autre signification ? Le Sforno rapporte alors deux versets dans lesquels, le terme « vayélekh » montre un réveil, un acte significatif, qui, même s’il est physiquement statique, peut être assez fort pour rappeler un déplacement, une marche, l’annonce d’une nouvelle étape.
Or, si la Torah vient simplement annoncer que Moshé finit son discours, quelle est la svara ? Quel intérêt ? Ne peut-on pas lire tous seuls, à la suite des versets, que le discours se termine ? Pourquoi le préciser en plein milieu de discours… « [début du discours] et Moshé finit son discours : [fin du discours] ». Pourquoi cette structure, est-ce juste une petite pause littéraire et rien d’autre ?
shkoya’h
Shabbat Shalom
Salut Yona,
Merci de ta lecture et de tes remarques.
Regarde, c’est un equilibre a trouver entre la recherche scientifique et la quete de spiritualite.
Comme mon billet le souligne, c’est le texte de « notre » Torah qui est la base de toute notre reflexion religieuse. C’est pour cela que je cite l’explication ‘hassidique, que personnellement j’aime vraiment beaucoup; ce perouch, ou l’explication du Sforno, ne sont pas « invalidees » par des indices d’une corruption locale du texte biblique. Ils representent des exemples de reflexion juive parfaitement authentiques, et les idees qu’ils avancent sur l’ame humaine, sur le fait de « marcher », ou autre, nous parlent encore de nos jours. C’est aussi sur ce point qu’insiste le rav Hirschensohn que je cite.
Dans le meme temps, il serait regrettable de ne pas utiliser les nouvelles voies de comprehension dont nous disposons de nos jours (et donc ce billet n’est qu’un exemple parmi bien d’autres). Nous disposons souvent a notre epoque de connaissances qui nous permettent d’aller plus loin dans la comprehension du texte de la Torah (cf. ma reponse 60173 sur Cheela, pour l’archeologie cette fois-ci). Et la recherche de la verite est une valeur juive en soi !
L’idee que les soferim aient pu commettre des erreurs, meme si elle trouve de nombreux appuis dans nos sources, n’est pas tres repandue au sein du grand public (et, au depart, meme chez toi d’ailleurs, si je me rappelle bien notre correspondance d’il y a quelques annees 😉 ).
Je pense des lors que le message du billet n’est pas de se contenter de « details techniques », mais de prendre en compte tous les elements dont nous disposons, lors de notre confrontation renouvelee avec le message divin.
Chabbat chalom / Chana tova!
Bonjour,
Il me semble avoir étudié dans Méguila que la traduction des septantes avait été erronnée à certains endroits pour éviter la critique « extérieure ».
Dès lors, je peux comprendre qu’ils aient changé Vayélèkh en Vayekhal puisque cela répond à des questions que tu as soulevées.
Qu’en penses-tu?
Je pense que la question de la préséance de l’une ou l’autre des versions risque de détourner l’attention de l’unique but valable d’un tel texte: sa portée éthique.
Dans cette optique, il n’y a pas forcement de « bonne » et de « mauvaise » version, mais une ou plusieurs capables d’attirer notre attention sur un principe de vie, et de nous en faire discuter à travers les époques et les civilisations.
C’est peut-être par ce biais que s’effectue la Révélation, comme le souligne Tamar Ross par exemple, indépendamment des faits historiques et de la réalité philologique, qui ne changent rien à l’écho que peut trouver un verset dans nos cœurs et nos esprits.
PS: on t’a reconnu Naty personne n’est dupe…
Hello Naty,
Pardon du retard a te repondre. Ta reflexion est interessante !
J’avais envisage de faire une note de bas de page sur le rapport entre la Septante (le texte que nous avons en notre possession) et le recit de la traduction en grec que l’on trouve dans le Talmud (Meguila 9a-b). Mais j’ai fini par y renoncer, cela m’aurait amene bien trop loin de mon sujet de depart.
La reponse la plus courte que je puisse te donner est que ton idee semble tres difficile a reconcilier avec la Guemara dans Meguila. La liste de changements que la Guemara mentionne concerne des versets que le roi Ptolemee (Talmay) risquait de gravement mal comprendre (comme le premier verset de Bereichit, que l’on peut theoriquement comprendre dans le sens ou une supra-entite appelee « Bereichit » a cree « Elohim »). Le reste des corrections est a l’avenant – mais ici on ne voit pas trop le risque de mauvaise traduction en cas de traduction trop litterale. Et puis, je pense que la lecture la plus simple de la guemara est que la liste de Meguila 9a-b est exhaustive.
