Chérissez la vérité et la paix – aux dirigeants du judaïsme français

אֱמֶת קְנֵה, וְאַל-תִּמְכֹּר; חָכְמָה וּמוּסָר וּבִינָה

Achète la vérité et ne la revends pas, non plus que la sagesse, la morale et la raison. (Prov. 23:23)

Depuis la fameuse histoire de Beith Shemesh, de nombreux leaders du judaïsme français se sont exprimés dans les média (juifs ou non). Personnellement, j’ai trouvé l’écrasante majorité de ces interventions lamentables. Je tiens d’ailleurs à signaler que la plupart d’entre elles débordent également de termes ambigus, voire de mensonges.

Je pense être un des premiers francophones à avoir dénoncé la montée de l’extrémisme en Israël, quelques mois avant que le sujet ne fasse la Une des média (cf. mon article « Cachez moi ce corps que je ne saurai voir, réflexion sur la Tsnyout ») . Je ne reproche donc pas aux différents intervenants de « laver le linge sale » en public, pour reprendre une expression familière. Ce que je leur reproche c’est d’avoir exagéré (voir modifié) la réalité à des fins opportunistes et peu louables.

Pour ceux qui désireraient connaître mon point de vue sur ce qui se passe en Israël, je renvoie à mon article « Pour l’amour de Sion », publié il y a deux semaines.

Ne pouvant pas réagir à chacune des interventions, je préfère me concentrer sur trois prises de positions principales :

– Celle du Rav Ron Chaya, rabbin orthodoxe et célèbre conférencier, publiée dansune vidéo disponible sur son site internet leava.fr.

– Celle du Rabbin Yeshaya Dalsace, rabbin de la communauté massorti de Paris,publiée dans le journal Libération et encore plus en détails sur le site internet de la communauté massorti.

– Celle du Rabbin Delphine Horvilleur, rabbin du Mouvement Juif libéral de France, publiée dans le journal Le Monde.

Si on se demandait ce qui unit les rabbins des mouvements orthodoxe, massorti et libéral français, la réponse nous a été fournie grâce à l’actualité israélienne : a)aucun des intervenants de ces mouvements ne cherche vraiment la vérité, b)aucun ne propose un bilan de conscience à sa propre communauté, c) chacun en profite pour attirer sur lui l’attention des médias.

Les pamphlets de ces trois rabbins, pourtant si différents, suivent exactement le même schéma :

  1. Constat objectif : Une minorité ultra-orthodoxe a commis des actes inquiétants.
  2. Généralisation : pour Dalsace et Horvilleur : tous les orthodoxes sont dans le même panier, des modernes aux ultras. Pour Chaya : les orthodoxes n’ont aucun tort, ils ne sont que la victime des médias antireligieux.
  3. Conclusion apologétique : pour Horvilleur, le problème a sa source dans la Halakha elle-même. La conclusion qui s’impose est bien simple : l’abandon de la Halakha (comme l’a fait le judaïsme libéral). Pour Dalsace, le problème n’est pas la Halakha, mais bien « la grille de lecture » qu’on y applique (pour reprendre sa propre expression). Conclusion tacite, optons pour un judaïsme moderne où la Halakha n’est pas figée (comme le monde Massorti ! Incroyable hasard). Pour Chaya, le judaïsme orthodoxe est le seul à respecter la femme, à l’inverse du monde occidental. Je vous épargne la sélectivité des références citées. Conclusion, soyez orthodoxes !

Mis à part l’extrême partialité de chacun de ces rabbins, il est frappant de constater qu’eux-mêmes s’estiment absouts du moindre reproche. Ainsi, le problème se trouvera toujours chez l’autre, tandis que la solution sera chez nous.

Pourtant, le mouvement libéral et le mouvement massorti sont tous les deux biens conscients du problème de transmission qui détruit leurs mouvements. S’ils apparaissent comme des courants « éclairés », encore faut-il réussir à transmettre cette flamme à la postérité… Une rapide lecture des blogs de rabbins réformés et conservatives américains montre bien que tout n’est pas rose non plus chez les Juifs « modernes, éclairés et égalitaires » de ces mouvements.

De même pour le mouvement orthodoxe. Les beaux discours apologétiques de Rav Chaya n’apaiseront en rien les extrémismes et les dérives, devenues quotidiennes, de ce mouvement. Pareillement, les citations talmudiques et rabbiniques qui placent la femme sur un piédestal n’effaceront pas leurs très nombreuses citations inverses.

Force est de constater que ces textes ne sont rien d’autres que des pamphlets propagandistes. La recherche de vérité y est absente, le but étant uniquement de rabaisser l’autre pour s’auto-valoriser.

Une chose m’étonne : ne réalisez-vous pas, Madame et Messieurs les rabbins, que pour satisfaire le non-Juif antisémite ou le Juif de bas étage, c’est votre amour d’Israël que vous sacrifiez ? Ne réalisez-vous pas que ce judaïsme grand public, soldé, n’attirera jamais une personne de qualité ?

Je veux croire qu’au-delà des différences, les rabbins Horvilleur, Dalsace et Chaya sont unis par leur réel souci pour l’avenir du judaïsme et leur empathie à l’égard de leurs frères juifs. J’espère qu’à l’avenir, les paroles du prophète éclaireront leurs chemins respectifs : La vérité et la paix, vous chérirez (Zach. 8:19).

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Je tiens tout de même à saluer l’excellente intervention du Grand Rabbin de France Gilles Bernheim.

Gilles Bernheim, à la différence de la plupart des autres rabbins, ne perd pas son temps dans des condamnations inutiles. Quelques mots à peine, mais sans équivoque, pour exprimer son opposition aux actes commis en Israël. Puis, le Grand Rabbin rappellent que ces actes ne représentent ni le monde orthodoxe, ni la vision juive. Enfin, et surtout, Gilles Bernheim ne conclut pas en flattant son propre camp, mais propose un véritable bilan de conscience sur la place de la femme au sein du judaïsme français.

Ainsi, il souligne l’importance de l’accès à l’étude pour la femme juive « qui ne peut être mineure dans sa connaissance du judaïsme ». Il rappelle que le respect de la dignité de la femme ne s’arrête pas aux portes de la Synagogue, où les femmes sont souvent placées « dans des sortes de poulaillers (!) », et soulève les problèmes du divorce juif et des Agounot en France (pour plus de détails sur ce sujet, je renvoie à l’article de Janine Elkouby, « Quelles solutions pour les messorevot guet ? » publié sur le blog). Enfin, il conclut en s’engageant à œuvrer dans ce sens et en appelant la communauté juive française à faire de même. Un discours honnête et sans démagogie. Bravo.

 

  Je conseille également la réponse de mon ami Emmanuel Bloch, publiée sur le site cheela.org.

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