La situation se complique encore beaucoup plus… Sur la simple base des sources juives, on a des recits parfois tres divergents. Je te laisse comparer le recit de la traduction hebreu – grec dans Massekhet Sofrim 1 :8-9 (qui parle de 2 traductions differentes et distinctes), et dans la Meguilat Taanit. Et, dans d’autres sources juives mais non traditionnelles, voir Flavius Josephe (Antiquites XII :2), Philon d’Alexandrie (Vie de Moise 5-7), et bien evidemment la fameuse Lettre d’Aristas. Toutes ces sources divergent sur certains points parfois importants.
Tu trouves des tentatives de comprendre ce qui s’est passe, sur la base de ces sources, chez le Yaavetz, R. Yonathan Eibeschutz, le Beit Halevy, le Hatam Sofer, etc. J’ai l’une ou l’autre reference si cela t’interesse.
Si nous abandonnons maintenant les sources juives pour nous concentrer sur le texte de la Septante en notre possession, il semble bien que ce que nous avons aujourd’hui n’est pas le texte decrit par le Talmud (ou les autres sources juives). En premier lieu, les changements mentionnes par la Guemara n’y sont pas ( !). Ensuite, la Septante actuelle couvre tout le Tanakh et quelques autres livres apocryphes (repris dans le Nouveau Testament, mais pas dans le Tanakh). Alors qu’il semble bien que le texte de Ptolemee s’en tenait au Houmach. Enfin, on considere que le texte actuel de la Septante est un produit composite, resultant du travail editorial de plusieurs generations de scribes.
Voila. Merci de m’avoir oblige a m’y remettre, meme si tout ceci est bien loin d’etre clair au bout du compte ! 😉
Chana tova.
Merci Rapha. Assez d’accord avec vous.
Salut Rapha,
Tu répondais à ma question? Si c’est le cas, je n’ai pas compris comment…
PS. SI tu m’as reconnu, c’est bien, car je n’ai essayé de duper personne! 😉 Par contre, je ne vois pas qui tu es…
Bonjour Emmanuel,
Merci pour ta réponse détaillée.
C’est vrai qu’il est troublant de voir que le texte de la Torah souffrirait de défauts; surtout quand on est medayek des enseignements de répétitions identiques de mots etc.
Bli neder, je vais lire toutes les références que tu as citées dans ton article ainsi que dans tes commentaires afin de me faire une idée personnelle sur la question.
Aussi, si tu pouvais me donner les références de: « Yaavetz, R. Yonathan Eibeschutz, le Beit Halevy, le Hatam Sofer, etc » auquelles tu fais référence, j’en serai plus qu’heureux.
Merci encore,
Naty
Hello Naty,
Yearot Dvach 1,2 ; Drachot Hatam Sofer, partie 1 page 100 ; Beit HaLevy 3, drachot 18. Tout ce qui precede me vient de la traduction en hebreu de Artscroll sur la massekhet Meguila, 9a note 17. Pardon de ne pas avoir plus de temps, en cette veille de Roch HaChana, pour aller verifier tout cela.
Salut Emmanuel,
Que des études scientifiques puissent avoir un intérêt dans le limoud, je ne le nie pas. Cependant en l’espèce, je ne vois pas pourquoi préférer cette explication plutôt qu’une autre. Je ne parle pas seulement des idées, mais aussi de la cohérence du texte :
Tu remarques qu’il n’est pas logique de parler de la « marche » de Moshé en plein milieu de son discours. Alors qu’en réalité, dans plusieurs passages de la Torah il est question de « marche » sans que cela signifie qu’il y ait une marche physique, c’est une habitude dans le texte. Dans la parasha Nitsavim au chapitre 29 : « ils marchèrent pour servir d’autres dieux. » Cela signifie-t-il que les bné-Israël quittent la terre d’Israël lorsqu’ils veulent être idolâtres ? Non. Dans Exode 2, 1, « un homme de la famille de lévy marcha et prit une fille de fille de Lévy pour épouse. » S’agit-il d’une marche physique ? Quel intérêt d’employer ce mot ici ? En dehors des différents midrashim, la réponse la plus simple est que c’est l’habitude du texte d’employer ce mot pour signifier un passage vers une nouvelle étape.
Par ailleurs, il est écrit dans la parasha Haazinou , qui est plus proche de la fin du discours de Moshé que la parasha Vayélekh , » vaykhal Moshé lédaber … » (32, 45). Pourquoi la Torah aurait-elle dit une première fois en plein milieu du discours que Moshé finit de parler, puis ensuite une nouvelle fois dans la parasha haazinou ? Moshé est-il comme un vieil orateur barbu qui dit dix fois dans son discours « et pour finir je dirais… » ?
Bref, ces différents éléments font que le pchat de la septante n’est pas plus pertinent que notre version du texte.
Chana Tova végmar ‘hatima tova
Bonsoir, et merci pour cet article très intéressant.
Cependant, il me reste un bon nombre d’interrogations concernant cette « critique » du texte.
En effet, tel que présenté, il semblerait qu’il y ait une « faute », mais je parlerais plutôt de « kouchia », une difficulté, au final. Ce n’est pas parce que l’on n’a pas de réponse satisfaisante qu’il n’existe pas de réponse qui n’aille pas dans le sens de la préservation du texte en état intégral, malgré les divers exemples où tu as montré qu’il y avait divergence entre les différentes traductions et le sens de la Torah que l’on a de nos jours
J’avais envie de faire remarquer le passage de Méguila 9 mais on m’a devancé, et c’est tant mieux.
Je voudrais revenir sur un des points essentiel de ton argumentation, à savoir l’appui sur de nombreux exemples de traduction et les rouleaux de Qumran.
1) concernant les traductions: en allant dans le sens de Méguila 9, rien ne nous garanti que la traduction de la Septante, de la Vulgate, ou même d’Ounkeloss soit la plus parfaite qui soit. D’ailleurs, je citerai 2 grands penseurs français:
Hugo: « Une traduction est une annexion. » et
Voltaire: « Malheur aux faiseurs de traductions littérales, qui en traduisant chaque parole énervent le sens ! C’est bien là qu’on peut dire que la lettre tue, et que l’esprit vivifie. » (pour ce dernier, malgré son antisémitisme apparement manifeste mais au fond contestable, on ne peut contester le génie dans le maniement du verbe).
La traduction est subjective, et même si le Talmud nous raconte que les 72 Sages ont traduit mot pour mot de la même façon (par Rouah Hakodesh diront certains, par transmission télépathique diront d’autres, ou sinon par le wifi de l’époque 😉 ), il n’empêche que le caractère « subjectif » d’une traduction reste véridique.
La traduction appauvrit de façon indiscutable la force d’un texte et peut être aussi son message.
Je donnerais un exemple qui m’est apparu aujourd’hui:
En regardant un clip vidéo de la chanson « Formidable » de Stromae, j’ai pu lire que
« You were wonderful, I was so pathetic » était la traduction qu’ils avaient gardé pour « Tu étais formidable, j’étais fort minable ». Dans cette chanson, il y a un jeu de mots entre « formidable » et « fort minable », qui, pour beaucoup de ceux qui auront écouté cette chanson sans l’avoir entendue, serait passée inaperçue. Or, l’un des intérêts de cette chanson réside dans ce jeu de mot, que la traduction annihile totalement. Alors certes, il ne s’agit que d’une chanson d’un jeune chanteur, mais je pense que l’exemple est assez criant de vérité pour mettre en garde au sujet d’une interprétation à l’appui d’une traduction.
Je terminerai mon « attaque » des traductions par ceci:
Dans leur livre « Les Secrets de l’Exode : L’Origine égyptienne des Hébreux », les frères Messod et Roger Sabbah fondent la théorie suivante: Les hébreux seraient en réalité des Egyptiens qui étaient des fidèles du pharaon Akhenaton, qu’ils nomment « prêtres Yahoud » (on se demande bien d’où ils ont trouvé cette appellation mais passons outre), et l’hébreu serait une langue issue de l’Egyptien et donc nous autres juifs serions des descendants des Anciens Egyptiens!!! (youhou, mais je ne vois pas en quoi ca importe dans le schmilblick).
Ils basent leur argumentation sur 3 points:
a) des mises en parallèles, assez facétieuses je dois dire, entre l’ « alphabet » egyptien et l’alphabet juif,
b) le commentaire de Rachi qui renvoit à Meguila 9, sauf qu’eux considèrent que les Sages auraient carrément trafiqué le texte suivant les époques, histoire de se faire bien voir par les différents occupants, ce qui est à la limite du fallacieux, comme argument…
c) le plus important dans cette partie « traduction »: en mettant en parallèle des « prononciations » Egyptiennes avec des prononciations hébraiques, et surtout en se basant sur des traductions d’Ounkelos qu’ils utilisent de façon détournée afin d’étayer leurs dires.
Alors oui, je recommande de lire leurs bouquins, afin de voir à quel point, avec des traductions, on peut être amené à faire des raisonnements qui sont radicalement opposés.
Mais bien évidemment, pour ce qui est de la compréhension du sens littéral du texte, compréhension globale sans rentrer dans trop de détails, la traduction simple est suffisante et indispensable. Pour le reste, et c’est ici l’objet de l’article je crois, il faut donc s’en méfier comme de la peste.
2) Concernant les rouleaux de Qumran:
a) ne pas oublier qu’on ne sait pas s’il s’agissait de rouleaux de torah ou plutôt de « houmachims ». La différence étant de taille: s’il s’agissait de houmachims, il se peut qu’ils n’aient pas eu un soin particulier à faire en sorte qu’il n’y ait pas d’inversion de lettre ou autre erreur. Ce qui signifie donc que les rouleaux de Qumran peuvent être défectueux.
b) Il s’agissait, selon toute vraisemblance, d’Esseniens. Ce qui signifie que leur approche du judaisme était assez différente de celle qu’on a de nos jours. J’ajoute que l’histoire de la guerre des Fils de Lumière contre les Fils des Ténèbres (dont j’ai pu lire quelques extraits récemment à Jérusalem) et les autres écrit qui sont présents dans ces rouleaux, montrent bien leur différence avec le judaisme pharisien, qui lui se rapproche beaucoup plus de ce que nous avons de nos jour. Ce qui montre que la « véracité » du contenu dédits rouleaux ne peut être parfaitement établie. En ce sens, je ne vois pas comment l’on peut les utilisés comme référentiel de comparaison.
Pour finir, je rajouterais le fait que Josèphe et Philon ne font pas l’unanimité non plus.
Pour Josèphe, ses écrits sont sujets à polémiques, leur exactitude est remise en cause (j’ai pu le lire dans un livre du Pr André Pochan) ou tout simplement par la présence de différences entre la description du Second Temple qu’il fait, et celle mentionnée dans le Talmud (oui, on pourra me dire que le Talmud se trompe peut être lui aussi mais dans ce cas c’est le serpent qui se mord la queue). Quand à Philon, le simple fait qu’il soit hellénisé entraîne la plus grande méfiance quand à ses écrits.
Hag saméah, en espérant que tu pourras répondre à mes remarques Emmanuel
PS: l’objet de ce commentaire n’est pas d’attaquer et/ou réfuter mordicus tes arguments, mais de pouvoir pousser la réflexion le plus loin possible, avec le plus grand sens … critique possible. Bien évidemment, si l’une ou plusieurs de mes affirmations est fausse ou erronée, je te prierai de me le faire savoir, car rester dans l’erreur n’est jamais une bonne chose 🙂 .
PS 2: les sujets concernant la critique biblique me passionnent, me fascinent autant qu’ils m’effraient. Et il est vrai que la réticence du monde rabbinique actuel à faire front sur ces sujets est assez consternante. J’espère pouvoir discuter de ces sujets avec toi à l’avenir, où bien par commentaire interposés sur un de tes articles sur ce blog.
Bonsoir Joel,
Gmar ‘Hatima Tova et merci d’avoir fait cette recherche ! C’est un peu curieux, chez moi je n’ai pas ces dibourei hamat’hil (sauf pour Ki Tavo, mais le dibour continue apres le « veGomer » et le commentaire semble bien concerner la citation).
Je ne suis pas sur, mais je pense vraiment que l’explication la plus simple est que des erreurs de copistes ou d’imprimerie se sont glissees dans nos editions, ou qu’il s’agissait de marquer la limite entre deux parachiot … comme indique dans ma note 3. Dur de voir quel pourrait etre ici le message profond de Rachi, a mon sens.
Salut à tous,
Concernant le Dibbour Hamat’hil, j’ai questionné un spécialiste de Rashi (que tu connais sûrement Emmanuel).
Petit background: les écrits de Rashi sont restés en manuscrits jusqu’à l’époque de l’imprimerie, donc pendant plusieurs centaines d’années. Puis, 3 impressions ont été faites à partir des manuscrits que chaque éditeur avait collecté.
On a accès à ces trois éditions encore aujourd’hui et on a vérifié: 2 des 3 éditions n’ont pas ce dibbour hamathil.
Donc, à 99%, c’est le troisième éditeur qui, seul, a pris la décision de rajouter ce dibbour hamathil sur vayélekh. Ce qui est très grave car, normalement, les dibbour hamathil font partie intégrante du pirush de Rashi. (Je vous renvoie par exemple au sefarim du Rabbi de Lubavitch sur Rashi et aux questions extrêmement minutieuses qu’il pose sur les Rashi).
Tizku Leshanim Rabbot
Merci de tes recherches Naty. C’est donc bien ce que nous pensions.
Quelqu’un peut m’expliquer cette histoire de dibour hamathil svp?
Bonsoir Nethanel,
Voyez la note de bas de page numero 3, qui a entraine quelques reactions dans les commentaires precedents, que je vous laisse lire.
Je vous dois une reponse pour votre long commentaire, je m’excuse de ne pas avoir encore trouve le temps de la rediger, mais je ne vous oublie pas !
Moadim LeSimha,
Emmanuel
Heureux de vous lire Emmanuel Bloch. Tous mes compliments a vous. Mais j' aimerais que vous m'indiquiez le texte du fragment de Qumran qui parle de Dt31,1. Merci de votre comprehension.